Depuis le 14 mai et son évasion sanglante au péage d’Incarville (Eure), Mohamed Amra, 30 ans, est l’homme le plus recherché de France après la mort de deux surveillants pénitentiaires, abattus par les membres du commando venus l’extraire de son fourgon cellulaire. Présenté comme ancré dans "une délinquance de moyenne intensité", ce père d’un petit garçon de trois ans affiche treize condamnations à son casier judiciaire.
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00:00 [Générique]
00:04 Avec nous, Yvan Gombert, secrétaire national de FO Direction le syndicat majoritaire des directeurs de prison.
00:10 Vous avez vous-même dirigé la maison d'arrêt de Nanterre.
00:14 Merci d'être avec nous ce matin avec Stéphane Sélami du service Police-Justice de BFMTV.
00:20 Et ses révélations ce matin, on est au dixième jour de la cavale de Mohamed Emra,
00:25 qui s'est donc évadé, on le rappelle, lors de l'attaque de ce fourgon pénitentiaire à un péage de l'heure, mardi dernier.
00:31 Deux agents pénitentiaires ont été tués dans cette évasion, on le rappelle.
00:36 Et ce que vous nous apprenez ce matin, Stéphane, c'est que Mohamed Emra n'est pas le petit délinquant qu'on a décrit dans un premier temps.
00:46 On apprend en fait que sa cellule a été très surveillée pendant deux années à la prison de la santé.
00:50 Qu'apprend-on de cette surveillance ?
00:52 Ce qu'on découvre, c'est qu'effectivement, il n'est pas du tout ce délinquant de moyenne intensité, comme on a pu le décrire.
00:59 C'est un véritable narcotrafiquant qui gère ses affaires.
01:03 Au-delà du trafic de stupéfiants, il gère vraiment ses affaires,
01:07 c'est-à-dire qu'il donne des ordres à ses complices pour gérer les terrains, les points de deal.
01:11 Mais il menace aussi et il va même jusqu'à organiser un enlèvement.
01:15 Alors détaillons tout ça, Stéphane.
01:17 D'abord, les téléphones portables, il les collectionnait ?
01:19 On peut dire qu'il en avait à volonté.
01:22 Les surveillants pénitentiaires en ont saisi neuf en l'espace de cinq mois,
01:26 entre le mois de janvier et le mois de mai 2023.
01:28 Neuf, alors qu'il est détruit à la prison de la santé à Paris.
01:30 Donc tout ça pour gérer sa petite entreprise du crime.
01:33 Mais ce n'est pas une petite entreprise du crime, c'est une grosse entreprise.
01:36 Oui, on peut considérer que c'est une moyenne grosse entreprise du crime.
01:40 On parle de trafic de stupéfiants, on parle d'enlèvements.
01:42 Trafic de stupéfiants, c'est-à-dire qu'il donne des ordres de sa cellule.
01:45 Exactement.
01:45 Pour pouvoir également ménager son équipe, il fait commander des armes, on est d'accord ?
01:52 On est d'accord.
01:54 Quel type d'armes ?
01:55 C'est assez précis.
01:56 Lui ne veut que des fusils mitrailleurs qui tirent en mode rafale.
02:01 Il va être même encore plus précis puisqu'il parle de modèle AR des Américaines.
02:06 Ça correspond au modèle AR-15, en dotation notamment dans l'armée américaine.
02:10 C'est ce type de fusil mitrailleur qui a été utilisé lors de son évasion de ce fourgon cellulaire.
02:18 Pour être très clair, on apprend tout ça parce que sa cellule était très, très, très surveillée,
02:25 que ce soit à la prison de la santé ou ailleurs.
02:28 Donc ça veut dire que, M. Gombert, les patrons d'établissements à la santé ou ailleurs étaient conscients de ça ?
02:38 Ça me questionne beaucoup sur la transmission d'informations.
02:41 Moi, je n'ai essentiellement que des questions.
02:43 Je pense que l'administration pénitentiaire n'était pas au courant
02:46 puisqu'au vu des éléments que j'ai lus dans votre article,
02:50 on avait largement les moyens de le classer en DPS.
02:52 Donc une question, comment se fait-il qu'avec ces éléments d'informations,
02:58 on ne les ait pas classés en DPS ?
03:00 Moi, je pense qu'on n'avait pas assez d'informations
03:03 puisqu'au vu des informations, on n'avait pas assez d'informations.
03:06 J'ai d'autres questions.
03:08 Neuf téléphones à Paris la Santé, c'est un établissement qui est doté d'un brouilleur.
03:12 Comment ça se fait qu'on trouve neuf téléphones dans un établissement doté d'un brouilleur ?
03:16 Ça montre peut-être les différences du système.
03:20 Il serait peut-être temps de se poser des questions de l'évaluation du dispositif
03:24 quand on sait que ça coûte très cher un brouilleur pour un seul établissement.
03:29 OK.
03:30 Pardon, M. Gombert, ces informations ne sont pas tombées du ciel.
03:34 On est d'accord, Stéphane Céline ?
03:35 Clairement, oui.
03:36 Donc ces informations, elles existent ?
03:38 Est-ce qu'elles ont été transmises ?
03:40 Et à qui, Stéphane ?
03:41 Alors, on sait aujourd'hui que ce sont des informations recueillies
03:44 dans le cadre d'une information judiciaire menée par une juge d'instruction de Marseille,
03:50 de la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, la JIRS de Marseille.
03:54 Dans quel cas ?
03:54 Dans le cadre d'une enquête pour un meurtre en bande organisée.
03:58 C'est ce fameux meurtre qui remonte au mois de juin 2022 du côté du Rhove.
04:03 C'est une petite commune dans les Bouches-du-Rhône.
04:05 Ce jour-là, on avait retrouvé le corps carbonisé d'un homme dans une voiture
04:09 qui avait été abattu d'une balle en pleine tête.
04:11 Et dans cette affaire, Mohamed Amra, surnommé "la mouche", "les mouches", "Momo",
04:16 est soupçonné, il a même été mis en examen au mois de septembre 2023.
04:20 Donc on a un vrai sujet, M. Gombert, sur la transmission de ces informations.
04:23 Parce que ce qui est terrible dans tout ce qu'on raconte,
04:25 c'est que Stéphane nous dit "9 téléphones portables",
04:27 comme si tout ça était normal.
04:30 Mais c'est votre quotidien et on est en train, enfin on s'y habitue,
04:34 au point que des gens comme Mohamed Amra gèrent,
04:39 continuent à gérer leur trafic comme si de rien n'était, en cellule.
04:42 Oui, exactement.
04:46 Ça questionne, parce que moi, quand j'étais sur le centre pénitentiaire de Nanterre,
04:51 effectivement, on avait cette problématique de trafic géré depuis la détention,
04:56 mais on n'avait pas de brouilleur.
04:57 Moi, ce qui me questionne, c'est 9 téléphones dans une cellule
05:01 d'un individu sur Paris la Santé, alors qu'il dispose d'un brouilleur.
05:05 C'est coûteux pour un effet qui questionne.
05:10 Pardonnez-moi, c'est moins le brouilleur que le fait que ces téléphones,
05:14 mais je sais que c'est votre quotidien et que c'est aujourd'hui une information totalement banale,
05:18 que ces téléphones entrent en prison, je ne sais pas comment d'ailleurs, par drone.
05:23 Ils ont des jeteurs qui lancent effectivement par-dessus les murs des prisons.
05:26 Et tout le monde s'en accommode.
05:28 Personne ne s'en accommode.
05:31 Je vous assure, personne ne s'en accommode.
05:33 Mais la difficulté, c'est de réussir à casser les réseaux
05:36 qui font rentrer ces téléphones en détention.
05:38 Et c'est peut-être pour ça qu'on a laissé faire,
05:40 pour essayer d'avoir des informations en surveillant particulièrement sa cellule, Stéphane.
05:44 Oui, exactement.
05:45 C'est effectivement les méthodes aussi d'investigation des juges d'instruction.
05:48 C'est de savoir jusqu'où vont ces personnes qui sont placées sous surveillance
05:55 pour essayer de savoir avec qui ils travaillent
05:57 et dans quelles affaires finalement ils sont impliqués.
06:01 Alors c'est anecdotique, mais ça énerve aussi sur ces conditions de vie en prison.
06:04 Qu'est-ce qu'on apprend dans la surveillance de sa cellule ?
06:07 Il avait une chicha le soir pour agrémenter ses soirées.
06:09 C'est normal ça ?
06:10 Les soirées d'été.
06:11 Monsieur le directeur, c'est normal ça ?
06:13 Non, je pense qu'on a découvert une chicha
06:17 et elle lui a été évidemment retirée et s'est interdite en détention.
06:20 Mais enfin une chicha, ça ne tient pas dans la poche.
06:23 Non, on est d'accord, ça ne tient pas dans la poche.
06:26 Donc c'est rentré par une voie qui est identifiée.
06:31 Je ne connais pas spécialement le dossier,
06:33 mais il est évident que ce n'est pas rentré par une voie normale,
06:37 ni par projection, ni par drone en détention.
06:41 C'est sûr.
06:42 Je voudrais qu'on revienne à l'essentiel.
06:43 Vous dites qu'il y a quand même un problème de transmission
06:46 des informations essentielles liées à la fois aux activités et au portable.
06:50 Franchement, si ces informations étaient parvenues
06:53 jusqu'à la direction de la prison, jusqu'à l'administration pénitentiaire,
06:57 est-ce que les conditions d'extraction de Mohamed Hamra
07:00 auraient été les mêmes le jour que vous savez ?
07:03 Oui, parce qu'au vu des éléments que vous nous avez donnés,
07:07 on voit bien qu'il dispose d'une bande organisée,
07:11 qu'il avait acheté des armes.
07:13 Donc tous ces éléments justifient un classement au répertoire des DPS.
07:19 Et donc, il aurait dû être accompagné des forces de sécurité intérieure.
07:23 Donc la procédure aurait dû être différente.
07:28 La procédure aurait dû être différente.
07:30 Alors pour plus de détails, si vous voulez,
07:32 quand on motive une décision de classement DPS,
07:34 on n'a pas forcément besoin d'avoir tous ces détails.
07:37 Mais le fait qu'il dispose d'un réseau extérieur en bande organisée
07:41 suffisait très largement au classement dans le répertoire des DPS.
07:47 Donc le juge d'instruction aurait dû au moins nous informer de...
07:50 Voilà, comment ?
07:52 En quoi ça aurait été différent si cette information a été remontée ?
07:55 C'est pas le même type d'escorte.
07:59 Là on avait une escorte purement pénitentiaire,
08:01 alors que là on aurait une escorte qui était accompagnée
08:06 des forces de sécurité intérieure avec des armes de guerre.
08:08 Bon, alors si on continue Stéphane, dégrainer les éléments,
08:12 il y a la sœur.
08:13 Oui.
08:13 Vous voulez bien nous parler de la sœur ?
08:15 Oui, bien sûr. Sa sœur est née, qui est âgée de 34 ans,
08:18 puisque lui a 30 ans, a aussi participé à son confort en détention,
08:24 puisqu'elle a été placée aussi en garde à vue à un moment donné
08:26 dans cette affaire de meurtre à Marseille, du côté de Marseille.
08:29 Elle a indiqué qu'elle avait fait rentrer une carte SIM
08:33 lors d'un des premiers séjours en détention de son frère, Mohamed Amra.
08:38 Et elle a également aidé une jeune femme qui était la petite amie de son frère
08:43 à aller au parloir de la santé en lui laissant,
08:46 en prenant des rendez-vous à son nom, mais en lui donnant sa carte d'identité.
08:50 Elle s'est fait passer pour elle ?
08:52 Exactement, la petite amie s'est fait passer pour la sœur.
08:54 Et c'est passé ?
08:54 Et c'est passé visiblement, puisqu'il y a eu…
08:56 C'est-à-dire que la sœur, enfin les gardiens pensaient que c'était la sœur,
08:59 en fait c'était la petite amie, la carte d'identité.
09:01 Voilà, parce qu'elle avait la carte d'identité,
09:02 alors je ne sais pas s'il y a une ressemblance entre les deux,
09:03 je n'ai pas vu le document d'identité,
09:05 et je n'ai pas vu le visage ni de la sœur ni de cette petite amie,
09:08 mais elle a pu rentrer et aller au parloir pour rencontrer Mohamed Amra,
09:12 donc son petit ami.
09:13 C'est trop dans la raquette, c'est ça ?
09:14 Oui, c'est un aufémi, mais enfin, ce matin on a forcément une pensée
09:19 pour les familles des gardiens qui ont perdu la vie et qui entendent ça ce matin.
09:25 Un hommage à National a été rendu hier,
09:27 vous avez vu les images en direct sur BFMTV,
09:30 et après Adeline, il y a eu un autre hommage encore plus poignant.
09:33 Oui, un hommage plus intime devant la mairie de Turi Harcourt,
09:36 c'est la commune du Calvados dont était originaire l'un des deux agents,
09:39 en l'occurrence Fabrice Morello.
09:42 Il y a eu des témoignages très touchants,
09:43 bouleversants même devant cette mairie de Turi Harcourt.
09:49 Toujours souriant, toujours en train de déconner, voilà quoi.
09:55 On les voyait, on savait qu'on allait passer une bonne journée,
09:57 parce que même des choses tristes,
09:59 ils savaient nous les mettre avec la joie et la bonne humeur.
10:02 On les voyait presque tous les jours, on mangeait ensemble presque tous les jours.
10:05 Du jour au lendemain, on ne les voit plus, on ne voit plus personne.
10:09 On a perdu deux super personnes.
10:12 Merci beaucoup, M. Gombert, d'avoir été en direct avec nous ce matin sur BFMTV,
10:15 un petit peu au pied levé pour vous dire un peu les coulisses, évidemment, de ce rendez-vous.
10:19 Stéphane, compte tenu de ces informations, on ne va pas en rester là ?
10:23 Il va y avoir une enquête dans la pénitentiaire ?
10:26 De toute façon, il y a déjà une enquête dans le cadre de cette information judiciaire.
10:29 Et puis là, effectivement, la question va peut-être se poser de savoir
10:32 si un certain nombre d'informations n'auraient pas dû être remontées plus rapidement
10:36 à l'administration pénitentiaire pour qu'elle prenne des mesures.