Jérôme Fourquet, directeur du département "Opinion et stratégies d'entreprise" de l'IFOP, était l’invité de BFM Politique ce dimanche 26 mai.
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00:00 Le politologue Jérôme Fourquet, invité de BFM Politique, Jérôme Fourquet, avant de commencer cette interview,
00:05 je signale à ceux qui vous regardent, nous regardent chez vous, que vous pouvez interroger, interpeller directement Jérôme Fourquet.
00:12 Il suffit pour cela de flasher le QR code qui va apparaître à la droite de l'écran
00:15 et nous relayerons les questions des téléspectateurs tout au long de cette émission.
00:19 Jérôme Fourquet, je voudrais qu'on commence avec ce qui s'est passé hier en marge de la finale de la Coupe de France,
00:24 une bagarre générale qui a éclaté entre supporters parisiens et lyonnais.
00:27 Les images, il faut dire, sont impressionnantes. Un bus est parti en fumée, deux autres ont été endommagés.
00:34 Au total, 38 blessés légers, dont huit policiers, le tout près d'un péage, ce qui a provoqué la fermeture de l'autoroute dans les deux sens,
00:41 à deux mois, jour pour jour, de l'ouverture des Jeux olympiques. Cela donne une impression de désordre, Jérôme Fourquet ?
00:46 Oui, les images sont assez marquantes. Alors, on est hélas habitué, ce n'est pas la première fois qu'en marge de rencontre de football,
00:54 on a des débordements, des scènes de violence et on voit qu'à chaque fois, les forces de l'ordre peinent à intervenir et à ramener l'ordre.
01:05 Ça s'effectue, mais au bout d'un moment. Et tout ça installe encore un peu plus dans la population l'idée d'un ensauvagement et d'une perte de contrôle.
01:16 On se souvient de ce qui s'était passé à l'été 2022 au moment d'un match au Stade de France, une finale de...
01:23 - Coupe de l'Olympique des Champions, oui. - Coupe d'Europe, Olympique des Champions.
01:26 On a eu d'autres événements entre Marseillais et Lyonnais, avec un entraîneur qui a été blessé des bus de supporters adverses qui ont été caillassés.
01:38 Et le contraste était assez saisissant hier, sur ventre antenne, quand en parallèle de ces images, étaient montrées d'autres images,
01:46 celle d'un président de la République déambulant dans les rues de Tourcoing.
01:50 - Oui, qui s'est rendu à un événement militant organisé par Gérald Darmanin à Tourcoing. - Dans la ville de Tourcoing, en marge de ce match.
01:56 Et donc on voit comment l'agenda gouvernemental, à la fois les déplacements, mais également la communication,
02:04 est percuté et rattrapé en permanence par la montée de la violence dans notre société.
02:10 Pas plus tard qu'il y a une quinzaine de jours, le président de la République devait se rendre en Normandie à Fécamp pour l'inauguration d'un parc éolien en mer.
02:19 Et le déplacement était annulé en raison de la... - De ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie.
02:24 - Et également, à quelques dizaines de kilomètres de là, par l'attaque du fourgon cellulaire qui a coûté la vie malheureusement à deux gardiens de prix.
02:33 - Oui, mais là, en l'espèce, est-ce que c'est pas plutôt, j'allais dire, un problème endogène au football et aux supporters de football, finalement ?
02:42 Les clubs, les instances sportives, les fédérations qui n'arrivent pas à gérer ce problème de foot, de supporters en France.
02:53 Ça a quand même été géré dans d'autres pays, en Angleterre, on pense notamment, en Espagne.
02:58 Et donc finalement, c'est un problème vraiment... Touche d'abord le foot. Et au fond, ça va pas au-delà du foot s'agissant du sport.
03:08 - Oui, alors, comme vous l'indiquez Bruno, je dis, c'est peut-être aussi une spécificité française.
03:13 Alors, il y a eu aussi des violences en Turquie récemment dans un match de football, sauf que ça s'ajoute à d'autres scènes de violence
03:21 dans d'autres compartiments de la société, des rixes au couteau entre jeunes, des agressions de policiers.
03:28 Et donc toutes ces images, encore une fois, entretiennent un bruit de fond, même si elles sont spécifiques à l'univers du football.
03:35 Elles participent d'un paysage plus général qui est celui d'une dégradation de la situation sécuritaire.
03:41 Vous évoquiez le bilan du côté des forces de l'ordre, 8 policiers blessés.
03:46 Il faut savoir qu'en France, chaque jour, on a 40 membres des forces de l'ordre qui sont blessés. 40 personnes tous les jours.
03:53 Un refus d'obtempérer signalé toutes les 20 ou 30 minutes en moyenne en France.
03:59 Et tout ça, bien évidemment, entretient la chronique, est relayé sur les réseaux sociaux et fait monter ce sentiment d'une perte de contrôle de la part de la puissance publique.
04:08 Encore un mot sur ce sujet avant de parler d'assurance-chômage.
04:11 Vous évoquiez il y a un instant la concordance, effectivement, en ces scènes du président de la République et ce qu'on en a pu voir près de ce péage.
04:17 Rappelons que c'était des images du président de la République en direct, qui n'étaient pas au même moment que ce qui s'était passé.
04:22 Mais c'est vrai qu'il y a une sorte de conjonction des deux moments.
04:26 Cela confirme que la question de l'autorité, la question des violences, c'est au fond une forme de talon d'Achille pour le gouvernement de Gabriel Attal,
04:36 pour le président de la République, qui donne parfois l'impression de courir après ce sujet.
04:40 On a encore eu des annonces en fin de semaine de la part du Premier ministre sur la question de la violence des mineurs.
04:45 Oui, oui, tout à fait. Alors on peut ajouter les images spectaculaires de ce qui se passe depuis une dizaine de jours maintenant en Nouvelle-Calédonie.
04:53 Également, la série d'agressions, de meurtres et de violences liées au trafic de drogue qui endeuillent quasiment chaque semaine une cité française.
05:08 Pas plus tard qu'hier ou avant-hier, on a eu une attaque à la grenade.
05:12 De mémoire, je crois que c'est la première fois que ça se fait en France sur un point de deal en Seine-Saint-Denis.
05:17 On a eu trois morts à Sevran il y a quelques jours, une fusillade à Toulouse.
05:22 Et donc encore une fois, cette idée de bruit de fond qui s'impose, qui sature l'espace public.
05:28 Et le gouvernement et la puissance publique sont à chaque fois en réaction et dans les cordes.
05:32 Question de Bruno Jeudis sur les annonces de Gabriel Attal.
05:36 Alors le Premier ministre a enfin détaillé ce matin dans la tribune Dimanche la réforme de l'assurance chômage.
05:42 Elle était attendue puisque les partenaires sociaux ne se sont pas mis d'accord.
05:46 C'est un sévère tour de vis.
05:47 Cette troisième réforme de l'assurance chômage depuis 2017 est sans doute la plus dure.
05:53 Pour faire simple, il y a un chiffre qu'il faut retenir.
05:55 C'est que la durée d'indemnisation, nous dit le Premier ministre, va passer de 18 à 15 mois au 1er décembre.
06:02 Alors question simple, est-ce que c'est risqué pour le gouvernement dans cette période électorale ?
06:08 Ou est-ce qu'au fond, les Français s'agissant de l'assurance chômage ont compris qu'elle était très généreuse ?
06:14 Il faut un peu rogner là-dessus, mais qu'au fond, ça passe.
06:19 Alors quand on regarde les enquêtes d'opinion, ce qu'on constate depuis deux ou trois ans,
06:24 c'est un changement majeur sur les priorités des Français qui, historiquement, depuis 30 ans,
06:29 plaçaient systématiquement en tête de leurs préoccupations et ce qu'ils assignaient comme priorité numéro un au gouvernement,
06:36 c'était la lutte contre le chômage.
06:38 Aujourd'hui, la lutte contre le chômage a rétrogradé au milieu de tableau dans les préoccupations et les priorités des Français.
06:44 Ça a été remplacé par le pouvoir d'achat.
06:46 Les Français constatent par ailleurs que...
06:49 – Ça c'est parce que le chômage a vraiment baissé ?
06:51 – Alors en partie, il est à 7,5% et les Français constatent que dans les entreprises ou les administrations dans lesquelles ils travaillent,
06:58 on peine à recruter, qu'il y a en bon français un turnover qui est important.
07:04 Et tout ça nourrit l'idée que, sans doute, alors même qu'il reste encore 7,5% de chômage en France,
07:13 sans doute pour beaucoup de Français, que le modèle qui a été mis en place n'est pas, comme on le dit, du côté du gouvernement, assez incitatif.
07:22 Quand on regarde d'autres données de sondage, vous savez, où on demande à des Français "est-ce que vous adhérez ou pas à telle ou telle idée ?"
07:28 et donc il y a une formulation assez classique qu'on suit depuis une vingtaine d'années qui dit
07:32 "les chômeurs pourraient trouver du travail s'ils le souhaitaient vraiment",
07:36 on a à peu près 60% de Français qui adhèrent à cette opinion-là.
07:40 Et même dans les électorats de gauche où l'idée n'est pas forcément majoritaire, mais en tout cas il y a une part relativement importante...
07:46 - Alors, c'est pas majoritaire à gauche... - C'est un majoritaire mais qui est favorable à cette idée.
07:50 - Et donc en termes de risque politique et social, c'est moins risqué de s'attaquer à ça que de s'attaquer par exemple à la retraite
07:58 ou au déficit public en, par exemple, disons qu'il va falloir augmenter les impôts ou la fiscalité.
08:04 - En résumé, on voit assez rarement de manifestations monstres, de grandes mobilisations pour défendre dans les rues les droits des chômeurs.
08:12 - Tout à fait. Même si les organisations syndicales, en amont de cette annonce pour essayer d'installer un rapport de force,
08:19 avaient appelé à la mobilisation et cette mobilisation n'a pas été trop importante.
08:24 Le diagnostic qui est fait du côté du gouvernement émane notamment de quelqu'un comme Bruno Le Maire
08:32 qui avait dit il y a quelques mois maintenant, à périmètre constant, si on conserve notre modèle social,
08:39 nous ne pourrons pas atteindre l'objectif présidentiel qui était de ramener la France au plein emploi à la fin du deuxième quinquennat d'Emmanuel Macron,
08:47 d'où leur idée de bouger les paramètres de l'équation. Donc on verra ensuite si dans les modalités d'application, les choses donnent des résultats ou pas.
08:58 - Est-ce que ça ne lui permet pas aussi de souligner les contradictions du Rassemblement national sur la question,
09:05 puisque le parti de Marine Le Pen combat cette réforme alors même que historiquement,
09:11 son électorat est quand même en grande partie favorable à la lutte contre l'assistanat ?
09:16 - Oui, alors le RN s'en tire souvent par une pirouette en disant qu'on a un assistanat qui profite à certains,
09:25 qui est financé par beaucoup de salariés modestes qui, eux, n'ont pas droit à toute une série d'avantages.
09:33 Donc c'est une façon d'essayer de répondre au RN. Et c'est aussi sans doute un message envoyé à l'électorat de droite,
09:42 notamment l'électorat retraité, qui lui est massivement favorable à ce type de réforme.
09:47 Donc c'est, si vous voulez, un signal supplémentaire de la réorientation à droite de l'axe de la majorité présidentielle.
09:57 - Question de Pauline sur la Nouvelle-Calédonie. D'ailleurs, vous rentrez du voyage présidentiel, Pauline.
10:01 - Absolument. Un déplacement express à Nouméa pour Emmanuel Macron.
10:06 Après avoir posé une forme d'ultimatum, il a temporisé sur place.
10:12 Il a dit qu'il ne voulait pas passer en force sur cette réforme contestée des gels du corps électoral en Nouvelle-Calédonie.
10:18 Il a tenté de renouer le dialogue, d'appeler à la fin des violences.
10:23 Dans nos colonnes, ce matin, il se dit quand même prêt à aller au référendum sur cette question.
10:29 Quand vous regardez le bilan de son déplacement, est-ce que, selon vous, alors que les violences continuent, il faut le dire, sur place,
10:37 est-ce qu'il a quand même réussi à reprendre la main ou, au fond, est-ce que l'absence de résultats à court terme témoigne d'une forme d'impuissance ?
10:45 - Alors, il faut être très modeste sur ce sujet qui est éminemment complexe.
10:52 Et de mon point de vue, il était parallèlement illusoire de penser que, même si c'est le président lui-même...
10:59 - Oui, qu'un déplacement suffirait. - ...qui se déplace...
11:02 - Lui était convaincu, persuadé que ça venait à aller changer les choses et...
11:06 - Alors, c'est peut-être une critique qu'on peut formuler à son égard.
11:11 C'est de penser qu'il y a une forme de pensée magique qui fait que...
11:18 - Oui, de conviction que lui seul est capable d'aller régler des crises.
11:21 - Et très rapidement. - Et ce n'est pas la première fois qu'on le voit, d'ailleurs.
11:24 - Et cette crise en Nouvelle-Calédonie s'ancre dans une histoire très douloureuse.
11:28 On remonte aux événements, ce qu'on appelle les événements des années 80.
11:32 Il y a eu 90 morts sur l'île qui, à l'époque, ne comptait que 160 000 habitants.
11:37 On voit que là, le bilan humain est déjà de 7 victimes.
11:40 Si vous êtes rendu sur cette île, vous voyez comment les deux communautés sont à couteau tiré,
11:46 comment on a basculé véritablement dans un scénario de guerre civile,
11:51 avec des milices d'autodéfense qui se sont spontanément créées pour défendre chacun son quartier.
11:57 On a plus de 100 000 armes à feu qui sont en circulation sur une île de 270 000 habitants.
12:02 On a une économie qui a été totalement détruite, avec notamment le poumon économique qui est la filière du nickel.
12:11 Et l'intersyndicale de cette grande usine de traitement de nickel a appelé à la levée des barrages,
12:17 sans quoi le four qui permet de traiter le nickel allait être mis à l'arrêt
12:20 et que ça mettait donc en péril toute la filière.
12:23 Et donc c'est illusoire de penser qu'en 24 heures, on peut régler un problème aussi épineux et aussi enflammé que celui-ci,
12:33 sachant que de mon point de vue, il n'y a sans doute pas forcément de bonne solution.
12:36 C'est-à-dire ne pas dégeler le corps électoral, c'est-à-dire que ça revient à dénier le droit de vote,
12:41 qui est quand même un droit élémentaire à des milliers d'habitants de la Nouvelle-Calédonie,
12:46 et dégeler ce corps électoral, ça revient à diluer le poids de la minorité,
12:51 qui est aujourd'hui une minorité canaque, qui sont les habitants historiques,
12:57 et donc on éloigne encore un peu plus la perspective du référendum.
13:00 Donc c'est sans doute peut-être quelque chose que certains nombres de nos responsables politiques ont oublié,
13:05 c'est que l'histoire est souvent tragique et qu'il n'y a pas forcément moyen de faire des deals.
13:10 Et là, on est typiquement dans une situation post-coloniale qui est très très compliquée à gérer
13:17 et qui va donner encore hélas lieu à de nombreux sous-brosseaux.
13:22 – Juste avant de donner la parole à Bruno Jeudy,
13:24 ce que dit donc, Pauline le disait, le président de la République dans les colonnes du Parisien,
13:28 c'est qu'il est prêt à aller au référendum.
13:30 Pour ceux qui nous regardent, ça voudrait dire comme un même texte a été voté
13:33 dans les mêmes termes à l'Assemblée et au Sénat,
13:35 consulter tous les Français à travers un référendum
13:39 sur précisément cette question du dégel du corps électoral.
13:42 Est-ce que ça a du sens ?
13:43 Rappelons que le dernier référendum en la matière date de 1988
13:47 et de ce que vous savez finement de l'opinion,
13:51 comment réagiraient les Français consultés dans leur ensemble
13:54 sur la question de la Nouvelle-Calédonie ?
13:55 Au fond, comment regarde-t-il ce qui est en train de se passer là-bas ?
14:01 – Comme vous le savez, c'est très loin la Nouvelle-Calédonie.
14:04 Cette histoire est compliquée et vous faites référence au référendum de 1988
14:09 qui de mémoire avait été marqué par une abstention très importante.
14:11 – 63% d'abstention.
14:13 – Avec celui sur le passage au quinquennat.
14:17 Et donc, consulter aujourd'hui les Français sachant qu'en 1988,
14:21 on les avait consultés sur la perspective de l'indépendance,
14:24 là c'est sur une mesure très technique qui serait le dégel d'un corps électoral
14:27 pour les élections provinciales.
14:29 Donc je pense qu'on s'acheminerait de nouveau
14:32 vers une abstention très importante.
14:36 Et pour revenir ensuite à votre question sur comment les Français voient ça,
14:40 une bonne partie considère que tout ça est loin
14:44 et ensuite on réagit en fonction de ces attaches partisanes.
14:47 Les gens qui ont le cœur plutôt à gauche considèrent
14:50 qu'on est dans une situation post-coloniale
14:52 et qu'il va falloir aller vaille que vaille vers l'indépendance.
14:56 Quand des gens qui sont plus de sensibilité de droite
15:00 considèrent qu'il faut maintenir l'ordre,
15:02 que trois référendums ont déjà eu lieu
15:05 et que la place de la Nouvelle-Calédonie reste dans la France.
15:08 Bruno ?
15:09 Tout à l'heure vous dressiez un tableau un peu de la France de 2024
15:14 marqué par les violences qui vont crescendo dans les banlieues,
15:20 ce qui s'est passé dans l'heure avec les gardiens de la pénitentiaire
15:24 et puis précédemment dans les établissements scolaires.
15:27 Là on a la Nouvelle-Calédonie
15:31 avec vraiment un climat insurrectionnel de guerre civile,
15:35 quand on voit les images.
15:36 Est-ce que ça peut avoir un impact sur le scrutin européen dans 15 jours ?
15:40 Alors comme on dirait à la bourse,
15:42 je pense que tout ça est déjà intégré dans les cours,
15:44 c'est-à-dire qu'on s'interroge sur la dynamique Bardella.
15:48 D'après notre sondage Rolling quotidien pour le Figaro LCI,
15:52 il est aujourd'hui à plus de 30%, à 32%.
15:56 Bien évidemment, on y reviendra peut-être tout à l'heure,
16:00 les considérations économiques pèsent.
16:02 On voit comment ce parti, comme d'habitude,
16:05 fait des scores très importants dans les milieux populaires,
16:08 les ouvriers, les employés,
16:09 chez qui la question du pouvoir d'achat est centrale.
16:12 Mais le carburant historique du vote pour l'ERN,
16:16 c'est ce type d'image, c'est ce type de situation.
16:20 Et donc ce bruit de fond, de montée des violences et de la délinquance,
16:25 alimente au long cours la dynamique du Rassemblement national.
16:30 Vous évoquiez, Bruno, aujourd'hui toute une série d'événements.
16:33 Si on remonte à l'année dernière,
16:37 toute la France a été marquée par le drame de Crépole,
16:40 et plus tôt encore, à l'été dernier, par les émeutes,
16:44 qui là aussi, en termes d'images,
16:47 ne sont pas sans rappeler ce que nous voyons aujourd'hui.
16:49 Et donc c'est tout cet ensemble-là qui, de notre point de vue,
16:53 explique le score.
16:55 Alors pour l'instant, ce ne sont que des intentions de vote.
16:58 - Assez. - Sur laquelle on reviendra dans une deuxième partie,
17:01 juste avant de faire une très courte pause.
17:03 Ce qui est intéressant aussi avec le sujet calédonien,
17:07 c'est qu'au fond, il apparaît comme un révélateur
17:09 d'un certain nombre de contradictions des partis politiques.
17:11 Le Rassemblement national qui change à 180 degrés,
17:13 jadis ultra-pro-loyaliste désormais,
17:15 qui fixe la perspective d'un référendum dans 40 ans.
17:18 Vous avez aussi une partie de la gauche qui exalte l'identité en Nouvelle-Calédonie,
17:24 alors qu'elle est extrêmement pusillanime à l'idée de manier ce concept
17:28 en métropole.
17:29 C'est aussi une sorte de révélateur de ces contradictions, le sujet calédonien ?
17:33 - Oui, bien sûr.
17:35 Le Rassemblement national, comme vous l'avez rappelé,
17:38 a toujours pris fait et cause historiquement
17:41 pour le camp loyaliste.
17:44 Et le camp loyaliste lui rendait bien d'ailleurs,
17:46 puisque le Rassemblement national,
17:48 et avant le Front national, font des scores
17:51 très importants dans la population caldoche.
17:54 Quand on regarde les résultats dans certaines communes, c'est très net.
17:58 Alors Marine Le Pen a sans doute voulu quelque part botter en touche,
18:02 puisqu'elle a souhaité un référendum d'ici 40 ans.
18:07 Ça veut dire que 40 ans, c'est ce qui nous sépare des événements des années 80.
18:12 Vous voyez, on remet du temps au temps,
18:14 et donc pendant ces 40 années, on est dans une espèce de statu quo.
18:18 Et du côté de la gauche, notamment une gauche assez radicale,
18:21 c'est effectivement assez cocasse de voir qu'on défend le droit des Canaques
18:27 à être maître sur leur propre terre,
18:30 et à bénéficier d'une espèce de droit d'hénaisse
18:34 par rapport à d'autres populations qui seraient venues les rejoindre.
18:37 Et donc si on applique cette grille de lecture à la situation hexagonale,
18:43 ce discours-là est assez en porte-à-faux
18:45 avec celui qu'ils peuvent tenir habituellement,
18:48 notamment sur le fait d'octroyer le droit de vote aux étrangers sur le...
18:53 - Aux élections locales, qui est une proposition soutenue
18:55 par un certain nombre de partis de gauche.
18:57 On continue cette discussion, Jérôme Fourquet, dans un instant.
19:00 On parlera notamment de la perspective.
19:02 Arrivera-t-il ? On ne sait pas, sans doute pas,
19:04 mais on en parlera d'un débat entre le président de la République et Marine Le Pen.
19:08 Restez avec nous, toute petite pause dans BFM Politique.
19:10 Le politologue Jérôme Fourquet, invité de BFM Politique.
19:18 Jérôme Fourquet, juste avant de reprendre cet entretien,
19:20 une question d'une téléspectatrice, voilà ce que vous demande Joël.
19:24 Les Français sont majoritairement favorables à l'aide à mourir.
19:27 Comment expliquez-vous un tel décalage de classe politique ?
19:30 Je précise pour ceux qui nous regardent que le texte arrive en séance demain
19:34 à l'Assemblée nationale et qu'il y a effectivement un décalage
19:37 entre le fait que dans les sondages, une grande majorité des Français
19:40 sont favorables à cette aide à mourir, alors que quand on regarde
19:42 les débats politiques, ils sont, eux, pour le coup, extrêmement clivés.
19:46 Comment expliquez-vous ce décalage ? Voilà ce que vous demande Joël.
19:49 Eh bien parce que ce sujet est typiquement un sujet qui est difficile
19:54 d'appréhender par une réponse, par oui ou par non,
19:57 tel que les sondeurs savent les poser.
20:00 Et donc quand on sonde les Français sur ce sujet depuis très longtemps maintenant,
20:05 on a effectivement des scores très, très massifs, à plus de 80 %,
20:09 qui vont dans le sens d'une adhésion à la légalisation de l'euthanasie.
20:16 Sauf que quand on fait d'autres types d'enquêtes plus qualitatives,
20:20 on se rend compte qu'une fois que les Français sont mis en situation,
20:27 puisque quand vous répondez par Internet ou par téléphone
20:29 et que vous êtes bien portants, que vous êtes jeunes,
20:32 on se dit que chacun doit pouvoir maîtriser sa propre fin, etc.
20:37 Sauf que quand on fait intervenir des témoignages de soignants,
20:40 de proches, de gens qui ont vu des proches passer
20:45 par les services de soins palliatifs, etc.,
20:47 on voit là alors que l'opinion s'éclaire d'une manière différente
20:51 et que les résultats sont un peu différents.
20:53 Et donc c'est tout l'honneur du travail parlementaire et du travail politique
20:57 que de prendre le temps et de bien peser tous les tenants aboutissants
21:02 d'une réforme sociétale aussi importante que celle-là.
21:05 Et c'est ça, à mon avis, qui peut expliquer ce décalage de ressenti et de perspective.
21:11 – Question de Pauline Théveniot sur un des faits politiques du week-end.
21:14 Dans le Parisien de ce matin, Emmanuel Macron se dit prêt à débattre
21:19 avec Marine Le Pen avant les élections européennes.
21:22 Il lui fait cette proposition, sachant qu'elle avait dit elle-même
21:25 qu'elle y était prête aussi, en posant une condition inacceptable,
21:29 évidemment, pour lui et pour le président, qui était de mettre sa démission
21:35 ou la dissolution de l'Assemblée nationale sur la table
21:37 en cas de défaite aux élections européennes.
21:40 À quoi est-ce qu'on assiste là ?
21:41 Est-ce que c'est un jeu de théâtre ? C'est un jeu de dupe ?
21:44 Chacun sachant qu'il dit chiche tout en ne remplissant pas les conditions posées par l'autre ?
21:49 – Alors oui, c'est un peu ça, évidemment.
21:52 Ce que ça traduit également, c'est comment, comme le débat récent
21:59 entre Jordane Bardella et Gabriel Attal, s'installe l'idée d'un duel bipolaire
22:06 entre d'un côté le camp présidentiel et d'autre côté le Rassemblement national.
22:10 – Cette idée, elle s'installe toute seule ou c'est ces deux camps-là
22:13 qui ont intérêt à l'installer ?
22:14 – Ils ont intérêt à l'installer, médiatiquement ça fonctionne assez bien,
22:19 il y a un sujet quand même sur le plan démocratique,
22:22 c'est-à-dire qu'on évince tout le reste.
22:24 – Oui, c'est d'ailleurs Jérôme Fourquet qui a dit,
22:27 François-Xavier Bellamy, la tête de l'histoire du Médicam,
22:28 qui a dénoncé le fait que le débat Gabriel Attal-Jordane Bardella
22:32 sur lequel on reviendra dans un instant a été organisé.
22:34 Et à cela, on peut se poser la question,
22:36 est-ce qu'effectivement il y a un biais médiatique
22:39 à avoir ce type de confrontation organisée ?
22:42 Emmanuel Macron lui répond dans les colonnes du Parisien,
22:44 je cite de mémoire, moi je prends les adversaires que le peuple me donne.
22:47 – Il réfute l'idée qu'il installe le débat,
22:50 on sait quand même que cette idée du duel, elle est théorisée
22:53 au sein de la majorité et dans ses stratèges.
22:56 – Les deux camps-là ont intérêt à ce que le problème soit posé de telle sorte,
23:01 c'est-à-dire qu'Emmanuel Macron se pose en ultime rempart et recours
23:05 face à la montée du Rassemblement national,
23:07 et de l'autre côté le Rassemblement national
23:09 joue à plein la carte du vote sanction en disant
23:12 "si vous voulez envoyer un carton rouge à Emmanuel Macron,
23:15 il n'y a qu'une liste, c'est nous, vous le voyez bien,
23:17 nous sommes son seul adversaire crédible".
23:20 Tout ça se renvoie aussi à ce qui s'est passé
23:22 lors des deux dernières élections présidentielles,
23:24 où le second tour a donné lieu à cet affrontement-là.
23:31 Là où l'échange change un petit peu,
23:32 c'est quand même que nous sommes dans une élection européenne
23:34 qui a un scrutin à un tour proportionnel
23:36 et que le paysage électoral ne se résume pas.
23:40 – Oui, donc ce que vous dites c'est qu'en réalité
23:42 il n'y a pas vraiment de raison qu'il y ait ce type de débat
23:44 dans le cadre d'un scrutin européen.
23:45 – En même temps, de mémoire, en 1992,
23:49 il y a déjà eu un débat entre un président de la République,
23:52 c'est le seul d'ailleurs, entre un président de la République
23:55 en exercice, François Mitterrand,
23:56 et un de ses opposants, Philippe Séguin.
24:00 Donc ça veut dire aussi qu'on peut très bien imaginer
24:03 un débat entre un président et un opposant aujourd'hui,
24:06 et Marine Le Pen est l'opposante numéro un, si on en croit vos études.
24:13 – Oui, bien sûr, alors c'était déjà sur le sujet européen,
24:18 la référence de mon point de vue est pertinente
24:20 parce qu'on avait bien deux visions de l'Europe,
24:22 et là on l'a de nouveau, sauf qu'à l'époque, en 1992,
24:26 c'était dans le cadre d'une campagne référendaire.
24:28 – Oui, c'est le conduit oui incarné par François Mitterrand
24:30 et le conduit non incarné par Philippe Séguin.
24:31 – Et donc là on est sur une élection européenne,
24:34 donc ça peut avoir du sens, mais dans ce cas-là,
24:35 il faut multiplier les débats et qu'il y en ait d'autres.
24:37 Mais on voit bien comment,
24:39 hormis la communication politique et le coup de poker menteur,
24:43 il y a aussi la volonté d'installer ce mano à mano
24:47 et de faire place nette et de faire disparaître
24:49 toutes les autres forces politiques.
24:50 – Mais un tout petit mot encore,
24:51 je reprends l'expression qu'utilisait Pauline Téveniau, "je dupe".
24:55 Quand on voit le président de la République
24:57 qui propose juste avant le 9 juin,
24:59 et Marine Le Pen qui fixe ses conditions en disant
25:02 "il faut qu'il mette sur la table la dissolution ou la démission",
25:05 est-ce que c'est elle qui a peur du débat
25:07 et qui donc fixe ce type de conditions ?
25:10 Au fond, qui aurait le plus à perdre
25:11 entre le président de la République et Marine Le Pen
25:13 si ce type de débat avait lieu ?
25:14 – Alors, c'est vous le journaliste politique,
25:19 il faut revoir les deux parce qu'on a des archives pour le coup.
25:24 – Il y a les précédents qui, il faut le dire,
25:26 sont plutôt à l'avantage du président de la République.
25:27 – Donc voilà, d'où peut-être aussi le fait
25:30 que Marine Le Pen place la barre vraiment très haut
25:33 pour se prémunir de l'hypothèse que ce débat advienne réellement.
25:39 – Elle est un peu prise à son propre piège quand même
25:41 parce que ses lieutenants à la fin du mois d'avril
25:43 réclamaient eux-mêmes le débat,
25:45 finalement ils jettent le gant et ils lui disent "allons-y".
25:49 Donc c'est aussi un peu…
25:50 – Bien sûr, bien sûr, bien sûr.
25:51 Mais parallèlement à cela,
25:53 je pense que ce débat entre ces deux visions,
25:57 normalement il a déjà eu lieu il y a quelques jours entre…
26:00 – Eh bien alors justement…
26:00 – Jordan Bardella et Gabriel Attal,
26:01 donc là ce serait un remake au sommet,
26:05 mais qui du coup ressemblerait beaucoup à un deuxième tour de présidentiel,
26:09 ce qui encore une fois n'est pas le cadre
26:12 sur lequel les Français sont appelés à voter le 9 juin.
26:14 – Alors justement Jérôme Fourquet, sur ce face-à-face
26:16 qu'a opposé le Premier ministre au président du RN, Jordan Bardella,
26:19 on a entendu beaucoup de choses,
26:21 disons que les commentaires ont plutôt donné le point au Premier ministre,
26:25 considérant qu'il avait mis en difficulté Jordan Bardella,
26:27 on a vu en même temps un sondage au DOXA pour le Figaro
26:30 qui donnait un léger avantage au président du RN,
26:33 alors donc là je pose la question aux sondeurs, politologues, analystes,
26:37 qui a gagné ce débat pour vous ?
26:39 – Alors, quand on regarde ce qui s'est passé historiquement,
26:44 pour qu'un débat fasse bouger les lignes,
26:48 il faut remplir deux conditions,
26:50 la première, une audience très importante,
26:52 donc si on reprend les chiffres,
26:54 ce n'est pas déshonorant mais c'est…
26:56 – Un peu moins de 4 millions, 3 millions…
26:57 – 3,6 millions de personnes,
26:59 pour mémoire l'épisode de la série HPI qui était diffusé à la même heure
27:03 a fait 7,3 millions de personnes.
27:05 – Sur TF1.
27:06 – Sur TF1, bon…
27:08 – Pas le même public.
27:09 – Oui mais un homme une voix, donc ces gens sont aussi appelés à voter,
27:13 et la deuxième condition c'est qu'il y ait eu un chaos net
27:18 au profit d'un des débatteurs face à l'autre,
27:21 et donc là même si on peut penser que Gabriel Attal a plutôt marqué le point…
27:25 – Il n'y a pas eu de chaos technique.
27:27 – Il n'y a pas eu de chaos technique d'une part,
27:28 et d'autre part, encore une fois,
27:30 la part de la population qui a regardé ce débat n'était pas énorme,
27:35 et on le sait aussi, et vous le savez,
27:37 que les gens qui regardent ce type de débat,
27:39 notamment quand le public est assez restreint,
27:41 sont quand même des gens qui sont assez intéressés…
27:43 – Et qui sont donc déjà convaincus à l'avance.
27:44 – Par la politique, et qui ont déjà leur propre opinion,
27:46 et avant de les faire passer d'un vote à l'autre,
27:51 le juge de paix, ce sera les prochains sondages,
27:53 qui nous montreront si on a une remontée ou un tassement
27:57 de l'une ou l'autre des deux listes.
27:59 – Bon là on en a un premier,
28:00 on est là pour BFM TV, la tribune dimanche,
28:03 ça a plutôt profité un petit peu à Jordan Bardella,
28:06 et pas trop à Valérie Reyer, mais vous avez raison,
28:08 il faut que ce soit confirmé sur plusieurs études.
28:11 Quand même, à l'occasion de ce débat,
28:14 entre deux jeunes hommes politiques, la relève presque,
28:18 35 ans pour Gabriel Attal, 28 pour Jordan Bardella,
28:22 on a pu percevoir quand même un peu de fragilité
28:25 du côté de Jordan Bardella, mis en difficulté
28:28 sur le plan technique, un peu, quand Gabriel Attal
28:31 a attaqué certains dossiers, et notamment la préférence nationale,
28:34 où j'ai trouvé que de manière assez surprenante,
28:37 le candidat Erren avait été mis un peu en difficulté,
28:39 mais inversement, on peut dire aussi que ça a peut-être,
28:43 comment dire, profité pour l'étoffe à Jordan Bardella,
28:47 présenté comme le futur Premier ministre de Marine Le Pen,
28:51 entre ces deux-là, qui a l'avantage,
28:55 qui prend l'avantage entre ces deux visions ?
28:56 - On voit bien quand même que Gabriel Attal
29:00 est rentré sans trop de difficultés dans son poste de Matignon,
29:05 qu'il a déjà un long parcours ministériel,
29:08 et qu'en termes de maîtrise des dossiers, maîtrise du débat,
29:11 il est quand même très performant,
29:14 ce que n'a pas forcément encore suffisamment éprouvé
29:19 Jordan Bardella, qui n'a géré aucune collectivité locale,
29:23 qui n'a bien par définition jamais eu de poste ministériel,
29:27 et qui peut être un bon client de plateau télé,
29:31 qui peut être un bon tribun en meeting devant ses propres troupes,
29:36 mais qui, dans l'exercice très spécifique d'une confrontation en duel
29:41 avec quelqu'un qui est chevronné et charpenté,
29:43 eh bien, doit sans doute encore progresser.
29:47 - Pauline ?
29:48 - L'une des stratégies du Premier ministre face au RN,
29:52 et qui est d'ailleurs exactement la même que celle d'Emmanuel Macron,
29:55 c'est de pointer les changements de pied incessants du RN,
29:59 sur l'euro, sur l'OTAN.
30:01 Est-ce que pour vous, c'est un bon argument ?
30:03 Est-ce que c'est une stratégie efficace ?
30:06 - Alors, je pense que ça peut contribuer à maintenir
30:12 un certain cordon sanitaire, si on peut dire, autour du RN.
30:16 - Sur le thème de la crédibilité ?
30:18 - Sur le thème de la crédibilité, dans une partie de l'électorat,
30:22 qui est notamment l'électorat le plus âgé,
30:24 qui continue d'être celui qui est le plus réfractaire au vote RN.
30:29 - Et qui est un électorat plus macroniste.
30:31 - Plutôt macroniste, et donc c'est pour essayer de maintenir,
30:34 si vous voulez, les positions, et encore une fois, la digue,
30:36 de ce point de vue-là.
30:38 En revanche, on voit bien que ce type d'argument, manifestement,
30:42 ne permet pas de semer le doute dans les rangs des électeurs
30:46 du Parti Bardella.
30:47 - Il y a de nombreux qui sont aujourd'hui décidés à voter
30:50 pour le RN et qui, comme on le disait en ce début d'émission,
30:56 glisseront un bulletin Bardella dans l'urne,
30:59 bien davantage sur la question de la sécurité,
31:01 de l'immigration, du pouvoir d'achat,
31:03 que sur celle de l'architecture européenne de défense,
31:06 le soutien à l'Ukraine ou la perspective d'un référendum
31:10 en Nouvelle-Calédonie.
31:12 - Je signale à ceux qui nous regardent que demain soir,
31:15 un autre grand moment de la campagne des européennes,
31:17 sur cette antenne, sur BFMTV, le grand débat
31:20 des principales têtes de liste, demain soir à 20h30,
31:23 animé par Apolline de Malherbe et Maxime Switek.
31:26 On sait que la caractéristique des élections européennes,
31:30 c'est que les électeurs, ce qu'on appelle la cristallisation,
31:33 le moment où ils se décident pour qui ils vont voter,
31:35 ça arrive très tard.
31:36 Ça veut donc dire que ce type d'événement télévisuel,
31:39 ça joue qu'il y a encore une part importante d'indécis,
31:42 de personnes qui peuvent changer de vote,
31:45 donc ce genre de débat, ça a son importance
31:47 dans une campagne électorale.
31:48 - Oui, bien sûr, notamment dans une campagne,
31:51 dans un scrutin comme les européennes,
31:53 où on s'achemine, comme traditionnellement,
31:56 vers une abstention autour de 50%.
31:59 Donc, si vous arrivez à convaincre
32:01 quelques dizaines de milliers d'électeurs
32:03 sur un corps électoral qui est plus restreint,
32:05 la différence peut être faite.
32:07 C'est le premier point.
32:08 Le deuxième point, c'est que ce type de débat
32:12 est d'autant plus important sur les enjeux,
32:16 sur une élection comme les européennes,
32:18 que le nombre de candidats et de listes
32:20 est lui-même important,
32:22 et que les hésitations peuvent être nombreuses.
32:25 - Il peut y avoir facilement une porosité
32:26 entre les candidats de gauche...
32:28 - Prenons la gauche, entre un vote insoumis,
32:31 un vote communiste, un vote PS-Glucksmann
32:34 ou un vote écologiste,
32:35 c'est des visions de l'Europe qui sont différentes,
32:36 mais normalement, on fait partie de la même coalition.
32:40 Prenons de l'autre côté le bloc nationaliste,
32:43 entre un électeur qui est plutôt de sensibilité zemmourienne,
32:47 mais qui regarde aussi les sondages
32:49 et qui se dit "est-ce que ma voix ne serait pas plus utile ?"
32:51 - Votre voix est utile pour la dynamique ?
32:53 - Ou François-Xavier Bellamy...
32:55 - Et donc on a beaucoup de pairs comme ça
32:57 qui se dessinent,
33:00 et c'est typiquement dans ce genre de débat
33:02 qu'à la marge, les choses peuvent s'ajuster.
33:05 - Question de Bruno Jeudis sur le sondage Elabe.
33:07 - Voilà, exactement.
33:09 Vous faites des sondages pour les FOP,
33:10 nous on en a un aujourd'hui,
33:11 donc on va prendre le dernier
33:12 et on peut analyser un peu les dynamiques à l'œuvre,
33:16 un pile poil deux semaines avant.
33:18 Alors celui de ce matin,
33:20 Elabe, BFM TV, Tribune Dimanche,
33:22 Jordan Bardella atteint son plus haut niveau
33:24 dans cette étude, 33%,
33:27 et l'écart est très stable avec la liste deuxième,
33:31 celle de Valérie Hayet, 15,5%,
33:33 et Raphaël Glucksmann,
33:34 celle du Parti Socialiste, qui est à 13%.
33:38 Si on commence par le RN,
33:40 qu'est-ce qui peut empêcher aujourd'hui
33:41 Jordan Bardella de l'emporter
33:43 et même peut-être d'être au-dessus de 30%,
33:46 parce qu'il n'y a aucun sondage
33:47 aujourd'hui qui le met en dessous de 30%.
33:48 Il faut juste dire,
33:49 ce serait le score le plus haut
33:51 pour le Rassemblement national,
33:52 toute élection confondue sur un premier tour
33:55 dans une élection nationale.
33:57 - Voilà, et rappelons-nous, il y a 40 ans,
34:00 élection européenne de 1984,
34:02 première percée du Front National
34:04 dans une élection nationale,
34:05 avec Jean-Marie Le Pen à la tête de la liste.
34:07 La liste du FN avait fait 11%,
34:09 c'était il y a 40 ans.
34:12 Soyons, sur les intentions de vote,
34:15 soyons prudents et modestes.
34:18 Comme on l'a dit, on a une abstention
34:20 qui va être importante,
34:22 et le fait que les électeurs
34:24 participent ou s'abstiennent,
34:25 c'est la variable que nous, sondeurs,
34:28 avons le plus de mal,
34:29 paradoxalement, à estimer.
34:31 Donc tout ça peut faire jouer un peu
34:33 les chiffres dans un sens ou dans un autre
34:36 d'ici le scrutin.
34:39 Sur les précédents scrutins européens,
34:41 en tout cas les deux derniers,
34:42 les instituts de sondage,
34:45 en termes d'intention de vote,
34:46 avaient plutôt un peu surcoté
34:49 l'ERN par rapport à ce qu'il avait
34:51 réellement obtenu dans les urnes
34:53 le soir du scrutin, du fait notamment
34:56 de cette un peu plus faible mobilisation
34:58 attendue de leur électorat.
35:00 On dit ça, du coup, pour arriver à votre point,
35:03 c'est-à-dire que ce n'est pas forcément
35:04 encore garanti que l'ERN franchisse
35:07 la barre symbolique des 30 %,
35:09 il sera peut-être à 28, 29 % des voix.
35:11 Du coup, ce serait un petit peu
35:12 le côté déceptif.
35:14 Il y aura un effet déceptif en disant
35:16 "ils sont moins qu'attendus",
35:17 mais même à 28 ou 29 %,
35:20 on serait sur un score qui serait
35:21 historiquement élevé.
35:23 Deuxième point, une fois qu'on a pris
35:25 ces précautions, on ne voit pas aujourd'hui,
35:28 compte tenu de l'état du paysage politique
35:31 et l'état du pays, ce qui pourrait empêcher,
35:34 sauf accident industriel majeur de campagne,
35:37 un débat complètement raté ou une révélation
35:39 fracassante sur tel ou tel candidat,
35:41 comment l'ERN pourrait ne pas être en tête
35:45 et loin devant le 9 juin soir.
35:49 Donc, il faudra regarder son score à lui,
35:50 est-ce que symboliquement, il est au-dessus
35:51 des 30 ou pas, et puis surtout,
35:53 quel sera l'écart avec le deuxième,
35:56 puisqu'on rappelle qu'en 2019,
36:01 le Rassemblement national était déjà en tête,
36:03 mais d'un point seulement.
36:04 - Le Valéry Ayé peut se faire doubler par Glucksmann ?
36:07 - Alors, à deux points près,
36:08 on est dans les marges d'erreur,
36:09 donc il faudra regarder les dynamiques.
36:11 On voit notamment ce qu'on disait tout à l'heure,
36:13 comment l'électorat de centre-gauche,
36:14 qui a pu à un moment donné voter
36:16 pour Emmanuel Macron, est aujourd'hui,
36:17 notamment sur la question européenne
36:20 et la question ukrainienne,
36:21 tenté par le vote Glucksmann.
36:22 Et en fonction du choix final
36:24 de cet électorat de centre-gauche,
36:26 on peut avoir un certain nombre de surprises
36:28 sur l'ordre d'arrivée.
36:29 - Un mot juste avant, une question
36:30 de Politivenu, Jérôme Fourquet.
36:31 Ce qui est frappant aussi quand on regarde les sondages,
36:33 même si bien sûr, il faut rester prudent,
36:35 de Jordan Bardella, c'est la façon
36:37 dont l'électorat du RN est en train d'évoluer.
36:40 C'est-à-dire un électorat plus attrape-tout,
36:43 qui fait des scores élevés dans des catégories
36:45 qui, jadis, étaient inatteignables pour le RN,
36:48 les retraités, ce qu'on appelle les CSP+,
36:51 les catégories socio-professionnelles élevées.
36:53 Ça aussi, c'est un fait politique important
36:55 parce que ça signifie qu'au fond,
36:57 ce qu'on appelait le plafond de verre
37:00 est de moins en moins fort qu'avant
37:03 concernant le RN.
37:05 - Oui, oui, tout à fait.
37:05 Alors, le plafond de verre a déjà été grandement fissuré
37:11 au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2022.
37:14 Quand on le rappelle, Marine Le Pen a quand même fait
37:17 41,5% des voix sur un scrutin
37:20 où la participation était autrement plus importante
37:23 qu'elle ne le sera le 9 juin prochain.
37:26 Pour la tendance que vous évoquiez,
37:29 nous avons un nom à l'IFOP,
37:31 on parle de la montée des eaux bleu-marines.
37:33 C'est-à-dire qu'à partir des môles
37:36 de présence historique du RN,
37:39 le RN, géographiquement et sociodémographiquement,
37:42 étend progressivement son audience.
37:45 Dans le dernier sondage de l'IFOP,
37:47 on est, par exemple, à près de 30% des voix
37:51 chez les cadres et les professions intermédiaires,
37:54 ce qui est du jamais vu.
37:55 C'est-à-dire qu'on a des scores très élevés
37:58 chez les ouvriers et les employés,
37:59 mais on voit que la classe moyenne,
38:02 progressivement, en tout cas, une frange significative...
38:04 - Ça fait de Marine Le Pen une favorite pour 2027
38:06 ou c'est encore trop tôt pour le dire ?
38:08 - Il faudra regarder comment les choses évoluent,
38:12 mais ce qui est sûr, c'est que l'élection européenne
38:16 va contribuer à dessiner les scénarios plausibles
38:20 pour 2027 et va aussi influer
38:23 sur les stratégies des uns et des autres.
38:25 Si Reconquête, avec la liste dirigée par Marion Maréchal,
38:31 ne franchit pas la barre des 5%,
38:33 les choses se dessinent d'une certaine manière.
38:37 Quel sera le score également des Républicains
38:40 emmenés par M. Bellamy ?
38:42 Et donc, si on est très proche des 5% pour la liste Bellamy,
38:46 bien évidemment, il y aura une question stratégique
38:49 qui se posera pour les Républicains pour la prochaine fois.
38:51 Ce scrutin est un scrutin européen,
38:53 mais il va influer bien évidemment sur la suite des événements.
38:56 - Rapidement, une question de poli.
38:57 - Justement, liaison tout trouvé avec ma question,
39:00 la dynamique de Raphaël Glucksmann.
39:02 Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous l'analysez ?
39:03 Est-ce que c'est un vote plaisir
39:05 qui est circonstancié à cette élection européenne
39:07 ou est-ce que ça signe le retour de la social-démocratie
39:11 qui pourrait justement constituer un socle un peu solide pour la suite ?
39:17 - Rapidement, puisqu'il y a une question d'un téléspectateur qui vous attend.
39:19 - Oui, alors je pense qu'une partie de la réponse est dans votre question.
39:22 Vous parliez du phénomène Glucksmann.
39:24 Vous n'avez pas parlé du phénomène PS.
39:26 - D'ailleurs, il est candidat, il y a une alliance entre les partis socialistes.
39:30 - C'est d'abord sur son image et ce que lui porte.
39:34 Les enquêtes nous montrent qu'il est manifestement un candidat
39:37 qui est bien profilé pour ce type d'élection.
39:40 C'est-à-dire qu'il a une crédibilité sur un certain nombre de sujets européens.
39:43 Il a travaillé à Strasbourg et à Bruxelles.
39:46 Il a un discours assez constant sur la question ukrainienne.
39:50 C'est d'abord pour ça que les électeurs de centre-gauche se tournent vers lui.
39:55 Et lui ne se trompe pas de campagne.
39:57 C'est-à-dire qu'il fait résolument une campagne européenne.
40:00 Il est en capacité, élément intéressant,
40:03 de capter à peu près 30% des gens qui avaient voté Mélenchon à la présidentielle,
40:07 parfois un peu de manière résignée,
40:08 et également une dizaine de pourcents d'électeurs macronistes.
40:12 - Jérôme Fourquet, question de Malika.
40:14 Au lieu de s'enthousiasmer, on entend beaucoup de critiques sur les Jeux olympiques.
40:17 Les Français sont-ils des incorrigibles râleurs ?
40:19 Je rajoute qu'Anne Hidalgo, la maire de Paris, a dénoncé cette semaine les "paine à jouir".
40:23 Elle a dit "ra la casquette".
40:25 Les Français sont-ils des "paine à jouir" ?
40:27 - Non, je pense qu'on a vu un Marseille qui a eu une ferveur et un engouement populaire.
40:34 Maintenant, je pense que les Français ont les pieds sur terre
40:37 et qu'ils font la part des choses entre du spectacle, du sport, des festivités
40:43 et la réalité de leur quotidien.
40:46 Le pouvoir d'achat est leur première préoccupation.
40:49 L'année dernière, on a eu un million de procédures
40:53 par les opérateurs de gaz et d'électricité pour un payé.
40:57 L'enseigne "Action" de Hardiskund est l'enseigne préférée des Français.
41:01 Et donc, même s'il y aura sans doute du monde sur le parcours de la flamme
41:06 et que les audiences télé seront importantes,
41:11 encore une fois, les Français remettent sans doute la réduction de fractures.
41:15 - D'abord le pain et après les jeux.
41:19 - Merci beaucoup, Gérard Fourquet, d'avoir été l'invité de BFM TV.
41:21 Je rappelle votre dernier ouvrage, "La France d'après",
41:24 tableau politique aux éditions du Seuil.
41:26 Merci beaucoup Pauline Théveniot, merci beaucoup Bruno Jeudy.
41:29 Nous suivons.
41:30 Vous retrouvez "Affaires suivantes" avec Philippe Gaudin et Pauline Revenat.
41:33 Quant à moi, je vous retrouve ce soir à 18h pour "C'est pas tous les jours dimanche".
41:36 Mon invité sera l'historienne et philosophe Elisabeth Badinter.
41:40 Belle journée, l'info continue sur BFM TV et évidemment, vive la politique !
41:44 [Musique]