100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00:00Bonjour à tous, ravi de vous retrouver sur Public Sénat pour un nouveau numéro de 100% Sénat, l'émission qui vous fait vivre les travaux de la Haute Assemblée.
00:00:17On va parler d'électricité puisque les sénateurs de la Commission d'enquête sur la production, le prix et la consommation d'électricité
00:00:23a auditionné Jean-Marc Jancovici, ingénieur et fondateur du think tank Shift Project sur la planification écologique.
00:00:31Lors de cette audition, il a notamment répondu à cette question, comment faire évoluer nos usages, nos consommations d'électricité
00:00:38pour mieux lutter contre le réchauffement climatique. Je vous laisse écouter cette audition.
00:00:43Notre commission a la vocation à se tourner vers l'avenir. Donc, en fait, l'idée, c'est de dire que progressivement,
00:00:50on va essayer d'augmenter la part de l'électricité dans notre consommation d'énergie pour essayer d'avoir une consommation plus décarbonée,
00:00:57une énergie plus décarbonée globalement. L'électricité peut nous aider beaucoup. Donc il y a une volonté d'électrifier beaucoup de nos usages encore
00:01:06parce qu'on est déjà très dépendant de l'électricité, mais on devrait le devenir de plus en plus. Et donc on essaye de déterminer la vitesse
00:01:16de l'impact de cette électrification. On a une augmentation de la consommation d'électricité qui devrait venir.
00:01:27Pour l'instant, on a plutôt eu une stagnation, voire un déclin ces dernières années. Il y a eu de gros efforts de sobriété.
00:01:34On a plutôt un peu décliné. Donc on se pose la question de savoir à quel moment la courbe va s'inverser. Donc peut-être, vous avez une idée
00:01:42sur ce sujet-là. Ensuite, on se dit que si on électrifie beaucoup, qu'on consomme beaucoup plus d'électricité, est-ce qu'on est capable de produire
00:01:52suffisamment d'électricité ? Donc c'était la deuxième question que l'on se pose et que notre commission se pose.
00:01:59Et entre là-dedans la relance notamment de la production nucléaire, qui venait sans doute d'une carence en charbon au moment du
00:02:10premier choc pétrolier en 1974, mais qui, depuis, a poursuivi son petit chemin. Donc on aimerait vous entendre sur le changement de pied
00:02:22un peu, parce qu'on a eu quand même le nucléaire honteux pendant une trentaine d'années. Et on a l'impression que l'image du nucléaire
00:02:30a quand même bien changé. Est-ce que les dispositions qui ont été annoncées par le président de la République vous semblent suffisantes ?
00:02:37C'est-à-dire la construction de 6 EPR2 et de 8 autres éventuellement, donc ce qui ferait 14 d'ici 2050. Comment vous voyez l'avenir du nucléaire ?
00:02:49Est-ce que vous pensez... D'abord, depuis 2 ans, on a pris la bonne direction. Qu'est-ce que vous pensez effectivement de la quatrième génération ?
00:02:57Ça a été abordé par Mme la Présidente tout à l'heure, les RNR. Voilà. Comment vous voyez la France dans ce redéploiement du nucléaire ?
00:03:09Et puis peut-être nous dire un tout petit mot sur l'hydrogène, même si on n'a pas beaucoup abordé le sujet avec notre commission d'enquête.
00:03:15Mais qu'est-ce que vous pensez de l'hydrogène ? Beaucoup pensent que c'est une solution miracle. Est-ce que c'est aussi votre cas ?
00:03:22Et puis donc consommation, production et puis les prix. Alors c'est gratuit. Donc si on vous écoute, effectivement, on n'a rien à faire.
00:03:32En même temps, on a le sentiment, notamment ces deux dernières années, que les prix ont évolué quand même de façon très importante
00:03:42avec notamment le prix du gaz, le coût marginal, qui a fait que pour nos compatriotes, quand ils n'ont pas le sentiment que le prix soit gratuit,
00:03:53c'est devenu un petit peu un symbole de pouvoir d'achat. Donc même si, effectivement, quand on le compare à son utilité,
00:04:01sans doute qu'on peut considérer que le prix est faible par rapport à l'utilité du produit.
00:04:05Mais voilà. Est-ce que vous pensez que c'est peut-être un non-sujet ? Je ne sais pas. Peut-être nous redévelopper un tout petit peu ça.
00:04:16Nous, on a la volonté, en tout cas, d'essayer de faire en sorte qu'il y ait moins de volatilité dans les prix et un petit peu plus de lien entre le prix et le coût de production.
00:04:29Donc on essaie de regarder ce qui pourrait faire en sorte qu'avec ce lien entre le prix et le coût de production,
00:04:35on ait un prix qui soit un petit peu plus stable, parce que les coûts de production sont quand même relativement stables,
00:04:39même s'ils ont tendance à augmenter un petit peu, à la fois dans le renouvelable, même s'il y a une baisse de prix dans la production du renouvelable,
00:04:49et puis dans le nucléaire, il y aura sans doute un peu une hausse de prix, parce que les EPR vendront sans doute un peu plus cher que les centrales classiques.
00:04:58Voilà un petit peu. Donc je vous reposerai peut-être quelques questions. Je vous interromperai peut-être.
00:05:04Mais si vous pouvez nous repartir un petit peu sur ces éléments-là, ça nous éclairerait.
00:05:11— M. Jankovic. — Alors j'espère ne pas avoir raté de marche, parce que vous avez posé 5 ou 6 questions l'une derrière l'autre.
00:05:17Donc vous avez une question sur est-ce que la consommation d'électricité va monter ou descendre.
00:05:21Vous avez posé une question – j'essaie de voir – sur est-ce qu'on va être capable de produire cette électricité.
00:05:28Vous avez posé une question sur quid de la relance du nucléaire. Vous avez posé une question sur la quatrième génération.
00:05:35Et la dernière question était sur les prix et les coûts. Et j'ai peur d'en avoir perdu une l'avant-dernière. Non ? C'est bon ?
00:05:43— Jusque-là, il y a l'hydrogène. — Ah, l'hydrogène. Voilà. Je vais commencer par l'hydrogène. C'est le plus facile.
00:05:52J'ai dit tout à l'heure qu'il y avait deux types d'énergie dans un système énergétique, l'énergie primaire et l'énergie finale.
00:05:58L'hydrogène est une énergie finale. Donc en tant que telle, elle ne résout pas les problèmes d'énergie primaire.
00:06:03C'est un vecteur énergétique qui est concurrent du vecteur électrique. Et en fait, quand on regarde bien ce qu'on peut en faire et ne pas en faire,
00:06:11partout où l'hydrogène est en compétition avec l'électricité, c'est un vecteur énergétique qui a un moins bon rendement que l'électricité.
00:06:17En particulier dans les transports, son rendement est 4 fois plus faible, puisque si vous faites de l'hydrogène avec de l'électricité
00:06:23– en général, c'est comme ça qu'on entend le faire –, vous partez de l'électricité. Pour faire de l'hydrogène, vous perdez 30% à 40% au moment de l'électrolyse.
00:06:29Vous perdez 20% au moment de la logistique, c'est-à-dire du compression, stockage, etc. Et vous reperdez la moitié dans la pile à combustible du véhicule
00:06:36pour refaire de l'électricité qui va aux roues. Donc en gros, vous avez perdu les trois quarts de l'énergie en chemin par rapport à un système
00:06:42où vous auriez directement utilisé l'électricité pour la mettre dans les roues. Donc personnellement, moi, l'hydrogène dans les transports, je vois pas l'intérêt.
00:06:50Le seul intérêt de l'hydrogène, il est comme molécule chimique dans l'industrie pour faire de la réduction du minerai de fer ou de la fabrication d'engrais.
00:06:58Ça, la fabrication d'ammoniaque. Donc il est comme matière première. J'ai envie de dire ça. Ça peut être intéressant. C'est intéressant.
00:07:04Mais comme vecteur énergétique, je pense que ça n'a pas beaucoup d'intérêt. Et alors quant à l'aviation, une blague que je fais souvent est de dire
00:07:10l'avion à hydrogène, ça existe déjà. Ça s'appelle la fusée Ariane. C'est pas le même prix et c'est pas le même coût.
00:07:14Et je veux bien parier toutes mes économies avec qui veut que je mourrais sans avoir vu d'aviation commerciale à hydrogène.
00:07:19Donc voilà. On en fera trois gadgets éventuellement à l'hydrogène. Mais ça ira pas plus loin. C'est vraiment pas fait pour ça.
00:07:26— Vous n'êtes pas un pro-hydrogène. — C'est pas que je suis pas un pro-hydrogène. Je suis ni pro ni anti. Je vous dis que j'y crois pas.
00:07:31Donc je suis prêt à parier mes économies sur le fait que ça n'adviendra pas. L'hydrogène est un matériau qui a une très forte densité par unité de poids.
00:07:39C'est pour ça qu'on l'utilise dans le spatial, où le but du jeu d'un lanceur, c'est de s'arracher à la gravitation terrestre.
00:07:44Par contre, il a une très très mauvaise densité énergétique par unité de volume, ce qui veut dire que pour un avion qui est essentiellement
00:07:50un réservoir de kérosène volant avec accessoirement 3 passagers – je plaisante un peu –, eh bien avec l'hydrogène, vous aurez vraiment
00:07:57un énorme réservoir volant avec accessoirement 3 passagers. Donc ça sera un coût totalement prohibitif.
00:08:02En plus, la manutention de l'hydrogène liquide qui est... Je vous rappelle que l'hydrogène est liquide à quelques degrés Kelvin.
00:08:08Donc c'est une température extrêmement basse. C'est des problèmes qui sont très très complexes de manutention, etc.
00:08:16Bref, vous avez... Ne serait-ce que d'arrêter et de faire redémarrer un moteur à hydrogène, c'est très compliqué. Enfin bon, bref.
00:08:22Donc vous avez un... Enfin les problèmes sont insurmontables. Du reste, les avionneurs eux-mêmes disent que des avions longs et moyen-courrier,
00:08:30il faut... Enfin moyen et long-courrier, il faut pas y compter avec l'hydrogène. Donc l'hydrogène, ça fait rêver quelques personnes ici et là
00:08:38qui pensent que la vie sans avion sera un drame absolu. Mais à part ça, encore une fois, moi, j'y crois pas du tout.
00:08:45– Oui. C'est évoqué... L'hydrogène est évoqué un peu pour stocker de l'électricité, en fait.
00:08:48– Oui. Alors là, c'est un rendement. C'est ce que je vous ai évoqué tout à l'heure.
00:08:51– C'est un très mauvais rendement.
00:08:52– Pour stocker de l'électricité, ça veut dire que vous divisez par 4 la quantité d'énergie entre l'électricité initiale et l'électricité restituée en sortie de stockage.
00:09:01Donc c'est un très très mauvais rendement. Alors on revient à la première question qui est ce que la consommation de l'électricité va augmenter ou baisser.
00:09:08Eh bien la réponse, c'est que je n'en sais rien. Quand vous regardez dans les séries passées, vous vous rendez compte qu'historiquement,
00:09:17la corrélation entre la consommation électrique mondiale et le PIB mondial est une droite parfaite.
00:09:22Une droite parfaite. Alors vous pouvez vous dire « Du coup, on consomme autant d'électricité que l'économie est grosse »,
00:09:28ou vous pouvez vous dire « L'économie est aussi grosse que la quantité d'électricité disponible ».
00:09:32On peut voir les choses dans les deux sens. Mais si on la voit dans le premier sens, ça veut dire que si vous avez un autre facteur limitant
00:09:39que l'électricité qui s'applique au système économique, par exemple le pétrole, par exemple des minerais, par exemple n'importe quoi,
00:09:45à ce moment, l'économie ne grossit pas vite ou diminue, et la quantité d'électricité consommée ne grossit pas vite ou diminue.
00:09:51Donc quand vous regardez l'économie sous forme d'un système physique de transformation, parce que c'est ce que c'est,
00:09:56eh bien si l'électricité est le seul facteur limitant, à ce moment, l'économie peut grossir à mesure qu'on a plus d'électricité à produire.
00:10:06Si l'électricité n'est pas le premier facteur limitant, à ce moment, l'économie peut être limitée pour une autre raison.
00:10:12Et à ce moment, je pense pour ma part que c'est ce qui est en train de se passer en ce moment en Europe,
00:10:17que l'économie est limitée pour une raison d'approvisionnement de nitrocarbures, qui est limitée pour des raisons géologiques,
00:10:24il n'y en a plus assez pour approvisionner l'Europe en quantité croissante.
00:10:28Et donc du coup, l'activité européenne, l'activité économique européenne, l'activité physique en fait, ne croit plus.
00:10:34Moi, mon indicateur pour regarder l'activité économique sous l'angle physique, c'est les tonnes chargées dans les camions.
00:10:39Donc c'est pas le PIB, puisque le PIB, on lui fait dire un peu ce qu'on veut. Il suffit de changer la convention.
00:10:44Dans une économie où vous avez 70% de services, vous savez, la correction de l'inflation, on pourrait en discuter toute la nuit,
00:10:49qu'on serait toujours pas d'accord sur la méthode à adopter.
00:10:51Donc, parce que quand l'honoraire de l'avocat ou l'honoraire du médecin augmente de 20% d'une année sur l'autre,
00:10:57savoir si c'est de l'inflation ou de l'augmentation de valeur, donc, pour en venir à ce que je disais, par contre, le PIB physique,
00:11:05c'est-à-dire les objets et les services matériels, ça, un bon proxy, c'est les tonnes chargées dans les camions.
00:11:11Et cet indicateur-là, il baisse depuis 2007 en tendance. Et un autre proxy intéressant, c'est les mètres carrés construits dans l'année.
00:11:17Et ça, ça baisse en tendance depuis 2007. D'accord ? Et 2007, c'est pas un hasard. Et donc, pour ma part, ce qui se passe en Europe, c'est que pour une raison...
00:11:27— Vous dites « 2007, c'est pas un hasard », c'est parce que...
00:11:29— Parce que le pic de production du pétrole conventionnel dans le monde, c'était 2006. Et depuis 2007, l'approvisionnement européen
00:11:34est contraint à la baisse pour des raisons géologiques. Sur le pétrole, à cause du pic de conventionnel,
00:11:39c'est parce que le shale oil a surtout réapprovisionné les États-Unis. Sur le gaz, c'est parce que le pic de production de la mer du Nord
00:11:46était en 2005 et que le gaz est une énergie régionale, nonobstant le GNL qui se développe en ce moment.
00:11:51Et donc à partir du moment où, régionalement, l'offre se met à baisser fortement, la consommation baisse.
00:11:56Et la consommation de gaz s'est inversée... Enfin elle croissait, elle s'est mise à décroître. Et l'inversion est datée pile de 2005.
00:12:02Et c'est pas une politique climatique qui a fait ça. C'est juste qu'il y en avait de plus en plus, puis il y en a de moins en moins.
00:12:06Et en ce qui concerne le charbon, l'approvisionnement européen en charbon décline depuis les années 50,
00:12:12tout simplement parce que l'Europe a commencé à taper dans son charbon il y a plusieurs siècles.
00:12:16Le pic de production en Grande-Bretagne, c'était 1913 sur le charbon. Et donc depuis le milieu des années 50,
00:12:22la production décline en Europe. Et comme le charbon est un pondéreux solide, le commerce international n'est pas simple.
00:12:28En gros, il faut avoir des mines en Bordeaux et des centrales électriques en Bordeaux, pour dire les choses rapidement, ou des hauts fourneaux en Bordeaux.
00:12:36Et donc, quand la production dans un pays commence à décliner de manière significative, en général, sa consommation se met à décliner également,
00:12:42sauf petits pays très bien connectés par voie d'eau. Mais en gros, c'est comme ça que ça se passe.
00:12:47Et donc, la consommation de charbon en Europe s'est mise à décliner depuis le milieu des années 50, à une époque où le climat n'était absolument pas un sujet.
00:12:53Donc le charbon décline, le gaz décline, le pétrole décline pour des raisons d'approvisionnement.
00:12:58Le nucléaire a décliné pour des raisons, là, de politique intérieure. Ça, c'était pas des problèmes d'approvisionnement.
00:13:02L'hydroélectricité n'augmente pas pour des raisons climatiques, parce que les précipitations n'augmentent pas, et même diminuent un peu dans le sud de l'Europe.
00:13:11Et donc, ça fait des décennies que l'hydroélectricité est constante en approvisionnement.
00:13:15Et le développement des nouvelles énergies renouvelables ne vient pas compenser le déclin des sources historiques.
00:13:19Donc l'approvisionnement européen s'est mis à décliner depuis 2007.
00:13:23Et quand vous regardez les indicateurs physiques de l'économie en Europe, ça décline depuis 2007.
00:13:28Donc dans la vision que j'ai, l'économie est limitée, là en l'occurrence, par son approvisionnement d'hydrocarbures.
00:13:36Et du coup, comme l'économie est limitée par un facteur physique, elle ne consomme pas plus d'électricité,
00:13:42mais plutôt moins, à structure de consommation identique, c'est-à-dire sans électrification des transports, sans électrification du logement, etc.
00:13:49Enfin, du chauffage, etc.
00:13:51Maintenant, qu'est-ce qui va se passer à l'avenir ?
00:13:53À l'avenir, vous avez deux chevaux qui seront à la course.
00:13:55Vous avez un cheval qui est la taille de l'économie.
00:13:57Et personnellement, je ne vois pas de raison majeure pour laquelle l'économie physique repartirait à la hausse en Europe.
00:14:02Je n'en vois pas.
00:14:03Donc ça veut dire que l'économie va continuer à gentiment s'éroder, l'économie physique, en Europe.
00:14:11Et un deuxième cheval qui est la vitesse à laquelle on convertit à l'électricité
00:14:17des usages qui, aujourd'hui, ne sont pas électrifiés.
00:14:19Et je ne sais pas lequel des deux va gagner.
00:14:21Donc, si c'est le cheval de l'électrification qui gagne, l'électricité repart à la hausse.
00:14:27Si c'est le cheval de l'économie dans son ensemble qui gagne, l'électricité ne repart pas à la hausse.
00:14:32Et je ne sais pas vous dire.
00:14:35Je sais vous dire ce qu'il faut tenter de faire, ou les contraires qu'il faut essayer de marier.
00:14:40Par contre, je ne sais pas vous dire ce qui va vraiment se passer.
00:14:43Contrairement à l'avion à hydrogène, où là, je sais vous dire à peu près ce qu'il va se passer.
00:14:47C'est qu'on n'en fera pas beaucoup.
00:14:49Et absolument pas à l'échelle de l'aviation commerciale d'aujourd'hui.
00:14:52Alors après, est-ce que cette électricité, si on voulait en consommer plus, on saura la produire ?
00:14:58Eh bien, c'est une excellente question.
00:15:00Parce que, dans les modes de production électrique que nous avons à disposition en Europe aujourd'hui,
00:15:05on ne produit plus d'électricité avec du pétrole, sauf de manière marginale.
00:15:09On produit encore pas mal d'électricité avec du gaz.
00:15:12Mais les événements récents nous ont montré que pour avoir de l'électricité au gaz, il faut qu'il y ait du gaz.
00:15:16Du reste, devant vos collègues, lors d'une commission d'enquête qui a eu lieu, sauf faire de ma part, en 2012,
00:15:20dans cette même assemblée,
00:15:22j'avais rappelé que les renouvelables non pilotables allaient avec des centrales à gaz,
00:15:28que les centrales à gaz, pour les opérer, il fallait avoir du gaz,
00:15:32qu'une partie du gaz venait des Russes, et que les Russes, ben, c'était les Russes,
00:15:35et que de temps en temps, ils pouvaient faire des choses un peu imprévisibles.
00:15:38Ça, c'était 2012. Voilà. Et puis après, il s'est passé ce qui s'est passé.
00:15:41Il ne fallait pas être grand clair, en fait. Il fallait juste avoir un peu regardé la situation.
00:15:46Donc, est-ce qu'à l'avenir, on va pouvoir faire de plus en plus d'électricité avec du gaz,
00:15:52quand bien même on se ficherait des politiques climatiques ? C'est pas sûr.
00:15:55Parce que, encore une fois, le gaz n'est pas quelque chose qui se transporte si facilement que ça,
00:15:59sur très longues distances. Un train de liquéfaction, c'est long à construire.
00:16:03Les terminaux de regazéification, il faut pouvoir en installer.
00:16:07Voilà. Donc, on peut en faire un peu, mais on ne va pas en faire de façon considérable.
00:16:13On peut en faire avec du biogaz. C'est ce que font les Allemands.
00:16:15Les Allemands ont mis des méthaniseurs absolument partout,
00:16:18histoire de faire une partie de leur électricité au biogaz.
00:16:20Et ce qu'ils font en Allemagne au biogaz, sauf erreur de ma part,
00:16:23c'est du même ordre que ce qu'ils font au solaire.
00:16:25Donc, c'est vraiment quelque chose de très important chez eux.
00:16:27On en parle très peu en France, mais bon.
00:16:30Mais ils ont mis pour ça un million d'hectares en culture, avec du maïs fourrage partout,
00:16:33qu'ils servent à nourrir les méthaniseurs, et pas à nourrir les animaux.
00:16:38On peut en faire avec du nucléaire. Donc, c'est ce qu'on fait.
00:16:43On peut en faire avec du charbon.
00:16:45Les Allemands ont encore des mines, des centrales à l'inite, les Polonais aussi.
00:16:49Ailleurs en Europe, c'est plutôt une énergie en déclin, tout simplement parce qu'on importe.
00:16:52Donc, en fait, comme on importe, on en utilise globalement de moins en moins.
00:16:57Et enfin, on peut en faire avec du solaire et de l'éolien.
00:17:00Alors, si je prends les modes purement décarbonés,
00:17:03donc d'un côté, j'ai les énergies renouvelables et j'ai évidemment l'hydraulique que j'ai oublié.
00:17:07Et de l'autre côté, le ou les nucléaires, plus exactement.
00:17:12Alors, sur les énergies renouvelables, vous avez deux catégories.
00:17:15Les énergies renouvelables pilotables et celles qui ne le sont pas.
00:17:18Dans les pilotables, vous avez le biogaz et vous avez l'hydraulique.
00:17:22Dans le non pilotable, vous avez l'éolien et le solaire.
00:17:25Le pilotable ne pose pas de problème d'intégration dans le réseau,
00:17:27puisque c'est une électricité, j'ai envie de dire ordinaire.
00:17:30Vous la produisez à la demande, notamment l'hydroélectricité,
00:17:33qui est une énergie extrêmement, enfin une électricité extrêmement précieuse.
00:17:38Et vous pouvez, du coup, alimenter un réseau en totalité avec des barrages
00:17:40si vous avez assez de barrages, ce que fait la Norvège.
00:17:424 millions d'habitants, un pays qui est grand comme la moitié de la France,
00:17:45avec plein de montagnes, ça ne pose aucun problème.
00:17:48Et les Norvégiens consomment plus de deux fois plus d'électricité par personne que les Français.
00:17:51Et ça ne pose aucun problème d'alimenter tout ça avec des barrages.
00:17:54Et vous avez un réseau parfaitement flexible.
00:17:57Les Suédois ont également une très grande part d'hydroélectricité,
00:17:59toujours pareil, 350 000 kilomètres carrés, 10 millions d'habitants, c'est facile.
00:18:02Et la Finlande a encore un gros paquet d'hydroélectricité.
00:18:05Et les Autrichiens, tout ça, c'est des pays qui sont faiblement peuplés
00:18:08en rapport de la quantité de montagnes qu'ils possèdent.
00:18:10Et donc, vous pouvez avoir une grosse partie d'hydroélectricité.
00:18:13En France, on est au taquet, en gros, on ne peut pas équiper beaucoup plus de sites.
00:18:17En hydroélectricité pure, après, on pourrait faire des stations de pompage
00:18:19en remontant l'eau du Léman et en noyant toutes les vallées qui sont au-dessus.
00:18:22Ça, c'est techniquement possible, à condition de se mettre d'accord avec les Suisses.
00:18:25Mais par contre, de l'hydroélectricité en provenance des eaux pluviales ou de la neige,
00:18:32ça, on est à peu près au taquet, on peut en rajouter un peu, mais pas beaucoup.
00:18:36Donc, vous avez les énergies renouvelables, enfin l'électricité renouvelable pilotable.
00:18:40Vous avez derrière, après, l'électricité renouvelable non pilotable,
00:18:43donc éolien et solaire.
00:18:45Et celle-là, vous avez deux cas de figure ou bien vous en produisez essentiellement
00:18:48quand vous avez besoin de vous en servir.
00:18:50Il y a des cas de figure où c'est comme ça.
00:18:51Par exemple, la climatisation et le solaire, ça va bien ensemble.
00:18:55Parce qu'en général, vous avez besoin de climatiser quand il fait très chaud.
00:18:57Vous, il fait très chaud quand il y a plein de soleil
00:18:59et quand il y a plein de soleil, il y a plein d'électricité solaire.
00:19:01D'accord, donc là, vous avez des usages qui se correspondent assez bien.
00:19:05Quand vous avez des voitures électriques et que vous avez la possibilité
00:19:08de les recharger au pic solaire, ce qui n'est pas tellement le cas aujourd'hui
00:19:10parce qu'on les recharge plutôt la nuit.
00:19:13Eh bien, mais bon, on pourrait le faire.
00:19:15Eh bien, à ce moment, vous avez aussi des usages qui se correspondent assez bien.
00:19:18Donc, ça ne pose pas de problème.
00:19:19Par contre, quand vous avez des usages qui sont loin dans le temps
00:19:23du moment où la production arrive, à ce moment, ça se met à poser problème.
00:19:27Et en particulier, un des trucs qui aujourd'hui pose problème.
00:19:30Alors, il y a deux choses qui commencent à poser problème aujourd'hui.
00:19:33C'est que maintenant, le parc solaire installé en Europe
00:19:35commence à être suffisamment important pour que certains jours,
00:19:39la puissance solaire injectée sur le réseau dépasse les usages
00:19:42plus les capacités de stockage.
00:19:43Et à ce moment, vous êtes obligé d'écrêter la production solaire.
00:19:46Donc, en fait, il y a une partie de la production solaire
00:19:48que vous n'injectez pas sur le réseau parce que vous ne sauriez pas quoi en faire.
00:19:51Et ça, ça vient encore après les prix négatifs.
00:19:53Déjà, au début, vous avez les prix négatifs, puis ensuite, vous avez ce genre de choses.
00:19:57Et vous avez également les décalages dans le temps à quelques mois
00:20:00qui peuvent poser problème.
00:20:01Vous savez qu'actuellement, la consommation d'électricité en France,
00:20:05elle est plutôt maximale l'hiver.
00:20:06Ce n'est pas vrai dans tous les pays.
00:20:07Vous avez plein de pays où les climatiseurs sont importants et où c'est l'été.
00:20:11Au Japon, par exemple, c'est l'été que vous avez le pic de consommation électrique.
00:20:14Très loin devant le pic hivernal.
00:20:16En France, pour le moment, on n'est pas encore dans cette situation.
00:20:19Mais donc, vous avez un décalage dans le temps.
00:20:22Et donc, si vous avez une production électrique
00:20:26qui est plus importante l'été que l'hiver et une consommation
00:20:30qui est plus importante l'hiver que l'été,
00:20:32vous avez un problème de stockage intersaisonnier.
00:20:33Et alors, celui-là, il est très difficile à rassurer
00:20:36parce que ça excède les durées typiques de stockage dans les stations de pompage.
00:20:40Vous êtes plutôt sur une durée de stockage qui est de l'ordre de la journée à la semaine.
00:20:44Ça excède les batteries.
00:20:45Vous êtes sur des durées de stockage qui sont aussi du même ordre.
00:20:48Et aujourd'hui, ça, c'est le sujet sur lequel il y a des incertitudes
00:20:53dans des systèmes où il y aurait des fortes pénétrations d'éoliens et de solaires.
00:20:59Du côté du nucléaire, alors, juste pour finir,
00:21:03sur les énergies renouvelables nouvelles, éoliennes et solaires,
00:21:07ce qui va vite, c'est de construire une éolienne ou un panneau solaire
00:21:10ou un champ solaire.
00:21:12Ce qui est compliqué, c'est de faire le réseau complet.
00:21:14Donc, les Allemands ont commencé il y a 20 ans et ils n'y sont toujours pas.
00:21:17Donc, faire une installation, c'est simple et rapide.
00:21:20D'accord. Faire le réseau dans son ensemble, c'est compliqué.
00:21:24Avec le nucléaire, vous êtes dans l'équation exactement inverse.
00:21:27Faire une centrale, c'est compliqué.
00:21:28Faire fonctionner le réseau, c'est simple.
00:21:30Vous êtes dans des situations opposées, on va dire.
00:21:35Alors, le nucléaire ou les nucléaires, plus exactement.
00:21:39Vous en avez de deux types.
00:21:40Vous avez le nucléaire à fission et le nucléaire à fusion.
00:21:43Le nucléaire à fission part d'une réalité physique
00:21:47qui est que quand vous cassez en deux un très gros noyau,
00:21:51à l'arrivée, vous avez des sous-ensembles plus stables
00:21:54que le noyau de départ et donc, au passage, vous avez récupéré de l'énergie.
00:21:59La fusion, c'est l'inverse.
00:22:00Quand vous agrégez des petits noyaux, vous arrivez à un noyau plus gros
00:22:04et qui est plus stable.
00:22:07Et donc, c'est pareil. Au passage, vous avez récupéré de l'énergie.
00:22:11La fusion, vos enfants seront morts,
00:22:14qu'on n'en verra toujours pas la couleur industrielle.
00:22:16Donc, on peut laisser ça de côté
00:22:18parce qu'on est encore à un siècle d'avoir quelque chose d'opérationnel.
00:22:23Oui, l'itaire n'est pas du tout un réacteur électrogène.
00:22:26ITER a comme objet de faire
00:22:30une réaction de fusion qui va durer quelques minutes
00:22:33et qui a pour objet de libérer un peu plus d'énergie
00:22:35que l'énergie qui a été utilisée pour chauffer la matière
00:22:38à quelques dizaines de millions de degrés.
00:22:40Ce qui est nécessaire pour que les particules chargées positivement,
00:22:43que sont les noyaux d'hydrogène, aillent suffisamment vite
00:22:46pour se rentrer dedans et fusionner en arrivant à vaincre la répulsion
00:22:50électrostatique du fait que deux particules chargées positivement,
00:22:53quand vous les rapprochez, elles ont tendance à se rééloigner.
00:22:56Donc, ITER doit vaincre avec l'énergie cinétique des noyaux
00:23:00cette énergie de répulsion électrostatique.
00:23:03Et pour ça, il faut que les noyaux aillent très, très vite,
00:23:04ce qui veut dire qu'il faut qu'il y ait une agitation thermique extrêmement élevée.
00:23:07Et pour ça, il faut que la matière soit portée
00:23:08à des dizaines de millions de degrés sous forme de plasma.
00:23:11Et pour ça, il faut évidemment utiliser plein d'énergie.
00:23:13Donc, en fait, vous avez besoin d'un petit réacteur nucléaire classique
00:23:16pour injecter l'électricité qui est nécessaire au démarrage d'ITER.
00:23:18Et ensuite, ITER fait des réactions de fusion pendant quelques minutes.
00:23:23Ça, c'est très, très loin d'un réacteur électrogène
00:23:27à fusion qui doit durer des milliers d'heures,
00:23:28parce que vous n'entendez pas avoir la lumière quelques minutes dans cette salle.
00:23:32Et donc, ça doit être stable sur des milliers d'heures.
00:23:35Et par ailleurs, vous devez avoir un dispositif qui convertit
00:23:37l'énergie de la fusion en électricité.
00:23:40Cette énergie de fusion, vous la récupérez essentiellement
00:23:42sous forme de neutrons de très haute énergie.
00:23:44Et ce dispositif électrogène permettant de faire de l'électricité
00:23:47à partir de neutrons de très haute énergie,
00:23:49il faut le mettre au point. Et pour le moment, il n'existe pas.
00:23:53Donc, ITER, premier plasma dans cinq ans,
00:23:56dix ans de retour d'expérience, cinq ans pour, derrière,
00:23:59savoir comment est-ce qu'on fait l'exemplaire suivant,
00:24:02dix ans pour construire l'exemplaire suivant, dix ans de retour d'expérience,
00:24:05cinq ans pour se gratter la tête. Enfin, bon bref, vous additionnez.
00:24:07Vous avez peut-être une tête de série à fusion si tout va bien en 2100.
00:24:11Bon, il faut qu'on soit neutre en carbone d'ici 2100.
00:24:14Donc, on oublie la fusion pour être neutre en carbone.
00:24:17Donc, ça volera peut-être au secours du succès quand le succès sera là.
00:24:20Mais il ne faut pas compter dessus pour l'atteindre.
00:24:22En ce qui concerne la fission, aujourd'hui, la seule fission exploitée
00:24:26dans le monde, c'est la fission de l'uranium 235.
00:24:29C'est le seul atome fissile qui soit naturellement à notre disposition sur Terre.
00:24:34On a également sur Terre des atomes dits fertiles,
00:24:36c'est-à-dire que si on leur fait manger un neutron, ils deviennent fissiles.
00:24:39C'est le cas de l'uranium 238, qui ensuite se transforme en plutonium 239,
00:24:43qui est fissile, et c'est le cas du thorium 232,
00:24:46qui ensuite se transforme en uranium 233, qui est fissile.
00:24:49Mais ils ne sont pas fissiles à l'état naturel.
00:24:52Alors que l'uranium 235 est fissile.
00:24:53Vous lui faites manger un neutron, il se casse en deux et il vous fournit de l'énergie.
00:25:00L'énergie nucléaire qu'on exploite actuellement en France
00:25:02et celle qui est exploitée dans la quasi-totalité des pays du monde,
00:25:05c'est des réacteurs qu'on appelle à eau pressurisée,
00:25:07c'est-à-dire que l'eau est maintenue suffisamment fortement sous pression
00:25:10pour qu'elle atteigne des températures qui dépassent de très loin les 100 degrés
00:25:13sans se mettre à bouillir.
00:25:15Il n'y a pas de vapeur qui apparaît dans le circuit primaire
00:25:17parce qu'elle est sous très forte pression.
00:25:19Les réacteurs de Fukushima étaient des réacteurs d'un concept différent,
00:25:23dits à eau bouillante, où là, il n'y avait pas de pression,
00:25:25c'était la pression atmosphérique et l'eau se mettait à bouillir.
00:25:27Et vous n'avez qu'un seul circuit du reste au lieu d'avoir un primaire et un secondaire
00:25:30comme en France.
00:25:34L'énergie nucléaire qu'on exploite en France,
00:25:36c'est des réacteurs dits de deuxième génération,
00:25:42qui fonctionnent bien puisque pour le moment, on n'a pas eu de pépins majeurs.
00:25:45Et il faut rappeler que les deux seuls accidents de réacteurs
00:25:49à eau pressurisée ou à eau bouillante qu'il y a eu dans le monde ont fait zéro mort
00:25:52puisque c'était Fukushima et Three Mile Island.
00:25:54Et aucun des deux n'a fait de mort à cause d'un quelconque surplus de radiation
00:25:58qui aurait été dégagé dans l'environnement.
00:26:00Et c'est un concept extrêmement différent de Tchernobyl,
00:26:02qui n'était pas un réacteur à eau pressurisée.
00:26:05Donc, les technologies ne sont pas comparables.
00:26:10Donc, je le redisais, faire un réacteur, c'est long.
00:26:13Faire un réseau électrique avec des réacteurs, c'est simple.
00:26:17Alors, une fois que j'ai dit ça, quel est le meilleur pari à faire
00:26:20entre renouvelable, nucléaire ou un mix des deux ?
00:26:25Parce que les renouvelables ont pour elles que c'est facile de rajouter
00:26:27des éoliennes et des panneaux solaires en peu de temps,
00:26:29ou une éolienne, exactement, et un panneau solaire.
00:26:32Alors, ce qui peut être long, c'est de discuter avec les gens du coin
00:26:35qui sont d'accord ou pas d'accord.
00:26:36Mais par contre, la partie strictement technique, elle n'est pas compliquée.
00:26:40Mais j'insiste, le réseau complètement
00:26:43alimenté par des ENR non pilotables, aujourd'hui, personne n'a.
00:26:48Enfin, à grande échelle, en tout cas, personne n'a.
00:26:50Du côté,
00:26:53et en particulier, pas au moyen de latitude avec l'alternance de saisons
00:26:56qui sont très contrastées du côté
00:27:01nucléaire, ce qui est long aujourd'hui, c'est de faire un réacteur
00:27:04et donc, a fortiori, d'en faire cinq.
00:27:06Par contre, une fois qu'ils sont là, de faire fonctionner le réseau, c'est simple.
00:27:11Alors, il y a plein de gens qui disent on n'a qu'à en piler les deux,
00:27:13ce qui est une option.
00:27:15Et les gens qui disent on n'a qu'à en piler les deux disent rajoute en plus
00:27:19pour le scénario que j'ai vu qui allait jusqu'au bout.
00:27:22On va faire de grosses stations de pompage, justement, en prenant l'eau du Léman
00:27:25et en noyant des vallées au-dessus
00:27:28ou bien en prenant l'eau du barrage de Serre-Ponçon et en faisant une step
00:27:31au-dessus de Serre-Ponçon.
00:27:32Voilà tout ça, on peut faire des trucs comme ça.
00:27:36Et si on veut avoir dans un premier temps un déploiement rapide de mode non pilotable
00:27:42sans avoir de problèmes d'interminence induite
00:27:46compliqué à gérer dans le réseau, c'est probablement une bonne solution.
00:27:48On peut aussi accélérer la cadence sur le nucléaire.
00:27:52Et ça, ça veut dire que dans l'esprit de la population,
00:27:55dans l'arbitrage entre le risque de l'objet et le risque de ne pas avoir l'objet,
00:28:01on se met à être beaucoup plus sensible au risque de ne pas avoir l'objet.
00:28:04Je m'entends.
00:28:05Aujourd'hui, le fait que l'on considère que le risque de l'objet
00:28:09est un risque tellement important qu'il faut mettre 253 paires de ceintures
00:28:13et 25 paires de bretelles avant de construire l'objet,
00:28:15conduit à des objets qui sont complexes, chers et longs à construire.
00:28:23L'EPR, il n'y a pas qu'en France qu'il a été long à construire.
00:28:26Il a été long à construire à Taishan,
00:28:28même s'il a été beaucoup plus rapide à construire à Taishan que chez nous.
00:28:31Il a été long à construire à Ukiyuhoto.
00:28:34Il est long à construire en ce moment à Inclay Point.
00:28:37Donc, en fait, c'est un réacteur qui est intrinsèquement compliqué à construire.
00:28:43C'est un réacteur qui est intrinsèquement compliqué.
00:28:45Il faut rappeler que c'est un design franco-allemand avec quatre trains de sûreté à l'origine,
00:28:50ce qui est, à mon avis, deux de trop.
00:28:53Donc, en fait, on a vraiment rendu le système extrêmement compliqué.
00:28:57Et il me semble que c'est un modèle, et du reste, la raison pour laquelle
00:29:00on veut le simplifier le confirme,
00:29:03où on est arrivé sur le mieux qui était l'ennemi du bien.
00:29:07Si on pense qu'aujourd'hui, augmenter rapidement les capacités nucléaires
00:29:10françaises est le sujet,
00:29:14je vais dire une horreur, mais peut-être qu'une des options à examiner,
00:29:18c'est de laisser le père au placard pour le moment
00:29:20et de reconstruire des réacteurs comme ceux qui sont actuellement en service.
00:29:25Peut-être qu'ils sont plus simples, qu'on connaît bien,
00:29:28puisqu'on les fait fonctionner, et peut-être que ça ira au final plus vite.
00:29:32Mais aux normes de sécurité de l'époque ou aux normes de sécurité actuelles ?
00:29:35Alors, vous savez, vous savez probablement que les normes de sécurité en France
00:29:40sont des normes qui sont conformes à l'état de l'art.
00:29:43Donc, si vous les construisez, vous les construisez comme ils fonctionnent actuellement.
00:29:47Vous ne les construisez pas comme ils ont été construits à l'époque,
00:29:49puisqu'on les a améliorés depuis.
00:29:50Mais voilà. Alors, je dis ça, je n'ai rien dit, comme disait l'autre.
00:29:55Non, mais c'est une question qu'on a posée, nous.
00:29:57Je dis juste, si vraiment le fait d'augmenter rapidement
00:30:01la capacité nucléaire française est un sujet,
00:30:05je ne sais pas si la meilleure option aujourd'hui, c'est de faire des EPR.
00:30:08Voilà. Et quand je dis je ne sais pas, je suis sincère.
00:30:10C'est-à-dire, je ne vous dis pas, ce n'est pas une façon déguisée de vous dire,
00:30:13je suis sûr du contraire. Je ne sais pas.
00:30:15Je pense que c'est un débat technique et compliqué,
00:30:19pas facilement accessible sans y passer un certain temps,
00:30:22comme aurait dit l'autre, et un temps certain.
00:30:25Et en tout cas, c'est en tout cas pour moi une question qui se pose.
00:30:28Alors, c'est clair que cette question, elle se pose dans un contexte
00:30:31qui n'est plus celui d'il y a 30 ans.
00:30:33Et comme vous l'avez dit tout à l'heure,
00:30:35moi, c'est une expression que j'ai souvent utilisée.
00:30:37Il y a 20 ans de nucléaires ronteux qui sont passés par là.
00:30:39Donc, les débats sur le nucléaire sont devenus un peu sensibles.
00:30:42Quand bien même l'opinion a très fortement
00:30:46augmenté son acceptabilité du nucléaire sur les deux dernières années,
00:30:49en France, comme partout en Europe.
00:30:52Merci, monsieur Poutine.
00:30:53Donc, en fait, clairement, partout en Europe,
00:30:55le nucléaire a gagné 20 points, 15 à 20 points de sentiments positifs.
00:31:00Ce n'est pas propre qu'à la France.
00:31:01Et pour moi, c'est une conséquence directe de la guerre en Ukraine.
00:31:04Donc, la question se pose vraiment de savoir
00:31:10s'il faut faire des EPR2 à tiers larigot
00:31:13ou s'il faut faire autre chose.
00:31:14Et je le répète, je ne sais pas.
00:31:17Et la prolongation des réacteurs historiques ?
00:31:20Prolonger les réacteurs historiques, il faut le faire dans tous les cas de figure.
00:31:23Tant que ça tient, il faut les prolonger.
00:31:26Donc, 60, 80, je ne sais pas.
00:31:27Là, c'est pareil.
00:31:28Moi, je ne suis pas qualifié techniquement.
00:31:30Ce que je sais, c'est qu'il y a une pièce
00:31:32qui est compliquée de changer dans un réacteur.
00:31:34C'est la cuve.
00:31:35Tout le reste se change.
00:31:37Vous connaissez probablement cette anecdote
00:31:38qui est qu'au moment où on a fermé Fessenheim,
00:31:42en fait, c'était un des réacteurs dans lesquels
00:31:45les équipements étaient, à part la cuve, les plus modernes.
00:31:48Puisqu'on avait tout changé.
00:31:49Parce que dans un réacteur, au cours de sa vie, vous changez tout.
00:31:52Donc, l'âge n'intervient que sur les pièces
00:31:57qu'on ne peut pas changer dans un réacteur et donc en particulier sur la cuve.
00:32:00Mais tant que la cuve tient, il faut continuer.
00:32:03Il n'y a pas de raison.
00:32:03Parce que là, pour le coup, en termes de disponibilité et en termes de...
00:32:09Qu'est-ce que j'ai envie de dire ?
00:32:10Et en termes de coûte,
00:32:12il n'y a rien de mieux que de prolonger des réacteurs existants.
00:32:15Alors, il y a un point qu'il faut savoir.
00:32:16Et là, on commence à rentrer dans la conjonction d'injonctions.
00:32:21Je ne sais pas si je dois dire contradictoires
00:32:22ou dans les conflits d'objectifs, on va dire.
00:32:25C'est que le développement d'énergie non pilotable
00:32:30conduit à moduler ce qu'on faisait déjà,
00:32:34mais plus fortement encore les réacteurs nucléaires.
00:32:38Non, parce qu'eux, ils ont 20% de nucléaire.
00:32:40Donc, en fait, la modulation se passe au-dessus du nucléaire
00:32:43parce que l'électricité aux Etats-Unis descendent en dessous de 20%
00:32:46de la consommation maximale.
00:32:49Ça n'arrive pas.
00:32:50Donc, la consommation annuelle moyenne, plus exactement.
00:32:53Ça n'arrive pas.
00:32:54Donc, en fait, eux, ils les font tourner avec un facteur de charge de 90%
00:32:57parce qu'ils ne modulent pas.
00:32:59Nous, on les fait tourner avec un facteur de charge inférieur,
00:33:01d'abord parce qu'on module et ensuite parce qu'on a des travaux chez nous
00:33:04qui sont plus importants que chez eux.
00:33:06Parce que la philosophie de sûreté aux Etats-Unis, c'est qu'à tout instant,
00:33:08le réacteur doit être conforme à son design d'origine.
00:33:11Alors que chez nous, c'est qu'à tout instant, il doit être conforme à l'état de l'art.
00:33:14Donc, en fait, il y a des travaux d'amélioration
00:33:16qui font partie de la vie du réacteur et qui, évidemment, diminue son facteur
00:33:19de son facteur de charge.
00:33:21Donc, le facteur de charge aux Etats-Unis, il est très supérieur,
00:33:25comme en Chine du reste.
00:33:26Le père de Taishan, là, il a un facteur de charge qui est extrêmement élevé.
00:33:30Tout simplement parce qu'en Chine, c'est pareil.
00:33:32Comme le nucléaire représente une petite partie de l'électricité produite,
00:33:35il l'utilise à fond en permanence.
00:33:37Il n'est pas utilisé.
00:33:38On n'a pas besoin de lui pour la modulation.
00:33:39C'est autre chose qu'on utilise pour la modulation.
00:33:42Et même les Allemands, quand ils avaient du nucléaire,
00:33:43ne s'en servaient pas du tout pour la modulation
00:33:45parce que la modulation se faisait aux étages supérieurs,
00:33:47dans le gaz et éventuellement dans le charbon.
00:33:50Par contre, en France, non.
00:33:52Ce qui veut dire qu'en France, or en France, si on module beaucoup les réacteurs,
00:33:54ça les fait vieillir un peu plus vite.
00:33:57Voilà, donc là, on a un petit conflit d'objectifs.
00:33:59Mais enfin, on va en avoir plein des conflits.
00:34:01Ça, c'est démontré ou ?
00:34:03Que ça vieillit un peu plus vite ?
00:34:04Oui, que ça vieille un peu plus vite.
00:34:05Oui, ça fait vieillir un peu plus vite les équipements.
00:34:06C'est la partie du questionnement.
00:34:08Tout le monde n'est pas d'accord sur le sujet.
00:34:11Je ne dis pas la cuve, je dis les équipements.
00:34:16Après, la quatrième génération.
00:34:19Alors, la quatrième génération, pour moi,
00:34:21c'est ce vers quoi on devrait aller le plus vite possible.
00:34:25Quand vous regardez aujourd'hui,
00:34:27alors là, je vais raisonner à l'échelle mondiale.
00:34:29Aujourd'hui, à l'échelle mondiale,
00:34:30vous avez entre 2200 et 2400 gigawatts de centrales à charbon
00:34:36dans le monde, de puissances installées.
00:34:38Je vous rappelle qu'en France, on a tout moyen de production confondu,
00:34:41à peu près 120 gigawatts,
00:34:43enfin, un peu plus peut-être avec les ENR qui s'agilent rapidement.
00:34:49Donc, dont à peu près 80 pilotables.
00:34:51Donc, 2200, on n'est pas en train de parler d'une pécadille.
00:34:54Et si on voulait que le nucléaire joue un rôle significatif
00:34:58dans la substitution de ces 2200 gigawatts de centrales à charbon,
00:35:02il faudrait multiplier le parc nucléaire actuel
00:35:05par un facteur de plusieurs dizaines.
00:35:07Et par ailleurs, si on veut que tout ça soit durable,
00:35:10il faut que ça soit capable de durer quelques siècles.
00:35:12Il n'y a pas assez d'uranium 235 pour arriver à ça.
00:35:15Ce qui veut dire que si on veut que le nucléaire soit vraiment une énergie
00:35:18insignificative dans le monde,
00:35:20aujourd'hui, c'est 10% de l'électricité et l'électricité, c'est 20% des usages.
00:35:23Donc, le nucléaire, aujourd'hui, c'est 2% des usages finaux.
00:35:27Donc, ça ou rien, même si j'adore le nucléaire, c'est à peu près pareil.
00:35:31Si on veut que ça se mette à jouer un rôle très significatif dans les usages finaux,
00:35:34il faut ne pas avoir de facteurs limitants sur le combustible nucléaire.
00:35:39Et donc, ça, ça veut dire qu'il faut qu'on passe le plus vite possible
00:35:41à la quatrième génération.
00:35:43Ce qui veut dire que, de mon point de vue,
00:35:44il faut qu'on passe le plus vite possible à la quatrième génération.
00:35:47De mon point de vue, sur la partie nucléaire,
00:35:50je ne parle pas de la partie lunaire, sur la partie nucléaire, en France,
00:35:53le système qui me paraît être le système à étudier,
00:35:58c'est qu'on prolonge les réacteurs actuels aussi longtemps que possible.
00:36:02On rajoute des EPR ou autre chose, ce qu'il faut pour faire la jonction.
00:36:07Et on démarre dès que possible en programme Fast Track,
00:36:11un programme quatrième génération, que je pense qu'il serait pertinent
00:36:15de loger dans le cadre de l'alliance nucléaire
00:36:18qui avait été démarrée par Madame Pannier-Runacher
00:36:22et qui relèverait en gros d'une coopération restreinte.
00:36:28Donc ça, c'est une idée dont j'avais déjà fait la promotion
00:36:30il y a maintenant plus de dix ans
00:36:32à l'administrateur général du CEA de l'époque,
00:36:35qui m'avait écouté avec un sourire intéressé,
00:36:41où je lui avais dit ce qu'on devrait faire, nous, les Français,
00:36:43c'est aller faire le tour d'un certain nombre de pays alliés en Europe,
00:36:46donc qui sont en gros ceux qu'on retrouve dans l'alliance pour le nucléaire,
00:36:49et leur proposer un programme Fast Track de quatrième génération
00:36:51qui serait à peu près le suivant.
00:36:53Chaque pays intéressé met quelques milliards sur la table,
00:36:55de telle sorte qu'on réunisse 20 à 40 milliards.
00:36:58On choisit trois, quatre dessins de réacteurs,
00:37:01donc pas les douze qu'on a dans le forum
00:37:02ou les dix qu'on a dans le forum Génération 4 actuel dans le monde.
00:37:05De toute façon, il y a des trucs où il y a du graphite dans le cœur,
00:37:07ça, on n'en veut pas, il y a des trucs, enfin bref.
00:37:10Il ne faut prendre que des designs qui bouclent le cycle du combustible,
00:37:12enfin bref.
00:37:14Et sur chacun de ces designs, on fait deux prototypes en Europe,
00:37:18histoire d'éviter l'accident industriel de construction sur l'un des deux,
00:37:21qui serait dû à Dieu sait qui, qui se prend les pieds dans le béton ou je ne sais pas quoi.
00:37:25Donc, on double pour faire de la redondance.
00:37:27Et les pays qui acceptent le prototype,
00:37:29ils l'acceptent en maîtrise d'ouvrage complète,
00:37:32c'est-à-dire qu'en gros, ils ont telle part du budget,
00:37:34si ça dépasse, c'est pour leurs pieds,
00:37:35mais par contre, ils font comme ils veulent, voilà, en gros.
00:37:38Et on va aussi vite que possible.
00:37:39Et j'ai dit, si on fait ça,
00:37:41compte tenu du fait qu'il y a quand même des bouts de quatrième génération
00:37:43où on a déjà les idées claires,
00:37:44par exemple, l'uranium, plutonium, assodium fondu,
00:37:47ça, on sait, on a déjà fait fonctionner, on sait que ça marche.
00:37:50Les réacteurs à sel fondu, on en a déjà fait dans le monde.
00:37:52Par contre, il y a encore des points à lever,
00:37:54en particulier le retraitement en continu,
00:37:56l'épuration en continu des déchets, ça, on ne sait pas faire aujourd'hui.
00:38:00Et je dis, si on fait ça, avec un peu de chance,
00:38:02d'ici une vingtaine d'années, on commence à avoir,
00:38:05on retrouve d'ici 10 à 20 ans, sur certains dessins, 10 donne 20,
00:38:09on retrouve de quoi déployer des réacteurs.
00:38:16Et il me semble que c'est ça, la bonne, la bonne tactique.
00:38:21Et à ce moment, on voit les ENR qui sont
00:38:25complexes à intégrer dans un réseau à large échelle.
00:38:29Et par ailleurs, beaucoup plus gourmandes en emplacement et en matériaux,
00:38:32mais surtout en emplacement,
00:38:34comme un appoint qu'on utilise autant qu'il le faut,
00:38:39le temps qu'il le faut.
00:38:41Donc, il ne faut pas être contre, mais par contre,
00:38:46comme on sait qu'aujourd'hui, c'est très compliqué d'arriver
00:38:48à un système complet basé là-dessus.
00:38:50Et que par ailleurs, à partir du moment où on a des réacteurs,
00:38:53on n'a aucune raison de les arrêter parce qu'il y a du vent,
00:38:55parce que ça ne fait qu'augmenter le coût par kilowattheure produit,
00:38:57puisqu'un réacteur, c'est que des coûts fixes.
00:39:01Oui, donc ça n'a pas d'intérêt économique,
00:39:03j'ai envie de dire, de faire ça.
00:39:06Et c'est dans cette optique-là qu'on réfléchit.
00:39:08Donc, personnellement, moi, c'est plutôt le système
00:39:10dans lequel j'aurais envie de me projeter.
00:39:13Et sur la construction des réacteurs,
00:39:15on essaye d'arriver rapidement à un consensus avec la population
00:39:19sur le fait que le mieux n'est pas l'ennemi du bien
00:39:23et qu'aujourd'hui, il y a déjà bien assez de précautions
00:39:25qui sont prises et même trop de précautions
00:39:27qui sont prises sur les réacteurs dans un pays où, par ailleurs,
00:39:30l'alcool est en vente libre, le tabac est en vente libre.
00:39:32Il y a 3000 personnes qui se tuent en voiture tous les ans
00:39:34et le cannabis n'est pas en vente libre, mais quasi.
00:39:36Et il fait aussi des ravages.
00:39:38Donc, je pense que l'un des points bloquants dans cette histoire,
00:39:44c'est l'absence de culture de gestion du risque dans les débats publics
00:39:48et le fait qu'on ait beaucoup de mal à arriver à débattre publiquement
00:39:53de l'arbitrage entre les risques. Aujourd'hui, c'est compliqué.
00:39:56Et le débat récent des Européennes
00:39:59ne vient pas rajouter de la sérénité là-dedans.
00:40:02On va pas rentrer dans les Européennes.
00:40:04Simplement, sur le nucléaire, deux questions complémentaires.
00:40:08Merci pour tout ce que vous avez dit, parce que ça me paraît très clair.
00:40:12Sur le multi-recyclage des déchets, qu'est-ce que vous en pensez ?
00:40:17Notamment versus l'utilisation du plutonium,
00:40:20parce que si on développe une quatrième génération,
00:40:23est-ce qu'on peut faire les deux ou pas ?
00:40:25Et puis, qu'est-ce que vous appelez le multi-recyclage des déchets ?
00:40:28C'est le fait de réutiliser...
00:40:30Aujourd'hui, le MOX, ce n'est pas du multi-recyclage.
00:40:35C'est du recyclage unique, le MOX.
00:40:37Oui, le MOX, mais ça va au-delà.
00:40:41Il n'est pas encore développé.
00:40:43C'est un projet.
00:40:44D'accord, donc c'est l'idée qu'on pourrait réutiliser
00:40:47les éléments encore fissiles dans le combustible,
00:40:50issus du MOX.
00:40:52Plusieurs fois.
00:40:53Ça, c'est une question technique que je n'ai pas regardée.
00:40:55Je n'ai pas d'avis là-dessus.
00:40:56Parce qu'on a l'impression, on a le sentiment que ça peut venir
00:40:58en contradiction avec le développement d'une quatrième génération
00:41:01et notamment l'utilisation du plutonium.
00:41:04Dans le multi-recyclage des déchets, vous avez notamment le fait
00:41:07d'à chaque fois de récupérer le plutonium utilisable, je suppose.
00:41:09Oui, mais on en perd à chaque fois.
00:41:11On en perd un peu, pas beaucoup.
00:41:13Je ne sais pas.
00:41:15Et sur le petit nucléaire, le SMR ?
00:41:19Le SMR, c'est une version sur laquelle je n'ai pas des idées très claires,
00:41:24au sens où j'ai compris que l'idée, c'était de faire
00:41:27d'industrialiser à l'amont du site
00:41:30la fabrication d'un certain nombre de composants ou de blocs complets,
00:41:33histoire de pouvoir être plus rapide au moment de l'installation sur site.
00:41:38Je n'ai pas les idées claires, parce que tant qu'on n'a pas le retour
00:41:40d'expérience permettant de voir si la théorie est confirmée ou pas,
00:41:43je ne sais pas. Donc voilà, je connais la théorie.
00:41:47En tout état de cause, quand vous demandez aux personnes
00:41:50qui sont en charge et que vous avez peut-être reçu
00:41:53quelle ordre de grandeur, de capacité ils sont capables de sortir par an,
00:42:00on parle de l'ordre d'un gigawatt de puissance par an,
00:42:04ce qui est très en dessous de ce qu'on a construit en France
00:42:07au moment du plan MESMER,
00:42:09puisqu'on était plutôt à 5 gigawatts par an,
00:42:11et ce qui est significativement en dessous de ce qu'il faudrait arriver à refaire
00:42:15si on veut que le nucléaire joue un rôle significatif
00:42:18avec l'électrification des usages.
00:42:20Parce que pour en venir à votre première question,
00:42:22quand on fait des calculs globaux,
00:42:25on se rend compte que la France aujourd'hui,
00:42:28alors je vais sortir quelques chiffres,
00:42:30la France consomme aujourd'hui à peu près,
00:42:32sauf erreur de ma part, 1600 térawattheures d'énergie finale,
00:42:36c'est-à-dire que l'énergie qui alimente les machines,
00:42:38celle qui sort du système énergétique qui alimente les machines, c'est 1600.
00:42:41Mais compte tenu du fait que l'essentiel des vêtements que vous portez,
00:42:44des voitures que vous conduisez, des machines à laver que vous utilisez
00:42:46et des brosses à dents que vous utilisez sont importées,
00:42:49et ce truc là aussi du reste,
00:42:51en fait, l'énergie qui permet d'alimenter le mode de vie d'un Français,
00:42:56c'est plutôt 2600 térawattheures par an et pas 1600.
00:42:59Donc, je me place dans un contexte de réindustrialisation
00:43:03et de décarbonation simultanée.
00:43:05D'accord, je fais les deux à la fois.
00:43:07C'est l'écologie, comment il appelle ça, patriotique de Wauquiez.
00:43:10Comment il appelle ça ?
00:43:10Je ne sais pas, il nous a inventé un nouveau truc récemment.
00:43:15Donc, 2600 térawattheures.
00:43:17Aujourd'hui, le nucléaire en produit moins de 400.
00:43:21Alors, quand vous électrifiez les transports,
00:43:24vous gagnez un facteur 3 à 4 au passage.
00:43:31D'accord, et dans ces 1600 térawattheures,
00:43:34il y en a quand même à peu près, sauf erreur de ma part,
00:43:39450 à 500 qui vont dans les transports.
00:43:42Donc là, en électrifiant, vous allez gagner 300 térawattheures d'efficacité,
00:43:46tout simplement, parce que le moteur électrique est beaucoup plus efficace
00:43:48que le moteur thermique.
00:43:49Quand vous électrifiez le chauffage, c'est pareil.
00:43:51Quand vous passez de la chaudière à gaz à la PAC,
00:43:54vous gagnez beaucoup en énergie finale.
00:43:56Donc, il y a plein d'endroits comme ça dans lesquels vous allez gagner.
00:44:00Il n'empêche, passer de 400,
00:44:03360 de nucléaire à une fraction significative des 2600
00:44:08qu'on utilise aujourd'hui, toutes énergies confondues
00:44:10avec les machines qu'on utilise aujourd'hui.
00:44:12Bon courage.
00:44:14Ce qui veut dire que dans mon point de vue,
00:44:16même un développement rapide des modes électriques décarbonés,
00:44:19quel qu'il soit, et même une électrification rapide des usages,
00:44:22ne nous évitera pas une grande démarche de sobriété.
00:44:28Et ça sera vrai, même si, et encore j'ai envie de dire,
00:44:31d'autant plus qu'on souhaitera réindustrialiser,
00:44:34parce que toute l'énergie qui sera mangée par l'industrie
00:44:36ne sera pas mangée par les particuliers.
00:44:40Donc, il y a quelque chose de très important à garder en tête.
00:44:45Je le disais il y a une dizaine d'années en rigolant
00:44:47que j'étais un décroissantiste pro-nucléaire,
00:44:49mais c'est à peu près ça.
00:44:50C'est-à-dire que je pense qu'on n'évitera pas
00:44:53une contraction très forte d'une manière générale des usages.
00:44:57Et donc, par exemple, la très bonne voiture électrique
00:44:59s'appelle un vélo électrique.
00:45:01Et le très bon avion du futur,
00:45:02ce n'est pas un avion à hydrogène, c'est un train, etc.
00:45:05Et c'est un particulier pour venir du sud de la France.
00:45:07Je n'ai rien dit.
00:45:09Et donc.
00:45:13Oui, oui, j'écoute, j'écoute.
00:45:14Absolument.
00:45:18Et donc, même si on met l'accélérateur très, très fort
00:45:23sur l'un et ou l'autre, donc les ENR décarbonés ou le nucléaire,
00:45:28j'insiste vraiment sur le fait que ça ne nous évitera pas
00:45:33de baisser très fortement l'énergie nécessaire à notre mode de vie,
00:45:36qu'elle ait lieu chez nous ou qu'elle soit utilisée à l'étranger.
00:45:40Ça va être de toute façon quelque chose de très significatif.
00:45:44Je ne sais pas si mes collègues ont des questions.
00:45:46Alors, je n'ai pas fini.
00:45:47Vous en avez une dernière, c'est les prix et les coûts.
00:45:49Alors, voilà.
00:45:51Alors, en fonction du mode de production,
00:45:53c'est plus ou moins facile de spéculer sur l'un et ou sur l'autre.
00:45:58Alors d'abord, je vous rappelle que dans un système
00:46:03basé sur un marché ouvert pour ne pas dire libéralisé,
00:46:07vous pouvez n'avoir qu'un lointain rapport entre les prix et les coûts.
00:46:11On l'a constaté il n'y a pas très longtemps,
00:46:13puisque c'est le coût de production marginale qui fait le prix de marché.
00:46:18Et ça peut n'avoir qu'un très lointain rapport
00:46:20avec les coûts réels de production de l'essentiel du parc.
00:46:24Donc, ce que seront les prix ?
00:46:25Je n'en ai aucune idée.
00:46:27Et donc, je vais sortir mon joker pour savoir ce que seront les prix.
00:46:30Je ne sais pas.
00:46:32Ça va notamment beaucoup dépendre du fait
00:46:34que l'on retourne vers un système de prix régulé et encadré
00:46:37ou qu'on ait un système de prix de marché qui sont ce qu'ils sont.
00:46:40En ce qui concerne les coûts,
00:46:42alors sur les modes qui utilisent des combustibles fossiles,
00:46:45le coût n'est pas plus prévisible que le coût du combustible fossile,
00:46:48puisque pour une centrale à gaz, ce qui coûte cher,
00:46:50ce n'est pas la construction de la centrale, c'est le coût du gaz.
00:46:54Par contre, en ce qui concerne les modes décarbonés,
00:46:57c'est ce qu'on appelle des modes à coût fixe,
00:46:58parce que vous payez tout l'argent au moment où vous construisez le mode
00:47:01et après, le vent est gratuit, le soleil est gratuit
00:47:04et le combustible nucléaire est quasi gratuit.
00:47:06D'accord ?
00:47:07Même avec un prix de la ligne de transport.
00:47:09Même avec un prix de la livre d'uranium qui serait multiplié par 10,
00:47:13ça reste quelques euros de prix par mégawatt-heure,
00:47:17donc c'est pas cher, on regarde du coût complet.
00:47:19Qu'est-ce que vous payez quand vous payez ces modes ?
00:47:22Vous payez le banquier et l'entreprise qui a construit,
00:47:25dans cet ordre en général.
00:47:27Je vais vous donner un petit calcul d'ordre de grandeur
00:47:29que j'avais fait il y a quelques années et qui m'avait frappé.
00:47:32Si vous prenez un dispositif de production d'électricité décarbonée,
00:47:36quel qu'il soit, un réacteur nucléaire, barrage,
00:47:40éventuellement une éolienne qui durerait longtemps,
00:47:42et que cet engin coûte 10 milliards,
00:47:45alors si c'est une des éoliennes, il en faut beaucoup,
00:47:47mais que cet engin coûte 10 milliards à construire,
00:47:50en passant de 2 à 10% de coût du capital,
00:47:53vous augmentez de 90 milliards d'euros les frais financiers
00:47:56sur la durée de vie et de fonctionnement de l'installation.
00:47:59D'accord ?
00:48:00Ça explique pourquoi ces modes décarbonés à durée de vie longue,
00:48:04c'est par essence des modes qui doivent se retrouver
00:48:08dans un cadre d'accès au financement
00:48:10qui est un cadre public ou quasi-public.
00:48:13Public ou garanti par le public,
00:48:15parce qu'entre 2 et 10%, ça fait quand même une petite différence.
00:48:18Et donc à partir du moment où ça coûte 10 milliards à construire
00:48:20et 90 milliards de frais financiers,
00:48:21c'est bien que vous payiez dans cet ordre le banquier,
00:48:23puis le constructeur du dispositif.
00:48:25C'est bien dans cet ordre-là que ça va.
00:48:27Donc en ce qui concerne les modes décarbonés,
00:48:30vous avez un élément qui est essentiel sur le coût.
00:48:34Le coût futur, c'est à quel prix de l'argent
00:48:38vous accédez au capital.
00:48:39Et de ce point de vue, je pense que la renationalisation des DF,
00:48:42si ça la conduit à avoir la signature de l'État sur sa dette,
00:48:46c'est une excellente chose,
00:48:48parce que ça va faire baisser très fortement
00:48:51les intérêts intercalaires,
00:48:52et donc du coup, le coût du mégawatt-heure à l'arrivée.
00:48:56Même avec un nucléaire qui coûte extrêmement cher à construire,
00:48:59comme à Eclair Point,
00:49:01eh bien si au lieu d'emprunter à 10%,
00:49:03parce que c'est à peu près le taux auquel ils ont emprunté,
00:49:06les Anglais avaient emprunté à 2%,
00:49:09le mégawatt-heure à Eclair Point sortirait,
00:49:11même avec les retards, très en dessous de 100€ du mégawatt-heure.
00:49:14Très très en dessous.
00:49:15On serait quelque part aux alentours de 60€,
00:49:18de 50€ ou 60€, voilà.
00:49:21Donc sur les modes décarbonés,
00:49:24le coût est un...
00:49:26parce qu'une fois que vous avez le coût de construction
00:49:28et le prix de l'argent,
00:49:32vous avez une très forte visibilité
00:49:33sur ce que sera votre coût de production
00:49:36sur la durée de vie de l'infrastructure.
00:49:37Alors vous pouvez avoir quelques surprises,
00:49:39un grand carénage par ici, etc.,
00:49:42un arrêt inopiné là,
00:49:43mais en gros, vous avez quand même une très bonne visibilité
00:49:45sur ce que vous n'avez pas avec les combustibles fossiles.
00:49:47Et ce que je vous dis, ça vaut avec une installation solaire
00:49:49comme éolienne, comme un barrage,
00:49:51comme du nucléaire, en gros.
00:49:54Tout ça, c'est des installations à coût fixe.
00:49:56Comme c'est des installations à coût fixe,
00:49:57vous n'avez par ailleurs pas intérêt
00:49:59à diminuer délibérément leur production.
00:50:02Donc l'écrétage du solaire quand il y a du soleil,
00:50:05ce n'est pas une bonne affaire sur le plan économique.
00:50:06Il vaut mieux éviter d'avoir à le faire.
00:50:08Et la modulation à la baisse du nucléaire,
00:50:12si vous n'êtes pas obligé,
00:50:13ce n'est pas une bonne affaire sur le plan économique non plus.
00:50:16C'est sous-optimal du point de vue du système d'ensemble.
00:50:22Là où ça commence à devenir intéressant,
00:50:24c'est que si on parle de durabilité,
00:50:27alors certes, vous allez me dire un mandat ici,
00:50:29c'est 6 ans ou 9 ans ? 6 ans, voilà.
00:50:31Donc on va parler de durées qui sont un peu au-delà d'un mandat ici.
00:50:33Mais si on se projette au-delà du siècle,
00:50:37le système, il ne faut pas seulement le faire,
00:50:38il faut être capable de le reconstruire.
00:50:41Or, ce que sont les coûts de construction aujourd'hui
00:50:44ne présagent en rien de ce que seront les coûts de reconstruction
00:50:48dans 20, 30, 40, 50 ou 60 ans.
00:50:51Je vais prendre l'exemple des renouvelables
00:50:54pour bien me faire comprendre.
00:50:56Le coût d'installation d'une éolienne ou d'un panneau solaire
00:50:58a considérablement diminué sur les dernières décennies.
00:51:02C'est juste dû à la productivité industrielle
00:51:06amenée par les combustibles fossiles.
00:51:08Une éolienne, c'est un produit industriel ordinaire.
00:51:11C'est fait de métal, le chibi organique, etc.
00:51:13C'est un produit industriel ordinaire.
00:51:15Tout aussi ordinaire que ce truc-là et ça, c'est juste plus gros.
00:51:18Et un champ solaire, c'est pareil.
00:51:20C'est un produit industriel ordinaire.
00:51:21Donc à partir du moment où on a décidé d'en faire à grande échelle
00:51:24avec les règles du jeu du système industriel,
00:51:26on a fait baisser les coûts.
00:51:28Par ailleurs, ce sont des produits qui ont bénéficié de la mondialisation.
00:51:32Puisqu'aujourd'hui, plus de 90% des cellules solaires
00:51:34dans le monde sont fabriquées en Chine.
00:51:37Et ce pays est en train d'essayer de refaire le même coup
00:51:40sur les composantes de l'éolien.
00:51:45La mondialisation, c'est des portes-conteneurs et des camions,
00:51:48c'est-à-dire du pétrole.
00:51:50Et avant qu'on nucléarise ou qu'on fasse avancer à la voile
00:51:52la totalité des portes-conteneurs, il va se passer un moment.
00:51:55Et avant qu'on nucléarise ou qu'on fasse avancer à la voile
00:51:58la totalité des camions, il va se passer un moment aussi.
00:52:00Dans un monde avec beaucoup moins d'hydrocarbures,
00:52:02vous allez donc démondialiser l'économie.
00:52:05Que deviennent les coûts de production des objets industriels
00:52:08nécessitant de rassembler des dizaines d'éléments différents
00:52:11dans un monde qui se démondialise ?
00:52:13Je ne sais pas.
00:52:14Alors là, pour le coup, je ne parierai pas un centime de mes propres économies
00:52:17sur le fait que je vais vous donner une indication précise.
00:52:20Par contre, la logique voudrait que ça se mette à réaugmenter.
00:52:25La logique voudrait que ça se mette à réaugmenter.
00:52:27Donc, une des choses qu'il faut garder en tête,
00:52:29c'est que les coûts de construction actuels
00:52:32ne sont pas prédictifs,
00:52:33ou l'évolution sur les dix ou vingt dernières années
00:52:36des coûts de construction actuels
00:52:38ne peuvent pas être pris comme étant prédictifs
00:52:40des coûts de reconstruction dans cinquante ans.
00:52:44D'accord ?
00:52:44Les coûts de reconstruction dans cinquante ans
00:52:46seront beaucoup plus fidèlement approchés
00:52:49par ce à quoi ressemblera physiquement le monde dans cinquante ans
00:52:53que par l'économie actuelle.
00:52:55Voilà, c'est ça qu'il faut avoir en tête.
00:52:56Et c'est quand même une précaution très importante
00:52:59qu'il faut rappeler.
00:53:00Alors, c'est vrai pour les centrales nucléaires et les éoliennes,
00:53:03comme c'est vrai pour les t-shirts,
00:53:06les voitures ou les machines à laver.
00:53:08C'est vrai pour tout.
00:53:09Mais c'est en particulier vrai pour ça.
00:53:14Merci, oui.
00:53:15Merci, monsieur Gengofizi,
00:53:16pour toutes ces explications et ces réponses.
00:53:19J'aurais quelques questions.
00:53:20Est-ce que vous voyez un intérêt dans le contexte actuel
00:53:24du point de vue national à ce que l'énergie
00:53:30qui finalement est utilisée pour définir le prix marginal
00:53:36sur le marché spot
00:53:39soit complètement décarbonée,
00:53:43c'est-à-dire qu'on puisse s'affranchir concrètement
00:53:46du gaz naturel,
00:53:47comme les Allemands sont en train de le faire,
00:53:49vous l'avez évoqué.
00:53:51Est-ce que pour vous, c'est un sujet ?
00:53:54Pour nous, pour moi, ça me semblait avoir son importance
00:53:57parce que ça permettrait de construire des prix,
00:54:01en tout cas sur la partie marché,
00:54:04reflétant la composition du mix de production énergétique nationale.
00:54:09Donc, voilà, je vous pose cette question.
00:54:13Deuxième question.
00:54:15Dans la démarche du chiffre project,
00:54:19vous gardez, si j'ai bien compris les graphiques,
00:54:23vous gardez une part importante au pétrole
00:54:27dans la consommation d'énergie finale.
00:54:30On est pratiquement à 150 TWh.
00:54:36Voilà, qu'est-ce que ça signifie exactement ?
00:54:40Ça signifie que des pentes de l'industrie
00:54:43ne peuvent pas faire à 100 sans le pétrole
00:54:46dans leur process industriel.
00:54:48Et est-ce que derrière ça,
00:54:51il y a la nécessité de mettre en œuvre
00:54:53des techniques de captation de carbone,
00:54:56de stockage de carbone ?
00:54:57Et quel est votre regard sur ces techniques-là ?
00:55:00Parce qu'on a reçu des pétroliers qui nous disent
00:55:03qu'effectivement, pour eux, en gros, c'est la solution
00:55:06pour pouvoir continuer à consommer, évidemment,
00:55:09à vendre du pétrole.
00:55:10On peut, par ailleurs, les comprendre
00:55:13dans leur logique à eux.
00:55:14Voilà, ça, c'est ma deuxième question.
00:55:17Troisième question.
00:55:21Dans la démarche du chiffre project...
00:55:24J'ai déjà oublié la première.
00:55:25La première, c'était ?
00:55:26La première, c'était sur l'énergie marginale,
00:55:30la centrale marginale.
00:55:31Pardon, le système de paye.
00:55:33Voilà.
00:55:34Est-ce que vous y voyez un intérêt ?
00:55:36Moi, je pense qu'il y a un intérêt
00:55:37d'un point de vue géopolitique.
00:55:38OK, centrale marginale.
00:55:40Voilà, centrale marginale.
00:55:42Voilà, et question suivante.
00:55:44Vous faites la proposition d'un programme
00:55:47de transformation de l'économie française.
00:55:49Vous l'appelez comme ça.
00:55:51Quel regard portez-vous sur la manière
00:55:54dont les processus de planification,
00:55:58en particulier, leur contenu,
00:56:01sont aujourd'hui déployés dans notre pays ?
00:56:05Il y a une planification écologique
00:56:07qui a été conçue,
00:56:10dont la mise en œuvre est en cours,
00:56:13notamment sur les territoires.
00:56:15Tout ça n'est pas très simple.
00:56:17Voilà, quel regard portez-vous là-dessus
00:56:20par rapport aux préconisations
00:56:22que vous avez pu faire en la matière ?
00:56:24D'accord.
00:56:25Et...
00:56:26Pardon.
00:56:27J'en avais une autre.
00:56:28Je termine là-dessus.
00:56:30Je suis de ceux qui ont lu avec intérêt
00:56:33la BD qui a été tirée de votre livre
00:56:36sur le monde sans fin.
00:56:39À la fin, justement, de cet ouvrage,
00:56:42vous évoquez la lutte entre le striatum
00:56:45et le contexte préfrontal,
00:56:47si j'ai bien compris,
00:56:48qui renvoie, c'est une donnée
00:56:50presque anthropologique,
00:56:50qui renvoie à notre rapport,
00:56:54finalement, à la satisfaction
00:56:56et, entre autres, à la consommation.
00:56:59Ça me paraît intéressant, d'abord.
00:57:01Et ma question, c'était,
00:57:03est-ce que vous avez des propositions
00:57:05par rapport à ça ?
00:57:07Je sais que vous en avez une.
00:57:08C'est ce que vous appelez
00:57:11le contraire de l'écologie punitive
00:57:13pour faire des choses qui satisfont
00:57:17et qui vont dans le bon sens,
00:57:18dans le sens recherché.
00:57:19Mais voilà, comment cette chose-là,
00:57:21vous l'appréhendez au-delà de l'avoir
00:57:23mise noir sur blanc
00:57:25et de l'avoir fait apparaître
00:57:27dans le débat ?
00:57:29D'accord.
00:57:29Merci.
00:57:31Alors, sur la centrale marginale,
00:57:34moi, je suis en fait beaucoup plus radical
00:57:37que de mettre une autre centrale marginale.
00:57:40Moi, je pense que ce système de marché
00:57:42tel qu'il est pratiqué aujourd'hui
00:57:43est un système monstrueusement
00:57:44créateur de volatilité
00:57:47et qu'il faut peut-être pas le supprimer,
00:57:49mais enfin,
00:57:50quelque chose qui n'en est pas très loin.
00:57:52Il y avait en France, à une époque,
00:57:53un système qui marchait très bien,
00:57:54qui était un système de prix encadré
00:57:56dans lequel le prix reflétait
00:57:58la moyenne des coûts de production
00:58:00par plage horaire.
00:58:02Moi, je serais tout à fait partisan
00:58:03que l'essentiel du système revienne à ça.
00:58:05D'accord.
00:58:06Mais dans un contexte européen, quand même,
00:58:08ça ne vous a pas échappé ?
00:58:09Alors, dans un système qui est au maille
00:58:12de la plaque,
00:58:14de l'interconnexion réelle.
00:58:15Sauf que l'interconnexion,
00:58:17elle est réelle pour la fréquence.
00:58:18Elle n'est pas vraiment réelle pour les volumes.
00:58:20Mais ça, c'est la physique.
00:58:21Après, il y a des principes de concurrence,
00:58:23de libre marché, etc.
00:58:24Justement, quand la Commission a décidé
00:58:27que l'électricité était un bien ordinaire,
00:58:28je pense qu'elle s'est mis le doigt dans l'œil
00:58:29assez profondément,
00:58:30parce que l'électricité n'est pas un bien ordinaire.
00:58:34Ce n'est pas un bien substituable, pour commencer.
00:58:36Je l'ai dit avant que vous arriiez.
00:58:38Si le Sénat devait être privé d'électricité
00:58:40définitivement,
00:58:42eh bien, vous n'avez pas un autre bien
00:58:43qui permet facilement,
00:58:44vous n'allez pas facilement remplacer ça
00:58:45par des grappes de raisins,
00:58:47des paires de chaussures supplémentaires
00:58:48ou qu'est-ce que je sais,
00:58:50ou même des bougies,
00:58:51pour fonctionner comme avant.
00:58:52Vous ne fonctionnez plus.
00:58:53Enfin, ou en tout cas,
00:58:55plus vraiment comme aujourd'hui.
00:58:58Donc, je pense qu'il y a eu
00:59:01une erreur fondamentale d'appréciation
00:59:04sur ce qu'est vraiment l'électricité
00:59:06quand ce marché a été mis en place
00:59:08et que, moi, je suis partisan
00:59:11d'un détricotage significatif du système.
00:59:15Et en tout cas, je suis partisan
00:59:17d'une vision qui consisterait
00:59:18à repartir de la physique, justement.
00:59:20Alors, quand je dis que je suis partisan 2,
00:59:21ça ne veut pas dire que ça va arriver demain matin,
00:59:22mais je veux dire, c'est dans cette direction
00:59:25qu'il faudrait aller.
00:59:27Sur la CCS,
00:59:29alors, la CCS,
00:59:32elle ne s'applique pas vraiment
00:59:34aux usages du pétrole
00:59:35parce que le pétrole,
00:59:36il sert à deux choses dans le monde.
00:59:38Il sert d'abord de matière première
00:59:40pour la chimie organique,
00:59:42à la fois avec les éléments très légers
00:59:43et les éléments très lourds
00:59:44qui sortent d'une raffinerie.
00:59:45Donc, très lourds, c'est les huiles,
00:59:46les cires, le bitume.
00:59:48Tout ça n'est pas brûlé.
00:59:49Tout ça a d'autres usages.
00:59:51Et le naphtha,
00:59:52c'est-à-dire la fraction la plus légère
00:59:53de la distillation,
00:59:54enfin du raffinage,
00:59:55qui sert à faire des fibres,
00:59:56enfin du plastique et des fibres synthétiques.
00:59:59Là-dessus, il n'y a pas de sujet de CCS.
01:00:02Sur tout ce qui est entre les deux,
01:00:04ça sera brûlé pour l'essentiel
01:00:06sous forme de carburant
01:00:07pour des engins de transport.
01:00:09Le fioul lourd part un peu dans l'électricité,
01:00:11beaucoup dans la marine marchande.
01:00:13Le diesel au-dessus
01:00:15part un peu dans l'industrie,
01:00:17un peu dans le chauffage,
01:00:18beaucoup dans les camions
01:00:19et dans une partie du parc automobile.
01:00:21L'essence part essentiellement
01:00:22dans les automobiles
01:00:23et le jet fuel part essentiellement
01:00:25dans les avions.
01:00:27Donc, l'essentiel du pétrole
01:00:28est brûlé dans des sources mobiles
01:00:30avec du CO2 émis de façon diffuse.
01:00:33Il y a zéro CCS qui va s'appliquer à ça.
01:00:35La CCS, c'est fait pour des sources
01:00:38concentrées et fixes de CO2.
01:00:41Donc la CCS, si un jour
01:00:43ça s'applique à quelque chose,
01:00:44c'est au charbon et au gaz.
01:00:46Donc les pétroliers étant aussi des gaziers
01:00:48en termes d'extraction d'hydrocarbures,
01:00:50cette partie-là peut les intéresser
01:00:51sur la partie gaz.
01:00:53Et effectivement, vous pouvez envisager
01:00:54de mettre du captage et du stockage de CO2
01:00:57sur, par exemple, du vapeur au fromage de méthane.
01:00:59Comme ça, ça vous permet de faire de l'hydrogène.
01:01:01On a découvert qu'il était bleu, celui-là,
01:01:02parce qu'il a toutes les couleurs de l'arc-en-ciel,
01:01:04l'hydrogène.
01:01:06Ça permet éventuellement
01:01:08de faire continuer à fonctionner
01:01:09des centrales à charbon avec de la CCS.
01:01:11Mais il faut savoir aussi que cette CCS,
01:01:12elle n'est jamais de 100%
01:01:14sur les émissions de CO2.
01:01:16C'est toujours un talon de 10 ou 15%
01:01:18des émissions qui ne sont pas captées.
01:01:21Donc pour le 0,0, ça ne marche pas.
01:01:23Ça marche pour se débarrasser d'une bonne partie,
01:01:26mais ça ne marche pas pour le 0,0.
01:01:29Par ailleurs, va avec la CCS,
01:01:31ce qu'on appelle une pénalité énergétique,
01:01:33parce que le principe de la capture
01:01:36du CO2 en sortie de cheminée d'usine,
01:01:38c'est qu'on fait passer la fumée,
01:01:41après l'avoir épurée de ses poussières,
01:01:44dans une chambre dans laquelle
01:01:47elle entre en contact avec des amines.
01:01:50Et à ce moment, le CO2 est absorbé par les amines
01:01:53qui opèrent une réaction chimique réversible.
01:01:55Et la réversibilité s'obtient en faisant chauffer les amines.
01:01:58Donc en gros, vous mettez la fumée en contact avec les amines,
01:02:01la fumée est débarrassée de son CO2
01:02:03et le reste de la fumée, qui est essentiellement de l'azote,
01:02:05en gros, une fois que la fumée est épurée,
01:02:07elle repart dans l'air.
01:02:08L'azote est de la vapeur d'eau.
01:02:09Et une fois que vous avez ces amines
01:02:12qui sont chargées en CO2,
01:02:13vous les chauffez pour récupérer le CO2
01:02:15que vous compressez, que vous enfouissez.
01:02:17Cette opération, entre le chauffage des amines
01:02:20et la fabrication en continu d'un peu d'amines supplémentaires,
01:02:23parce qu'il y a une partie qui est érodée
01:02:25dans le processus, enfin, qui est consommée dans le processus,
01:02:28ça va vous utiliser entre 20 et 30%
01:02:30de l'énergie primaire de votre site.
01:02:33Donc la pénalité énergétique qui s'applique à la CCS,
01:02:35elle n'est pas négligeable.
01:02:38En particulier à la capture.
01:02:40Ça veut dire que sur un site qui produisait quelque chose,
01:02:43à énergie disponible constante sur le site,
01:02:45vous allez avoir 20 à 30% de production en moins.
01:02:48Puisque l'énergie en question ne servira plus à produire,
01:02:50elle servira à alimenter le dispositif de capture.
01:02:52Eh oui !
01:02:53C'est beaucoup.
01:02:54C'est significatif, on va dire.
01:02:56Et si on veut éviter ces 20 à 30% de production en moins,
01:02:59ça veut dire qu'il faut alimenter le site
01:03:01avec 30 à 40% d'énergie en plus.
01:03:04Ce qui est possible ou pas possible.
01:03:05Si c'est du charbon, ça pose des problèmes logistiques
01:03:07qui ne sont pas minces en général.
01:03:09Enfin bon, voilà.
01:03:10Et puis éventuellement, il faut tout casser à l'intérieur du site
01:03:12pour redimensionner les brûleurs, l'installation industrielle.
01:03:15Qu'est-ce que je sers ? Enfin bon, bref.
01:03:17Voilà, donc ce n'est pas si simple que ça.
01:03:19Et c'est la raison pour laquelle, depuis que je m'intéresse
01:03:21au changement climatique, j'entends parler de ce truc-là,
01:03:23avec des réalisations en pratique qui restent anecdotiques,
01:03:27qui restent marginales.
01:03:31Ensuite, la planification.
01:03:35Alors la planification est quelque chose qui a toujours eu lieu
01:03:37dans notre pays, à des degrés variables.
01:03:41Lors de la reconstruction,
01:03:43pour prendre des époques qui ne sont pas trop anciennes,
01:03:45il y a eu une planification extrêmement forte,
01:03:48qui était née à la fois des nécessités du moment,
01:03:51parce que l'État avait une main très présente sur les opérations
01:03:56et on n'allait pas laisser au marché privé le soin de reconstruire
01:03:59les chemins de fer, les routes, le réseau électrique, etc.
01:04:02Donc l'État a énormément planifié sur des objets qui étaient extrêmement concrets.
01:04:07Par ailleurs, on était quand même en cogestion avec les communistes,
01:04:11fruit de la résistance.
01:04:12Donc il y avait aussi cette filiation-là de la planification
01:04:16qui était très importante
01:04:19et qui a été par la force des choses moins importantes
01:04:21dans d'autres pays européens qui n'ont pas connu le même destin
01:04:24juste après la guerre et en tout cas qui n'ont pas été libérés
01:04:26par la même coalition.
01:04:28Et enfin, on a une tradition jacobine centralisatrice dans notre pays
01:04:34qui s'accommode très bien aussi du fait qu'il y ait un État
01:04:36qui décide de beaucoup de choses et donc en particulier
01:04:39d'un horizon long terme et d'une planification long terme.
01:04:42Et on a toujours eu de la planification.
01:04:43Tous les documents d'urbanisme, par exemple,
01:04:45sont des documents de planification.
01:04:47Il y a toujours eu une planification sur les transports, par exemple, etc.
01:04:53Alors il est clair que dans les quelques décennies
01:04:55que nous venons de connaître de mondialisation libérale heureuse,
01:04:59on a eu tendance, même en France, à en faire de moins en moins.
01:05:02En gros, quand tout va bien, les horizons de temps se raccourcissent.
01:05:06En gros.
01:05:07Et puis là que maintenant les choses recommencent à aller pas très bien,
01:05:10eh bien on redécouvre la vertu des horizons de temps un peu plus longs
01:05:14et donc de la nécessité de planifier les choses
01:05:17et planifier a notamment une vertu,
01:05:18c'est que ça permet de gérer, exenter les effets d'éviction.
01:05:22Quand vous ne planifiez pas, c'est le marché qui gère les effets d'éviction
01:05:25et cette gestion, c'est-à-dire les concurrences
01:05:27qui n'arrivent pas à trouver de solution où tout le monde a ce qu'il veut
01:05:30et ces effets d'éviction peuvent être particulièrement violents.
01:05:34Quand c'est planifié, en général, c'est built-in, c'est construit, c'est à l'intérieur.
01:05:39Le raisonnement même intègre ces effets d'éviction
01:05:42et permet normalement que les choses se passent mieux.
01:05:47Alors comme c'est un processus qu'on redécouvre dans notre pays
01:05:51parce que les heures glorieuses du commissariat au plan et de la datare sont loin,
01:05:56eh bien ça ne va pas sans un certain nombre de ce que vous appelez des complexités
01:06:00et de ce que moi j'appelle des frictions ou de l'apprentissage,
01:06:03c'est-à-dire le fait qu'il faut se remettre à un truc qu'on avait oublié
01:06:07et ça nous enquiquine parce que tous autant qu'on est,
01:06:10quand on se rajoute un élément nouveau dans la corbeille,
01:06:12ça nous enquiquine, ça nous fait un quotidien un peu plus compliqué
01:06:16et en général, on n'aime pas ça.
01:06:19Après, je ne suis pas suffisamment dans le secret des dieux
01:06:22ou dit plus précisément, je n'ai pas suffisamment l'œil
01:06:24sur ce qui se passe dans les collectivités locales
01:06:27pour savoir jusqu'où est-ce que c'est un problème, pas un problème,
01:06:29est-ce que c'est bien accepté, pas bien accepté, etc.
01:06:33Ce que je sais, c'est que nécessairement, ça vient changer des habitudes
01:06:37et changer des habitudes, ça va nous emmener sur votre quatrième question
01:06:40parce qu'en fait, c'est ça le sujet,
01:06:42c'est quelque chose qu'on aime bien quand on l'a décidé
01:06:45mais qu'on n'aime pas quand c'est les autres qui nous l'imposent en général.
01:06:49Et donc la planification, il y a quand même une petite partie
01:06:51où c'est les autres qui vous disent,
01:06:52ben maintenant, on va faire comme ça, on a un peu changé les règles du jeu
01:06:55et donc, vous êtes sûrs,
01:06:58ça serait quand même pas plus mal de faire comme on faisait avant.
01:07:02Voilà, il faudra voir l'usage.
01:07:04Ce qui est sûr, c'est que si je regarde
01:07:08le secrétariat général de la planification écologique qui a été mis en œuvre,
01:07:14il était beaucoup plus en cours au moment où il a été installé
01:07:18et du temps d'Elisabeth Borne qu'il ne semble l'être aujourd'hui
01:07:22du temps de M. Attal qui n'a pas l'air de manifester pour ce genre de sujet
01:07:26une attirance particulière.
01:07:28Je crois aussi.
01:07:31Et enfin, en ce qui concerne votre dernière question,
01:07:37il y a quelque chose que j'ai coutume de dire souvent maintenant dans mes interventions,
01:07:42c'est que si on a pendant deux siècles carboné l'économie,
01:07:46puisque il y a 200 ans, nous étions dans un monde essentiellement renouvelable,
01:07:51et donc pendant deux siècles, on a essentiellement passé notre temps à carboner l'économie.
01:07:55Alors si on l'a fait, c'est qu'on l'a fait parce que ça correspondait à des envies profondes,
01:08:01des bipèdes que nous sommes.
01:08:03Et on a en particulier une envie profonde qui est une envie biologique.
01:08:06Alors dans le monde sans fin, on l'a incarné sous forme du striatum.
01:08:10Personnellement, je ne suis pas biologiste, je ne suis pas neurologue, je ne suis pas etc.
01:08:13Donc je ne sais pas si c'est le striatum ou pas le striatum.
01:08:15Et à la limite, je m'en fiche un peu.
01:08:17Il y a quelques personnes qui vont dire mais en fait, ça ne serait pas le striatum, etc.
01:08:20La personne qui en a parlé raconte n'importe quoi.
01:08:23Très honnêtement, je m'en fiche un peu parce que le comportement que je vais décrire maintenant,
01:08:25lui, il s'observe vraiment dans la vie réelle.
01:08:28La quasi totalité des êtres vivants partagent une caractéristique
01:08:31qui est d'économiser le plus possible leur réserve d'énergie
01:08:36parce que c'est un mode de survie pour faire face à l'alimentation aléatoire
01:08:43et au fait d'échapper au danger quand on est un animal.
01:08:46Donc on accumule des réserves et on en accumule autant qu'on peut.
01:08:50Que ce soit l'arbre ou que ce soit votre chat qui roupille toute la journée ou que ce soit nous,
01:08:55on accumule des réserves parce que ça permet de faire face à des périodes
01:08:59où on n'aurait pas à manger ou pas assez à manger.
01:09:01Et parce que ça permet éventuellement de faire face à un danger
01:09:06comme par exemple échapper à un prédateur.
01:09:08À ce moment, il faut être sûr d'avoir suffisamment d'énergie pour courir très vite
01:09:10ou si on est soi-même un prédateur, courir très vite pour attraper la proie.
01:09:13Donc en fait, on a besoin d'accumuler des réserves
01:09:16et nous avons également besoin, depuis que nous sommes des civilisations des moyens de latitude,
01:09:20on a besoin d'accumuler des réserves pour passer la période où il ne pousse rien.
01:09:24Donc on a besoin d'accumuler l'été, de la farine, du blé, du foin, etc.
01:09:29pour être sûr qu'on va passer l'hiver.
01:09:31Et vous vous rappelez de cette vieille maxime qui n'existe plus aujourd'hui,
01:09:33mais il ne passera pas l'hiver, il fallait passer l'hiver.
01:09:37Du coup, des siècles et des millénaires ou des dizaines de millions d'années du reste,
01:09:42puisqu'on partage ça avec l'essentiel des êtres vivants,
01:09:45ont fait de nous des animaux paresseux et accumulatifs par nature, globalement.
01:09:50Donc si on peut en avoir le plus possible en se fatiguant le moins possible, on prend.
01:09:54Et c'est ça que les combustibles fossiles nous ont amené,
01:09:57c'est d'en avoir le plus possible en se fatiguant le moins possible.
01:10:00Et je ne sais pas si c'est le striatum ou pas le striatum,
01:10:01mais c'est comme ça qu'on se comporte en pratique.
01:10:04Et la dernière chose que là, pour le coup, on ne partage pas nécessairement avec les arbres
01:10:09ou avec les rurcales, c'est que nous sommes des animaux sociaux.
01:10:12On vit en groupe.
01:10:13Et dans le groupe, les éléments de statut sont importants
01:10:16parce qu'ils sont marqueurs de notre place dans la hiérarchie
01:10:19et notre place dans la hiérarchie nous confère des avantages.
01:10:22Si les éléments de statut n'avaient aucune importance,
01:10:25vous ne seriez pas sénateur, je n'aurais pas fait l'école polytechnique
01:10:27et tous les gens qui vont nous regarder n'auraient pas fait ce qu'ils ont fait
01:10:30et Porsche ne vendrait pas une voiture.
01:10:32D'accord ? Donc les éléments de statut,
01:10:34c'est également quelque chose qui est un moteur du comportement humain.
01:10:37Et avec les combustibles fossiles, chacun a pu augmenter son statut
01:10:42ou en tout cas penser qu'il allait pouvoir l'augmenter.
01:10:44Puis une fois qu'il y en a un qui a commencé, les autres suivent.
01:10:49Ce qui veut dire que le travail qu'on a à faire sur nous-mêmes dans cette affaire,
01:10:52c'est un travail sur les signes statutaires.
01:10:56Qu'est-ce qui fait qu'on est bien considéré par le groupe ?
01:10:58Alors il y a eu des époques où ce qui faisait qu'on était bien considéré par le groupe
01:11:02n'était pas nécessairement monétaire ou matériel.
01:11:05Par exemple, les moines, par exemple le clergé,
01:11:09il avait des signes de reconnaissance de la part de la population
01:11:12qui n'étaient pas liés en théorie, je dis en théorie, à ses possessions matérielles,
01:11:18même si les moines cisterciens ont partiellement démenti cette affirmation.
01:11:24Donc en fait, l'auteur auquel on fait appel dans le monde sans fin, Sébastien Boller,
01:11:34il a commencé par faire un bouquin sur le striatum auquel il impute, lui,
01:11:38nos comportements un peu animaux, notre envie d'accumuler, etc.
01:11:41Puis ensuite il en a fait un, je vous ai dit, il ne faut pas désespérer Biancourt,
01:11:44donc il en a fait un deuxième qui s'appelle « Où est le sens ? »
01:11:46dans lequel il dit « Non mais rassurez-vous, il y a quand même une superstructure dans le cerveau
01:11:49qui contrôle un peu tout ça et qui, lui, fait qu'on a besoin de sens.
01:11:53Alors le sens, c'est les habitudes dont je parlais tout à l'heure,
01:11:56c'est aussi le fait d'avoir... c'est ce qui fait aujourd'hui l'engagement.
01:12:02Pourquoi est-ce qu'il y a des gens qui s'engagent aujourd'hui ?
01:12:04C'est parce que le sens est également quelque chose qui est important pour nous.
01:12:07Et ce qu'il va nous falloir faire comme travail sur nous-mêmes aujourd'hui,
01:12:10c'est d'arriver à trouver du sens et à trouver de la satisfaction,
01:12:13parce qu'effectivement, je crois que ce qui nous fait avancer fondamentalement,
01:12:16c'est des sentiments positifs, c'est pas des sentiments négatifs,
01:12:19sauf pour quelques tueurs psychopathes, mais enfin, on n'a pas envie de leur ressembler.
01:12:23Et il va nous falloir trouver des sens dans des choses qui sont compatibles avec la sobriété.
01:12:28Voilà, c'est ça le travail qu'il va falloir qu'on fasse sur nous-mêmes.
01:12:32Et ça va être un travail qui va être pas simple.
01:12:35C'est un travail qui ne relève absolument pas des ingénieurs que je représente, absolument pas.
01:12:39C'est un travail qui ne relève raisonnablement pas des scientifiques des sciences dures,
01:12:44qui sont ceux qui étudient le climat, etc.
01:12:46Ça relève d'autres débats, voilà.
01:12:50Et c'est cette place que pendant longtemps, la religion a occupée dans nombre de pays,
01:12:54et occupe encore dans nombre de pays, mais beaucoup moins,
01:12:57donc ça c'est un fait anthropologique bien connu,
01:12:59beaucoup moins dans les pays occidentaux, à part chez les républicains américains.
01:13:03Et il va falloir, alors je dis pas qu'il va falloir retrouver un fait religieux,
01:13:09mais ça y ressemble.
01:13:12Enfin, il va y avoir à un moment quelque chose qui va devoir faire sens pour les individus
01:13:17sans que ce soit matériel, et permettre de faire société
01:13:21sans que ce soit nécessairement une course à l'accumulation.
01:13:24Et ce travail-là, aujourd'hui, il est à trop bas bruit
01:13:29pour qu'il nous permette vraiment d'aller à la bonne vitesse dans le défi qui se présente devant nous.
01:13:36Et ce travail-là est probablement, enfin il n'est pas probablement,
01:13:40il est certainement aussi important que le débat sur les éoliennes, le nucléaire,
01:13:44ou je ne sais pas quoi,
01:13:47parce qu'aucune marge de manœuvre technique ne résoudra, pardon, notre problème
01:13:52tant que nous avons cette envie d'accumulation sans limite
01:13:55dont on n'arrive pas à se débarrasser.
01:13:58– Merci beaucoup. Vous le voyez, c'est ce qui c'est, ce débat ?
01:14:01– Alors le débat commence.
01:14:03– C'est un débat intellectuel, au départ.
01:14:05– Pas que, parce que quand vous avez des gens qui,
01:14:10justement parce que ça fait bien dans le groupe dans lequel ils sont,
01:14:15se mettent à manger différemment, ou bien se mettent à faire du vélo,
01:14:20ou bien se mettent à changer la façon dont ils passent leurs vacances, etc.,
01:14:24il y a des émergences.
01:14:26Alors ces émergences, c'est clair qu'elles sont aujourd'hui plutôt chez les privilégiés,
01:14:30plutôt chez des gens qui sont jeunes ou qui le sont restés, si j'ai envie de dire.
01:14:36En fait, quelque part, ils ont toujours eu envie de faire ça,
01:14:39puis maintenant c'est devenu, les chakras s'ouvrent,
01:14:42c'est-à-dire c'est devenu mieux considéré de le faire.
01:14:45Mais ça commence à arriver par petites tâches.
01:14:49Au début, de toute façon, l'émergence de ce genre de trucs,
01:14:53ce n'est nécessairement pas structuré.
01:14:55C'est un peu de la génération spontanée ici et là.
01:14:58Mais on commence à avoir des trucs qui ressemblent à ça, oui.
01:15:01Merci. Madame Sempé, une question.
01:15:04Merci, Monsieur le Président.
01:15:07Je ne sais pas si je vais oser poser mes questions,
01:15:10parce que là, on avait atteint un sommet très intéressant avec ce débat de société et tout ce qui nous attend.
01:15:18Mais je vais quand même poser mes deux questions.
01:15:21D'abord, vous remercier, Monsieur le Professeur, pour votre intervention.
01:15:25Ma première question, vous y avez répondu, c'est
01:15:31avoir votre vision sur prix régulé de l'énergie ou prix de marché.
01:15:39Vous y avez répondu, puisque vous nous avez dit que pour vous,
01:15:43prix de marché égale volatilité des prix, donc j'ai eu votre positionnement.
01:15:47Donc vous avez répondu.
01:15:49Je peux faire un petit complément.
01:15:51D'accord. Et je vous donne ma deuxième question.
01:15:54Quelle est votre analyse, la vôtre, je dis bien la vôtre, j'insiste,
01:16:02sur les coûts démentiels, que moi, je considère comme démentiels, de Inclay Pond.
01:16:10Merci.
01:16:12Alors, sur la partie prix régulé versus prix de marché,
01:16:16donc je vous ai dit, moi, je suis pour un système de prix largement régulé.
01:16:19Alors, il faut savoir qu'aujourd'hui, c'est ce vers quoi on se dirige, de toute façon,
01:16:23dans les faits, puisque vous avez de plus en plus de contrats de long terme
01:16:28qui sont passés entre les producteurs et les consommateurs.
01:16:33Oui, vous en avez de...
01:16:35Les entreprises, surtout.
01:16:37Alors, c'est surtout des entreprises, bien sûr.
01:16:39Parce que, je ne dis pas que c'est très significatif, je dis qu'il y en a de plus en plus.
01:16:45Ce qui montre bien que, en ce qui concerne les entreprises,
01:16:48la volatilité des prix est quelque chose qui ne les arrange pas.
01:16:51Et c'est particulièrement vrai pour l'industrie de base.
01:16:54L'industrie de base qui est assez électro-intensive,
01:16:57qu'il s'agisse de la chimie, de l'acierie ou, dans une moindre mesure, de la cimenterie.
01:17:02Ça, c'est des fonderies d'aluminium, je n'en parle pas.
01:17:05Donc, ça, c'est des industries, pour un fondeur d'aluminium primaire,
01:17:09c'est avant tout un contrat d'achat d'électricité.
01:17:11Donc, les gens, ils ne peuvent pas se permettre d'avoir un prix du mégawatt-heure
01:17:14qui varie d'un facteur 3 tous les quatre matins, quoi.
01:17:16Donc, vous avez déjà un certain nombre d'industriels
01:17:19qui réclament des prix qui sont régulés.
01:17:22Et, à mon avis, en ce qui concerne les particuliers,
01:17:26c'est tout simplement parce qu'ils n'ont pas la puissance de feu
01:17:29pour se grouper face aux producteurs qu'ils ne le font pas.
01:17:32Parce que sinon, ils le feraient aussi.
01:17:34Enfin, je pense qu'une bonne partie d'entre eux le feraient.
01:17:36Donc, pour moi, c'est de toute façon quelque chose qui correspond, par ailleurs,
01:17:39à un souhait d'une large partie des consommateurs
01:17:42d'avoir des prix qui ne soient pas trop volatils.
01:17:45Ça me parait à peu près évident.
01:17:47Et dans la mesure où les coûts de production le seront de moins en moins
01:17:50avec un système décarboné,
01:17:52les coûts démentiels d'Eclairpoint, je vous ai répondu tout à l'heure,
01:17:57c'est les 10% de coût du capital de l'opération.
01:18:00Voilà, si le capital n'avait pas coûté.
01:18:03Donc, en fait, le problème d'Eclairpoint, il est double.
01:18:06C'est d'une part...
01:18:08Alors, le problème d'Eclairpoint, il est double.
01:18:10Sur les délais de construction,
01:18:12c'est le fait que c'est de nouveau une tête de série
01:18:14parce que EDF a de nouveau dû faire tout un tas de trucs
01:18:17qu'ils n'avaient pas fait ailleurs
01:18:19pour adapter le réacteur aux caractéristiques locales.
01:18:21Et donc, c'est...
01:18:23En fait, c'est pas comme s'ils refaisaient le même
01:18:26qu'à Olkiluoto ou à Flamanville ou à Taishan.
01:18:28C'est encore indifférent.
01:18:29C'est une espèce de tête de série.
01:18:33Donc, ça, c'est une première raison qui fait que le coût augmente
01:18:36à cause de l'allongement des délais de construction.
01:18:38Mais, en fait, la vraie raison pour laquelle
01:18:40l'allongement des délais de construction augmente fortement les coûts,
01:18:42c'est à cause des intérêts intercalaires
01:18:44et donc à cause du coût du capital.
01:18:46Si ça avait été une opération financée
01:18:48par l'État britannique en direct,
01:18:50empruntant à l'époque, puisque les taux étaient nuls,
01:18:52à zéro,
01:18:54eh bien, le coût du mégawatt-heure à Eclairpoint
01:18:56vaudrait entre 2 et 3 fois moins cher.
01:18:59Voilà.
01:19:00Maintenant, en écho à ce que j'ai dit
01:19:02au début de cette intervention,
01:19:04même à 3 fois le prix initialement programmé,
01:19:07je rappelle qu'au regard des services qu'elle rend
01:19:09dans le monde moderne, l'électricité ne vaut rien.
01:19:13Monsieur le rapporteur.
01:19:15Oui, une dernière question,
01:19:17pour moi en tout cas.
01:19:19Qu'est-ce que vous pouvez nous dire
01:19:21par rapport au prix du carbone
01:19:23et qu'est-ce qu'il y a au marché du carbone ?
01:19:26Est-ce qu'il fonctionne bien ?
01:19:29Est-ce qu'il y a des améliorations à apporter ?
01:19:36Alors, le marché du carbone, en fait,
01:19:38initialement, comme vous le savez, n'est pas un marché.
01:19:40C'est un système de ticket de rationnement négociable.
01:19:42Le système des quotas, comme son nom l'indique,
01:19:45est un système de gestion par les quantités.
01:19:48Et un quota, en pratique, c'est un ticket de rationnement.
01:19:50Donc l'idée initiale, c'était de dire,
01:19:52pour tous les sites qui émettent beaucoup,
01:19:54un peu plus de 10 000 en Europe,
01:19:56on va leur rationner au fil du temps
01:19:59les émissions qui sont mises à leur disposition.
01:20:01Donc on va dire, l'ensemble de ces sites
01:20:03peut émettre tant par période de 3 ans,
01:20:05par période de 4 ans, par période de 5 ans,
01:20:07et puis ce temps diminue
01:20:09au fil des années.
01:20:11Et si vous êtes un site
01:20:13qui avait reçu 1 million de tonnes
01:20:15de CO2 à émettre, et que vos émissions
01:20:17dans l'année, en fait, vous vous dites,
01:20:19je vais m'en sortir avec 900 000,
01:20:21eh bien, les 100 000 supplémentaires,
01:20:23vous avez le droit de le vendre à tel autre site
01:20:25qui, lui, en avait reçu 600 000
01:20:27et en aurait eu besoin de 700.
01:20:29Donc en fait, le marché, il était là
01:20:31pour permettre des ajustements
01:20:33entre sites assujettis, parce que c'était au niveau des sites
01:20:35et pas des entreprises, que ça se jouait cette histoire,
01:20:37enfin, que ça se joue toujours.
01:20:39Une flexibilité
01:20:41qui permet, en gros,
01:20:43d'avoir un coût marginal de réduction
01:20:45qui ne soit pas trop élevé. C'était ça l'idée.
01:20:47Alors là-dessus, le système a été
01:20:49un peu complexifié.
01:20:51Les industriels qui disent, mais nous,
01:20:53on est en concurrence avec l'acier chinois,
01:20:55le ciment turc et je ne sais pas quoi,
01:20:57on voudrait des quotas gratuits,
01:20:59parce que sinon, on ne va pas s'en sortir,
01:21:01donc ils ont eu des quotas gratuits.
01:21:03On a mis dedans l'aviation.
01:21:05On met maintenant dedans un certain nombre de produits importés,
01:21:07parce qu'en fait, ce qu'on appelle la taxe carbone
01:21:09aux frontières, en fait, c'est l'inclusion
01:21:11dans le système de quotas des importateurs
01:21:13de ces produits, et les importateurs
01:21:15vont devoir acheter des quotas,
01:21:17enfin, se procurer des quotas, au prorata du carbone
01:21:19contenu dans les produits qu'ils importent. C'est ça le
01:21:21principe.
01:21:23Alors, limiter par les quantités
01:21:25est normalement quelque chose qui vous garantit
01:21:27le résultat sur le volume total d'émissions,
01:21:29puisque vous dites, vous n'aurez pas le droit
01:21:31d'émettre plus de temps, donc si les gens respectent
01:21:33leurs obligations, effectivement, on n'émet pas plus de temps.
01:21:35Donc, ça vous garantit le résultat.
01:21:37Par contre, c'est un inconvénient, c'est que ça ne vous
01:21:39permet pas de prévoir les prix, parce que les quantités
01:21:41ne sont pas prédictives des prix. Donc, ce n'est pas parce que vous savez
01:21:43que dans 10 ans, vous aurez
01:21:45x centaines de milliers
01:21:47de tonnes à émettre, que vous savez combien
01:21:49vaudra la tonne, et donc,
01:21:51ça ne vous dit pas si vous avez intérêt
01:21:53à investir pour la tonne marginale
01:21:55ou à l'acheter sur le marché.
01:21:57Et tant que l'industriel ne sait pas
01:21:59où est son intérêt, en général,
01:22:01il ne se dit pas, bon, je prends mes paris,
01:22:03je fais l'un des deux. En général, il ne fait rien.
01:22:05Il n'investit pas. En général, il attend.
01:22:07Donc, le complément
01:22:09qu'il aurait été utile de mettre à ce marché,
01:22:11pour lequel on a milité, on avait même proposé un amendement
01:22:13qui avait été porté à l'Europe à l'époque
01:22:15où c'était Ségolène Royal qui était ministre de l'Environnement.
01:22:19Mais ses collègues lui avaient gentiment dit
01:22:21non merci,
01:22:23et je ne sais pas si c'est le fond de la proposition
01:22:25ou la méthode de portage qui était en cause.
01:22:27Eh bien,
01:22:29l'idée était de dire
01:22:31les quotas, en fait,
01:22:33ils sont actuellement mis aux enchères,
01:22:35hors quotas gratuits, ils sont mis aux enchères tous les ans.
01:22:37On va les mettre aux enchères, enfin pas tous les ans,
01:22:39mais par période, on va les mettre aux enchères avec un prix minimum,
01:22:41un prix de réserve.
01:22:43Ce prix de réserve va croître au cours du temps.
01:22:45Donc, en fait, vous êtes assuré,
01:22:47vous, industriel, qu'une année donnée,
01:22:49vous ne pourrez pas vous procurer
01:22:51de quotas à moins de temps.
01:22:53Et ça, du coup, ça vous permet de quantifier
01:22:55les investissements qui sont rentables
01:22:57d'entrée de jeu.
01:22:59Et on avait également proposé
01:23:01que, comme corollaire,
01:23:03l'amende
01:23:05pour excès
01:23:07d'émission, c'est-à-dire pour
01:23:09quotas non restitués,
01:23:13soit également
01:23:15croissante au cours du temps.
01:23:17Et comme ça, vous étiez sûr
01:23:19que le prix de marché du quota à tout instant,
01:23:21il serait n'importe où entre le prix de vente aux enchères,
01:23:23enfin le prix de réserve, plus exactement,
01:23:25de la vente aux enchères et l'amende.
01:23:27Donc, ça vous donnait un couloir qui limitait
01:23:29la volatilité. Donc, vous gardiez
01:23:31le système du marché, mais vous rendiez
01:23:33le prix de la peine,
01:23:35le prix de l'effort, si vous n'investissez
01:23:37pas, prévisible. Et donc, ça permettait
01:23:39aux industriels de faire leur calcul
01:23:41de retour sur investissement. Voilà. On avait
01:23:43proposé cet amendement. Il n'a pas
01:23:45été mis en œuvre.
01:23:47Je persiste à penser que ça serait un bon
01:23:49système, une bonne manière de le
01:23:51mettre en place. Enfin, il y a un bon complément
01:23:53à mettre en place.
01:23:55Le niveau du carbone, pour vous,
01:23:57est un moyen de pilotage
01:23:59qui reste fondamental ?
01:24:01Alors, pour les industriels, oui.
01:24:03Pour les particuliers, j'en suis revenu.
01:24:05À une époque, je pensais que la taxe carbone pour les particuliers,
01:24:07c'était pas l'alpha et l'oméga,
01:24:09mais que c'était quelque chose d'extrêmement intéressant.
01:24:11Aujourd'hui, j'en suis revenu parce que
01:24:13en fait, la taxe carbone est un instrument qui est lent.
01:24:17Alors, auprès... Pardon, je vais
01:24:19être plus précis. Auprès des industriels,
01:24:21l'avantage de l'industriel, c'est que si
01:24:23vous lui dites que vous allez changer les règles du jeu
01:24:25sur les prix de quelque chose, il embauche
01:24:27une armée de consultants et leur tableur Excel.
01:24:29Il fait des calculs dans tous les sens et il dit
01:24:31« Ah, à tel prix du carbone, j'ai intérêt à faire tel investissement. »
01:24:33Ce qui peut éventuellement être
01:24:35de dire « Je ferme l'usine et je vais l'installer aux Etats-Unis. »
01:24:37Mais au moins, il sait.
01:24:39Je dis pas que c'est ça qu'il faut qu'il fasse
01:24:41de mon point de vue, mais au moins, il sait.
01:24:43Il sait, pardon.
01:24:47Donc, la taxe carbone dans le domaine industriel
01:24:49peut être un outil très puissant et du reste,
01:24:51les Anglais se sont débarrassés du charbon dans la production électrique
01:24:53en l'espace de très peu de temps.
01:24:55Ils ont décarboné leur électricité
01:24:57beaucoup plus vite que les Allemands.
01:24:59Les Anglais, il faut le savoir. On parle toujours
01:25:01de l'Allemagne, mais en fait, les Anglais ont été plus efficaces.
01:25:03Et l'un des instruments qu'ils ont
01:25:05utilisé, c'est... Alors, ils sont passés
01:25:07du charbon au gaz pour décarboner rapidement,
01:25:09mais quand même. Ça a été
01:25:11la taxe carbone sur la production électrique.
01:25:13Donc là, vous vous adressez à des industriels.
01:25:15Ils ont les moyens d'embaucher des consultants, etc.
01:25:17Le particulier n'a pas les moyens d'embaucher des consultants.
01:25:19Il a une capacité d'anticipation qui est beaucoup plus faible.
01:25:21Ce qui veut dire que si vous voulez laisser
01:25:23au particulier le temps de faire essai-erreur
01:25:25jusqu'au moment où il trouve la bonne solution,
01:25:27il faut que vous ayez une taxe qui monte très lentement.
01:25:29Or, si vous avez une taxe qui monte très lentement,
01:25:31c'est un, antinomique avec le fait
01:25:33de résoudre rapidement le problème,
01:25:35et deux, ça vient
01:25:37créer un autre problème
01:25:39que vous connaissez bien ici.
01:25:41C'est qu'avec le principe de non-affectation
01:25:43des recettes budgétaires,
01:25:45vous contribuez à créer sur une assiette large
01:25:47une recette significative,
01:25:49et à ce moment,
01:25:51vous n'avez aucune envie de vous en débarrasser.
01:25:53Donc, en fait, la taxe carbone,
01:25:55elle a un élément majeur
01:25:57sans quoi
01:25:59c'est un piège pour l'État.
01:26:01C'est que le produit de la taxe
01:26:03ne doit être affecté qu'à rien d'autre
01:26:05qu'à décarboner l'économie,
01:26:07de telle sorte que le jour où il n'y a plus d'émissions,
01:26:09il n'y a plus la taxe, mais il n'y a plus les besoins.
01:26:11Si vous l'affectez au budget général,
01:26:13vous allez être coincé.
01:26:15Pour les particuliers, maintenant,
01:26:17je suis beaucoup plus partisan de la réglementation.
01:26:19Alors la réglementation, c'est par exemple,
01:26:21à telle date, il est interdit
01:26:23de remplacer une chaudière à fioul par une autre chaudière à fioul.
01:26:25À telle date,
01:26:27il est interdit de louer un appartement
01:26:29si son étiquette énergétique est F ou G.
01:26:31À telle date, il sera interdit en Europe
01:26:33de vendre des voitures qui consomment toujours du pétrole,
01:26:35etc. Je pense que ces outils-là
01:26:37sont beaucoup plus structurants
01:26:39pour orienter les comportements,
01:26:41et ils ont l'avantage, par ailleurs,
01:26:43de permettre à l'économie de se préparer.
01:26:45Si vous dites, à telle date,
01:26:47on n'installera plus une chaudière à gaz,
01:26:49et à telle date, toute chaudière à gaz qui tombe en panne
01:26:51est remplacée par une pompe à chaleur,
01:26:53le particulier sait à quelle sauce il va être mangé,
01:26:55mais les industriels en face
01:26:57savent qu'à l'offre, ils doivent préparer.
01:26:59Et j'en veux pour preuve que,
01:27:01après avoir un peu traîné des pieds,
01:27:03les constructeurs automobiles européens disent maintenant,
01:27:05écoutez, ne nous changez pas encore les règles du jeu,
01:27:07on est partis pour l'électrique, laissez-nous faire de l'électrique.
01:27:09Voilà pour cette audition de Jean-Marc Jancovici
01:27:11devant la commission d'enquête du Sénat sur la production,
01:27:13le prix et la consommation d'électricité.
01:27:15L'ingénieur a défendu,
01:27:17devant les sénateurs,
01:27:19l'investissement dans l'énergie nucléaire
01:27:21pour produire une électricité décarbonée.
01:27:23Il a également préconisé
01:27:25une baisse de notre consommation
01:27:27d'électricité dans nos usages,
01:27:29pour faire preuve de plus de sobriété.
01:27:31Et puis, il a critiqué, d'une certaine manière,
01:27:33Gabriel Attal, le Premier ministre,
01:27:35car il estime qu'il ne met pas assez en œuvre
01:27:37la planification écologique,
01:27:39pourtant promise par Emmanuel Macron
01:27:41dans la campagne présidentielle 2022.
01:27:43Voilà, c'est la fin de cette émission.
01:27:45Merci de l'avoir suivie.
01:27:47Continuez à suivre l'actualité politique et parlementaire
01:27:49sur notre site internet publicsenat.fr.
01:27:51Je vous souhaite une très bonne journée sur Public Sénat.