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Y aura-t-il un « avant » et un « après » procès Pélicot ? Durant 4 mois, 51 hommes ont été jugés à Avignon pour avoir violé Gisèle Pélicot, droguée à son insu par son mari. S'ils ont tous été condamnés, la société française fait face à un enjeu historique. En refusant le huis-clos, Gisèle Pélicot a brisé le silence qui entoure les victimes de viol. Aujourd'hui, une victime sur dix seulement dépose plainte. Et 94% des plaintes pour viol sont classées sans suite. Alors y a-t-il des failles dans l'arsenal législatif ? A l'instar de nombreux pays européens, comme la Suède, l'Espagne, ou l'Allemagne, certains parlementaires veulent inscrire le consentement dans la loi à l'image de la sénatrice Mélanie Vogel. Le chef de l'Etat, y est favorable. Mais la question divise. Notamment chez les féministes. Année de Production :

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Transcription
00:00Gisèle Pellicot est devenue une icône pour les femmes du monde entier. En refusant le
00:26huis clos, elle a brisé le silence qui entoure les victimes de viols.
00:30J'ai voulu, en ouvrant les portes de ce procès, que la société puisse se saisir des débats
00:40qui s'y sont tenus. Je n'ai jamais regretté cette décision.
00:44Au terme du procès, 51 hommes sont condamnés pour avoir violé Gisèle Pellicot, droguée
00:52à son insu par son mari. Y aura-t-il un avant et un après-procès
00:58masant ? Des parlementaires, comme Mélanie Vogel, souhaitent inscrire le consentement
01:03dans la loi, pour mieux punir les agresseurs.
01:06Si on viole en France, on a 99,4% de chances qu'il ne nous arrive rien.
01:12On me disait, en fait, vous n'avez pas dit oui, vous n'avez pas dit non, mais qui nous
01:18dit que vous n'avez pas dit oui. Les trois quarts des plaintes aboutissent
01:24à un classement sans suite. Y aurait-il des failles dans l'arsenal législatif ?
01:29Le consentement, il est partout dans l'enquête, il est partout dans nos débats judiciaires,
01:36mais il n'est toujours pas dans la loi. Doit-on inscrire le consentement dans la loi
01:41comme l'ont fait la Suède et d'autres pays d'Europe ?
01:44La loi, elle est passée en 2018 en Suède et il y a eu un changement de société énorme.
01:49J'ai confiance à présent en notre capacité à saisir collectivement un avenir dans lequel
01:58chacun, femmes et hommes, puissent vivre en harmonie, dans le respect et la compréhension
02:05mutuelle.
02:14Choquée par le calvaire enduré par Gisèle Pellicot, Lilou, 20 ans, a décidé d'agir.
02:23Membre du collectif féministe Les Amazones d'Avignon, elle participe à des actions
02:27dans les rues de la ville.
02:28Ils sont en train de me poser la mandrole et à quatre, avec les ficelles, elles vont
02:35l'accrocher entre les différents remparts.
02:38Là, du coup, il y a le palais de justice où c'est un procès tous les jours, juste
02:47ici.
02:48Et voilà, l'idée, c'est vraiment que la mandrole soit visible 20 ans pour chacun,
02:53pour exiger cette peine-là pour tous les accusés.
02:58On a décidé de coller des phrases, justement, des accusés et certaines aussi de leurs avocats
03:08pour qu'elles soient connues et visibles telles quelles du grand public, pour montrer
03:13vraiment l'absurdité.
03:14On considère les crimes de viol comme insupportables et donc la suite logique de notre pensée,
03:20c'est l'action.
03:21Et donc l'action de rue, et donc de coller les phrases des accusés et d'exiger la peine
03:25maximale parce que c'est aussi en tant que citoyenne, en tant que militante féministe
03:29et aussi en tant que citoyenne parce que finalement, derrière ça, c'est qu'est-ce qu'on veut
03:33construire comme société.
03:3594% des plaintes pour viol sont classées sans suite, alors comment apporter une réponse
03:41judiciaire plus efficace ? Frappée par le retentissement international du procès Pellicot,
03:47Mélanie Vaugel se rend à Avignon.
03:50La sénatrice a rédigé une proposition de loi pour ajouter le consentement à la définition
03:56pénale du viol.
03:57Car actuellement, il est défini comme tout acte de pénétration imposé par la violence,
04:04la contrainte, la menace ou la surprise, pas un mot sur le consentement.
04:08Le fait de démontrer qu'il n'y avait pas de consentement ne suffit pas à qualifier
04:16un viol aujourd'hui.
04:17C'est la brèche dans laquelle peuvent s'engouffrer les avocats de la défense et les accusés
04:21aujourd'hui.
04:22Mais si on leur demande, est-ce qu'à un moment donné, vous avez communiqué avec
04:25elle ? Est-ce qu'elle vous a dit qu'elle souhaitait ça ? Personne ne dit oui.
04:30On voit bien que de leur discours, ils admettent tout à fait qu'ils n'ont jamais reçu le
04:37consentement de Justice Pellicot.
04:39Face à telle défense, la société se rend compte de cette brèche qui existe et qu'on
04:46ne veut plus tolérer.
04:48Violeurs, on vous croit ! Victimes, on vous croit !
04:52Violeurs, on vous croit !
04:57Ajouter le consentement dans le code pénal permettrait de lutter contre la culture du
05:01viol, selon Mélanie Vogel.
05:05La culture du viol, c'est un ensemble d'éléments dans une société permissif sur le viol.
05:12Et si on n'était pas dans une société où la culture du viol est forte, on ne pourrait
05:19pas avoir ce genre d'affaire.
05:20Si ça a duré dix ans, s'il y a eu autant de viols, si ça a été fait avec autant de
05:26facilité, c'est parce que la culture du viol existe.
05:36A Paris aussi, la culture du viol et la question du consentement sont devenues centrales, notamment
05:42chez les jeunes.
05:43Il y a beaucoup de gens qui jouent sur la limite qu'il y a entre le oui et le non pour
05:47justifier leurs actions, alors qu'en fait, quand il y a un non, il y a un non, et c'est
05:51bien que cette définition soit très claire.
05:52Une définition plus précise, oui, on en a besoin.
05:55Même moi qui veux être juge, on en a besoin pour pouvoir juger.
05:59Pour répondre à ce besoin, la sénatrice Mélanie Vogel veut que l'absence de consentement
06:04devienne un élément constitutif du viol.
06:06Il n'est aujourd'hui pas défini comme étant ce qui met la limite entre un viol et un rapport
06:11sexuel, alors que pour le vol, l'effraction de domicile, etc., ça va s'en dire quelque
06:19part.
06:20Si je vous prends votre téléphone parce que vous l'avez laissé sur la table, aucun
06:25policier ne va vous demander ce que vous avez crié quand elle a pris votre téléphone,
06:31ce que vous êtes défendu.
06:32Tout le monde comprend bien qu'en fait, je n'ai aucune raison de prendre votre téléphone
06:35si vous ne me l'avez pas donné en fait.
06:38Pourtant, la modification du code pénal ne fait pas consensus chez les parlementaires,
06:43y compris chez cette députée qui a elle-même été victime de viol.
06:47Le mot consentement, en fait, il est très ambigu.
06:50Ça dit aussi quelque chose de l'ordre du rapport de force.
06:54Vous voyez, c'est-à-dire qu'à la fin, pour un faisceau de raisons, on a choisi d'accepter
07:00une proposition qui vient de l'extérieur, mais elle peut être extrêmement contrainte.
07:07Reste le constat accablant, 6% seulement des victimes portent plainte.
07:17Clémence est l'une d'entre elles.
07:20Violée par deux hommes après une sortie en boîte de nuit, elle n'a pas été en mesure
07:24de dire non.
07:28Ça va faire bientôt trois ans que lors d'une sortie en boîte avec des alliés,
07:35en boîte avec des amis, j'ai voulu sortir pour aller chercher un sandwich.
07:40Et j'ai fait la rencontre de deux personnes.
07:44Je me souviens avoir marché avec eux.
07:48Ensuite, cette montée dans une voiture.
07:55Ils m'ont donné un verre.
07:57La voiture s'est mise à rouler.
08:01Je me souviens d'un point, trou noir après, et je me réveille dans un appartement
08:07que je ne connais absolument pas, dans un lit, en train de subir une agression,
08:17sans vraiment réaliser ce qui était en train de se passer.
08:23J'étais dans un état assez bizarre.
08:26Je voyais ce qui se passait sans pouvoir réagir, sans pouvoir ressentir,
08:31comme une poupée, un pantin.
08:34On voit ce qui se passe, on voit son corps bouger,
08:37mais on ne peut pas réagir.
08:40On subit juste sans pouvoir réagir.
08:44Ensuite, je voulais absolument rentrer chez moi,
08:47je n'arrêtais pas de leur dire de me ramener chez moi.
08:50Quand j'ai retrouvé mon amie, plus je marchais,
08:53elle m'attendait au loin, et plus je marchais,
08:56et plus j'avais l'impression de retrouver mon corps.
08:59Plus je marchais, plus les larmes montaient,
09:02plus les douleurs arrivaient,
09:05et plus je réalisais, plus j'avais l'impression
09:08que j'étais dans un état de vie.
09:12Accompagnée de ses parents,
09:15Clémence part déposer plainte au commissariat.
09:18J'avais honte.
09:21Je me souviens avoir honte de parler de douleurs aussi.
09:24Je ne pouvais pas forcément m'asseoir.
09:27J'avais même mes parents qui pleuraient.
09:30C'était un gros sentiment de honte,
09:33et même de raconter ce qui s'est passé.
09:36C'était un gros sentiment de honte,
09:39et même de raconter ça à des inconnus.
09:42Ce n'était pas facile.
09:45J'ai été convoquée plusieurs fois là-bas.
09:48C'était très difficile de voir tout le temps.
09:51Dès que j'y allais pour un rendez-vous,
09:54il fallait que je reprenne tout de A à Z.
09:57Il y a un jour, on me convoque.
10:00Lorsque je montais l'escalier,
10:03j'ai vu qu'il y avait une distance
10:06entre le bureau et les entretiens précédents.
10:09Ils étaient persuadés que je mentais.
10:12Ils faisaient en sorte de me faire craquer
10:15en me disant des choses horribles.
10:18J'étais une fille facile.
10:21Je sautais sur tout ce qui bougeait.
10:24J'avais cherché ce qui m'était arrivé.
10:27Ils m'ont dit que je n'assumais pas
10:30d'avoir pu faire un plan A3.
10:34Selon l'avocate de Clémence,
10:37le passé des victimes est encore trop souvent
10:40scruté à la loupe par les enquêteurs
10:43pour questionner leur récit.
10:46C'est le PV d'audition de Clémence.
10:49C'est une enquêtrice qui l'a interrogée
10:52sur ses pratiques sexuelles,
10:55sur sa vie de manière relativement détaillée
10:58et de manière intrusive.
11:02Elle lui demande pour quelles raisons
11:05au Portugal couches-tu avec deux hommes différents.
11:08Elle est très intrusive sur sa vie sexuelle
11:11qui est sans rapport avec les faits.
11:14Ensuite, elle la culpabilise sur l'alcool.
11:17Elle lui demande si elle aime le sexe sauvage.
11:20Là encore, on est dans le jugement moral,
11:23le jugement de valeur qui n'a pas lieu d'être
11:26avec une victime de violence sexuelle.
11:30C'est la loterie, c'est-à-dire qu'on peut avoir
11:33des policiers ou des magistrats qui sont
11:36parfaitement bien formés et qui interprètent
11:39les réponses de l'agresseur ou de la victime,
11:42mais parfois on voit bien que ça se retourne
11:45contre la victime.
11:48Si on intégrait la notion de consentement
11:51dans la définition du viol,
11:54ça amènerait les enquêteurs à systématiquement
11:57de savoir comment il s'est enquis
12:00du consentement de la victime.
12:03Selon sa réponse, on pourra en tirer qu'en réalité,
12:06il ne s'est absolument pas soucié
12:09du consentement de celle-ci et qu'il ne peut pas
12:12y avoir de malentendu.
12:15Non, c'est non. Oui, c'est oui, mais rien,
12:18c'est pas parce qu'on ne dit rien.
12:21J'étais pas dans la capacité de parler
12:24quand on a quelqu'un qui est totalement bourré
12:27ou douillet.
12:30Ça veut peut-être pas pour autant que la personne
12:33elle veut. Je pense que c'est bien de mettre
12:36cette notion de consentement. C'est important
12:39parce qu'il joue sur ça aussi la partie adverse
12:42sur le fait qu'elle n'a pas dit oui,
12:45mais elle n'a pas dit non non plus.
12:49Alors, faut-il introduire le consentement
12:52dans le Code pénal ?
12:55Réunis au Sénat pour débattre de la question,
12:58politiques et professionnels du droit sont divisés.
13:01Je suis un magistrat depuis plus de 20 ans.
13:04Il m'est souvent arrivé de dire aux victimes
13:07lorsque je présidais l'audience « Madame, je vous crois ».
13:10Mais je ne peux pas, avec les éléments de la procédure
13:13et avec les exigences de la loi, condamner l'auteur.
13:16S'agissant du viol et de l'agression sexuelle,
13:19je n'arrive pas à expliquer l'état actuel de notre droit français,
13:22si ce n'est en me référant à l'histoire et aux préjugés sexistes
13:25et patriarcaux qui continuent à prévaloir.
13:28Il faudrait, selon moi, définir le consentement.
13:31Un accord libre et volontaire à un acte particulier
13:34qui doit être donné à l'instant T, qui peut être retiré
13:37pour les activités suivantes. Ce n'est pas parce que j'ai accepté
13:40des caresses, des attouchements, que je suis d'accord
13:43qu'est-ce que cela changerait dans la pratique des magistrats,
13:46dans la pratique de l'enquête ? Si nous changeons la loi
13:49et que nous posons comme principe fondamental la vérification de l'accord,
13:52les prévenus qui disent aujourd'hui « je croyais qu'elle était d'accord,
13:55elle ne s'est pas débattue, elle n'a pas réagi », on pourrait les condamner.
13:58Je suis un peu en colère de ce que je viens d'entendre,
14:01je suis en colère de ce débat.
14:04Vous dites, M. Lavallière, et je vous crois volontiers
14:07que vous avez reçu des femmes pour leur expliquer
14:10parce qu'effectivement dire à quelqu'un
14:13« je vous crois, mais je n'ai pas pu condamner l'auteur »,
14:16c'est hyper important.
14:19Et puis d'après moi, c'est ce qu'il faut continuer à faire
14:22plutôt que de changer la loi. Pardon, mais en plus,
14:25foutez-nous la paix avec les lois.
14:28On n'est pas du tout plus avancé en ajoutant la notion
14:31de consentement. Ils vont dire que
14:34bien sûr, elle m'a dit que oui,
14:37elle était complètement d'accord. Et bien sûr, je me suis réassurée
14:40de son consentement. Elle me l'a dit.
14:43Elle m'a dit « mais oui, vas-y ». Et là,
14:46vous allez faire quoi ? On va se retrouver exactement
14:49dans la même situation ?
14:52En France, la question du consentement
14:55suscite la controverse. Pourtant,
14:58à l'étranger, d'autres pays ont réécrit leurs lois.
15:01C'est le cas de la Suède.
15:04Depuis 2018, lors de tout acte sexuel,
15:07un accord volontaire doit être clairement exprimé
15:10de manière verbale ou physique.
15:13Sans preuve du consentement, le viol peut enfin
15:16être caractérisé.
15:19Patrick Alm est juge au tribunal du district de Solna,
15:22près de Stockholm.
15:25Avec cette définition du viol élargi,
15:28une victime n'a plus besoin de prouver
15:31qu'elle a subi des violences, qu'elle a été frappée.
15:34Quand la victime a peur de dire non
15:37ou qu'elle n'exprime pas suffisamment
15:40son opposition,
15:43la nouvelle loi prend désormais en compte
15:46ce genre de plaintes.
16:01Il y avait des affaires de viol
16:04où il n'était pas possible de prolonger les poursuites
16:07dans les cas de sidération, par exemple,
16:10où la victime ne réagit pas.
16:13Ce qui arrive assez souvent
16:16chez les victimes de viol.
16:19Vous ne pouviez pas poursuivre l'auteur
16:22parce qu'on ne pouvait pas établir la contrainte.
16:25Les procureurs étaient obligés
16:28de classer ces affaires
16:31et ça concernait un grand nombre de cas.
16:34Moi-même, j'ai fait ça quand j'étais procureure.
16:37À l'époque, introduire le consentement dans la loi
16:40ne lui semblait pas utile.
16:43Je n'étais pas contre l'idée,
16:46mais j'étais sceptique.
16:49Je ne pensais pas que ça ferait une grande différence.
16:52Je pensais que notre législation à l'époque
16:55était un procureur assez offensif.
16:58Je craignais aussi que les gens soient déçus
17:01et je ne pensais pas qu'il y aurait plus de condamnations.
17:04Mais je réalise aujourd'hui que j'avais tort.
17:07J'avais tellement tort.
17:10La nouvelle législation suppose que le procureur
17:13doit montrer qu'il y a eu un accord explicite
17:16de la part de la victime,
17:19ce qui suppose que si la victime
17:22est souriante,
17:25le procureur n'a pas le droit
17:28de faire un accord explicite
17:31de la part de la victime.
17:34C'est-à-dire qu'il n'a pas le droit
17:37ce qui suppose que si la victime est sous l'effet
17:40de la sidération ou est très ivre,
17:43il y a absence de consentement
17:46car la victime n'a pas pu l'exprimer.
18:08Ça a commencé quand j'ai senti
18:11que sa main se rapprochait énormément
18:14de mes parties intimes.
18:17J'ai donc commencé à écrire par SMS
18:20à une amie pour lui dire que le tatoueur
18:23était très près de mes parties génitales
18:26et je trouvais que c'était très embarrassant
18:29qu'il ne se rende pas compte
18:32alors qu'il était concentré sur le tatouage.
18:35Du coup, j'ai écrit « Imagine,
18:38il ne se rend même pas compte lui-même
18:41qu'il a sa main posée là ».
18:44Mais après, c'est allé crescendo
18:47jusqu'à ce qu'il me viole.
18:50J'avais vraiment honte jusqu'à ce que je porte plainte
18:53mais cette honte s'est dissipée
18:56pendant l'enquête petit à petit.
18:59On n'a absolument jamais remis en question mon récit.
19:02Mais jamais je n'ai eu le sentiment
19:05que les enquêteurs remettaient en question ma parole.
19:08Ce qui m'a poussée à porter plainte,
19:11c'est que je savais que j'avais une chance
19:14de pouvoir être entendue.
19:17Je n'aurais jamais porté plainte
19:20s'il n'y avait pas eu la loi sur le consentement.
20:03Est-ce qu'on fait des contrats ici en Suède
20:06pour avoir une relation sexuelle ?
20:09Non, on ne fait pas de contrat.
20:12C'était l'argument de l'opposition tout le temps
20:15pour rendre l'argumentation à des gens.
20:18Il n'y a pas de contrat.
20:21Par contre, il y a une attention portée
20:24à la personne avec qui on va avoir une relation sexuelle
20:27et un intérêt mutuel à ce qu'il y ait un vrai consentement.
20:31La loi est passée en 2018 en Suède
20:34et il y a eu un changement de société énorme.
20:37Beaucoup plus de plaintes ont été déposées pour viol,
20:40non pas parce que les viols ont augmenté,
20:43mais parce que la honte a changé de camp.
20:50En modifiant sa loi sur le viol,
20:53la Suède a vu le nombre de condamnations
20:56augmenter de 75 %.
20:59En France, à défaut d'avoir changé la loi,
21:02on mise sur un meilleur accueil des victimes
21:05lors du dépôt de plaintes.
21:08On a toujours tous ces exemples qui nous perturbent,
21:11qui nous hantent des fois.
21:14On se dit qu'on aurait pu faire mieux.
21:17Je ne suis plus sur le terrain aujourd'hui.
21:20Ma mission, c'est d'aider mes collègues
21:23à aller plus loin dans ces procédures
21:27...
21:30Salut, fille !
21:33Prête ?
21:36C'est parti !
21:39Cette majeure de police forme les policiers déjà en poste
21:42au recueil de la parole des victimes de violences sexuelles.
21:45Vous allez voir que c'est compliqué
21:48pour une victime de déposer plainte.
21:51L'idée, c'est qu'elle n'ait pas à raconter son histoire
21:54à l'accueil du commissariat.
21:57C'est absolument pas confidentiel.
22:00L'accueil d'un commissariat n'est pas fait pour être confidentiel.
22:03Si c'est viol, agression sexuelle, violence conjugale ou intrafamiliale,
22:06elle montre le rond orange.
22:09Pour les personnes à l'accueil, vous avez pour consigne
22:12de ne lui poser aucune question
22:15et de l'envoyer vers un collègue qui va la prendre en charge.
22:18Elle pourra commencer à raconter son histoire
22:21de manière confidentielle.
22:24La formation met l'accent sur les stéréotypes de genre.
22:27La société met toujours le doute
22:30sur les victimes de violences sexuelles.
22:33En première intention, il y a toujours le doute sur les victimes.
22:36Pourquoi elle est allée là ?
22:39A son âge, quand même, elle est en boîte de nuit,
22:42alors qu'elle a des enfants.
22:45Pourquoi elle est habillée comme ça ?
22:48On ne va pas dire
22:51« Tu l'avais garée où ? »
22:54« Tu voulais changer de bagnole ? »
22:57Mais jamais on dit ça.
23:00Pourquoi on met toujours le doute sur les victimes de violences sexuelles ?
23:03Pour lutter contre les préjugés,
23:06les policiers sont invités à travailler sur un cas pratique.
23:09Celui d'une femme traumatisée par ce qui lui est arrivé à 18 ans
23:12avec un homme beaucoup plus âgé.
23:15Quand il arrive dans sa chambre et qu'il lui propose ça,
23:18Barbara est d'accord.
23:21Elle imagine une histoire d'amour
23:24plutôt belle, avec de l'attention, etc.
23:27Et quand il arrive dans sa chambre,
23:30il lui demande de se déshabiller, ce qu'elle fait automatiquement.
23:33Il se déshabille aussi et ils ont un rapport sexuel.
23:36Sauf que pendant ce rapport sexuel,
23:39il y a quand même beaucoup de brutalité.
23:43On se demande pourquoi.
23:46Sauf que deux choses sont importantes pour nous.
23:49C'est-à-dire qu'après le rapport, M. Srabi va partir
23:52et lui dit deux choses.
23:55« Je peux faire mieux et j'espère que tu ne diras pas déposer plainte. »
23:58Et évidemment,
24:01elle n'ira pas porter plainte.
24:04Pourquoi, à votre avis ?
24:07Pour moi, il n'y a rien.
24:10Allez-y, c'est intéressant.
24:40Elle était d'accord.
25:05Même si elle était d'accord, je pense qu'elle n'était pas d'accord
25:08qu'elle soit brutalisée pendant un rapport sexuel.
25:11Elle ne s'y attendait peut-être pas avant d'avoir accepté le rapport.
25:34Là, ils ressortent.
25:37« Pourquoi c'est compliqué ? Pourquoi c'est difficile ?
25:40Pourquoi ça demande autant de temps ? »
25:43À partir de là, le policier va comprendre les hésitations, le temps, etc.
25:46Quelque part, ils vont se comprendre.
25:49Il va y avoir de la bienveillance par rapport à son attitude,
25:52de l'empathie.
25:55Et là, on aura des procédures qui arriveront à des condamnations des auteurs.
25:59Depuis le mouvement MeToo, les dépôts de plaintes augmentent.
26:02Pourtant, le nombre de condamnations ne progresse pas.
26:05Pour faire régresser un phénomène infractionnel aussi massif
26:08que les violences sexuelles,
26:11il ne faut pas seulement avoir une peine sévère.
26:14Ça, ça ne suffit pas. Ça n'a jamais dissuadé personne.
26:17Ce qu'il faut, c'est un taux de diffidation très élevé,
26:20c'est-à-dire la certitude d'être pris.
26:23Si, quand vous commettez quelque chose, vous êtes sûr d'être pris,
26:26il faut accepter d'ouvrir un peu plus la définition,
26:29d'ouvrir le nombre d'affaires de contentieux
26:32et d'inciter les femmes à aller déposer plainte,
26:35sans risquer d'être classées sans suite immédiatement.
26:38Ce sera dur pendant la période d'ouverture,
26:41mais ensuite, il y aura une régression du phénomène infractionnel
26:44et on aura tous gagné. La santé des femmes sera meilleure,
26:47les rapports entre les hommes et les femmes seront meilleurs
26:50et surtout, on aura fait quelque chose d'essentiel pour la dignité des femmes.
26:54Emmanuel Macron lui-même s'est mis favorable à l'idée
26:57d'introduire le consentement dans la définition pénale du viol,
27:00mais cela n'a pas abouti.
27:03En Europe, nombreux sont les pays qui ont adopté cette approche,
27:07une approche pragmatique visant à lutter
27:10contre l'impunité des agresseurs.
27:23Sous-titrage Société Radio-Canada

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