A quelques jours des élections du 9 juin, Carlo et Thomas reçoivent les présidents des 6 grands partis francophones
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00:00 Merci d'être avec nous sur Fun Radio, très bon dimanche, on est à exactement deux semaines des élections du 9 juin. Bonjour Carlo !
00:05 Salut Thomas !
00:06 On est donc parti là pour une semaine un petit peu particulière.
00:09 Eh oui !
00:10 Tous les jours de midi à 13h, on va parler politique, on va recevoir les différents présidents des grands partis francophones
00:16 pour essayer de vous permettre, à vous derrière la radio, de savoir un peu pour qui voter ou en tout cas essayer de vous permettre de vous faire un avis.
00:23 Mais avant de commencer ces interviews politiques, on fait un petit préambule en ce dimanche avec Benjamin Billard. Bonjour Benjamin !
00:29 Bonjour !
00:30 Vous êtes politologue, peut-être expliquez rapidement ce que c'est qu'un politologue, c'est quoi votre métier exactement ?
00:34 Donc c'est de procéder à des analyses de la vie politique belge, donc je suis politologue au CRISP, le Centre de Recherche et d'Information Sociopolitique,
00:44 dont l'objet d'études principale c'est la prise de décision en Belgique, les acteurs politiques au sens très large qui y participent également
00:52 et donc effectivement on est particulièrement mobilisés dans le cadre de cette campagne électorale.
00:57 L'idée aujourd'hui du coup ça va être d'essayer de comprendre un petit peu quels sont les enjeux des élections qui arriveront dans deux semaines.
01:02 D'accord, mais avant de parler des enjeux, on peut éventuellement tirer un petit bilan de la législature qui s'achève au niveau fédéral ou régional.
01:09 Qu'est-ce qui s'est bien passé ? Où est-ce qu'il y a eu des couacs ?
01:12 Alors il y a beaucoup de choses à dire, sans doute. La première chose sans doute c'est que le gouvernement finalement a tenu jusqu'à son terme.
01:19 Certains prédisaient qu'il n'irait pas jusqu'au bout, que ça n'était pas gagné et effectivement il y a eu beaucoup de tensions.
01:24 Pourquoi ? Tout simplement parce qu'on a sept parties dans ce gouvernement fédéral,
01:29 des parties qui n'ont pas l'habitude toujours de gouverner les uns avec les autres parce qu'il y a de la gauche, il y a de la droite,
01:34 il y a des pro-nucléaires, il y a des anti-nucléaires par exemple.
01:36 On est aussi le pays du compromis aussi.
01:37 On est aussi le pays du compromis, ce qui a permis effectivement à ces sept parties de tenir ensemble jusqu'au terme de la législature.
01:44 Mais c'est la première fois dans l'histoire politique de la Belgique qu'on avait sept parties qui gouvernaient ensemble au niveau national ou fédéral.
01:51 Alors c'est déjà un élément, il y a eu toute une série de crises, de tensions.
01:55 On a cru que ce gouvernement risquait de chuter sur différentes thématiques, sanitaires par exemple.
02:00 N'oublions pas que ce gouvernement de Croo a vu le jour dans le cadre de cette pandémie de Covid-19.
02:06 Toute une série d'autres enjeux, par exemple en matière d'asile, ont aussi été particulièrement importantes en termes de dynamique en interne au sein de ce gouvernement.
02:16 Et donc voilà, c'est sans doute un des premiers éléments à souligner.
02:20 Il y a eu quelques tiraillements tout en fin de législature à la communauté Wallonie-Bruxelles avec la réforme du décret paysage.
02:26 Ça on peut le rappeler entre les libéraux et la gauche, les socialistes, qui ont été obligés de passer par le PTB pour avoir une majorité alternative.
02:35 Donc ça c'est un gros couac. Il vaut mieux que ça arrive en fin de législature effectivement.
02:40 Si ça avait arrivé au début, peut-être que les choses seraient passées autrement.
02:42 Un autre niveau de pouvoir effectivement, mais au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles, on a effectivement eu cette difficulté au sein du gouvernement.
02:50 Les termes qui ont été utilisés par les différents partis, leurs représentants, leurs présidents ont été très forts.
02:55 Le MR a parlé de trahison de la part de ses partenaires de coalition, l'EPS et les écolos en l'occurrence ici.
03:03 Donc on voit effectivement que c'est un élément très fort qui peut être analysé par certains comme étant une stratégie électorale à l'approche des élections en réalité.
03:10 - On est quand même à quelques semaines des élections, à ce moment-là, présenter l'adversaire comme un ennemi, ça tourne bien quelques semaines avant un scrutin.
03:15 - Voilà, et il est clair qu'après cela, il était beaucoup plus difficile de pouvoir faire aboutir une série de dossiers,
03:21 même si on sait que c'est parfois déjà difficile à la veille d'une élection, mais surtout après un coup comme celui-là.
03:27 - Alors cette partie au fédéral, au pouvoir, c'était jamais arrivé. Est-ce qu'on pourrait faire encore plus fort la prochaine fois ?
03:33 - On pourrait faire plus fort, par exemple en ajoutant les engagés à cette coalition, qui est le "petit frère" entre guillemets,
03:40 parce qu'on sait très bien qu'ils évoluent l'un par rapport à l'autre, mais du CDNV,
03:43 à partir de traditions chrétiennes démocrates, même s'il a laissé de côté sa référence chrétienne en se transformant d'abord en CDH
03:50 et puis depuis deux ans aujourd'hui dans les engagés. Mais on pourrait effectivement envisager davantage de partis.
03:55 - Parce que d'après les derniers sondages, justement, la Vivaldi n'aurait peut-être plus la majorité.
03:58 - A priori, il pourrait effectivement ne plus avoir cette majorité, peut-être une majorité encore plus forte qui serait nécessaire,
04:04 si on envisage une réforme de l'État. On sait qu'une réforme de l'État nécessite une majorité renforcée des deux tiers,
04:10 ce qui veut dire 100 sur 150 députés, si on ne parle que de la Chambre des représentants.
04:14 Et donc effectivement, c'est un élément important auquel garder un oeil attentif.
04:18 - Alors vous parlez d'une réforme institutionnelle éventuelle. Quels sont les enjeux du scrutin à venir ?
04:23 Et là, on va peut-être parler de l'Europe aussi, du coup, parce que quand même, on a tendance à la mettre un petit peu au second plan.
04:28 À part dans les autres pays, parce qu'ils ne vont voter que pour les européennes, chez nous, on pense surtout d'abord aux fédérales et aux régionales.
04:34 Mais l'Europe, c'est important. Quels sont les enjeux du scrutin à venir pour les quelques années qui viennent ?
04:39 - Alors, il y a toute une série d'enjeux. Il est vrai que c'est surtout le niveau de pouvoir fédéral aujourd'hui qui rassemble le plus lors des débats.
04:46 On le voit très bien d'ailleurs, lors des débats, lors des interventions ou des rencontres avec les candidats, les candidates.
04:52 C'est surtout ce niveau de pouvoir qui attire le plus et on voit que le niveau de pouvoir européen est relégué au deuxième plan.
04:58 C'est un peu une habitude puisque systématiquement...
05:00 - Parce que la majorité des décisions, maintenant, sont prises au niveau européen.
05:02 - Alors...
05:02 - 70% des lois qui nous impactent sont prises au niveau européen.
05:07 - Ou un minimum, une impulsion en tout cas, par rapport aux décisions qui sont adoptées au niveau national ou même infranational, régional et communautaire.
05:12 Donc c'est effectivement un niveau de pouvoir important qui a des compétences, par exemple, en matière environnementale,
05:17 par exemple en matière migratoire, on a adopté il n'y a pas très longtemps le pacte migratoire qui fait encore couler un peu d'encre,
05:24 en matière de toute une série d'autres enjeux, protection des consommateurs par exemple.
05:31 Donc il y a des enjeux et évidemment des questions économiques et commerciales,
05:35 ces fameux accords de libre-échange notamment qui sont signés avec des pays étrangers.
05:40 Donc on voit qu'il y a toute une série, effectivement, d'enjeux de politique publique très importants,
05:44 majeurs au niveau européen, auxquels on pourrait d'ailleurs ajouter aussi des questions d'ordre géopolitique.
05:49 On sait que ces dernières années ont été particulièrement marquées par ces thématiques,
05:53 pour le niveau national, le niveau infranational, mais également pour le niveau européen,
05:58 qui essaye un petit peu de trouver sa place finalement dans ces différents conflits mondiaux,
06:01 que ce soit en Ukraine, que ce soit en Palestine par exemple ou encore bien ailleurs.
06:05 - Bon, on va peut-être révoquer dans l'expériment les enjeux discrétaires en Belgique pour les annuler.
06:09 Quelles sont les grandes thématiques qui essaient d'être abordées ?
06:14 Évidemment les problèmes migratoires vont continuer à se poser, l'environnement...
06:18 - Voilà, je pense à la question migratoire, on sait aujourd'hui que c'est la préoccupation numéro 1
06:23 des électrices et des électeurs en Flandre, ce qui veut dire que c'est très important
06:26 et que les candidats lors de cette élection en font aussi un thème majeur de cette campagne.
06:31 Donc il faudra à un moment donné traduire dans un accord de gouvernement ces préoccupations.
06:35 En Wallonie, à Bruxelles, les thématiques principales, quoique ne sont pas reléguées très loin en Flandre non plus,
06:41 portent plutôt sur des questions socio-économiques, des questions d'emploi par exemple.
06:45 N'oublions pas aussi que durant cette législature, on a échoué à faire adopter une vaste réforme fiscale.
06:51 Ce sera sans doute un des chantiers importants pour la législature à venir également.
06:55 Un autre élément, on l'a abordé brièvement il y a un instant, mais c'est une réforme de l'État.
07:00 Parce qu'on sait que la N-VA pourrait être incontournable lors de la prochaine législature.
07:05 Et là encore, on a un âge entre le PS et la N-VA justement dans le cadre d'une réforme de l'État.
07:08 Or, on sait que la N-VA ne montera pas dans un attelage gouvernemental ou fédéral a priori
07:12 sans une promesse de réforme, d'une septième réforme, puisqu'on en a déjà connu six, de l'État.
07:18 Et donc c'est un élément important aussi bien entendu.
07:20 Et là-dedans, le climat, on l'oublie complètement.
07:23 Toujours est-il qu'aujourd'hui, il semblerait que la priorité soit moins mise en avant sur cette thématique.
07:28 En 2019, c'était un enjeu important de la campagne.
07:31 C'est un peu la mode à l'époque aussi.
07:33 Voilà, il y avait notamment ces marches pour le climat en Belgique, mais bien à l'étranger aussi, bien sûr.
07:38 Aujourd'hui, on est dans un contexte où il y a eu cette crise énergétique et inflationniste,
07:43 d'ailleurs, qui a permis, ou en tout cas qui a eu pour conséquence,
07:46 notamment la prolongation de deux réacteurs nucléaires,
07:49 où certains gouvernements, six partis sur sept, y étaient initialement opposés.
07:53 Mais également, les récentes colères exprimées par les agriculteurs
07:57 et qui viennent à certains égards, pas totalement,
08:00 mais à certains égards, parfois, pousser des partis à se dire
08:04 "Il faut aussi mettre en sourde une certaine aspects, notamment de nos revendications".
08:08 - Et oui, il paraît que d'après certains sondages, aujourd'hui, les jeunes sont globalement
08:13 en faveur du maintien de la production d'énergie fossile que les plus anciens.
08:21 C'est-à-dire qu'ils sont moins engagés vis-à-vis des problèmes climatiques,
08:25 alors qu'on aurait pu croire, évidemment, que c'était le contraire.
08:27 Comment expliquer ça ? La différence par rapport à il y a cinq ans ?
08:30 - Alors, il y en a toujours qui sont très engagés par rapport à cela, bien entendu.
08:33 Et d'ailleurs, les électeurs de formation écologiste, Écolo et Groun,
08:37 en tout cas, si on se tient à 2019, puisque ce sont les dernières données qu'on peut analyser,
08:41 on voit qu'ils sont particulièrement jeunes.
08:43 - Mais ils sont très bien dans les sondages non plus, Écolo et Groun,
08:44 par rapport à il y a cinq ans, risquent de se prendre une fameuse...
08:46 - Mais c'est des partis qui ne se portent pas très bien aujourd'hui dans les sondages.
08:49 Peut-être moins mal que ce qu'on aurait pu croire...
08:52 - Alors que la situation empire !
08:54 On n'a jamais balancé autant de gaz à effet de serre dans l'atmosphère qu'aujourd'hui.
08:58 On vient encore découvrir l'équivalent de 500 milliards de barils sous l'Antarctique.
09:02 - C'est un enjeu qui reste très important, évidemment.
09:06 - Il y a peut-être le fait aussi que les jeunes manifestants de 2019
09:09 sont devenus des jeunes adultes qui ont du mal à se débrouiller dans la vie
09:13 et qui ne peuvent pas se permettre de manger bio et de rouler dans des voitures électriques, peut-être.
09:18 - Je ne suis pas sûr qu'il n'y ait que ceux-là.
09:19 Je pense que certains aussi croyaient dans les partis écologistes
09:22 et ont pu être déçus d'une certaine manière par rapport à la gestion de la chose publique
09:27 par les écologistes, que ce soit au niveau régional, communautaire ou fédéral,
09:30 puisque les écologistes sont présents à différents niveaux de pouvoir,
09:34 par exemple en Wallonie, à Bruxelles et au niveau fédéral également.
09:38 Et donc certains, n'oublions pas que les écologistes, historiquement, sont antinucléaires,
09:42 sont aussi pacifistes, alors qu'aujourd'hui, durant cette législature,
09:47 on a réinvesti dans la défense et qu'on a prolongé deux réacteurs nucléaires.
09:50 Et cette prolongation a même été, ironie de la chose, négociée par une membre du gouvernement écologiste.
09:57 Et donc on voit ici que certains pourraient être plus frileux
10:00 par rapport à ces deux partis, Écolo et Groune, par rapport aux actions réalisées.
10:04 Je ne pose pas ici un jugement par rapport à ce qui a été fait,
10:07 il y a certainement d'autres choses qui peuvent être pointées du coin.
10:09 - Mais là, vous donnez quand même un petit peu raison à tous ceux qui prétendent,
10:11 et depuis déjà très longtemps, que voter, ça ne sert à rien.
10:13 Ça, c'est un discours qu'on entend quand même très régulièrement.
10:15 Alors, quoi, voter, ça ne sert à rien ou il vaut quand même mieux se déplacer ?
10:19 - Je pense que c'est important, ne fusse qu'à minima, pour contribuer à ce que le parti
10:24 dans lequel on croit le moins ait une chance en moins d'être élu d'une certaine manière,
10:29 ou d'avoir des élus. C'est en tout cas l'argument par la négative, ou pris dans un sens inverse.
10:34 Je pense que le vote reste important. L'enjeu de la participation aux élections
10:38 est lui-même en soi majeur, puisqu'il permet de conférer une légitimité
10:43 aux personnes qui vont être amenées demain exercer des responsabilités,
10:46 au niveau d'un Parlement, puisque c'est bien pour renouveler des assemblées parlementaires
10:50 qu'on se déplace aux urnes le 9 juin prochain, mais également, indirectement,
10:54 ensuite, sur la base des rapports de force qui se seront dégagés au Parlement,
10:58 pour mettre sur pied des gouvernements qui vont mettre en œuvre
11:01 les décisions adoptées par les Parlements.
11:03 Donc je crois que ça reste très important, aussi, parce qu'on a parfois tendance à l'oublier.
11:07 Le Parlement n'a pas que pour mission d'adopter des lois, des crée-où-ordonnances,
11:11 si on a d'autres niveaux de pouvoir, mais aussi de contrôler l'action de l'exécutif,
11:16 du gouvernement, par exemple, à travers la période de questions au gouvernement,
11:20 mais aussi la volonté, parfois, et souvent d'ailleurs, exprimée par certains,
11:24 de voir mis sur pied des commissions d'enquête parlementaires.
11:27 - Mais quand un programme a un multipartisme, à partir du moment où on se retrouve avec des coalitions
11:30 en sept parties, c'est que vous, vous votez en fonction d'un programme,
11:33 un programme qui ne pourra pas, par définition, être appliqué.
11:36 On va mettre tellement d'eau dans son vin qu'on va même plus goûter le vin.
11:39 C'est une remarque faite par les électeurs, c'est-à-dire que ça ne sert à rien d'aller voter
11:42 parce que le programme pour lequel on va voter ne sera de toute façon pas appliqué.
11:46 Donc le dénominateur commun entre les différents partis qui vont se retrouver dans une coalition
11:51 est de plus en plus faible aujourd'hui avec des coalitions en sept.
11:55 - Ah ! Plus on est nombreux, plus effectivement, ce dénominateur commun risque de s'étioler.
12:00 Mais j'aurais quand même peut-être un point de vue différent sur les conséquences
12:05 ou la manière d'interpréter ce multipartisme.
12:07 Je pense que c'est aussi une force d'une certaine manière qui contribue à la stabilité du système politique.
12:12 Pourquoi ? Parce que ça force en effet le compromis, mais ça évite aussi certaines décisions radicales
12:17 qui pourraient remettre en cause le système politique dans son ensemble,
12:20 qui pourraient chambouler certains éléments qui participent à la stabilité de ce système.
12:25 Donc je crois que ça reste important en ajoutant à cela que quand même,
12:29 lorsque certaines formations politiques intègrent un gouvernement,
12:33 souvent elles arrivent, selon leur stratégie, leur capacité aussi, il est vrai,
12:37 mais à marquer de leur empreinte l'action du gouvernement, l'action en termes de politique publique.
12:43 Selon qu'on a un gouvernement Michel, par exemple, qui associe des partis de centre et de droite, par exemple,
12:49 ou selon qu'on a des coalitions même plus larges qui vont associer de la droite et de la gauche,
12:53 on voit bien que ce ne sera pas la même chose, que pour la population aussi,
12:57 on aura des décisions qui ne vont pas aller dans la même direction, par exemple en matière socio-économique.
13:02 - Mais donc, vous critiquez le bipartisme d'une certaine manière,
13:05 en disant qu'un parti ou pour un va détricoter tout ce qu'a fait l'autre juste avant.
13:09 - Je ne le critique pas en soi, simplement le système politique, je ne le repose pas depuis désormais très longtemps
13:15 sur le bipartisme, et donc on fait avec ce que l'on a d'une certaine manière,
13:20 mais c'est assez caractéristique de notre système politique.
13:23 - Ok, alors on peut demander aussi pourquoi il y a de plus en plus d'abstention,
13:26 ça c'est un phénomène qui prend de l'ampleur, pas seulement à Belgique évidemment,
13:29 mais il y a vraiment un problème entre la population et le monde politique.
13:32 Pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ?
13:34 - Alors en effet, ce constat est très vrai, 17% des personnes qui avaient le droit de vote en 2019,
13:39 soit ne se sont pas déplacées aux urnes, en dépit de l'obligation de s'y rendre d'ailleurs,
13:44 ou ont déposé un vote blanc ou nul.
13:46 Alors il y a plusieurs interprétations qui peuvent être posées,
13:50 mais l'une d'entre elles qui me semble importante, c'est une crise profonde politique de la démocratie représentative.
13:55 C'est le fait que de plus en plus de citoyens, de citoyennes,
13:58 qui avaient raison de dire que ce n'est pas qu'en Belgique,
14:00 c'est une tendance globale dans les démocraties occidentales,
14:02 perdent la confiance qu'ils ont, pas simplement dans l'un ou l'autre élu,
14:06 ce qui peut se comprendre quand on voit certains scandales, par exemple, politico-financiers,
14:10 qui sont mis au grand jour, mais dans le fonctionnement même de notre démocratie représentative.
14:15 Donc ça c'est un élément majeur aujourd'hui, qui va expliquer d'une part,
14:19 cette faiblesse dans la participation électorale, mais aussi d'autre part,
14:22 le vote pour des formations anti-système, protestataires,
14:25 c'est-à-dire d'extrême gauche comme d'extrême droite.
14:27 Quand j'étais gamin déjà, j'entendais, pourtant j'ai quand même plus de soixantaine d'années,
14:31 quand j'étais gamin, j'entendais déjà dire "les hommes politiques, ça sert à rien,
14:34 les partis, on n'arrive pas à régler nos problèmes, et finalement..."
14:39 Mais à l'époque, on allait quand même voter, et donc il n'y avait qu'un engagement politique
14:42 qui disparaît de plus en plus.
14:44 Donc qu'est-ce qui a changé aujourd'hui par rapport à cette époque-là ?
14:46 - Cette crise démocratique s'amplifie, tout simplement, donc ça a toujours existé,
14:50 elle s'amplifie, il y a plusieurs raisons à cela.
14:52 L'individualisation de la société, sans doute, y participe.
14:56 La question, je pense, aussi des réseaux sociaux, de la circularité plus grande d'informations,
15:00 qui alors plus vite mettront grand jour certains scandales parfois,
15:04 mais aussi, à certains égards, vont circuler davantage de fake news,
15:08 de désinformations qui vont aussi amplifier, renforcer parfois,
15:12 cette méfiance politique, me semble-t-il.
15:16 Il y a toute une série d'éléments qui permettent d'objectiver aussi cela, bien entendu, ce fossé.
15:22 Un exemple parmi d'autres, durant cette législature, il y a un an,
15:26 un panel citoyen intitulé "We need to talk" a proposé toute une série de recommandations politiques
15:31 à destination du monde politique, notamment en portant sur le financement de la vie politique
15:35 et des partis politiques. On n'en a rien fait durant cette législature.
15:39 Et donc le sentiment de ce panel citoyen tiré au sort peut être assez négatif
15:43 par rapport au monde politique qui n'a pas pris en compte suffisamment ces recommandations.
15:47 Ce n'est qu'une illustration, à côté de cela il y a aussi des choses positives, fort heureusement,
15:51 il suffit d'un élément comme celui-là, parfois, pour creuser davantage encore le fossé avec les citoyens.
15:56 On est avec Benjamin Billard sur Fun Radio et on revient dans deux minutes.
15:59 Très bon dimanche, merci d'être avec nous sur Fun Radio.
16:01 On est toujours avec Carlo et Benjamin Billard, politologue,
16:05 pour essayer de comprendre un petit peu ce qui nous attend en gros dans deux semaines pour les élections.
16:09 Vous parlez de légitimité à propos du fait que les gens devaient aller voter
16:13 pour conférer justement cette légitimité aux partis au pouvoir.
16:17 Il y a de plus en plus de gens qui s'abstiennent à aller voter ou qui votent blanc.
16:21 Est-ce que justement les partis au pouvoir ne perdent pas une partie de cette légitimité ?
16:25 Certainement, ils en perdent et je pense que c'est important à rappeler
16:29 parce qu'en effet on voit que ce n'est pas sans impacter la légitimité des décideurs publics,
16:33 mais aussi des décisions qui sont adoptées derrière cela.
16:36 Et c'est une des raisons aussi pour laquelle finalement les choses parfois s'emballent
16:40 avec un mécontentement qui s'exprime de manière d'autant plus forte.
16:43 D'accord. Pourquoi est-ce que le vote est obligatoire en Belgique ?
16:45 Alors le vote est obligatoire.
16:47 En Europe c'est une exception effectivement.
16:50 On peut retrouver la Grèce et le Luxembourg où le vote est également obligatoire au niveau national.
16:54 Au niveau infranational il y a d'autres cas, notamment en Autriche par exemple.
16:58 Ce n'est pas nécessairement une exception selon où on se trouve.
17:00 Par exemple il y a beaucoup de pays d'Amérique latine où le vote est aussi obligatoire.
17:03 En Belgique c'est déjà une vieille histoire en réalité,
17:05 puisque c'est en 1893 qu'on décide d'instaurer le vote obligatoire.
17:09 Il faut se remettre dans le contexte de l'époque.
17:12 Ce sont les catholiques, partis situés plutôt à la droite de l'échiquier politique,
17:15 si on reprend nos repères politiques traditionnels actuels dans le contexte de l'époque,
17:20 qui est au pouvoir dans le cadre d'un gouvernement à l'époque homogène.
17:23 Ils sont les seuls au pouvoir.
17:25 À l'époque il y avait les libéraux et les catholiques.
17:27 Les socialistes ont arrivés depuis longtemps.
17:28 Les socialistes venaient d'apparaître en 1885, donc seulement quelques années plus tôt.
17:32 Et on a des revendications très fortes exprimées par des partis libérales et socialistes,
17:38 le POB comme on l'appelait à l'époque,
17:40 et de la part de la société civile de manière très importante,
17:42 qui manifestent pour demander le suffrage universel, en réalité tout simplement.
17:47 Et le suffrage universel masculin tempéré par le vote plural,
17:51 ce qui veut dire que tous les hommes ne seront pas égaux face au droit de vote.
17:55 Certains auront une deuxième ou une troisième voix supplémentaire.
17:57 - Et le chancitaire aussi.
17:59 - Alors ça c'était juste avant.
18:00 C'était juste avant ce qui confinait le droit de vote à une part très réduite,
18:03 1,1% de la population.
18:06 Ici en 1893, une concession faite,
18:08 parce que c'est une concession en réalité par les catholiques aux libéraux et aux socialistes,
18:12 c'est notamment d'élargir ce droit de vote,
18:14 permettre à tous les hommes à partir d'un certain âge de bénéficier de ce droit de vote.
18:19 Mais quand même, il essaye de mettre des garde-fous par rapport à cela.
18:22 C'est notamment ce vote tempéré par le vote plural, c'est un de ces garde-fous.
18:26 Le deuxième, c'est le vote obligatoire pour s'assurer quand même
18:29 qu'un certain électorat qui pourrait être acquis aux catholiques
18:32 se déplace le jour des élections et puisse ne pas trop menacer néanmoins
18:36 la place des catholiques à l'époque dans l'échiquier politique.
18:39 - D'accord, mais du coup, au lieu de droit de vote, on devrait parler de devoir de vote.
18:42 - Alors aujourd'hui, effectivement, c'est un droit, mais également un devoir,
18:45 au même titre que d'autres devoirs dans la société.
18:47 Il y a toute une série d'acteurs, notamment en politique,
18:50 mais pas seulement, qui plaident pour le maintien de cette obligation de vote,
18:54 qui considère qu'elle est fondamentale,
18:56 notamment parce qu'elle permet une meilleure représentation,
18:59 une meilleure représentativité de la société.
19:01 D'autres, par contre, militent pour la fin de cette obligation de vote.
19:04 Et parfois, on voit que ce sont des personnes au sein d'un même parti
19:07 qui ont ces points de vue divergents.
19:10 Ça a notamment été le cas au sein du MR ces dernières années.
19:13 On a vu certaines personnalités défendre bec et ongles ce mécanisme,
19:16 d'autres le remettre en cause.
19:18 Ce qui est important de rappeler, c'est que c'est en train d'évoluer,
19:20 en tout cas de manière très limitée, mais en Flandre.
19:24 Pour la première fois, lors des élections communales d'octobre prochain,
19:28 les citoyens et citoyennes flamandes ne seront pas obligés de se rendre aux urnes.
19:32 Ce sera ici un premier exercice.
19:34 Ce sera intéressant, en tant que politologue notamment, d'observer
19:37 quels seront les faits de cette non-obligation de vote, de ce droit pur.
19:40 Ce ne sera plus un devoir, sauf à considérer que c'est un devoir citoyen,
19:43 pour les élections communales flamandes.
19:46 - Moi, je me souviens, il y a un bon paquet d'années,
19:48 l'argument en faveur de l'obligation de vote, c'était pour essayer de faire barrage à l'extrême droite.
19:54 On partait du principe que si tout le monde était obligé d'aller voter,
19:57 la plupart des gens voteraient pour des partis traditionnels.
20:00 Alors qu'en fait, pas du tout.
20:02 Dans les pays où le vote n'est pas obligatoire,
20:04 l'extrême droite est en plein essor, en plein développement.
20:07 Et ici aussi, en tout cas en Flandre.
20:09 Donc, cet argument, c'était un peu n'importe quoi.
20:13 - Effectivement, on peut le questionner quand on voit la force de l'extrême droite
20:16 dans différents pays, ces dernières années en Grèce aussi,
20:19 où comme je le disais, le vote est également obligatoire.
20:21 Donc, ça peut tout à fait être nuancé.
20:23 Le vrai test, à nouveau, ce sera les élections communales,
20:25 où on pourra évaluer, et encore, le niveau de pouvoir communal
20:29 n'est pas le même que le niveau national.
20:31 On ne vote pas sur la base des mêmes considérations, notamment.
20:34 C'est plus lié aux personnes que l'on connaît,
20:36 ou dont on reconnaît les connaissances ou les compétences au niveau local
20:39 que ce n'est le cas d'autres niveaux de pouvoir.
20:41 Mais effectivement, ce n'est certainement pas le plus grand argument à ce niveau,
20:46 me semble-t-il.
20:47 Même si certaines enquêtes indiquent que,
20:49 dans la perspective d'un vote qui ne serait plus obligatoire,
20:52 le Vlaams Belang figurerait parmi les perdants de cette évolution.
20:56 Ça ne veut pas dire qu'il s'écraserait pour autant.
20:58 Aujourd'hui, et depuis cinq ans, le Vlaams Belang est en tête
21:01 de la quasi-totalité des sondages.
21:03 Quand bien même il perdrait quelques points de pourcentage,
21:06 vraisemblablement, il resterait le premier parti en termes d'intention de vote.
21:09 - D'accord. On va peut-être envisager, à ce moment-là,
21:12 évoquer le vote des ados de 16-17 ans aux européennes,
21:16 qui ne sera pas obligatoire. Enfin, si il est,
21:19 mais ceux qui n'iront pas voter ne seront pas punis.
21:22 Très belge, comme situation.
21:24 Mais à votre avis, est-ce que ça va avoir un quelconque impact ?
21:27 - Alors, la première chose, c'est effectivement de pouvoir s'y retrouver,
21:30 parce que ça a été une vraie saga.
21:31 Depuis un an, on ne savait plus trop ce dont il était question.
21:34 Et donc, comme vous le dites, il y a aujourd'hui une obligation,
21:36 à partir de 16 ans, pour les élections européennes, de se rendre aux urnes.
21:39 Ça nécessite évidemment qu'il y ait un accompagnement en derrière.
21:42 Pas simplement au niveau familial ou entre amis,
21:44 mais aussi au niveau scolaire, sans doute.
21:45 Il y a quelques années, le Forum des Jeunes,
21:47 qui s'appelle encore le Conseil de la Jeunesse de la Communauté Française,
21:50 avait réalisé une enquête qui mettait en évidence
21:53 que la majorité des jeunes, notamment de cette tranche d'âge,
21:56 n'étaient pas favorables à un abaissement du droit de vote,
21:59 en tout cas, s'ils n'étaient pas accompagnés d'un accompagnement,
22:02 pour savoir pourquoi voter, quelles sont les forces en présence,
22:05 comment les distinguer.
22:06 Et puis, le niveau de pouvoir européen, on le disait tout à l'heure,
22:08 c'est un niveau souvent considéré de second ordre,
22:11 et donc, parfois, qui nous semble beaucoup plus éloigné aussi.
22:14 Donc, il y a tout un travail à faire pour tenter de faire en sorte
22:18 que ces jeunes de 16 et 18 ans, et en réalité, même au-delà,
22:20 même des adultes, parfois, qui ont une tradition de vote bien ancienne,
22:24 puissent voter en connaissance de cause,
22:27 et surtout, exprimer leur choix politique de la manière la plus consciente.
22:32 - Est-ce que les habitudes de vote chez les primo-votants,
22:34 donc ceux qui votent pour la première fois en général à partir de 18 ans,
22:36 qui représentent quand même systématiquement plusieurs centaines de milliers d'électeurs,
22:40 je suppose, est-ce que les jeunes votent plutôt à gauche,
22:43 et puis en vieillissant, bon, est-ce que c'est toujours vrai aujourd'hui ?
22:46 Est-ce que ça profite à la gauche, en fait, les jeunes ?
22:48 - Alors, je distinguerais les jeunes et les primo-votants,
22:50 même si les primo-votants sont souvent jeunes,
22:51 quoiqu'on peut envisager certaines catégories d'étrangers notamment,
22:54 mais ne rentrons pas ici dans le détail,
22:56 mais effectivement, on voit notamment que les jeunes, typiquement,
22:59 ont tendance à voter plus aisément pour, par exemple, les partis écologistes.
23:02 Également pour l'extrême droite, et surtout les jeunes hommes, d'ailleurs.
23:05 - Ça c'est nouveau. - On voit qu'il y a des différences par rapport à cela,
23:08 mais c'est effectivement le cas, on a traditionnellement une extrême droite
23:12 qui performe assez bien auprès des plus jeunes,
23:15 notamment compte tenu, surtout ces dernières années,
23:17 de ces stratégies de communication sur les réseaux sociaux.
23:19 - Et c'est un phénomène récent. - On le retrouvait déjà il y a quelques années.
23:23 - C'est vrai, quand on voit le président du Vingt-seux-Blanc,
23:25 Thomas Grieg, très propre sur lui, souriant, jeune et cadre dynamique,
23:28 il ne fait pas vraiment penser à Le Pen ou à Hitler.
23:32 - Oui, non, et il est effectivement très différent d'Adolf Hitler.
23:35 Mais bien sûr, c'est une personnalité qui, stratégiquement,
23:39 a essayé d'élargir ses perspectives pour élargir son assiette électorale,
23:45 et notamment en misant sur les jeunes.
23:47 Pas seulement, mais notamment les plus jeunes, et plus encore,
23:49 au-delà de l'électorat, le Vlams-Blanc, aujourd'hui,
23:52 essaye d'entretenir des relations dans les cercles estudiantins,
23:55 notamment le KVHV, le NSV,
23:57 qui sont des organisations étudiantes catholiques,
23:59 tout à la droite du mouvement flamand, typiquement,
24:02 au sein duquel il se dit qu'il y a peut-être là un vivier de personnes,
24:06 pas simplement qui risquent ou qui peuvent voter pour lui,
24:09 mais qui pourraient aussi être recrutées,
24:11 soit en tant que collaborateurs parlementaires,
24:13 ou pour rejoindre des cabinets,
24:15 dans l'éventualité d'une rupture du cordon sanitaire,
24:17 qui permettra au Vlams-Blanc de rejoindre un exécutif.
24:19 - Elle se dit que l'extrême droite, elle plaide de plus en plus à la jeunesse,
24:21 un petit peu partout en Europe.
24:23 - Tout à fait. - Comment expliquer ce phénomène ?
24:25 Qui est un petit peu inquiétant.
24:26 Moi, je me souviens, quand j'étais étudiant à l'ULB,
24:29 je pensais que l'avenir était à gauche.
24:31 Les gens sont de plus en plus progressistes,
24:34 le fascisme va disparaître, va mourir.
24:36 C'est la fin de l'histoire, comme disait Fukuyama.
24:39 Et puis finalement, on s'est complètement plantés, à tout niveau.
24:42 C'est pas du tout la fin de l'histoire, et l'avenir n'est pas du tout à gauche.
24:45 Alors, qu'est-ce qui se passe, quand même ?
24:47 - Il y a plusieurs éléments.
24:48 Le premier, c'est la polarisation de la société,
24:50 qu'on voit à l'œuvre aujourd'hui.
24:52 Ce n'est pas nouveau, mais qui semble s'amplifier toujours plus.
24:55 Ce sont des formations, notamment d'extrême droite,
24:57 qui ont cette capacité, via les réseaux sociaux,
24:59 d'investir et surtout de toucher plus directement les plus jeunes,
25:03 parfois avec des discours, souvent même très simplistes,
25:07 qui ne proposent pas des réponses très concrètes
25:10 aux problèmes réels de la société,
25:12 qui sont complexes, et qui appellent en tout cas
25:15 des solutions également complexes,
25:17 parce que la société, surtout en Belgique,
25:19 est complexe, mais il faut pouvoir aussi,
25:21 évidemment, le faire entendre, le faire comprendre.
25:24 Notamment, quand on est primo-votant,
25:26 et qu'on a plus de difficultés, parfois,
25:28 d'appréhender la complexité du système politique,
25:31 des formations telles que celles-là, évidemment,
25:33 font leur choux grains.
25:34 - Est-ce qu'on pourrait parler, d'une certaine manière,
25:36 d'une twitterisation de la société aujourd'hui,
25:39 où on exprime des idées en 246 maximum,
25:43 ce qui ne laisse de la place uniquement qu'au slogan,
25:46 quelque part, et donc ça fait les choux grains des extrêmes,
25:49 qui sont de droite ou de gauche,
25:50 on n'a plus la possibilité maintenant de pouvoir exprimer
25:53 des idées, de pouvoir les développer, d'argumenter, etc.
25:56 Ça emmerde tout le monde, en gros,
25:58 et donc cette jeunesse qui n'est plus habituée qu'à twitter,
26:01 à utiliser des messages très restreints, très réduits,
26:04 va être plus à même de faire attention
26:07 à des messages primaires, quelque part.
26:10 - Oui, alors, twitterisation, sur l'idée même,
26:13 je suis tout à fait d'accord,
26:14 peut-être moins sur Twitter ou X aujourd'hui,
26:16 certains autres réseaux sociaux, parfois, sont encore plus percutants,
26:19 TikTok, par exemple, par rapport à cela,
26:22 et par rapport à certaines tranches d'âge,
26:23 qui sont parfois plus populaires encore que Twitter, par exemple,
26:26 mais je pense que sur le fond, c'est tout à fait vrai.
26:28 Aujourd'hui, il y a encore, évidemment, des possibilités
26:30 de s'exprimer assez longuement,
26:32 à travers des vidéos, y compris à l'extrême droite, d'ailleurs,
26:34 parfois sur YouTube, avec des vidéos qui font trois heures,
26:36 pour certains, mais c'est moins percutant,
26:38 on en a moins envie, on écoute moins facilement,
26:40 ce genre de choses, il y a une habitude
26:42 qui est beaucoup moindre par rapport à ce type de format,
26:45 et donc, on a la nécessité, la volonté, pour certains,
26:48 de proposer des messages très brefs, très courts,
26:51 mais qui doivent, en même temps, amener déjà
26:53 des éléments réflexifs ou de réponse,
26:56 par rapport à certains problèmes dans la société.
26:57 - Mais les messages très brefs et très courts, évidemment,
26:59 ça va être surtout mis à profit par les propagandistes de tout poil,
27:02 non plutôt les extrémistes, quoi.
27:04 - Oui, tout à fait.
27:05 Et là, le problème, c'est que les gens ont de moins en moins
27:07 la possibilité de se concentrer longtemps, aussi,
27:09 de par le fait qu'on vit dans une société
27:11 où il faut tout, tout de suite, et après 10 secondes,
27:13 on a marre, on passe à autre chose.
27:15 Donc, ça représente, en soi-même,
27:17 un enjeu pour la démocratie, quelque part.
27:19 - Oui, je pense, en tout cas, que ça permet de questionner
27:21 le fonctionnement actuel de la démocratie,
27:23 avec les outils, je pense, qui ont aussi leur côté positif,
27:25 qui permet aussi de politiser toute une série d'enjeux,
27:28 de mettre au grand jour, aussi,
27:30 certains éléments propres au fonctionnement du système politique,
27:34 certains débats, donc je crois qu'il y a aussi,
27:36 ou qui permettent une vivacité démocratique
27:38 à certains groupes dans la population de s'exprimer différemment,
27:41 ou de s'exprimer tout court, en donnant leur point de vue,
27:44 en fondant certains mouvements,
27:46 pour le meilleur ou pour le pire,
27:48 mais on voit, en tout cas, que ça permet aussi
27:50 une certaine forme de vivacité démocratique.
27:52 Mais, en tout cas, ça peut aussi la mettre sous tension,
27:54 je pense que c'est tout à fait vrai.
27:56 - Oui, et puis, il y a un petit problème, aussi,
27:58 avec les algorithmes sur les réseaux sociaux,
28:00 qu'on va recevoir des messages qui correspondent déjà à ces idées,
28:02 et donc, on n'a plus la possibilité d'être confronté à d'autres idées.
28:06 - Oui, je crois que la possibilité existe encore,
28:09 en tout cas, si on en a envie.
28:10 - Mais il faut la chercher.
28:11 - Mais il faut la chercher, en effet,
28:13 de la même manière que des publicités pour des produits commerciaux divers et variés,
28:16 on a plus tendance à recevoir, en effet,
28:18 une publicité customisée,
28:20 qui va correspondre davantage à notre profit,
28:22 sur la base de ce que notre manière de surfer aura révélé,
28:27 et politiquement, on retrouve une logique assez similaire à l'œuvre,
28:30 à laquelle j'ajouterais le financement,
28:32 la sponsorisation de certaines publicités sur les réseaux sociaux,
28:35 extrêmement importante en Belgique.
28:37 Si on prend uniquement le Vlaams Belang,
28:39 dans une mesure très similaire à la N-VA,
28:41 en 2023, c'est près de 1,7 millions d'euros
28:44 qui a été dépensé par chacun de ces parties, pris séparément.
28:48 Le troisième vient loin derrière, mais reste quand même très important,
28:51 c'est le PTB, avec un peu moins de la moitié de ce montant total,
28:54 uniquement en 2023.
28:55 Donc, on voit qu'il y a énormément d'argent qui est investi sur les réseaux sociaux,
28:59 parce qu'on sait que c'est une plateforme qui permet une certaine visibilité.
29:02 - On peut se demander pourquoi est-ce que les partis politiques
29:05 continuent à mener des campagnes d'affichage traditionnelles,
29:07 qui ont quand même moins d'impact, j'imagine,
29:09 que justement ce qui se passe sur les réseaux sociaux.
29:11 C'est une habitude ? C'est le folklore ?
29:13 - Je pense, non, on ne peut pas exclure une part de folklore,
29:16 mais je ne pense que ce n'est pas lié à ça, simplement,
29:18 il reste un public qui ne va pas sur les réseaux sociaux,
29:20 qui reste intéressé d'avoir d'autres manières
29:23 de savoir qui est en lice également.
29:26 Et puis, lorsque vous vous promenez dans la rue,
29:28 que vous le vouliez ou non, lorsque vous avez des grands panneaux d'affichage,
29:32 on a encore vu ici, juste devant l'entrée, en arrivant,
29:35 et bien, que vous le souhaitiez ou non, vous les voyez,
29:39 et alors vous avez plus, indirectement, de manière presque subliminale,
29:42 je vais peut-être être un peu loin en disant cela,
29:44 mais le regard attiré par l'une ou l'autre couleur politique.
29:47 Et donc, ça peut aussi y avoir, de manière complémentaire, son importance.
29:50 - Mais tiens, quand on demande aux gens quelles sont leurs personnalités politiques préférées,
29:55 ce sont les mêmes noms qui reviennent, même des gens qui se sont mis un peu en retrait de la politique,
30:00 comme ça fait une messe pendant des années.
30:02 Est-ce que les gens ne donnent pas simplement les noms de ceux qu'ils connaissent,
30:05 plutôt que de ceux qu'ils apprécient ?
30:07 - Sans doute que ça intervient, oui.
30:09 Et dans toute une série d'enquêtes, au-delà des personnalités,
30:11 y compris lorsqu'on souhaite connaître le parti pour lequel aurait envie de voter,
30:16 en un temps donné, la personne sondée,
30:19 souvent on a déjà plusieurs partis qui sont présentés,
30:21 et donc certains partis qui ne sont pas connus,
30:23 parfois d'ailleurs qui n'existent pas encore,
30:25 certaines formations qui déposent des listes ici en juin,
30:27 ont été créées il y a quelques mois à peine,
30:30 ne rentrent pas en compte nécessairement dans ces enquêtes, dans ces sondages,
30:34 de la même manière que les personnalités.
30:36 Et donc, évidemment, ça intervient et ça biaise un peu, il faut le dire,
30:39 aussi la manière dont on a de comprendre la perception de la population.
30:45 - Vous parlez des investissements des partis dans les réseaux sociaux,
30:48 essentiellement de la part du Lamsbelang et du PTB,
30:51 qui sont quand même des partis qui ne sont pas au pouvoir,
30:53 et qui visuellement ont quand même un solide bas de laine de l'argent des partis.
30:57 - Alors en Belgique, depuis 1989, l'argent des partis, c'est de l'argent public,
31:01 c'est-à-dire une dotation publique qui est prévue pour les partis politiques,
31:05 sur la base de leur performance électorale lors de la dernière élection.
31:09 Donc aujourd'hui, le Lamsbelang a un bas de laine assez conséquent, il faut le dire,
31:12 qui est le résultat, le reflet en tout cas,
31:15 de sa très bonne performance des élections du 26 mai 2019.
31:19 Donc une part fixe, une part variable.
31:21 Plus vous avez de voix, plus vous avez d'argent, de manière assez automatique.
31:24 Et donc on a des partis en Belgique qui, globalement, selon leurs derniers résultats,
31:27 sont assez riches. Ce qui veut dire aussi que les nouveaux entrants
31:30 dans le système partisan et politique ont plus de difficultés,
31:33 puisqu'ils n'ont pas les mêmes manières, les mêmes moyens pour fonctionner.
31:37 - Alors on ne donne qu'aux riches, quoi !
31:39 - On passe une heure avec le politologue Benjamin Billard sur Fun Radio,
31:42 et on revient dans deux minutes.
31:44 On est à deux semaines des élections du 9 juin,
31:46 merci d'être avec nous sur Fun Radio, Carlo est toujours là.
31:49 Et le politologue Benjamin Billard aussi, avec qui on décrypte un petit peu la politique belge.
31:53 - On a resté combien de temps de jours sans gouvernement ?
31:56 - Beaucoup. - En 2010, 2011 ?
31:59 - 541 jours à l'époque.
32:01 Ce qui était le record, en fait, de nombre de jours sans gouvernement.
32:05 En réalité, il faut quand même préciser, on avait un gouvernement, simplement,
32:07 qui n'avait plus la confiance du Parlement,
32:10 qui était un gouvernement dit en affaires courantes,
32:12 donc appelé à gérer les affaires courantes, déjà engagées,
32:15 mais aussi les affaires urgentes, également.
32:17 Et on sait que cette notion est assez élastique, et plus le temps passe...
32:19 - C'est pas à cause d'Alexander De Croo, d'ailleurs, qu'on est arrivé là, au départ ?
32:22 - C'est effectivement Alexander De Croo,
32:24 qui était tout jeune président du Parti libéral à l'époque,
32:27 qui avait décidé, en avril 2010, de débrancher la prise du gouvernement en le terme,
32:31 sur la base de désaccords autour de la scission de BHV,
32:34 le dossier de Bruxelles à Lville-Vord.
32:36 - Des vieux dossiers, on n'en parle plus du tout, évidemment, de BHV.
32:39 - Bah, BHV a été scindé lors de la 6ème réforme de l'État,
32:41 c'est un dossier qui a pourri la vie politique belge pendant des décennies,
32:44 et dont, effectivement, aujourd'hui, on ne parle plus.
32:46 - On ne parle plus de ça, on ne parle plus de marche sur Bruxelles.
32:48 Est-ce qu'il y a encore des tensions communautaires, aujourd'hui ?
32:51 - Il semblerait, si on considère qu'en Flandre,
32:53 les deux premiers partis, en termes d'intention de vote,
32:55 et de loin, c'est le Vlaams Belang, suivi de la N-VA,
32:58 tous les deux, qui, aujourd'hui, revendiquent la fin de la Belgique, en réalité,
33:01 c'est-à-dire la scission du pays et l'indépendance de la Flandre.
33:05 La N-VA le met moins en évidence durant cette campagne...
33:08 - La scission, au pire et simple, ça va être compliqué, avec la dette publique, l'armée, etc.
33:11 - Ce sera effectivement très compliqué.
33:13 La N-VA essaye de se positionner comme étant plus souple dans la manière d'y arriver.
33:16 Elle parle de confédéralisme, mais en droit, le confédéralisme,
33:19 c'est la volonté de certains États indépendants,
33:22 et donc ça présuppose l'indépendance de différentes entités qui forment la Belgique, aujourd'hui,
33:27 de mettre ensemble quelques compétences, par exemple, en matière de défense.
33:30 - Ok, d'accord.
33:31 Donc, 541 jours, est-ce qu'on peut battre ce record, cette année ?
33:35 - Je crois que ce record est assez fragile,
33:37 et qu'il faut toujours rester prudent, on n'a pas de boule de cristal,
33:40 c'est très difficile de dire ce qu'il va se passer,
33:42 mais en effet, c'est une situation assez délicate qui s'annonce après les élections du 9 juin.
33:47 Si on considère, un, les sondages, qui indiquent que le PTB,
33:51 qui n'a pas vocation à rejoindre le gouvernement,
33:54 parce qu'il y a suffisamment de partis qui ne le souhaitent pas,
33:56 et lui-même n'en montre pas des signes très forts.
33:59 De l'autre côté, le Vlaams Belang, on sait avec le cordon sanitaire,
34:02 qui n'est pas appelé à rejoindre le gouvernement fédéral, non plus,
34:05 j'insiste sur le côté fédéral ici,
34:07 et donc on aurait, en tout cas, un émiettement des voix
34:11 entre un grand nombre d'autres formations politiques,
34:14 très différentes les unes par rapport aux autres,
34:16 certaines qui souhaitent plus volontiers, par exemple, gouverner avec la N-VA,
34:21 d'autres qui sont beaucoup plus, comment dirais-je, hésitants à cette idée,
34:27 même si on sait que la N-VA risque d'être incontournable.
34:30 - Est-ce qu'il y a un parti francophone qui refuse ostensiblement de gouverner avec la N-VA ?
34:33 - A priori, le parti des filles est assez catégorique sur cette question.
34:36 D'autres le sont beaucoup moins, voilà, un plus petit parti,
34:40 les autres le sont beaucoup moins.
34:42 On a des perspectives en nuance,
34:45 mais là où le parti socialiste le rejetait catégoriquement il y a quelques années,
34:49 ce n'est plus nécessairement le cas aujourd'hui.
34:51 D'ailleurs, Paul Magnette et Bardo Weaver ont déjà travaillé ensemble
34:55 pour proposer une note disant, dans le gouvernement, de la France.
34:58 - D'après le maire, il y aurait même un axe entre le PS et la N-VA,
35:00 qu'il se serait déjà arrangé pour faire partie d'une coalition ?
35:03 - Ça, je ne sais pas, je ne suis pas dans leurs petits papiers,
35:06 ce serait, en tout cas, a priori étonnant.
35:08 Et quand bien même ce serait le cas, je ne suis pas sûr que ça permettrait d'avoir un gouvernement en juillet,
35:11 parce que je crois que le parti socialiste aura tout intérêt à montrer
35:14 que gouverner avec la N-VA, c'est la solution de la dernière chance.
35:17 Ce n'est pas son scénario privilégié, et il devra montrer qu'il a tout essayé,
35:20 et que pour sauver la situation et les perspectives en Belgique,
35:25 il faut se résoudre à cette perspective.
35:27 En tout cas, c'est ce que je pense comme scénario a priori.
35:30 Mais nous verrons évidemment les résultats des urnes et comment ça se passe par la suite.
35:34 - En imaginant évidemment que la N-VA ne gouverne pas en Flandre avec le Vlaams Belang,
35:38 parce que là, du coup, il serait exclu pour parler avec les partis francophones.
35:42 - Oui, une série de partis, les engagés, les écolos par exemple,
35:44 pas seulement, mais ont déjà dit qu'ils ne gouverneraient pas avec la N-VA,
35:47 si la N-VA, côté flamand, venait à négocier et surtout à gouverner avec le Vlaams Belang,
35:51 parti d'extrême droite.
35:52 - Ça, c'est peu probable. On suppose que la N-VA, qui serait incontournable en Flandre,
35:55 probablement, gouvernera avec le CDNV, l'Open VLD,
35:59 de manière à pouvoir justement entrer au fédéral aussi.
36:02 - Voilà, on verra. En tout cas, il pourrait y avoir, sur la base du dernier sondage
36:06 et des projections en siège qui ont été réalisées en Flandre,
36:08 on voit que la N-VA et le Vlaams Belang pourraient, pour la première fois,
36:10 avoir une majorité en siège pour former ensemble un gouvernement.
36:13 Cela dit, ce n'est pas pour autant que c'est le scénario privilégié de la N-VA
36:17 qui prépare quand même depuis quelques années un scénario
36:21 où elle gouvernerait avec les socialistes flamands.
36:23 C'est une perspective qui existe aujourd'hui au niveau de la ville d'Anvers.
36:27 On sait que Bardo-Weaver n'est pas nécessairement opposé
36:29 et les socialistes flamands, surtout avec Conor Rousseau,
36:31 y ont également travaillé ces dernières années.
36:33 - Oui, des socialistes flamands qui se droitisent un petit peu aussi.
36:37 Je crois que c'est aujourd'hui qu'on a une enquête qui révèle que
36:42 le monde politique en Belgique se droitisse de plus en plus,
36:46 pas seulement en Flandre, mais en Wallonie également,
36:48 avec un MR qui devient parti, peut-être pas d'extrême droite,
36:52 mais de droite décomplexée.
36:54 En Flandre, Vlaamseleung est encore plus à droite qu'il était il y a 5 ans.
37:00 Est-ce que ça n'offre pas justement des convergences entre les communautés ?
37:05 Ce qui permettrait d'avoir un gouvernement relativement facilement encore.
37:08 - Alors je ne suis pas sûr que ce sera facile à nouveau.
37:11 Et on observe en effet une certaine forme,
37:14 selon cette enquête de l'UCLouvain et de l'Université d'Anvers parue il y a quelques jours,
37:18 mais on voit en effet qu'il semblerait y avoir une droitisation dans certains partis.
37:22 On voit aussi que certains n'ont pas nécessairement évolué,
37:25 soit parce qu'ils sont à gauche radicale de l'échiquier par exemple,
37:29 ou les écologistes semblent avoir beaucoup moins évolué.
37:32 Et puis cette droitisation peut s'opérer à différents niveaux,
37:35 au niveau socio-économique ou au niveau culturel,
37:37 pour reprendre en tout cas le terme utilisé dans cette enquête,
37:41 ce qui reprend des thématiques très vastes et variées,
37:43 l'immigration, l'environnement par exemple.
37:46 À terme migratoire, je ne suis pas sûr que tous les partis aient évolué dans la même direction.
37:50 On l'a vu durant cette législature,
37:52 notamment pour ce qui concerne l'accueil des demandeurs d'asile,
37:55 qui est un dossier brûlant et pas vraiment résolu durant cette législature.
38:00 On sait que ce sera à nouveau un enjeu important à l'issue des élections,
38:04 et qu'il faudra rassembler des partis qui vraisemblablement
38:06 ne partagent pas nécessairement les mêmes points de vue autour de cette question.
38:09 - J'ai dit, on parle beaucoup de la droite aujourd'hui,
38:11 mais la gauche, elle n'est pas moribonde en Belgique francophone en tout cas.
38:14 - Pas du tout.
38:15 - Mais c'est quoi la gauche aujourd'hui en fait ?
38:18 Est-ce qu'on en est encore à Karl Marx ?
38:20 Oui, au PTB vous me direz.
38:21 - Alors aujourd'hui, on a trois partis principaux côté francophone
38:25 qui incarnent la gauche au sens très large,
38:27 du centre gauche jusqu'à la gauche radicale.
38:30 C'est le Parti Socialiste qui, malgré son déclin en 2019,
38:34 reste une formation qui se porte bien,
38:37 qui reste la première formation au sud du pays,
38:40 qui si on le compare aux autres formations socialistes
38:43 en France, aux Pays-Bas, en Grèce ou en Espagne par exemple,
38:46 se porte encore très bien.
38:47 Mais il y en a d'autres, les écologistes bien sûr aussi,
38:50 et le PTB qui se porte très bien.
38:52 - Le PTB c'est la gauche à l'ancienne.
38:55 - Oui, la gauche radicale.
38:57 - Les écolos c'est plutôt la gauche actuelle, la gauche polk, la gauche polkiste.
39:01 - Alors selon où on se positionne,
39:02 alors ça dépend de l'acception qu'on donne aux termes de "wokisme" évidemment aussi,
39:07 mais si on considère que c'est une forme,
39:08 parfois je parle de néo-progressisme plutôt pour qualifier de manière plus neutre aussi
39:12 ce dont il est question ici,
39:13 il est évident que la gauche est plutôt progressiste traditionnellement que la droite.
39:18 Donc ça c'est un élément important.
39:20 Les écologistes ont toujours évolué un petit peu en dents de scie.
39:23 On a tendance parfois, peut-être un peu rapidement,
39:25 mais à considérer que les années en neuf sont positives pour eux,
39:27 99, 2009, 2019, et que les années en quatre,
39:31 c'est-à-dire juste après les élections qui suivent, sont un désastre.
39:34 Cette année-ci, c'était vrai en 2004, c'était vrai en 2014,
39:37 cette année-ci il semblerait que ce parti connaisse un recul,
39:39 si on en croit en tout cas les sondages,
39:42 mais peut-être moins marqué que ça n'a été le cas en 2014 et 2004.
39:45 Donc cette évolution des écologistes doit peut-être être nuancée,
39:49 en tout cas on verra le 9 juin bien entendu.
39:51 - Ce que j'ai trouvé surprenant c'est qu'il paraît que les libéraux flamands,
39:54 donc le panneau LD, deviennent de plus en plus progressistes sociétalement,
39:59 donc culturellement, alors qu'économiquement évidemment c'est un parti très libéral.
40:04 - Alors ça fait déjà longtemps finalement qu'ils le sont de manière assez forte,
40:08 on remonte au début des années 2000 sur le vote pour le mariage homosexuel,
40:11 et puis sur l'adoption homosexuelle.
40:13 Si on ne compare qu'au sein de la famille libérale,
40:15 on voit que déjà les libéraux flamands étaient plus progressistes sur la question que les francophones,
40:20 même si on sait que ce sont des enjeux sur lesquels les partis laissent une liberté de vote à leurs parlementaires.
40:25 Mais si on analyse la structure du vote, on voit qu'il y a beaucoup plus de parlementaires de l'Open VLD
40:29 qui ont été progressistes sur cet enjeu bien particulier que du côté francophone par exemple.
40:33 Mais en effet, on voit que c'est une formation qui essaye aussi de se distinguer de la N-VA,
40:37 qui est une vraie concurrente pour l'Open VLD,
40:40 qui en tant que formation à droite sur le plan socio-économique,
40:43 comme l'Open VLD tente de l'incarner déjà depuis très longtemps,
40:47 mais conservatrice sur le plan culturel et des valeurs.
40:51 Et donc là c'est un élément, un point sur lequel essayent peut-être davantage aujourd'hui que par le passé,
40:55 de se démarquer l'Open VLD.
40:57 - Oui, chacun cherche son petit créneau.
40:59 Bon, vous n'avez pas de boule de cristal, mais à votre avis, quel est le scénario le moins improbable
41:04 pour ce qui est de la formation des différents gouvernements ?
41:07 - Ça dépend de quel gouvernement on parle évidemment.
41:09 - Au fédéral.
41:10 - Alors au fédéral, a priori on devrait retrouver un certain nombre de partis politiques,
41:14 à nouveau parce que le PTB, le Vlaams Belang, qui devrait bien se porter,
41:17 ne se retrouverait a priori pas dans cette coalition.
41:20 - Il n'y a pas de déni de démocratie quelque part.
41:22 - Pardon ?
41:23 - On ne peut pas parler de déni de démocratie, en tout cas, dans l'esprit.
41:27 A partir du moment où des partis qui cartonnent aux élections,
41:29 parce que bon, le Vlaams Belang ce serait 25%, donc un quart de l'électorat flamand,
41:33 le PTB c'est un peu moins, mais enfin ça devient très conséquent aussi,
41:37 le fait de considérer que par définition ces partis ne peuvent pas entrer dans une coalition,
41:41 est-ce que ce n'est pas une manière de dire aux électeurs qu'effectivement ils vont voter pour rien ?
41:45 - C'est quelque chose qu'on entend souvent, c'est vrai, je comprends le fond, mais je serais plus nuancé.
41:51 Pour ce qui concerne l'extrême droite, certains considèrent que c'est en effet peut-être une forme de déni de la démocratie
41:59 que d'instaurer ce type de cordon sanitaire, mais que ça permet in fine de mieux protéger la démocratie
42:03 comme régime, mais aussi comme socle de valeur.
42:06 Pour ce qui concerne d'autres formations politiques, y compris d'ailleurs celle d'extrême droite,
42:10 on peut considérer qu'un gouvernement majoritaire, qui repose sur une majorité au Parlement,
42:15 repose quand même sur une majorité, et donc ça reflète d'une certaine manière aussi le vote des électrices et des électeurs,
42:21 d'une autre manière, mais que ça le reflète quand même, puisqu'il y a quand même une majorité
42:25 qui associe certes plus de partis qui se dégagent dans cette direction.
42:28 - Mais ça risque pas d'être un petit peu contre-productif aussi, dans le sens où à force d'empêcher certaines formations
42:36 de rentrer dans un gouvernement, on leur confère un statut de martyr, et on donne aux électeurs l'envie
42:43 d'encore plus voter pour eux à l'avenir, jusqu'au moment où ils deviennent incontournables.
42:46 - Il est vrai que c'est parti, ils jouent beaucoup sur cette perspective, en tout cas, se présentent comme des martyrs
42:51 de la liberté d'expression, typiquement aussi, et donc là c'est un créneau sur lequel ils essayent de se dégager,
42:57 à côté de cela, même sans être au pouvoir, on voit que par exemple, le Vlaams Belang n'a jamais participé
43:04 à une coalition depuis sa fondation comme parti en 1979, et pour autant c'est un parti influent,
43:09 c'est un parti qui a réussi déjà, marqué de son emprunt, toute une série de législations,
43:14 depuis parfois plusieurs décennies, il n'a pas fallu attendre, comme on l'entend parfois, la N-VA pour voir
43:19 certains points de son programme historique être mis en oeuvre, par exemple la multiplication des centres fermés
43:24 pour les demandeurs d'asile et les personnes déboutées.
43:27 - Bon alors, pas de Vlaams Belang au gouvernement, pas de PTB, bon qu'est-ce qu'il nous reste ?
43:32 - La N-VA risque d'être assez incontournable, on pourrait imaginer un gouvernement sans la N-VA,
43:36 mais un gouvernement sans la N-VA impliquerait d'avoir presque tous les autres partis dans un même gouvernement.
43:41 - Et minoritaire côté flamand, probablement, comme cette fois-ci.
43:44 - Et c'est le deuxième élément qui ne bénéficierait pas d'une majorité au sein du groupe linguistique néerlandais,
43:49 pour reprendre les termes constitutionnels, bien qu'un petit peu barbares si on veut,
43:55 ce qui n'est pas une obligation en réalité, il n'y a pas d'obligation à avoir une majorité dans un groupe linguistique,
44:00 soit français comme à l'époque du gouvernement Michel, soit néerlandais comme aujourd'hui.
44:04 Néanmoins, c'est vrai que ce serait plus difficile à vendre, entre guillemets, auprès de l'électorat flamand,
44:10 y compris pour les partis qui rejoindraient cette coalition,
44:13 et donc je pense qu'il sera très difficile d'envisager une coalition sans la N-VA au niveau fédéral,
44:18 sans doute raison pour laquelle la plupart des partis, y compris ceux qui étaient le plus opposés il y a encore quelques années
44:23 à l'idée d'un gouvernement avec la N-VA, essayent petit à petit aussi de préparer,
44:28 pas seulement l'opinion, mais leur base électorale à cette éventualité.
44:32 - Bon, alors on a la N-VA d'un côté, en face, le MR et le PS semblent quand même relativement incontournables.
44:38 - Assez difficile à contourner aussi, vraisemblablement.
44:40 - Du coup, l'OPNVND aussi, du coup, Voreut également.
44:44 Bon, qu'est-ce qui nous reste alors pour avoir une majorité ? Probable ?
44:47 - Il reste les chrétiens démocrates ou les engagés de tradition chrétienne-démocrate
44:52 qui ont déjà marqué leur volonté nette de remonter à bord des attelages gouvernementaux,
44:58 c'est ce qu'ils n'avaient pas fait en 2019 en tant que CDH, puis il reste les écologistes.
45:01 Là, on verra effectivement quelle sera leur posture.
45:04 Si les élections devaient confirmer un échec, un recul électoral,
45:09 est-ce qu'ils souhaiteront remonter à bord d'un gouvernement ?
45:12 On a déjà vu par le passé que certains échecs, à nouveau le CDH par exemple en 2019,
45:17 conduisaient les représentants des partis qui étaient dans cette difficulté
45:22 à admettre qu'ils allaient choisir pour une cure d'opposition, pour se reconstruire, si on veut.
45:27 Et donc ce sont effectivement des comportements analysés, mais seulement au lendemain des élections.
45:30 - Donc finalement, il n'est pas tout à fait inenvisageable
45:33 qu'un gouvernement soit mis sur pied assez vite.
45:37 - Oui, effectivement, on ne peut pas tout à fait écarter l'idée,
45:40 mais ça me semble à nouveau très peu probable.
45:43 - Parce qu'on ne va pas accepter la N-VA directement.
45:45 - Voilà, ça dépend qui, mais en effet, il me semble difficile à l'accepter directement.
45:48 La N-VA elle-même n'a peut-être pas un intérêt à monter trop vite à bord d'un gouvernement,
45:52 d'abord au niveau flamand d'ailleurs, en tout cas dans la foulée des élections,
45:57 parce qu'il y a d'autres élections qui vont suivre les élections du 9 juin,
46:00 ce sont les élections du 13 octobre au niveau communal et provincial.
46:03 Et donc, d'une certaine manière, pour éviter de brûler ses cartouches trop vite,
46:07 certains pourraient être tentés de dire "on va attendre les communales pour ne pas vexer,
46:11 froisser une part de notre électorat qui pourrait,
46:14 lorsqu'on s'appelle N-VA par exemple, regretter notre alliance,
46:17 regretter l'alliance sans la N-VA peut-être au niveau flamand,
46:20 et se diriger vers le Vlaams Belang.
46:22 Ou à l'inverse, un électorat qui pourrait regretter une éventuelle alliance
46:25 avec le Vlaams Belang au niveau flamand,
46:27 et qui alors déciderait de se détourner de cette formation.
46:30 Donc on voit que ce jeu du calendrier peut aussi avoir un impact.
46:33 - Pendant 4 mois, ça va être la Comédie-Adele Arte ?
46:35 - On verra, évidemment, mais c'est un risque effectivement à courir.
46:39 - Une petite dernière question ?
46:41 - Une petite dernière question, bon bah...
46:44 Oui, donc on parlait du gouvernement fédéral,
46:46 maintenant comment ça risque, ça pourrait se passer du côté wallon ?
46:48 Et bruxellois ? Attention, oui !
46:50 Le gouvernement bruxellois, avec un risque,
46:52 on va quand même en parler deux secondes,
46:54 un risque de blocage des institutions,
46:56 si la majorité côté flamand est composée,
46:58 et ça c'est possible, du Vlaams Belang et de la N-VA.
47:01 - Voilà, donc j'allais le dire, les gouvernements wallon et bruxellois,
47:03 c'est encore des dynamiques très différentes,
47:05 parce que pour former un gouvernement bruxellois,
47:07 il faut d'abord une majorité au sein des francophones, d'une certaine manière,
47:10 et des néerlandophones à Bruxelles,
47:12 pour ensuite former une majorité.
47:14 Mais si on se retrouve dans une situation où N-VA et Vlaams Belang
47:17 remportent un succès assez important,
47:20 il ne faut pas avoir 15 sièges à Bruxelles
47:22 pour avoir un grand succès lorsqu'on est un parti flamand,
47:25 ce qui pourrait contribuer à un blocage des institutions au niveau bruxellois.
47:29 - Et c'est un peu leur objectif de montrer que les institutions belges ne fonctionnent plus.
47:32 - Oui, depuis déjà longtemps, c'est leur objectif de démontrer,
47:36 d'une certaine manière, surtout lorsqu'ils peuvent pointer du doigt
47:39 quelque chose de très concret, que nos institutions ne fonctionnent pas en l'état,
47:42 et qu'il faut pour cela se diriger vers l'indépendance de la Flandre,
47:46 puisque ça reste l'objectif numéro un du Vlaams Belang,
47:48 mais à nouveau, même s'ils ne le mettent pas au premier plan de cette campagne,
47:51 de la N-VA également.
47:53 - Ça veut pas dire que les électeurs francophones de Bruxelles n'auraient pas intérêt à voter pour un parti flamand démocratique ?
47:57 - Je ne dirai pas pour qui les électeurs doivent voter,
48:00 mais ça peut être un calcul stratégique posé par certains, effectivement.
48:04 - Donc voilà, c'est bon à savoir,
48:07 parce qu'effectivement, un blocage des institutions bruxellois,
48:10 ça pourrait être très embêtant, et pour l'ensemble du pays en plus,
48:12 pas seulement pour Bruxelles.
48:14 - On est mal barrés en tout cas, ça pue pour les prochains mois.
48:16 Merci beaucoup Benjamin Billard d'avoir été avec nous aujourd'hui.
48:18 C'est Rajama Wan qui sera la première à répondre aux questions de Carlo demain lundi.
48:22 Elle est coprésidente des Colons.
48:24 On vous retrouve à partir de midi, et on vous souhaite une belle après-midi et un bon dimanche.
48:26 - Bon après-midi, ciao ciao.