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00:00Bonjour à toutes et tous, je suis Florian Lafanille, directeur général adjoint des
00:16éditions Michel Lafond et je suis accompagné aujourd'hui d'Olivier Norek que vous connaissez
00:21évidemment.
00:22J'en profite d'ailleurs pour vous remercier de tout votre soutien sur ces romans depuis
00:26le début dans vos librairies.
00:27Je sais que vous vous demandez aussi mais Olivier Norek, normalement, il n'écrit que
00:31des polars.
00:32C'est vrai qu'il écrit des polars mais quand il est arrivé aux éditions Michel Lafond
00:37avec ses polars de banlieue, lui qui a été enquêteur à la police judiciaire pendant
00:4115 ans, on a surtout tout de suite compris qu'on avait découvert un raconteur d'histoire.
00:45Vous savez, cette espèce assez rare d'auteurs qui a besoin de se nourrir du monde pour le
00:50comprendre et le partager.
00:52C'est Olivier Norek, un auteur de terrain, c'est un auteur qui doit vivre ses romans
00:57avant de les écrire mais c'est aussi un auteur qui a besoin de se mettre en danger.
01:01Il aurait pu s'aider à la facilité d'écrire année après année une énième enquête
01:07du capitaine Coste, son héros emblématique et récurrent à succès et pourtant déjà
01:12dans le polar, il a pris des risques.
01:14Il a pris des risques en écrivant Impact, un polar thriller écologique, moralement
01:19questionnable mais aussi entre deux mondes pour lequel il est parti vivre plusieurs semaines
01:24dans la jungle de Calais.
01:25Alors quand on est éditeur et qu'on a un auteur qui nous dit qu'il va aller vivre
01:27dans la jungle de Calais pour écrire un roman, c'est un peu stressant pour nous.
01:31Aujourd'hui, entre deux mondes, c'est un roman qui est présenté et étudié au bac
01:35ou au brevet dans près de 60 établissements scolaires.
01:37Alors finalement, quand Olivier est venu nous voir en nous disant que son prochain roman
01:42ne serait pas un polar, on n'a pas vraiment été surpris chez Michel Laffont, pour être
01:47même honnête, on s'y attendait un peu, on savait que ça allait arriver parce qu'on
01:51savait qu'Olivier se servait de ses polars pour dénoncer, pour éveiller, pour écrire
01:55ce qu'il avait sur le cœur.
01:56Pour autant, personne, mais vraiment absolument personne, n'imaginait ce sujet-là, ce sujet-là
02:03parce que personne ne le connaissait et c'est ce sujet-là qu'Olivier va vous révéler.
02:08Merci Florian, je vais rester debout parce que je ne sais pas faire différemment et
02:15je vais certainement me mettre à marcher aussi.
02:17Oui, vraiment, vous remerciez pendant cette décennie de m'avoir accompagné avec mes
02:22romans policiers, d'avoir fait qu'aujourd'hui, je suis un auteur qui a été policier alors
02:29que pendant très très longtemps, j'étais un policier qui se mettait à écrire des
02:31livres et donc ça, je vous le dois et ce n'est pas terminé, je vais encore avoir
02:36besoin de vous parce que justement, pour une fois, je vais faire un pas de côté et
02:42je vais sortir du roman policier et pour sortir de ce roman policier, il a fallu vraiment
02:45qu'il y ait un sujet qui me tombe dessus et qui ne me laisse vraiment pas le choix
02:49et ce sujet, ça a été un électrochoc.
02:50Alors un peu de contexte, j'étais chez mes parents en train d'en réparer deux-trois
02:56trucs parce que je suis un bon fils et il y avait un soleil magnifique qui inondait
03:01les vallées de l'Aveyron, on était tranquillement là en train de vivre cette journée comme
03:06une autre et j'ai entendu à la radio une voix très calme, très posée qui menaçait
03:11de déclarer une guerre nucléaire à l'Europe.
03:13Alors c'était il y a plus de deux ans et c'était la Russie, une nation géante,
03:17une nation de la taille d'un continent qui comptait s'attaquer à un petit pays, l'Ukraine.
03:22Et l'Europe, à ce moment-là, a dit qu'elle était prête à défendre un de ses possibles
03:27futurs enfants et la Russie nous a répondu très calmement qu'elle avait un moyen nucléaire
03:32et qu'elle n'hésiterait pas à l'utiliser.
03:34La fin du monde, la réponse atomique, balancée comme ça, tranquillement, comme une éventualité
03:41qui devient maintenant concevable.
03:42Alors je me suis dit, ça commence comment une guerre ? Ça commence comment le chaos ? Et
03:49comment on passe de citoyen à soldat ? Et ça fait quoi de tuer un homme et d'en tuer
03:52dix et d'en tuer cent et d'en tuer mille ?
03:54Je me souviens qu'on a parlé du Covid il y a quelques années comme si on était tous
03:58des médecins et des immunologues.
03:59On avait tous un avis très tranché, on savait tous exactement quoi décider pour nous et
04:02pour les autres.
04:03Aujourd'hui, sur une planète qui compte près de 300 pays qui se font la guerre, sur
04:07une planète qui a très envie d'en découdre depuis des années et des années, on devient
04:11tous des soldats.
04:12Il faut envoyer des soldats ici, il faut faire la guerre là, il faut faire la guerre ici,
04:15il faut se défendre ici, il faut se soutenir ici.
04:17Mais c'est quoi la guerre ? Est-ce qu'on sait vraiment ce que c'est ? Est-ce qu'on
04:20est vraiment des soldats ? Est-ce qu'on sait ce que c'est que le boucan ? Est-ce qu'on
04:24sait ce que c'est que les explosions ? Est-ce qu'on sait ce que c'est que la mort, le
04:26danger, les tripes, la trouille ? Et moi quand j'ai la trouille, je m'informe.
04:31Alors parce que c'était la Russie qui nous menaçait, j'ai décidé de m'intéresser
04:35à toutes les guerres qu'elle avait pu mener.
04:37Et parmi elles, j'ai retrouvé une guerre en 1939, une guerre totalement oubliée, une
04:42guerre effacée de l'histoire, une guerre qui a été effacée aussi des manuels scolaires.
04:46On est en 1939, c'est le début de la seconde guerre mondiale, ça n'a pas encore commencé
04:50et la Russie, pour des raisons stratégiques ou des raisons d'honneur, décide d'envahir
04:53la Finlande.
04:54Regardons un peu mieux.
04:56La Russie, 171 millions de personnes, décide un matin d'attaquer la Finlande de 3 millions
05:01de personnes.
05:02C'est un peu comme si la Russie ou les Etats-Unis décidaient demain de déclarer la guerre
05:06au nord de Paris.
05:07Alors, ça donnerait quoi ? Et ça donnait quoi ? Ça donnait des colonnes de chars sur
05:13des centaines et des centaines de kilomètres en face de vieux fusils.
05:17Ça a donné un million de soldats surentraînés face à des Finlandais qui n'étaient que
05:22des paysans et des ouvriers à ce moment-là.
05:23Alors vous allez vous dire que l'issue, elle est évidente, elle semblait aussi évidente
05:27pour Staline et pourtant, ça ne s'est pas passé comme prévu.
05:30Absolument rien ne s'est passé comme prévu, pour trois raisons essentielles et c'est ces
05:33trois raisons qui m'ont donné envie d'écrire ce roman.
05:36La première des raisons, c'est la sublimation du courage.
05:38Les Russes pensaient que la Finlande allait capituler en quelques jours.
05:42Mais plus que ça, la Finlande s'est défendue et encore plus que ça, la Finlande s'est
05:47battue et ça, les Russes ne s'y attendaient absolument pas.
05:49Tous les conflits passés et tous les soldats vous raconteront la même histoire.
05:53Ils vous raconteront qu'il faut 5 militaires surentraînés pour affronter un homme, seul,
05:59qui défend sa terre, qui défend sa patrie et qui défend les siens.
06:02En gros, ça veut dire qu'un homme seul ou une femme seule serait potentiellement plus
06:10dangereux que 5 militaires.
06:12Seulement, il faudrait que cet homme seul ou cette femme seule soit là pour défendre
06:16son pays, sa patrie, ses terres, les siens et en ça, cet homme seul et cette femme seule
06:21elles deviennent indestructibles et c'est exactement ce qui s'est passé.
06:24La Russie s'est attaquée à un pays minuscule, à un micro pays qui est devenu par son courage
06:29et par son obstination littéralement invincible.
06:32La seconde raison c'est celle du dépassement de ses propres limites.
06:35Cette guerre s'est passée en 1939, elle a duré 113 jours et pendant ces 113 jours
06:40il a fait moins 51 degrés.
06:41Si vous vous arrêtez de marcher, ne serait-ce qu'une minute, vous mourrez.
06:45Si vous transpirez, vous gelez sur place.
06:47Si vous touchez du métal avec votre main, alors pour enlever votre main, il faut vous
06:50arracher la peau.
06:52Il y a même des Russes, ça c'est une légende, j'ai pas pu le vérifier, mais il y a même
06:57des Russes dont on dit qu'ils ont gelé sur place alors même qu'ils étaient en plein
07:00mouvement, qu'ils ont gelé alors qu'ils étaient en train de marcher et on les a retrouvés
07:03comme ça, un bras levé, une jambe tendue, complètement gelé.
07:07C'est pour ça qu'on a appelé cette guerre la guerre d'hiver.
07:10La troisième raison et c'est probablement la raison qui a fait que j'ai complètement
07:14mis de côté le polar parce que je savais qu'il fallait que j'écrive ce roman, la
07:17troisième raison c'est une légende, la légende de Simo Aïa.
07:20Simo c'est un fermier, un simple garçon de ferme qui pour défendre son pays va devenir
07:26l'assassin, un assassin invisible, imprévisible, silencieux, si mortel et si précis que les
07:33Russes vont le surnommer la mort blanche.
07:34Si mortel et si précis que les Russes vont même penser qu'il est surhumain, qu'il est
07:41immortel et que ses tirs, parce que c'est un sniper, et que ses tirs sont surnaturels
07:46voire impossibles.
07:47Si précis et si mortel que des unités entières russes vont faire demi-tour rien qu'à l'évocation
07:53de son simple surnom la mort blanche.
07:54Rien qu'avec une rumeur, rien qu'avec une légende, un gamin de 30 piges et de 1m51
08:02a fait faire demi-tour à des milliers d'hommes surarmés et surentraînés.
08:05Pendant toute son enfance, Simo a chassé les loups et les ours qui attaquaient son
08:12bétail.
08:13Alors quand les Russes ont attaqué son pays, Simo a fait ce qu'il savait faire de mieux,
08:18il les a traqués.
08:19Les Russes sont devenus ses proies, il est devenu leur prédateur et à lui seul il va
08:22abattre plus de 540 soldats russes.
08:25Rien qu'avec son vieux fusil de chasse, il ne voudra jamais en changer, sur des tirs
08:29qui parfois dépassent 500 mètres, sans lunettes de visée, des tirs qui aujourd'hui sont
08:34considérés comme impossibles.
08:35Des tirs qui aujourd'hui sont, enfin, tous les plus grands militaires, tous les plus
08:41grands snipers, tous les soldats les plus aguerris, sont incapables de les répéter.
08:45Personne aujourd'hui ne réussit à comprendre comment Simo pouvait être aussi précis.
08:50J'avais donc l'histoire d'hier, la guerre d'hiver, donc la Russie contre la Finlande,
08:59qui ressemblait aussi un petit peu à l'histoire d'aujourd'hui, donc la Russie contre l'Ukraine,
09:03la Crimée, la Tchétchénie et aussi les 300 autres conflits dont je vous parlais.
09:08J'avais des héros, j'avais des héroïnes, parce que dans ce livre, la part de l'activité
09:14et de l'action des femmes est très très importante.
09:15J'avais du courage, j'avais de la sublimation, en gros j'avais exactement tout ce qu'il
09:19me fallait pour avoir une bonne histoire.
09:21J'avais fait toutes mes recherches en France et comme d'habitude, j'ai trouvé qu'il
09:26me manquait quelque chose.
09:27Donc j'ai pris mon sac à dos et je suis parti en Finlande pendant trois mois pour
09:30aller faire le reste de ma documentation.
09:31Je suis parti en plein hiver arctique pour retrouver exactement les mêmes températures.
09:38Je suis parti pour aller trouver ces températures de moins 50 degrés, pour aller aux limites
09:42de mon corps, pour aller jusqu'au danger, pour aller jusqu'aux limites d'aller à
09:48une possible mort, parce qu'il fallait vraiment que je ressente ce que c'était que moins
09:5150 degrés.
09:52Il fallait que je me mette dans la peau de ces soldats pour réussir à comprendre les
09:55émotions et pour réussir à vous les retransmettre le mieux possible.
09:58J'ai vécu dans des cabanes au fin fond de la Laponie, j'ai vécu dans la cale d'un
10:01bateau sur des ports militaires, j'ai rencontré des historiens, j'ai rencontré des soldats,
10:06j'ai rencontré des passionnés, des guides de musées, j'ai rencontré des vétérans
10:09et ces gens m'ont ouvert leur porte.
10:11Ils ont ouvert leur porte de chez eux, ils m'ont ouvert leur porte de leur grenier,
10:14la porte de leurs souvenirs, la porte des vieux cartons dans lesquels il y avait beaucoup
10:17de documents et j'ai retrouvé des documents audio, des documents photo, des documents
10:22écrits, si inconnus que même les archives d'Helsinki n'en ont pas trace.
10:31J'ai retrouvé des trucs de l'histoire de Finlande que même les historiens ne connaissaient
10:35pas et en ça je suis assez fier et c'est dans le bouquin.
10:37Mais ce n'est pas un roman historique que je vais vous raconter, c'est pas un roman
10:45historique que je vais vous raconter, ne nous tromperons pas, ce n'est pas non plus une
10:48biographie, la biographie de Simoaya.
10:51Je me suis attaché, moi, aux émotions de ces soldats, je me suis attaché plus aux
10:56émotions qu'aux faits historiques, je me suis attaché à une certaine poésie du chaos,
11:01je me suis attaché à essayer de retrouver le reste d'humanité qu'il peut y avoir
11:06dans le cœur et dans l'âme de ces gens dont la mission quotidienne est de tuer le
11:11plus possible de soldats, d'éventrer le plus de soldats russes à la baïonnette.
11:15Qu'est-ce qui reste en fin de compte d'humain quand on nous force à devenir un animal ?
11:18Je me suis attaché surtout à cette abnégation, à cette force incroyable que j'ai trouvée
11:26justement dans ces soldats finlandais qui, dès le départ, savaient qu'ils ne gagneraient
11:30pas cette guerre.
11:31On va la perdre, c'est certain, ils le disaient tous.
11:34Le truc, c'est de savoir comment on va la perdre.
11:36Parce qu'il y a des défaites, parce qu'il y a des victoires qui sont pleines d'honneur,
11:40comme celle de la guerre d'hiver, et il y a des, alors on va recommencer, il y a des
11:44victoires qui sont, putain je l'avais bien tout à l'heure, parce qu'il y a des défaites
11:51qui sont pleines d'honneur et puis il y a des victoires aussi qui mettent une certaine
11:56gêne, une certaine honte sur tout un pays, à tel point qu'il n'existe pas de guerre
12:00d'hiver dans les manuels russes, il n'existe pas de guerre d'hiver dans les cours d'histoire
12:04russes.
12:05La guerre d'hiver a complètement été effacée, oubliée, tellement elle a rendu
12:08ce peuple honteux.
12:09Et se dire que nous, nous on a été capable d'oublier cette guerre, alors que c'est grâce
12:13à cette guerre que la France et les alliés, on a gagné la seconde guerre mondiale.
12:17Parce qu'à la base, quand la Russie attaque la Finlande, et bien Hitler regarde la Russie,
12:22parce qu'il sait à un moment donné qu'il va se friter avec Staline.
12:24Donc Hitler regarde la Russie et quand il voit que la Russie se ridiculise devant la
12:28Finlande, les 4 millions de soldats qu'il avait et qui se dirigeaient vers l'Occident,
12:32qui se dirigeaient vers la France et vers l'Angleterre, Hitler dit stop, on va les
12:35diriger vers la Russie.
12:36C'est à dire qu'aujourd'hui personne ne sait réellement ce qu'on doit à ces soldats
12:39finlandais.
12:40La seule chose dont on est absolument certain, c'est que ni la France ni l'Europe n'aurait
12:44ce visage, cette culture, ce quotidien, si les soldats finlandais n'étaient pas morts
12:48par dizaines et dizaines et dizaines de milliers pour défendre leur pays.
12:50Alors, par moins 50 degrés, pendant 113 jours, ces soldats finlandais, par leur résistance
12:56impensable, inconcevable, alors qu'ils étaient en sous nombre, mal équipés, mal préparés,
13:01qu'ils n'étaient que fermiers, qu'ils n'étaient que simples ouvriers, ils vont
13:04être jetés dans les combats les plus incroyables, les plus épiques, les plus sanglants, les
13:07plus violents.
13:08Des combats qu'aucun esprit n'aurait pu imaginer, à tel point que, j'ai mis au
13:13début de mon roman, ou à la fin, je ne sais plus quelle était la décision qu'on a
13:16pris, mais j'ai mis au début de mon roman, que tout ce que vous allez lire est absolument
13:20vrai.
13:21Sinon personne, absolument personne, n'aurait cru l'histoire que je vais vous raconter.
13:24Alors, vous avez vu Simo tout à l'heure, est-ce qu'on peut le revoir ? Voilà, alors
13:30lui c'est la mort blanche, lui.
13:32Lui c'est celui qui a fait reculer des milliers et des milliers de Russes.
13:35Lui c'est celui dont on pensait qu'il était immortel, dont on pensait qu'il était surhumain,
13:41c'est lui.
13:42À peine 30 ans, 1m50.
13:44Et pour conclure, croyez-moi, je ne me suis pas réveillé un matin en me disant que j'allais
13:47embêter la rentrée littéraire, en fait, mon style littéraire s'adapte aux récits.
13:52Et aujourd'hui, ce récit, il n'a pas besoin de Pollard, il n'a pas besoin d'enquête,
13:55il n'a pas du tout besoin du Capitaine Coste, et c'est pour ça que je me retrouve à quelques
13:59semaines de septembre, à quelques semaines de la rentrée littéraire, à vous présenter
14:03mon prochain roman, Les guerriers de l'hiver, aux éditions Michel Lafon.
14:06Merci beaucoup.