• il y a 6 mois
Transcription
00:00On va accueillir Julie Thévenet, qui est éditrice aux éditions du sous-sol.
00:12On lui doit de belles découvertes récentes, dont « Chienne de garde » de Dalia de la Cerda.
00:16Elle présentera le livre d'Anne Michaels.
00:19Juste un mot dans les plaquettes de présentation de « La rentrée Juliard ».
00:23Vous verrez également un titre, qui est celui de Mossa Abou Toa, qui sortira en octobre.
00:28C'est un livre extrêmement important, qui est le livre d'un poète magnifique de Gaza,
00:34et qui raconte la vie, la vie avant, et ce qu'il advient.
00:40C'est en octobre, et c'est aussi chez Juliard.
00:43Bienvenue à Julie Thévenet.
00:46On a une surprise pour vous à la fin, mais on fera place à la surprise.
00:51Je vais commencer par le premier roman, et je vais le présenter.
00:55Il s'agit du livre de Célestin de Meuss.
00:58Célestin de Meuss, il est belge.
01:01C'est son premier roman, et c'est le premier roman des éditions du sous-sol que nous acceptons,
01:06et qui nous est arrivé au courrier.
01:08C'est toujours un petit peu marquant pour un éditeur.
01:11On reçoit beaucoup de livres.
01:13On en reçoit de plus en plus aussi par les propositions éditoriales que l'on fait.
01:18Récemment, que ce soit « Alien » de Phoebe Haji-Marcos Clark,
01:22ou Laura Vasquez, ou d'autres comme Emilienne Malfato.
01:25De plus en plus de manuscrits intéressants nous parviennent.
01:28Celui-ci, je dois le dire, nous a véritablement emballés.
01:31C'est un roman tendu, drôle, désespéré, qui raconte l'incommunicable
01:38et la frontière presque inexplicable entre une génération et une autre.
01:44Pour vous présenter rapidement ce livre qui tient beaucoup à son écriture,
01:48et je vous invite, il sera là aussi dans vos envois,
01:52à ouvrir ses premières pages et à découvrir le style qui est à mi-chemin
01:56entre ce qu'on a découvert avec un Simon Johannin ou avec une Salome Kiner.
02:00C'est tout de suite le rythme qui est au cœur de ce livre-là,
02:04et l'obsession d'ailleurs de ce rythme par ce jeune auteur qui est aussi poète,
02:08qui a reçu le prix de la vocation pour son premier recueil de poésie,
02:11mais aussi un auteur de nouvelles.
02:13En deux mots, c'est deux focales, deux narrations enchassées,
02:18deux endroits au milieu de nulle part.
02:22On pourrait être partout, en France ou comme en Belgique.
02:27Quand je dis ces deux narrations, c'est que vous avez une première,
02:31deux jeunes types qui sont dans une bagnole, une bagnole, cette Clio,
02:35et ils devisent sur la vie en échangeant un pétard et des bières
02:40qu'ils se font passer de l'un à l'autre, et en devisant sur le monde,
02:43mais on dirait deux îles, d'une certaine manière,
02:46qui n'arrivent pas à communiquer sinon autrement que par ce qu'il se passe.
02:50Ces deux-là sont devant un bricomarché, un McDonald's,
02:53et puis c'est une fin de journée de solstice d'été.
02:56Les cours sont terminés, ils vont aller à la fac, et ils parlent.
03:00C'est là où je parlais de Simon Johannin, mais on pense aussi à David Lopez
03:04et à son formidable fief.
03:06On y retrouve des éléments de ce livre-là, mais évidemment pas mimés,
03:09mais avec une autre tonalité.
03:11Et puis, vous avez ces deux garçons.
03:14Julie me disait la première lecture, mais c'est Raphaël Kenard.
03:17Vous verrez, effectivement, on a l'impression, visuellement,
03:20de voir Raphaël Kenard.
03:22Et puis, une autre narration, rien à voir, mais tout de suite,
03:25dès un paragraphe suivant, qui est celle d'un homme de 50 ans,
03:29blanc, médecin, qui s'appelle le docteur Rombouts,
03:32et qui est persuadé, absolument persuadé qu'il a réussi sa vie.
03:36Réussir sa vie, pour lui, c'est d'avoir le bon métier,
03:40la bonne maison, en bordure de ville, avec la jolie forêt en face,
03:46l'étang sur lequel vient se coucher le soleil lorsqu'il sirote son whisky.
03:51C'est l'homme qui pense qu'avoir une femme et deux enfants,
03:56il les possède autant qu'ils sont l'objet et l'exemple de sa réussite.
04:00Sauf que, depuis deux jours, ce monde qu'il pense détenir,
04:04de ses mains, s'effondre parce que monsieur a fauté,
04:09et qu'il voit que rien de ce que l'on croit posséder ne se possède,
04:12que l'on ne possède pas autrui.
04:14Et donc, ces deux narrations et deux types de personnages
04:18complètement opposés, mais comme dans presque un film
04:22de Paul Thomas Anderson, type Magnolia, on comprend que ces deux trajets
04:26vont finir par se rencontrer.
04:28Je ne vous dis pas plus que ça, mais ça va finir par se rencontrer
04:32et d'une manière tout à fait inattendue.
04:35Maintenant, je laisse la parole à Julie pour vous présenter Anne Michaels
04:39avec un autre livre qui parle de ces interconnexions et de ces croisements
04:43qui s'appellent Étreintes.
04:45Oui, Anne Michaels est une autrice canadienne.
04:48Elle est romancière et poète.
04:51Elle est internationalement très connue puisqu'elle a été traduite dans 45 langues.
04:57Elle a reçu des prix prestigieux à l'international.
05:00Mais en France, elle reste très peu connue, voire inconnue.
05:04Vous avez peut-être déjà entendu parler d'elle puisqu'elle avait été traduite
05:07par Flammarion en 1998 avec La mémoire en fuite
05:12qui avait été adaptée en film sous le titre de Fugitive Pieces.
05:16Et avec Étreintes, notre but, c'est vraiment...
05:20Vous verrez, c'est un très beau roman et on a la conviction
05:23qu'elle peut enfin être connue en France à sa juste valeur
05:27comme elle le mérite.
05:29C'est un roman qui n'est pas facile à résumer, vous le verrez,
05:33puisqu'il ébauche les vies croisées d'une poignée de personnages
05:37entre 1905 et 2025 en France, au Royaume-Uni,
05:43mais aussi en Europe de l'Est.
05:45Et le livre va s'ouvrir en 1917 à Cambrai.
05:49On est à côté d'un jeune soldat, John, qui a été blessé.
05:53Il gît au sol sur un champ de bataille
05:56et il va voir sa vie défiler devant ses yeux,
05:59toute une profusion de souvenirs,
06:01avant de s'évanouir dans une tempête de neige.
06:04Ensuite, on passe directement en 1920.
06:07John est rentré chez lui dans le nord du Yorkshire.
06:11Il est retourné en Angleterre.
06:13Il a survécu à la guerre, mais il est mutilé.
06:16Et il va tenter de reprendre sa vie comme il l'avait laissée.
06:20Il retrouve Elena, son amour de toujours, son amour de jeunesse,
06:25avec qui il se marie.
06:27Et il va aussi reprendre son activité de photographe.
06:31Et il retourne dans son studio,
06:33que sa femme d'ailleurs repeint puisque Elena est peintre,
06:37et il va, avec son assistant,
06:40commencer à recevoir des clients pour les prendre en photo.
06:44Mais au moment de les développer,
06:46ils vont se rendre compte avec effroi
06:49que des visages qu'il ne se souvenait pas avoir photographiés
06:52apparaissent sur ces clichés.
06:54Et en fait, ces visages, on vous le comprendrait,
06:57ce sont les fantômes, les ancêtres des personnes photographiées.
07:01Et le livre s'ouvre ainsi sur quatre générations,
07:05pour certaines croisées, pour d'autres noms de personnages.
07:09Et c'est un livre vraiment magnifique.
07:12Tout passe par l'écriture.
07:14Comme on l'a dit, elle est poète.
07:16Anne Michaels est aussi passionnée de musique,
07:18et ça se ressent puisqu'on a l'impression
07:20qu'elle a construit un peu son livre comme une partition,
07:24avec différents motifs qui vont revenir tout au long de la lecture.
07:27Il y a des motifs plutôt naturels,
07:30comme l'image de la rivière, l'image de la neige,
07:33mais il y a aussi d'autres motifs plus philosophiques,
07:36sur la fugacité de l'existence, la mémoire intergénérationnelle,
07:41donc comment se passent les traumatismes de génération en génération.
07:46Pour vous donner un exemple,
07:48Julia Carninon, qui est une de nos lectrices,
07:50a lu « Pour nous » en langue anglaise, donc étreinte,
07:54et elle a écrit une phrase dans sa fiche de lecture
07:58qui nous a frappés, c'est « J'aurais voulu l'avoir écrite, ce livre ».
08:03Et toute la beauté de la langue d'Anne Michaels
08:06est retranscrite avec brio par Dominique Fortier,
08:09qui est sa traductrice, que vous connaissez aussi,
08:12puisqu'elle est traduite depuis quelques années
08:15par Dominique aux éditions Alto au Québec.
08:19Et vous aurez la chance de la retrouver en France,
08:22puisqu'elle sera du 26 au 29 septembre au Festival America.
08:26Et donc, dernière autrice de la rentrée,
08:30et pas des moindres, Marianne Enriquez,
08:33et comme elle était de passage à Paris pour la promotion de ce livre,
08:36on s'est dit que ce serait pas mal qu'elle soit là pour en parler.
08:39Voilà, pour les cinq dernières minutes qui nous restent.
08:43Avec son éditrice Marine Duval.
09:02Bonjour à tous. Est-ce que vous m'entendez bien ?
09:05J'ai la phobie de parler dans un micro, ça va ?
09:09Alors, je suis très heureuse de vous présenter
09:12Marianne Enriquez, que vous connaissez certainement
09:15pour ses nouvelles,
09:18Ce que nous avons perdu dans le feu,
09:21Les dangers de fumer au lit,
09:24pour un très grand roman, un immense roman,
09:27qui s'appelle Notre part de nuit, qui a été un grand succès en 2022,
09:30grand prix imaginaire, le prix imaginal
09:33et tant d'autres succès.
09:36Marianne, c'est aussi un très grand succès à l'international.
09:39La presse anglo-saxonne la surnomme
09:42The Queen of Terror, la reine de l'horreur.
09:45Elle est parmi nous.
09:48Mais elle revient en France
09:51en cette rentrée avec un texte tout à fait à part
09:54dans son œuvre, mais néanmoins important.
09:57C'est un texte de non-fiction narrative.
10:00Dans La petite sœur, Marianne Enriquez dresse le portrait
10:03de Sylvina Ocampo,
10:06une écrivaine et poétesse argentine
10:09qui est aujourd'hui incontournable
10:12en particulier pour ses nouvelles.
10:15Vous en connaissiez peut-être certaines.
10:18Il y a Les mémoires secrètes d'une poupée.
10:21Récemment, il y a eu aux éditions des Femmes répétition et autres nouvelles.
10:24Il y a beaucoup de choses publiées ici et là en France
10:27et qui reparaissent aujourd'hui, enfin dernièrement.
10:30C'est une influence majeure pour Marianne Enriquez.
10:33C'est une personnalité tout à fait atypique.
10:36Elle est née en 1903.
10:39Elle est issue d'une famille aristocratique argentine.
10:42Elle a reçu une éducation anglophone-francophone.
10:45Elle a étudié la peinture à Paris
10:48auprès de Chirico et de Fernand Léger.
10:51Elle est la petite sœur de Victoria Encampo,
10:54cette célèbre écrivaine et fondatrice
10:57de la revue Sour.
11:00Elle était aussi la femme d'Adolphe Aubioy-Cazares.
11:03Elle était l'amie proche de Borgès.
11:06Elle a fréquenté Cortazar.
11:09Elle a fréquenté Alessandre Apicernic.
11:12On leur a même prêté une liaison, toutes les deux.
11:15Elle a baigné à la fois dans cet univers
11:18foisonnant et en même temps,
11:21elle avait une personnalité tout à fait atypique
11:24qui la mettait un petit peu à la marge.
11:27Une personnalité haut en couleurs,
11:30elle était excentrique, elle aimait se cacher aussi.
11:33Elle était bourrée de paradoxes et de complexes.
11:36Tout ça fondait une figure majeure de cette littérature argentine.
11:39Peut-être au même titre qu'une Clarice Lispector,
11:42qu'une Juna Bard, ces figures féminines
11:45qui aujourd'hui, je crois, peuvent vraiment parler
11:48à toute une jeune génération de lecteurs.
11:51Je vais vous en parler en quelques mots.
11:54Puisqu'on en est à évoquer la modernité incroyable
11:57de Sylvina Vaucampo,
12:00qu'est-ce qui chez Sylvina Vaucampo
12:03aujourd'hui incarne cette modernité
12:06qui nous parle ?
12:09Je crois que Sylvina a trouvé
12:12des lecteurs qu'elle n'avait pas à l'époque.
12:15Elle a trouvé des lecteurs parce qu'elle parle
12:18et écrit des femmes
12:21avec des choses qui sont maintenant
12:24ce dont nous sommes habitués.
12:27Elle parle de la mère
12:30d'une manière très ironique et cruelle.
12:33Elle s'occupe de la cruelté,
12:36de la violence, du meurtre
12:39d'une manière non conventionnelle.
12:42Cela n'avait pas de lecteurs à l'époque,
12:45mais aujourd'hui, c'est aussi l'absurde,
12:48l'humour.
12:51La modernité de Sylvina Vaucampo
12:54et les lecteurs qu'elle a aujourd'hui
12:57et qu'elle n'avait pas à l'époque,
13:00c'est certainement les sujets qu'elle aborde
13:03et dont on ne parlait pas avant
13:06et qui aujourd'hui sont largement abordés,
13:09la maternité, la cruauté, la violence.
13:12Qu'est-ce que vous avez mentionné ?
13:15L'humour et la cruauté
13:18qui transparaissent dans ses écrits
13:21et qui n'étaient pas des choses qu'on abordait à l'époque
13:24comme on les aborde aujourd'hui.
13:27Une dernière question
13:30sur la forme du livre.
13:33Sylvina Vaucampo est une personnalité
13:36qui échappe sans cesse.
13:39Vous avez choisi le portrait.
13:42C'est un profil, pas une biographie.
13:45C'est un portrait, pas une biographie.
13:48C'est très important de le souligner
13:51parce qu'il s'agit d'un portrait
13:54de Sylvina Vaucampo
13:57et c'est un portrait de Sylvina Vaucampo
14:00qui s'est rendu compte
14:03qu'elle n'était pas la même personne
14:06et qu'elle n'était pas la même personne
14:09et qu'elle n'était pas la même personne
14:12et c'est très important de le souligner
14:15parce que dans les personnes
14:18que Mariana est allée interroger
14:21pour mieux comprendre Sylvina
14:24pas une personne n'avait la même question
14:27à la même réponse.
14:30C'est une personne qui échappe à l'instantané
14:33et la forme du portrait était la mieux adaptée.
14:36Merci beaucoup.
14:39Sous-titrage Société Radio-Canada

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