• il y a 6 mois

Category

🗞
News
Transcription
00:00Et on continue d'en parler, bien sûr, avec vous, au Standard de France Bleu Armourie, qui est avec notre invité, Justine.
00:05Le Général Daniel Brûlé, avec nous en studio. Bonjour.
00:08Bonjour.
00:09Alors, est-ce que déjà, c'est d'une fierté, finalement, qu'Emmanuel Macron, le président français,
00:14vienne rendre hommage à cette résistance bretonne et aux premiers parachutistes français, donc des SAS ?
00:19Il faut en être fier, quand on est en Bretagne ?
00:22Bien sûr, la réponse est dans la question, si vous voulez.
00:25Déjà que le président de la République s'investisse personnellement dans une œuvre de mémoire,
00:32puisqu'il s'agit bien de ça, si vous voulez. Il n'est pas là pour rappeler l'histoire, mais il est là dans une œuvre de mémoire.
00:37C'est une chose extrêmement importante, puisque c'est une responsabilité de l'État, l'entretien de la mémoire, il faut le savoir.
00:43Et on va rappeler, quand même, que depuis 1947, depuis le général de Gaulle,
00:47il n'y avait pas eu une cérémonie d'une telle ampleur à Plumelec, dans le Morbihan.
00:51C'est vrai, donc c'est la deuxième question, la deuxième partie de votre question, si vous voulez,
00:54c'est l'importance apportée, cette fois-ci, à ce maquis de Saint-Marcel,
00:58qui était un des grands maquis, on va dire, de l'histoire de la résistance française,
01:04avec le Vercors, bien sûr, et que les autres me pardonnent,
01:07parce que, si vous voulez, la notion de grandeur n'est pas forcément une question de chiffres,
01:11mais c'est aussi une question d'efficacité, de disponibilité et d'engagement.
01:15Mais c'était un grand maquis qui a joué un rôle considérable, si vous voulez,
01:19dans une région qui était stratégique à la fois pour l'envahisseur, l'Allemand,
01:23puisqu'il était là depuis 6-7 ans,
01:26et à la fois stratégique pour les alliés, et pour la France libre, bien entendu.
01:32Mais alors, vous, vous la connaissez par cœur, cette histoire générale d'Agnès Le Brûlé,
01:35mais est-ce que vous diriez que c'est le cas de tous les Bretons ?
01:37On a un peu l'impression, peut-être, que ce matin, certains découvrent
01:40que ce 5 juin 1944, si on a pu faire le 6 juin le lendemain,
01:44c'est un peu en partie grâce à ces hommes qui ont combattu ce 5 juin en Bretagne ?
01:50Oui, mais je crois que c'est toute la distinction entre l'histoire et la mémoire, si vous voulez.
01:54L'histoire, ce sont des faits extrêmement précis.
01:57Vous précisez le 5 juin, ce qui se passe,
02:00les premiers largages des deux premiers sticks, on va dire, de parachutiques,
02:04avec Marienne et Deplante, je crois, il me semble.
02:11Et le caporal Bouétard, qui a été probablement le premier mort, si vous voulez,
02:18du débarquement, d'une certaine manière, parce que c'était un Français de la région, en plus.
02:22Et à qui Emmanuel Macron va rendre hommage, spécifiquement, d'ailleurs, tout à l'heure, à Plumelec.
02:26Voilà, exactement. Mais rendre un hommage, si vous voulez, c'est aussi penser au futur,
02:30mais on en reparlera peut-être un peu plus loin.
02:32Tout à fait. Donc, vous dites qu'il faut faire cette distinction entre l'histoire et la mémoire.
02:35Donc, j'imagine, le devoir de mémoire, c'est ça, aujourd'hui ?
02:38Finalement, cette transmission aux plus jeunes ?
02:41Oui, je crois qu'il faut faire la distinction entre la mémoire et l'histoire.
02:45L'histoire, c'est une science. Elle se reconstruit tout le temps, elle se redécouvre toujours.
02:49Elle est toujours à remettre au goût du jour.
02:52Ce n'est pas un historien qui vous le dit, j'étais nul en histoire à l'école, mais bon.
02:56Alors que la mémoire, c'est plus une émotion, si vous voulez, c'est un ressenti,
03:01c'est quelque chose que tout le monde partage et que tout le monde devrait partager, d'ailleurs.
03:05D'où la richesse, j'allais dire, d'une émission comme celle-ci, ce matin, j'espère.
03:09Et puis, surtout, les cérémonies qui ont lieu aujourd'hui à Saint-Marcel
03:16et qui vont être une démonstration de la nécessité de se souvenir pour préparer l'avenir.
03:23Alors, justement, général Daniel Brulé, vous-même, qu'est-ce qui vous a amené, finalement,
03:27à ce devoir de mémoire, à vouloir entretenir cette mémoire ?
03:32Il y a beaucoup de choses.
03:34La première, j'ai une sensibilité très grande pour Saint-Marcel,
03:37puisque je suis né dans la région tout près de Saint-Marcel.
03:41J'ai grandi auprès d'anciens résistants et maquisards de Saint-Marcel,
03:46donc c'est déjà important.
03:47Mais la deuxième, c'est que je pense que les uns et les autres,
03:51moi j'arrive déjà à un certain âge,
03:53il faut rendre à notre nation, à notre société, ce qu'elle nous a donné.
03:57Elle nous a donné cette liberté, si vous voulez,
03:59que nous avons acquise, que nos anciens ont acquise au prix du sang en 1945.
04:05Et je pense qu'il faut leur rendre cette mémoire, bien sûr,
04:10et surtout pour que l'avenir, si vous voulez, on en tire des leçons.
04:17Vous feriez un parallèle avec peut-être l'actualité ?
04:20On pense à nouveau à la guerre sur le continent européen entre l'Ukraine et la Russie ?
04:25D'une certaine manière, oui.
04:27Parce qu'on voit bien, si vous voulez, que depuis 1970,
04:31en fait même plus, l'année où je suis né, si vous voulez,
04:34il n'y avait pas eu de pays européen qui a attaqué un autre pays européen.
04:38Il y a eu la guerre en Europe, il ne faut pas l'oublier.
04:40Là aussi, on est dans l'histoire et la mémoire, pour le coup.
04:43Vous savez très bien que des années 90 à la fin des années 90,
04:49l'explosion après la chute du mur de Berlin,
04:52ça a été l'explosion de l'ancienne Yougoslavie.
04:56Où tous ces peuples se sont battus entre eux,
05:00à un prix extrêmement élevé, si vous voulez.
05:03Et aujourd'hui, on est effectivement dans la situation
05:07où un pays du continent européen, j'allais dire,
05:10attaque un autre pays du continent européen.
05:14Ça, ce n'était jamais vu depuis cette époque-là.
05:16Alors, il faut pouvoir résister à ce genre de choses.
05:21Mais pour ça, si vous voulez, il faut à la fois...
05:23Il y a trois éléments.
05:24Je pense qu'il faut un gouvernement.
05:26C'est-à-dire, en fait, véritablement une direction qui dise
05:28qu'on s'oppose à ça.
05:30Il faut une population qui soit acquise aussi,
05:32justement, à cet esprit de résistance pour dire
05:34jamais plus ça.
05:35Ce n'est pas normal qu'un pays d'Europe
05:38attaque un autre pays d'Europe.
05:40Et puis, la troisième, il faut une défense,
05:43véritablement une défense.
05:44Parce que la résistance, c'est une chose,
05:46mais on sait bien que ce n'est pas suffisant,
05:49si vous voulez, pour assurer la sécurité d'un pays.
05:51Alors, on va parler de la résistance, justement,
05:53je crois, avec un auditeur qui nous a appelés
05:55au Standard de France Blanc-Armorique.
05:57Bonjour, Pierrick.
05:58Bonjour à tous.
06:00Votre père était résistant en Bretagne ?
06:03Eh oui, papa a été un résistant acharné,
06:09parce qu'il avait 20 ans et il ne pouvait pas supporter
06:13ce qui se passait.
06:15Et donc, il habitait dans le village de Brignac.
06:19Donc, ce n'est pas très loin de Moron,
06:21la Trinité Parouette.
06:23Donc, il était à la tête, son papa est décédé,
06:27donc il était à la tête d'une famille de 8 enfants,
06:29c'était le fils aîné.
06:31Et 4-5 jours avant le débarquement,
06:35il y avait eu des parachutages sur la région
06:39de la Trinité Parouette.
06:41Et dans un champ, d'ailleurs, avec papa,
06:43on était allés voir ce fameux champ,
06:46où il avait des souvenirs inoubliables.
06:49Et la nuit, donc, il partait avec ses deux chevaux,
06:52et ça s'arrête.
06:54Et toute la nuit, il circulait jusqu'à la Trinité Parouette,
06:58il allait chercher des armes qu'il cachait
07:01dans la remorque, sous des fougères,
07:04sous des pagaux, les planquer le plus possible.
07:09Il a fait 4 fois les allers-retours,
07:12jusqu'à la région de Brignac,
07:15et après, les armes étaient dispatchées sur Mouron,
07:19enfin, tout le secteur de Guilier-Mouron.
07:24Et malheureusement, lors de son dernier voyage,
07:29il a été intercepté par un convoi allemand,
07:35et il a eu une chance inouïe,
07:37c'est qu'il a sauté sous la remorque,
07:42et il est parti à travers la campagne.
07:45Et il a été recherché pendant, en plus,
07:48papa qui m'avait raconté ça,
07:51et sa petite sœur, tata Lucienne,
07:54qui s'en souvient très bien.
07:57Il avait été recherché par des allemands
08:01pendant un certain temps,
08:03mais il avait eu une chance inouïe,
08:05donc avec les réseaux de Saint-Marcel.
08:09Pour se cacher.
08:11Alors, Pierrick, je suis désolée,
08:12on va devoir un peu accélérer,
08:14mais j'avais envie de demander,
08:15pour vous, c'est une fierté, aujourd'hui,
08:17que le Président vienne faire cette commémoration,
08:20qu'il commence même, d'ailleurs,
08:22cette commémoration du 80e anniversaire ?
08:24C'est une fierté,
08:26et puis d'avoir connu mon papa,
08:30et j'ai connu aussi deux de ses amis
08:32qui étaient avec lui dans le maquis.
08:35Donc, il avait dû partir dans le Vercors,
08:38la nuit, pour se cacher,
08:40pour partir des allemands,
08:42et il a combattu pendant trois ans dans le Vercors.
08:45Et j'ai eu l'occasion, en 1974,
08:49de rencontrer deux de ses anciens amis maquisards
08:54qui avaient combattu avec lui.
08:56On avait passé trois ou quatre heures
08:58à parler de tous ces événements et tout.
09:01Je sais qu'il y avait Alexandre,
09:03Alexandre Zalin, un de ses amis,
09:05qui, malheureusement,
09:07qui en avait les larmes aux yeux,
09:09parce qu'il avait perdu son frère dans les combats.
09:12Et ma maman, de l'autre côté,
09:16donc toujours à Prignac,
09:18mais dans le village de la ville Magui,
09:20a hébergé, avec ses parents,
09:23frères et sœurs, dans la perme,
09:26trois parachutistes américains
09:28qui avaient échoué là.
09:30Et pendant quinze jours,
09:32ils les ont cachés.
09:34Merci beaucoup, Pierrick,
09:36pour votre témoignage ce matin sur France Bloire.
09:38Mauric, on comprend que cette histoire bretonne
09:41est une histoire aussi personnelle pour vous.
09:43Merci encore pour votre témoignage.
09:45On va devoir s'arrêter là.
09:46Dernière question, peut-être si vous pouvez être très court,
09:48Général Daniel Brûlé.
09:49Qu'est-ce que vous attendez de cette cérémonie aujourd'hui ?
09:51Finalement, qu'elle rappelle ce moment d'histoire,
09:53mais qu'elle donne aussi, peut-être,
09:55envie aux jeunes de s'y intéresser plus
09:57et de l'entretenir pour les générations futures.
09:59C'est à elles qu'on pense aujourd'hui ?
10:01Oui, bien sûr, c'est à ces jeunes générations
10:03qu'il faut penser, parce que c'est elles
10:05qui portent notre avenir.
10:07En fait, l'humanité est en tension permanente
10:09entre son passé, son présent et son futur,
10:11donc je pense que cette
10:13grande manifestation
10:15de Saint-Marcel aujourd'hui
10:17s'inscrit dans cette logique-là.
10:19Alors c'est entre générations, bien sûr,
10:21parce que les anciens, comme on vient de l'entendre tout à l'heure,
10:23racontent les choses
10:25et les portent au front de leur cœur,
10:27mais il faut aussi que les jeunes générations
10:29se l'approprient d'une autre manière.
10:31Et je dis que dans les jeunes générations, il faut penser
10:33de manière tout à fait transparente,
10:35à toutes les couches de la société,
10:37parce que nous sommes dans un pays aussi aujourd'hui
10:39où la modernisation
10:41fait qu'il y a beaucoup de croisements, beaucoup d'échanges.
10:43Et donc, comment posséder
10:45l'histoire, comment s'imprégner,
10:47si vous voulez, de la mémoire d'un pays
10:49quand on vient d'arriver dans ce pays ?
10:51C'est pour ça qu'il faut, j'allais dire,
10:53« jouer », ce genre de manifestation.
10:55Et c'est ce qu'on va faire toute la journée
10:57sur France Bloire, Mauric. Merci beaucoup,
10:59Daniel Brulé, d'avoir été notre invité ce matin.
11:01Émission spéciale à suivre
11:03qui continue jusqu'à midi
11:05et des témoignages à retrouver sur francebleu.fr.

Recommandations