Bruno Podalydès : "Les tourments du monde m'accablent aussi, mais j'essaye de résister par l'humour"

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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 5 juin 2024 : le réalisateur et comédien, Bruno Podalydès. Il sort un nouveau film, "La Petite Vadrouille" avec Sandrine Kiberlain, Daniel Auteuil, mais aussi son frère Denis.
Transcript
00:00Bonjour Bruno Podalides. Avec votre frère, vous formez l'une des fratries les plus connues du cinéma français.
00:05Il faut dire que ce n'est pas un hasard. Si vous êtes devenu scénariste, réalisateur et acteur,
00:09votre père Fermerci en tournait des westerns dans votre salon.
00:12Votre première apparition était dans l'œil de la caméra Super 8 de votre papa,
00:16effectivement, le John Ford à la française.
00:19De ces réalisations improvisées, vous en garderez que la conviction est la plus belle des armes,
00:24si on l'associe d'ailleurs notamment à la passion.
00:26Alors, comme vous souhaitiez conserver ces ambiances de tournage ou de spectacle à guichet fermé,
00:31qui coûtait quand même pour ceux qui obtenaient des places un franc si j'ai bien tout compris l'entrée,
00:35vous avez fait de cette transmission un métier et un moyen de rester tout le temps ensemble,
00:39envers et contre tout avec votre frère.
00:40Votre premier long métrage, Versailles Rive Gauche, a été très remarqué,
00:44tout comme votre court métrage Voilà, sélectionné à la Mostra de Venise.
00:49Et votre réalisation Adieu Berthe, l'enterrement de mémé a été un énorme succès.
00:54Aujourd'hui, vous êtes de retour avec La Petite Vadrouille,
00:56qui nous fait penser à Gérard Houilly et à Louis de Finesse.
00:59L'humour semble être le socle, finalement, Bruno, de votre existence
01:02et de ce que vous avez envie de mettre en avant.
01:05L'humour, toujours là pour nous accompagner au travers de cette traversée difficile qu'est la vie.
01:10Ça veut dire que depuis que vous êtes tout petit,
01:12vous avez eu envie justement de raconter des histoires et de faire rire les gens.
01:16Oui, oui, c'est avec Denis, ce qui nous a unis très tôt, c'est le spectacle, en fait.
01:21C'est le côté faire le noir d'abord, des gens se déplacent, vendent les billets,
01:25le rideau rouge, le décor et au cinéma, ça continue.
01:30Je crois que dans La Petite Vadrouille, il y a encore un côté très théâtral que Denis et moi, on aime beaucoup.
01:37On parle du couple, on parle de la famille, on parle de l'importance de la confiance aussi.
01:41Vous voulez raconter quoi avec La Petite Vadrouille ?
01:44J'ai l'impression que si je ris de quelque chose ou si je partage un rire,
01:47on comprend cette chose assez profondément, assez instinctivement et que ça suffit.
01:53Et que si je fais du cinéma, c'est quand même plus pour montrer que pour dire.
01:57En 2003, le film était quasiment né parce que c'est à ce moment-là que vous avez commencé à faire des petites virées familiales fluviales
02:06et à vous rendre compte que vous pouviez passer d'un endroit à un autre assez facilement, d'ailleurs, en pilotant des petites péniches.
02:12C'est ça le point de départ, c'est cette ambiance aussi de famille.
02:15Oui, le choix du cadre, le fait de naviguer en bateau comme ça, ça vous impose un rythme de lenteur absolument assumé.
02:24On ne dépasse pas le 5 nœuds et puis il y a tout le temps des écluses à passer.
02:27Au début, on se dit mais ça va être un poème et finalement, c'en est un.
02:31Mais au bon sens du terme, on apprend à progresser, à regarder un canard, chaque paysage, à chaque bief,
02:39comme on dit entre deux barrages, de manière un peu nouvelle.
02:42On profite, oui.
02:43Il y a de la poésie dans ce film aussi.
02:46Inévitablement, on va raconter l'histoire, peut-être.
02:48C'est un groupe de copains, enfin un ensemble de copains.
02:52Il y a un couple au milieu.
02:54Ils ont besoin de faire de l'argent et du coup, ils vont proposer à un investisseur de lui organiser une virée romantique parce qu'il veut séduire une femme.
03:02Évidemment, je ne vais pas raconter le rebondissement parce qu'il est assez fort, mais il y a une vraie symbiose, j'ai l'impression, même sur le lieu de tournage.
03:11Je voulais me demander comment vous draviez vos comédiens, puisque vous en faites partie aussi.
03:17Mais je les drive comme je drive une pénichette, c'est-à-dire en douceur.
03:24En fait, mon but, c'est surtout que les comédiens soient à l'aise pour ne pas hésiter à oser en faire trop.
03:34Je n'ai pas trop envie de se contenter, qu'on soit juste.
03:38J'ai envie que ça soit un peu plus intense, comme une comédie doit l'être.
03:42Cette liberté-là, cette bonne ambiance plutôt, est propice, je trouve, au fait de jouer, au bon sens du terme.
03:51Il y a vraiment une ambiance bon enfant dans ce film et dans les films que vous proposez.
03:59C'est lié à l'enfance, à ce père qui vous a initié très tôt, effectivement, à créer des westerns dans un salon
04:07ou même avec cette maman qui avait beaucoup d'humour, qui était prof d'anglais.
04:11Oui, prof d'anglais, qui chante encore beaucoup.
04:17Donc, on a aussi toute la chanson française à laquelle je fais appel à chaque film, surtout en pensant à ma mère.
04:24Et du côté de l'imitation des films, ce qu'on faisait avec notre père,
04:29le premier geste de cinéma, c'est effectivement de courir dans l'appartement comme si c'était un western sur grand écran.
04:35La poésie, c'est aussi l'un des ingrédients de ce que vous proposez.
04:41Il y a toujours un côté un peu aussi clownesque, le nez rouge, le clown blanc par moment aussi.
04:48Ça, c'est un ingrédient essentiel.
04:50Oui, on croit être malin original, mais on retombe souvent sur des vieux schémas de comédie ou de burlesque.
04:57Moi, j'ai réalisé en plein tournage que le fait que je sois en capitaine tout en blanc comme ça, j'étais le clown blanc et j'étais entouré d'Auguste.
05:04Mais oui, c'est pour ça que je dis ça.
05:08Vous êtes très bon pilote aussi de cette éducation, sonné Versailles-Rive-Gauche, Dieu seul me voie, banc public.
05:16On sent d'ailleurs effectivement que cette éducation, elle vous a donné envie de croquer l'humain.
05:21D'abord, vous restez toujours intrinsèquement humain, soucieux de ce qui se passe dans nos vies.
05:27Oui, je me dis humblement que la réalité a plus d'imagination que nous, scénaristes.
05:33Et donc, je puise constamment dans la vie de tous les jours, ce qui...
05:40Par exemple, si on voulait croquer la radio, la télévision, le cinéma, je trouve qu'on est vite caricatural.
05:45Donc, si je viens ici, je vais essayer de regarder les petits détails qui font que ce lieu existe avec sa singularité et le côté à la fois comique ou face cachée.
05:58Enfin, ce qui fait qu'on sent que la vie passe par là, quoi.
06:00Pour terminer, quand on a fini de regarder La Petite Vadrouille, je me suis posé une question.
06:06Je me suis demandé si, par moments, vous étiez sérieux ou pas.
06:09Bruno Podalides, est-ce que de temps en temps, vous aimez être sérieux ou la vie est toujours un amusement ?
06:16Non, non, non, je...
06:19Dans les tourments du monde, ma câble, moi aussi, j'essaye de résister par l'humour, forcément.

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