Emmanuel Macron a prononcé un discours dans le cadre de la cérémonie internationale d'hommages du D-Day, en présence de plusieurs chefs d'État et de gouvernement, ainsi que de vétérans américains, canadiens et britanniques
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00:00Vos Altesses royales,
00:05mesdames et messieurs les chefs d'Etat et de gouvernement,
00:11mesdames et messieurs en vos grades et qualités,
00:16chers vétérans,
00:20mesdames et messieurs,
00:23ici,
00:26il y a 80 ans, jour pour jour,
00:31ces hommes ont tout défié
00:36pour libérer notre sol, notre nation.
00:43Ici,
00:46ils ont défié les éléments, la houle, le ciel bas,
00:52le vent qui battait les falaises.
00:55Ici, ils ont défié les certitudes.
00:58Hitler affirmait que l'Atlantique était un mur,
01:02lame déchirante pour éventrer les barges,
01:05poutres reliées à des explosifs, barrières anti-chars,
01:08barbelés, pieux, mines.
01:11Plus de 500 000 obstacles
01:15avaient été déployés sur ce front de mer.
01:19Partout, des blocos,
01:22des casques, des batteries d'artillerie à fleurs de dune,
01:25la fleur de dune hérissée de métal
01:29par le maréchal Rommel.
01:33Ici, ils ont défié la mort.
01:37La tentative de débarquement sur les plages de Dieppe,
01:40à l'été 1942, avait tourné au massacre.
01:45Un mois plus tôt,
01:47lors d'une répétition du D-Day sur les plages d'Angleterre,
01:52l'attaque de deux navires de la Kriegsmarine
01:56avait provoqué près de 800 morts chez les Alliés.
02:01Et pourtant...
02:04Pourtant, il se trouva des femmes et des hommes.
02:09Voilà 80 ans
02:11pour rejoindre les combattants français de l'Outre-mer et de Londres,
02:16pour faire jonction avec la résistance française de l'intérieur,
02:21pour libérer la France.
02:23L'ennemi nazi,
02:24absorbé à l'est par les unités de l'armée rouge,
02:27harcelé à l'ouest par le passion-travail
02:30de la résistance intérieure et extérieure,
02:32pouvait vaciller.
02:37En mai 1942,
02:40le résistant français René Duchesne,
02:43embauché comme tapissier à la commandant-tour de Caen,
02:47subtilisa les plans des fortifications de la côte normande.
02:53Entre Cherbourg et Honfleur,
02:56que le colonel Rémy, ensuite, transmit à Londres.
03:01Pendant des mois,
03:03on prépara en Grande-Bretagne des leurres,
03:06chars gonflables, canons en bois,
03:08uniformes fictifs, messages radio fantômes,
03:11pour alimenter l'idée d'un débarquement en Norvège
03:14et dans le Pas-de-Calais.
03:17Sous le couvert de la plus ambitieuse opération de renseignement
03:20et d'intoxication de l'histoire,
03:23l'opération Overlord se préparait dans l'ombre et le secret,
03:29et amassait, face aux plus grands limesses militaires jamais bâties,
03:34la plus vaste armada de tous les temps.
03:39Il y a 80 ans,
03:42la nuit du 5 au 6 juin 1944
03:45marque le surgissement de l'impossible
03:48au milieu de l'implacable.
03:54Derrière nous, la Manche,
03:56à perte de vue,
03:57noire,
03:59opaque.
04:01Face à elle, dans l'ombre immobile,
04:06la France,
04:07endormie dans la nuit de la défaite de Carente,
04:10l'Europe,
04:12prostrée dans la faillite des démocraties face au nazisme
04:16et où cependant veillent, inlassables,
04:19les lueurs de la résistance.
04:23Dans la nuit,
04:25l'ordre du général Eisenhower tombe.
04:29Let's go.
04:31Les bombardements commencent.
04:3323 000 parachutistes alliés se jettent dans la nuit,
04:37de la gueule ouverte de 800 avions,
04:40sans hésiter,
04:41comme portés,
04:43étreints de l'évidence que ce jour-là,
04:46sauté sur Sainte-Mère-Église,
04:50s'est sauté dans l'histoire.
04:54Une forêt de barges, cuirassés,
04:57croiseurs,
04:58destroyés,
04:59les mâts et les palans des transports de matériel lourd derrière eux
05:03glissent vers la France.
05:06À bord,
05:08les hommes sont serrés,
05:10épaules contre épaules.
05:12Beaucoup sont pâles.
05:15Et l'on ne sait pas si cette pâleur est le mal de mer
05:18ou les messages d'adieu qu'ils ont pliés dans la poche de leur uniforme.
05:22Des mots griffonnés à la hâte
05:24où se lit tout ce qui les attache à une femme aimée,
05:27un vieux père,
05:29parfois un enfant.
05:32Face à eux,
05:34un rivage que personne,
05:36ou presque,
05:38n'a jamais vu
05:40et qui sera peut-être
05:42la dernière chose qu'ils verront.
05:47Les Etats-Unis sont là.
05:4955 000 Américains qui font cap sur Utah et Omaha Beach.
05:54Omaha, la sanglante.
05:57Ils ont traversé l'océan pour sauver un continent qui n'est pas le leur,
06:01mais parce que cette cause est la leur.
06:06Le Royaume-Uni est là,
06:08avec 73 000 soldats,
06:10sous ses couleurs,
06:12tournés vers Gold et Sword Beach.
06:15Et parmi eux,
06:16dans sa grande tenue de cornemuseux d'Écosse,
06:19Bill Mullin,
06:21qui tient sous son bras l'instrument dont il a pour mission de jouer
06:24pour galvaniser l'assaut.
06:26Le Canada est là.
06:2921 000 hommes, tous volontaires,
06:33sur le point de se lancer à l'assaut de Juno Beach.
06:37De minute en minute, ils voient grandir à l'horizon cette lame de sable
06:41qui, pour certains, est la terre de leurs ancêtres,
06:44partie de France il y a des siècles pour le Québec ou l'Acadie.
06:49Les Français aussi sont là.
06:52177 hommes du commando Kieffer,
06:56qui s'apprêtent à débarquer sur la plage de Sword Beach,
06:59les premiers, les premiers,
07:01car les barges transportant les commandos britanniques
07:05leur laissent, ultime élégance,
07:08quelques mètres d'avance
07:10pour qu'ils touchent, les premiers, le sol de leur patrie.
07:16Et je pense à eux en ce jour,
07:18à Léon Gauthier et à ceux de Ouistreham.
07:21Le ciel est sillonné par des escadrilles pilotées par des
07:39Américains, des Britanniques, des Canadiens, des Français,
07:43des Grecs, des Belges, des Norvégiens, des Polonais,
07:47des Danois, des Tchécoslovaques, des Néerlandais,
07:51des Sud-Africains, des Néo-Zélandais ou encore
07:53des Australiens.
07:55Les 150 000 débarqués du jour J ne parlent pas la même langue.
08:03Ils n'ont ni le même drapeau, ni le même uniforme.
08:09Ce qu'ils ont en commun, c'est leur volonté de libérer
08:13l'Europe du joug de la tyrannie nazie,
08:16de rapporter la certitude de vivre dans un monde libre.
08:21C'est une certaine vision de l'homme digne et libre.
08:26Oui, ce qu'ils portent, c'est la liberté réinventée au
08:33péril de leur vie.
08:36Ce qu'ils ont en commun, c'est l'aube fragile et l'aurore
08:40sanglante.
08:41Ce qu'ils ont en commun, c'est l'angoisse et la gloire.
08:45C'est le sable et le sang qui seront tout leur or et leur
08:50pourpre.
08:54Nous pensons à eux tous avec reconnaissance.
09:13À ces hommes qui avaient 17, 18 ans, 20 ou 40,
09:18qui ont posé leur fourche quelque part dans le Minnesota,
09:21dans le Kent ou dans l'Aubrac pour prendre le fusil.
09:25À ceux que la mer a ensevelis,
09:28ceux qui sont morts front contre terre,
09:31ceux qui ont été criblés de balles en plein ciel,
09:35à ceux qui ont survécu,
09:38à ceux qui sont là aujourd'hui, à vous,
09:42qui nous racontez comment vous vous êtes jetés dans la mer avec
09:45des sacs de 30 kilos, comment vous avez gravi la plage sous
09:49la mitraille, pris les talus, bravé les mines dans les dunes,
09:54assailli la falaise pour détruire les batteries à leur sommet,
09:59marchant, marchant toujours.
10:03Car derrière vous, une nouvelle vague de débarqués se
10:06déversait déjà sous les obus.
10:09Vous, qui nous racontez un peu des vies des 10 000 de vos
10:14camarades tombés ce jour-là, morts ou blessés,
10:20les cadavres flottant sur les eaux, ballotés par les vagues,
10:26avancés, avancés malgré tout au milieu d'une écume rouge.
10:36Le courage n'est pas de connaître la peur,
10:41c'est de l'ignorer.
10:44Le courage est d'avoir peur et d'avancer quand même.
10:51C'est le chant des GI dans leur avion,
10:54le visage noirci, aux bouchons brûlés,
10:57prêt à sauter et qui entonne « It's a long way to go ».
11:03C'est ce fameux Bill Millen, marchant au rythme de sa cornemuse
11:08sur Pegasus Bridge, tandis que les Allemands le tiennent
11:11en joues, sidérés, sans oser tirer sur un fou.
11:19C'est Leo Major, le tireur d'élite canadien devenu
11:24légendaire pour avoir fait sauter un bunker,
11:28saisi un char allemand et plus tard fait 93 prisonniers à lui seul.
11:34C'est l'aumônier du commando Kieffer,
11:36rené de Norois, sans armes, confessant les mourants
11:41à plat ventre sous les balles.
11:45Ce sont les Rangers américains, escaladant la pointe du Hawk
11:50au poignard, sur 30 mètres de haut, sous une grêle d'obus.
11:56Ils avaient tous peur, à n'en pas douter,
12:01mais ils savaient qu'ils menaient une guerre juste.
12:06Ils savaient qu'ils pouvaient en mourir,
12:10mais ils marchaient toujours, parce que chacun de leurs pas
12:14rapprochait le monde de la liberté.
12:16La libération, notre libération,
12:22n'a pas été l'affaire d'un jour, fut-il le plus long.
12:27Elle n'a pas été l'affaire d'un été.
12:30Elle fut préparée par les résistants,
12:33possible grâce à l'engagement du Front de l'Est
12:37et orchestré par les armes.
12:39Il a fallu cette lente reconquête de l'Europe par la guerre.
12:44Il a fallu le temps long et l'abnégation tenace
12:50qui seul prodiguent l'amour de la liberté.
12:55Les 6 000 hommes des Forces françaises libres
12:58débarqués en Corse en septembre 1964,
13:00ont été éliminés par l'armée de l'Allemagne.
13:03Ils ont été éliminés par l'armée de l'Allemagne
13:06et par l'armée de l'Allemagne.
13:07Débarqués en Corse en septembre 1943,
13:11ralliés par les Italiens.
13:14Le patient travail de SAP,
13:16des centaines de milliers de résistants français de l'intérieur,
13:20freinant les déplacements,
13:21perturbant les communications de l'ennemi,
13:24harcelant les troupes,
13:26retardant la remontée depuis Montauban
13:29de la division d'Azraj.
13:32Les renforts des alliés débarqués en Normandie
13:36tout le long des mois de juillet et d'août.
13:39Les Norvégiens, la brigade Piron composée de luxembourgeois
13:44et de Belges à la poitrine frappée du lion d'or.
13:49La brigade néerlandaise Princesse Irène.
13:54La deuxième division blindée française du général Leclerc.
13:59La première division blindée polonaise,
14:03la brigade blindée tchécoslovaque.
14:07Puis, le débarquement des alliés en Provence,
14:10dont 250 000 sous les couleurs françaises,
14:13français libres, évadés de France,
14:16pieds noirs, volontaires du Maghreb,
14:19d'Afrique occidentale ou équatoriale,
14:23marsouins de la coloniale,
14:25goumiers marocains,
14:27fantassins algériens,
14:29tirailleurs tunisiens ou sénégalais
14:32qui, ensemble, ouvrirent un autre front.
14:37Il a fallu aussi la tenaille du front de l'Est,
14:41l'engagement résolu de l'armée rouge
14:43et de tous les peuples qui formaient l'Union soviétique d'alors.
14:50De ces millions de soldats qui se sacrifièrent
14:54pour fixer 180 divisions allemandes,
14:59en leur infligeant de lourdes pertes au prix d'un tribut de sang.
15:04Oui, par la convergence de leurs efforts,
15:08par le rassemblement de leurs forces,
15:11Cherbourg tombe au bout d'un mois,
15:14puis Caen, Orléans, Paris,
15:18Marseille, Lyon, Metz, Calais,
15:23Strasbourg enfin, fin novembre,
15:27et jusqu'à l'Allemagne qui ne capitule qu'en mai 1945.
15:34Et puis il a fallu reconstruire notre Europe,
15:39par la paix, l'amitié des peuples,
15:43par le pardon et la promesse,
15:46selon la formule d'Anna Arendt.
15:49Bâtir notre Europe, trésor de liberté et de vie démocratique
15:53depuis plus de 70 ans,
15:56même si pendant trop de décennies encore,
16:00il y aurait un Occident kidnappé,
16:04au centre et à l'est.
16:06Jeter les bases d'un nouvel ordre international,
16:09fondé sur le droit et inspiré par les déclarations de Philadelphie
16:13et de San Francisco.
16:16Et tout cela ici,
16:19nous l'avons fait en retrouvant le chemin
16:22d'une amitié et d'une ambition avec l'Allemagne,
16:26socle de notre Union.
16:29En entrelaçant le destin de nos peuples, oui,
16:34comme les vétérans du jour J nous en ont montré le chemin.
16:40Et en cet instant, Monsieur le Chancelier, cher Olaf,
16:44je pense à Johannes Boerner,
16:47jeune parachutiste allemand de 19 ans,
16:51qui vécut ce jour J depuis l'autre côté de la plage.
16:57Il fut fait prisonnier.
17:00Plus tard, il revint et s'installa en Normandie.
17:06Il demanda la nationalité française
17:09et épousa Thérèse, une normande,
17:14et devint profondément européen.
17:18A Ouestreham, il ouvrit un restaurant
17:22et Johannes Boerner rencontra Léon Gauthier,
17:25ancien du commando Kieffer.
17:28Une amitié profonde naquit entre ses frères jadis ennemis,
17:34un laçable témoignage à deux voix,
17:38métaphore vivante de nos mémoires réconciliées.
17:45Nous sommes tous, aujourd'hui, des enfants du débarquement.
17:51Applaudissements
18:06Ceux qui ont débarqué le 6 juin ne se battaient pas sur leur sol,
18:10ni pour leur village.
18:12Ils se battaient contre une idéologie mortifère,
18:15contre une culture de haine tentaculaire
18:19qui écrasait le juif, l'handicapé, l'étranger, l'homosexuel,
18:24le zigane, le franc-maçon, le communiste,
18:28tous ceux qui vivent, qui aiment, qui pensent,
18:31qui croient autrement.
18:34Et le silence de nos plages, en cet instant,
18:38est chargé d'échos, bruits de balles et de cris,
18:43échos des hommes de l'impossible, venus de tant de peuples,
18:48ceux qui gisent là-haut, dans leurs cimetières marins,
18:52ceux qui dorment sous le sable de Normandie,
18:56ceux qui reposent au fond de ces mers
18:59ou dans les maquis du bocage,
19:02ceux qui sont tombés à leur tour, année après année,
19:05longtemps après, parfois, ailleurs qu'en Normandie,
19:09mais qui ne l'ont jamais quitté tout à fait.
19:13Alors oui, face au retour de la guerre sur notre continent,
19:18face à la remise en cause de tous ceux
19:22pourquoi ils se sont battus,
19:25face à ceux qui prétendent changer les frontières
19:28par la force ou réécrire l'histoire,
19:33soyons dignes de ceux qui débarquèrent ici.
19:38Votre présence ici, en ce jour,
19:42Monsieur le Président d'Ukraine, dit tout cela.
20:12Applaudissements du public
20:42Applaudissements du public
21:13Applaudissements du public
21:26Merci, merci au peuple ukrainien,
21:31à sa bravoure, à son goût de la liberté.
21:35Nous sommes là et nous ne faiblirons pas.
21:39Applaudissements du public
21:51Alors oui, quand guettent l'anesthésie et l'amnésie ?
21:57Quand s'endorment les consciences ?
22:00Applaudissements du public
22:10C'est cet élan intact qui nous entraîne, sans crainte.
22:16Voilà pourquoi nous sommes ici ce jour.
22:20Nous savons que la liberté est un combat de chaque matin.
22:27Alors, pour tous ceux qui, partout en ce monde,
22:33vivent dans l'espérance de la liberté, de l'égalité,
22:38de la fraternité, le 6 juin est un jour sans fin.
22:43Le 6 juin est une aube sans cesse recommencée.
22:49Merci à tous. Vive la République et vive la France.
22:54Applaudissements du public
23:08Applaudissements du public
23:38Applaudissements du public
24:09Applaudissements du public
24:25Allons enfants de la patrie, le jour de gloire est arrivé.
24:33Contre nous de la tyrannie, l'étonnance en gloire est levée.
24:41L'étonnance en gloire est levée.
24:45Entendez-vous dans les campagnes rugir ces féroces soldats ?
24:53Ils viennent jusque dans nos bras, égorger nos fils, nos compagnes,
25:00nos âges, nos citoyens.
25:05Fermez vos bataillons, valchons, valchons, valchons, valchons.
25:13Que s'en va plus l'angre, en l'air de nos sillons.
25:21Amour sacré de la patrie, conduis, soutiens nos bras vengeurs.
25:30Liberté, liberté chérie, combat avec tes défenseurs, combat avec tes défenseurs.
25:44Sous nos drapeaux que la victoire accourt à tes mâles accents.
25:53Que tes ennemis espérants voient ton triomphe et notre gloire.
26:03Aux hommes, citoyens, fermez vos bataillons, valchons, valchons, valchons.
26:16Que s'en va plus l'angre, en l'air de nos sillons.
26:32Applaudissements.