À deux jours des élections européennes, Ali Baddou et Marion L'Hour reçoivent Nora Hamadi, journaliste spécialiste des questions européennes, Vincent Martigny, professeur de sciences politiques à l'Université de Nice ainsi qu'Angélique Bouin, envoyée spéciale permanente de Radio France à Bruxelles.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00 A deux jours du vote pour les élections européennes, ce dimanche et à quelques heures du début
00:06 du silence électoral qui va s'imposer dès ce soir à minuit, un grand entretien ce matin
00:11 sur Inter pour tout comprendre sur l'Union Européenne et son Parlement, sur le rôle
00:16 des députés, leur pouvoir, sur le mode de scrutin, les alliances politiques, plusieurs
00:21 invités en studio, une élection à un tour mais avec de très nombreux enjeux et vous
00:27 pouvez poser toutes vos questions sur l'Europe.
00:30 Chers auditeurs, au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:35 Pour parler de l'Union avec Marion Lourdes, nous recevons en studio Nora Amadi et Vincent
00:42 Martini.
00:43 Bonjour.
00:44 Bonjour.
00:45 Et bienvenue Nora Amadi.
00:46 Vous êtes journaliste, spécialiste des questions européennes, vous êtes l'un des visages
00:49 d'Arte.
00:50 Vous avez mené une série de plusieurs entretiens sur cette Europe au cœur du cyclone.
00:54 Et au cœur du cyclone, ce n'est pas que c'est très mouvementé, c'est au contraire
00:58 un moment de calme et on va en parler dans un instant.
01:00 On peut revoir ces entretiens sur la plateforme arte.tv.
01:04 Quant à vous Vincent Martini, vous êtes professeur de sciences politiques à l'université
01:09 de Nice Côte d'Azur et à l'école Polytechnique et nous sommes également en duplex depuis
01:15 Bruxelles avec notre correspondante pour Radio France.
01:18 Bonjour Angélique Bouin.
01:19 Bonjour.
01:20 Bonjour à tous.
01:21 Ça fait des années que vous suivez Angélique l'actualité européenne et que vous nous
01:25 aidez à comprendre ce qui se joue à Bruxelles dans les nombreuses institutions qui composent
01:31 cet étrange objet, cet objet hybride, cet objet qui a fait rêver, qui fait peut-être
01:37 encore rêver qu'est l'Union Européenne.
01:40 Mais on va d'abord commencer par une question toute simple puisque nous avons voulu faire
01:44 cette dernière émission européenne en prenant l'angle de la pédagogie.
01:49 Ça fait 45 ans que les élections européennes au suffrage universel existent.
01:53 On est à la fin d'une campagne et il faut malgré tout faire de la pédagogie.
01:59 Il faut malgré tout reprendre les bases.
02:02 En tout cas on en a eu le sentiment et la conviction.
02:05 Est-ce que vous comprenez pourquoi Nora ?
02:06 Tout à fait Ali, parce que tout simplement, notamment pour les Français, le système
02:11 européen est extrêmement éloigné.
02:13 Nous sommes comme vous le savez dans un système parlementaire majoritaire.
02:17 Au niveau européen nous sommes plutôt dans une logique de consensus.
02:21 Ce qui fait que typiquement pour nos voisins allemands ou même italiens ou belges, tout
02:25 ceci est finalement un peu leur biotope.
02:27 Ce qui n'est absolument pas le cas.
02:28 Eux ont moins besoin de faire ce bourreau de pédagogie.
02:29 Ils ont moins besoin parce que c'est de facto quelque chose qui est plutôt calqué sur leur
02:33 système contrairement au nôtre qui apparaît beaucoup plus vertical, jupitérien comme
02:38 on pourrait le qualifier certains.
02:40 Ce qui de fait nécessite forcément plus de pédagogie.
02:44 On est dans des logiques où le Parlement européen co-décide avec le Conseil européen
02:50 qui est l'espèce de représentation des Etats.
02:54 Par ailleurs vous avez un gouvernement qui est représenté par les commissaires et la
02:59 commission.
03:00 Tout ceci est très complexe.
03:01 Mais comme peut l'être chez nous par exemple un texte comme la programmation de loi de
03:06 finance de la sécurité sociale, tout ceci est aussi du parlementaire.
03:09 Donc ça peut paraître très éloigné mais avec un peu de pédagogie on y arrive.
03:13 On va y arriver et on va prendre le temps justement de rentrer dans le fonctionnement
03:17 et reprendre les bases éventuellement.
03:20 Est-ce que vous partagez ce constat Vincent Martini ? Les Français, pays fondateur de
03:25 l'Union européenne, pays qui a envoyé la première femme présidente du Parlement
03:31 européen Simone Veil, on est 45 ans après encore à se demander à quoi sert le Parlement
03:37 et comment on élit les députés ? Quel est leur pouvoir ?
03:39 Alors oui mais ça ne me paraît pas anormal.
03:41 D'abord parce que les institutions ce n'est pas quelque chose avec lequel les citoyens
03:45 ont des rapports très intimes.
03:46 Y compris les institutions nationales d'ailleurs.
03:48 On surestime le niveau de connaissance de la part de nos concitoyens, de leurs propres
03:52 institutions.
03:53 Il est tout à fait normal que les institutions très différentes comme viennent le rappeler
03:56 Nora Amadi, beaucoup plus proches de ce qu'on fait en Allemagne et en Italie, mais aussi
04:00 des institutions qui ont des processus de décision qui sont tout à fait différents
04:04 des nôtres, soient plus difficiles à appréhender.
04:08 Il faut un certain niveau d'abstraction et de théorie pour pouvoir les comprendre.
04:12 Angélique Bouin, vous êtes à Bruxelles.
04:14 Est-ce que depuis Bruxelles on est aussi obligé de faire de la pédagogie ? Vous, vous faites
04:19 l'effort sur France Inter, je le dis un peu en souriant, mais c'est vrai que est-ce
04:23 que la France est une exception ou est-ce qu'il faut reprendre les bases partout, tout
04:28 le temps, à chaque fois qu'on doit expliquer quelque chose qui s'est ou décidé, ou
04:33 joué, ou qui a été débattu dans les institutions de l'Union ?
04:36 C'est vrai que si je me compare à mes confrères allemands, je pense que je dois faire beaucoup
04:41 plus de pédagogie.
04:42 C'est vrai que la France a un système politique parlementaire extrêmement différent.
04:46 Donc oui, on fait beaucoup de pédagogie, mais ces élections européennes, elles intéressent
04:49 pas beaucoup plus dans d'autres pays.
04:52 Il y a quand même un taux d'abstention qui est annoncé, qui est important, hier pareil
04:56 par exemple aux Pays-Bas.
04:57 Donc oui, la France a quand même une position particulière parce que les Français s'intéressent
05:01 d'abord peu à l'Europe.
05:02 Il y a un chiffre qui est toujours frappant, c'est le peu de journalistes français en
05:06 poste ici à Bruxelles quand on se compare aux Allemands qui eux sont très nombreux
05:10 et à d'autres pays qui envoient vraiment des bataillons de journalistes.
05:13 Là nous, on est vraiment une petite dizaine à être vraiment permanents ici, alors qu'il
05:16 faudrait justement pour pouvoir expliquer à nos concitoyens l'Europe qu'on soit beaucoup
05:20 plus nombreux et faire plus de pédagogie.
05:22 Donc moi j'en fais beaucoup plus que de politique européenne parce qu'effectivement c'est
05:25 un choix qui a été fait aussi en collaboration avec les différentes chaînes de Radio France
05:31 que je sers depuis 5 ans.
05:32 Parce qu'il y a un besoin de décryptage mais il y a aussi des responsabilités politiques
05:35 en France.
05:36 Notre classe politique ne passe pas beaucoup de temps à expliquer ce qu'elle fait ici
05:40 et comment ça fonctionne.
05:41 Oui, je voudrais tirer le fil d'Angélique Bouin parce qu'effectivement c'est central
05:45 quand on voit le nombre de correspondants de la presse française à Bruxelles ou des
05:49 journalistes comme elle ou moi qui travaillons sur ces questions.
05:53 On est comparativement assez peu nombreux.
05:55 Il y a plus de correspondants chinois à Bruxelles que de correspondants de la presse française.
06:00 Et ce qu'il faut voir aussi...
06:02 Vraiment ?
06:03 Vraiment, vraiment.
06:04 Non mais en fait il faut voir à quel point cet espace politique qu'est l'Europe interpelle
06:09 nos voisins à l'étranger, même très loin.
06:11 Parce qu'ils sont très clairs sur le fait que c'est un espace politique où on produit
06:14 de la norme, une norme qui s'exporte.
06:16 Et ça on pourra y revenir si vous le souhaitez.
06:18 Et nous, nous sommes paradoxalement très éloignés de cela parce que, comme je le
06:23 disais, ce sont des institutions qui nous paraissent très lointaines.
06:26 Mais on a un déficit de traitement médiatique et tous les baromètres le disent.
06:30 Une dernière étude du mouvement européen français pointe encore que tous les sondages
06:36 le disent.
06:37 Les français veulent être mieux informés autour de ces questions.
06:39 Et il faut se souvenir du référendum de 2005 par exemple ou de la crise grecque.
06:44 Ces moments un peu paroxystiques de politique européenne où les enjeux sont extrêmement
06:48 clairs, ont passionné les français, ont passionné les européens.
06:51 Donc quand les enjeux sont très clairs, finalement ce sont des questions qui interrogent, qui
06:56 passionnent.
06:57 On l'a vu aussi avec la crise agricole ces derniers mois.
07:00 Quand on comprend les enjeux, finalement on s'y intéresse.
07:03 Donc peut-être que collectivement il faut se poser la question.
07:06 Je ne le dis pas pour Radio France, je ne le dis pas pour Arte évidemment, mais pour
07:09 d'autres espaces qui ne mettent pas assez en scène ces enjeux-là, ne prennent pas
07:14 assez le temps d'expliquer.
07:16 Les gens s'y intéressent à partir du moment où ils comprennent ce dont on leur parle.
07:19 - Et effectivement on travaille à expliquer depuis quelques mois.
07:21 Vincent Martigny, vous qui êtes professeur de sciences politiques, si on faisait la photo
07:25 alors 80 députés français, élection à un tour, quel rôle, quel poids, comment ça
07:30 marche ?
07:31 - Alors donc il faut d'abord rappeler que dans l'Union Européenne, au Parlement européen,
07:35 il y a 720 députés.
07:36 - En tout ?
07:37 - En tout.
07:38 Et la France est le deuxième plus gros contributeur de députés européens, après l'Allemagne.
07:42 C'est calculé en proportion de la population.
07:44 Donc à ce titre-là c'est normal que la France, qui est le deuxième pays le plus
07:46 peuplé d'Europe, puisse avoir un contingent de députés.
07:50 Ces députés donc siègent pour une durée de 5 ans.
07:52 Les dernières élections européennes étaient en 2019.
07:54 Et ils ont trois grands rôles.
07:57 Le premier, c'est qu'ils votent les lois de l'Union Européenne.
08:00 Pas seuls, ils le votent en co-décision avec le Conseil de l'Union Européenne, c'est-à-dire
08:05 la réunion des ministres en fonction des thèmes débattus.
08:08 En fait on fait un conseil, et si c'est sur l'agriculture, tous les ministres de
08:12 l'Union Européenne, 27 membres se réunissent et ils co-décident.
08:15 C'est un peu comme chez nous l'Assemblée Nationale.
08:17 Et le Sénat, ils doivent décider dans les mêmes termes.
08:19 Ce sont les mêmes textes qui sont votés par les deux assemblées.
08:21 Ils ont un deuxième rôle très important, qui est un rôle budgétaire.
08:25 C'est-à-dire, toujours avec le Conseil de l'Union Européenne, ils valident le budget
08:29 de l'Union Européenne.
08:30 C'est très important le budget.
08:31 C'est ce que vous donnez comme droit au pouvoir exécutif, en l'occurrence à la Commission,
08:34 de dépenser en votre nom.
08:35 - Donc il n'est pas si important au niveau européen par rapport au niveau français,
08:38 par exemple.
08:39 - Troisième dimension, c'est qu'ils contrôlent la Commission Européenne.
08:41 La Commission Européenne, c'est comme le gouvernement.
08:43 C'est comme le pouvoir exécutif.
08:44 C'est-à-dire que le président de la Commission, en l'occurrence Ursula von der Leyen, ici,
08:49 est élu par le Parlement Européen sur proposition du Conseil de l'Union.
08:53 Donc à ce titre-là, si vous voulez, ils ont des rôles très importants.
08:57 Et ils peuvent aussi faire plein de choses, comme par exemple réunir des commissions
09:00 pour enquêter sur l'action de l'Union Européenne.
09:02 Donc c'est vraiment, encore une fois, un rôle qu'il ne faut pas du tout minimiser.
09:06 C'est un rôle très important.
09:07 - Angélique Bois, on entendait à l'instant le rôle important des députés.
09:10 Après, c'est vrai qu'on dit beaucoup de choses sur l'Europe.
09:12 On parle notamment beaucoup du poids des lobbys.
09:14 Est-ce que vous, vous l'observez, vous qui suivez régulièrement le Parlement Européen,
09:18 la Commission Européenne ?
09:19 - Le poids des lobbys, en fait, moi, comme beaucoup de gens, comme beaucoup de Français,
09:23 j'en avais une vision un peu négative.
09:24 J'arrivais ici à 5 ans.
09:26 Finalement, quand on observe le travail des lobbys ici, leur travail est essentiel.
09:30 Il y a plein de juristes, il y a plein d'experts qui travaillent dans les différentes institutions
09:33 pour justement écrire ces lois, les amender, les modifier.
09:38 Et finalement, heureusement qu'il y a les lobbys parce que ces juristes, ces experts-là,
09:41 ils ne peuvent pas tout savoir sur tout.
09:42 Donc finalement, ces lobbys qui sont des cabinets d'avocats, ils viennent défendre les intérêts
09:47 de leurs clients.
09:48 - Dans le Parlement ?
09:49 - En rencontrant des eurodéputés, mais aussi des gens de la Commission et des gens du Conseil,
09:54 des représentants des États.
09:55 Ici, tout le monde va essayer de comprendre l'impact pour sa propre économie de telle
09:59 ou telle loi.
10:00 Or, il faut bien, à un moment aussi, aller chercher des experts.
10:03 Il y a aussi les ONG.
10:04 Est-ce que c'est des lobbys des ONG ? C'est toujours une question que je me pose.
10:06 Mais ils viennent aussi défendre des intérêts.
10:08 Là où il y a une question sur les lobbys, c'est quand leur puissance, leur poids est
10:12 démesuré.
10:13 Je pense par exemple à Apple qui a des batteries d'avocats ici, les gars-femmes.
10:17 Et néanmoins, malgré ça, on a réussi à voter sans doute les lois les plus restrictives
10:20 de toute l'histoire des gars-femmes.
10:22 Donc, ils ont un rôle à jouer ici.
10:24 Bien sûr qu'il faut les réguler.
10:26 Bien sûr qu'il faut de la transparence.
10:27 Et il y en a.
10:28 En plus, oui, il y a eu des scandales de corruption.
10:30 Mais la corruption, elle existe partout.
10:32 Elle n'est pas liée à l'existence, je dirais, et l'importance quand même du travail des
10:35 lobbys ici.
10:36 Bonjour Jean et bienvenue dans le Grand Retraitien Inter.
10:40 Oui, bonjour.
10:41 Vous aviez une question pour nos invités ?
10:43 Oui, tout à fait.
10:44 Je souhaiterais savoir pourquoi, quand la Commission européenne vote une résolution
10:49 et qu'on pose aux administrations françaises la question « pourquoi cette résolution
10:52 n'est pas mise en application ? », la réponse est « on n'a aucune obligation d'appliquer
10:58 des résolutions.
10:59 Il faut attendre des directives.
11:00 Et tant qu'on n'a pas une directive, on ne fait rien ».
11:03 Merci pour cette question qui va nous permettre d'y voir plus clair.
11:06 Alors, Nora Mahdi ?
11:07 Alors, merci pour cette question.
11:08 C'est le Parlement qui vote des résolutions.
11:11 La Commission européenne, elle propose, comme le gouvernement, elle propose des directives.
11:14 Une résolution, finalement, c'est plus quelque chose, un texte symbolique.
11:18 Notamment sur les questions de droit humain, on sait très bien, enfin, ou on ne le sait
11:23 pas, je ne sais pas.
11:24 Mais sur ces questions, notamment de droit humain, sur ce qui peut se passer au Proche-Orient,
11:28 sur ce qui peut se passer en Ukraine, sur ce qui peut se passer en Iran, on a vu beaucoup
11:32 de choses votées par le Parlement.
11:34 C'est des positions extrêmement symboliques.
11:36 Pour autant, elles n'ont pas de dimension législative.
11:39 Effectivement, comme vous le disiez à l'instant, de manière très juste, ce sont les directives,
11:43 ce qui est l'équivalent de nos lois, qui permettent, en fait, derrière, d'être
11:47 transposées dans notre droit national et qui ont valeur, en fait, de textes qu'il faut
11:52 appliquer.
11:53 Et on est véritablement plus dans le symbole sur les résolutions.
11:55 Angélique ?
11:56 Oui, moi, je voudrais préciser quand même, parce qu'on parle de la Commission, et rappelons
11:58 que la Commission, oui, elle propose des lois, c'est la seule à pouvoir le faire.
12:02 Alors, on n'appelle pas ça « loi » ?
12:03 Non, des législations.
12:04 Pour des raisons mystérieuses.
12:05 Exactement, oui, voilà.
12:06 Mais moi, j'essaie de simplifier quand même, c'est des législations.
12:08 C'est soit des directives, soit des règlements.
12:10 Les directives, effectivement, qu'il faut transposer dans deux ans, sur deux ans, soit
12:13 des règlements qui s'appliquent immédiatement.
12:15 Mais cette Commission, elle ne propose pas des lois toute seule.
12:17 On a l'impression que c'est le pouvoir absolu ici.
12:19 Elle suit une feuille de route qui est décidée par les gouvernements.
12:22 En ce moment même, les ambassadeurs, les représentants des États, ils sont en train
12:25 d'écrire les grandes orientations pour les cinq prochaines années.
12:28 Il y a un programme.
12:29 La Commission, ça ne sort pas de sa tête.
12:31 Donc, elle propose ces lois qui, ensuite, vont passer à la moulinette du Conseil et
12:35 du Parlement, selon un processus qui est assez long, parce qu'il faut se mettre d'accord
12:37 à 27 d'un côté, avec les intérêts de chacun, à 720 eurodéputés de l'autre,
12:42 avec des partis nationaux, des histoires politiques différentes et des intérêts.
12:46 Et puis après, tout le monde se regroupe pour finalement adopter cette loi.
12:49 Mais je trouve qu'il y a toujours en France cette idée que la Commission est surpuissante,
12:53 alors qu'en fait, elle est quand même très liée à sa feuille de route et aux orientations
12:57 décidées par les États.
12:59 Merci Angélique.
13:00 Vincent Martini, vous hauchiez la tête.
13:02 Et c'est vrai qu'on prête peut-être trop à la Commission et pas assez aux 27 États
13:07 qui composent l'Union.
13:08 Oui, c'est parfaitement vrai.
13:10 Il y a une exagération du rôle de la Commission.
13:11 Mais je voudrais aussi insister sur la façon dont les décisions sont prises au Parlement
13:15 européen.
13:16 Parce que ça, je crois que vos auditeurs et les concitoyens en général ne savent
13:18 pas exactement comment ça marche.
13:19 C'est-à-dire qu'on a une vision très majoritaire en France.
13:22 Vous avez une majorité et une opposition.
13:24 La majorité décide.
13:25 D'ailleurs, vous voyez bien qu'en France, on n'a pas de majorité au Parlement national.
13:28 C'est perçu comme un problème.
13:29 Au sein de l'Union européenne, ça ne fonctionne pas du tout comme ça.
13:32 Il n'y a pas de 49-3 au sein de l'Union européenne.
13:34 Il y a des groupes qui se mettent d'accord entre eux.
13:36 Ce qui fait que tout fonctionne par coalition.
13:38 Aujourd'hui, par exemple, le groupe le plus important, c'est le Parti populaire européen.
13:42 C'est-à-dire la droite, pour le dire.
13:43 La droite dite modérée.
13:46 En tout cas, qui a une variété de courants de droite en fonction des pays.
13:48 Et pourtant, cette droite qui est majoritaire, elle ne dirige pas seule.
13:53 Elle dirige avec notamment les libéraux.
13:56 Le groupe qu'on appelle Renew, qui fait rappeler le renaissance.
13:59 Il y a un petit groupe, mais qui est le groupe de…
14:00 Il y a un groupe de ce qu'on appelle les partis libéraux en Europe.
14:02 On ne connaît pas bien en France.
14:03 Et c'est pour ça qu'en France, quand on dit « qu'est-ce que c'est que finalement
14:06 le parti d'Emmanuel Macron ? », c'est un parti libéral au sens où on l'entend
14:10 dans l'Union européenne.
14:11 Un petit groupe pivot qui permet de faire des coalitions.
14:12 Un petit groupe pivot de partis qui sont en général centristes et qui sont libéraux
14:16 du point de vue économique et plus ou moins libéraux sur les questions culturelles.
14:18 Et vous avez ce qu'on appelle les sociodémocrates, c'est-à-dire le groupe de la gauche dite
14:22 modérée.
14:23 Il y a encore d'autres groupes, évidemment.
14:24 Et finalement, ces trois groupes travaillent ensemble et prennent des décisions ensemble.
14:29 Mais il peut arriver parfois qu'on cherche des coalitions, y compris avec des groupes
14:33 très à gauche ou très à droite, en fonction des politiques menées.
14:37 Donc, on ne vote jamais de manière disciplinée sur tous les sujets en même temps, dans
14:41 une majorité qu'on comprendrait.
14:43 Ça, c'est important que les gens le comprennent parce que cette forme de décision est beaucoup
14:47 plus efficace, elle est beaucoup plus consensuelle.
14:49 Elle permet de réunir une large majorité de gens autour d'un texte plutôt que de
14:52 penser de manière binaire, gauche-droite, deux blocs qui s'opposent.
14:56 Nora Amadi, là on parle de la forme, de la façon dont on vote les textes, des résolutions
15:00 qui sont plutôt des symboles et des directives qui, elles, s'appliquent directement.
15:03 Et tout ça, en fait, ça concerne notre quotidien aussi.
15:06 D'ailleurs, vous en parlez dans l'œil du cyclone, ça concerne aussi bien la défense
15:09 que l'intelligence artificielle, que tous les domaines sont concernés dans notre vie.
15:14 C'est extrêmement concret.
15:16 Prenons le truc le plus concret qui nous a interpellés ces dernières années.
15:19 Ce qui peut paraître anecdotique, c'est le chargeur unique qu'on a réussi à imposer
15:24 aux constructeurs de nos téléphones portables.
15:26 C'est les politiques de transport, c'est la politique agricole commune qui est la
15:30 plus vieille politique.
15:31 Et on a vu les agriculteurs se mobiliser en ce début d'année.
15:35 Ce sont les politiques énergétiques.
15:37 Emmanuel Macron, hier, évoquait la politique de vaccins.
15:40 Et si l'extrême droite arrivait à bloquer l'Europe, on aurait eu le vaccin Spoutnik.
15:44 C'est l'Union Européenne, même si la santé n'est pas une compétence, qui a réussi
15:48 à acheter ensemble ces vaccins pour éviter qu'on se vole, par exemple, des stocks de
15:52 masques sur le tarmac.
15:54 - Qui achètent un pour soi, en quelque sorte.
15:55 - Donc, clairement, il y a des textes très concrets et il y a des textes beaucoup plus
16:00 macros, si je puis me permettre, très économiques, sur les questions de souveraineté, sur les
16:04 questions de défense, qui vont être ceux, certainement, au menu de la prochaine Commission
16:09 Européenne et de la prochaine législature.
16:11 - On retourne au standard.
16:12 Bonjour, Michel.
16:13 - Oui.
16:14 - Voilà.
16:15 - Bienvenue sur Inter.
16:16 - Allô ?
16:17 - Oui, bonjour, Michel.
16:18 Vous nous appelez des Hauts-de-Seine.
16:19 - Excusez-moi, je vous entends des mal.
16:20 - Écoutez, nous vous entendons parfaitement bien.
16:21 Vous aviez une question pour nos invités, une question sur l'Europe.
16:22 - Oui, une question qui fait suite à une remarque d'une de vos invitées sur l'Europe.
16:23 - Nora Mahdi, oui.
16:34 - Oui.
16:38 En fait, je pense que pendant plusieurs années, on ne parle quasiment pas de l'Europe, ou
16:46 très peu, à part Arte, peut-être, France Culture, qui le font régulièrement.
16:51 - France Inter.
16:52 - Oui, France Inter, bien sûr.
16:53 - Bien sûr.
16:54 - Mais on en parle vraiment très, très peu.
16:55 Et puis, à l'approche des élections, il y a une espèce de saturation.
17:00 On ne parle plus que de ça.
17:02 Je caricature un peu.
17:03 Mais enfin, on en parle beaucoup, beaucoup, beaucoup, ce qui fait qu'il y a un double
17:08 effet, deux effets plutôt, qui sont contradictoires l'un avec l'autre.
17:11 On n'en parle pas assez, on en parle trop.
17:14 Le résultat, c'est que les électeurs se désintéressent et ne vont pas voter.
17:19 - Merci.
17:20 - C'est une des causes, à mon avis.
17:21 - Merci Michel pour votre intervention.
17:23 Vincent Martigny.
17:24 - Ce qui est intéressant, c'est ce que vous dites, et d'autant plus vrai dans le temps.
17:27 C'est-à-dire que pendant des années, des décennies, on n'a pas du tout parlé de l'Union
17:31 Européenne.
17:32 Il y avait ce que deux politologues européens, qui s'appellent Houg et Marx, ont appelé
17:37 le consensus permissif.
17:39 Ça veut dire qu'on avait une sorte de consensus dans les années 60, 70, 80.
17:43 Les citoyens s'en fichaient, ne comprenaient pas bien ce qui se passait, faisaient confiance
17:46 au gouvernement.
17:47 Et ce qui s'est passé d'abord à partir du traité de Maastricht, puis dans l'entrée
17:51 de l'Union, de l'euro dans la vie des Européens, et puis évidemment avec la crise financière
17:55 mondiale en 2008, les citoyens ont réalisé que les politiques de l'Union avaient des
18:00 conséquences dans leur vie quotidienne.
18:02 Et là, ça a commencé à politiser cet enjeu, ce qui fait qu'on est rentré dans une autre
18:05 ère, celle qu'on appelle le dissensus contraignant.
18:08 - Explication ?
18:09 - Ça veut dire qu'il y a d'abord une polarisation entre les forces politiques sur la question
18:13 de l'Europe, ce qui n'était pas le cas avant.
18:15 Et deuxièmement, que ce que fait le gouvernement à l'échelle de l'Union Européenne intéresse
18:20 les Français ou tous les citoyens Européens, et donc s'en préoccupe.
18:23 Et donc on en parle plus.
18:24 Alors c'est vrai qu'à l'approche des élections, on parle plus des choses, et c'est tout à
18:28 fait naturel.
18:29 Je ne sais pas si c'est un effet des mobilisateurs, au contraire, on constate dans les enquêtes,
18:32 notamment celle du Cevipov, que le taux d'intérêt augmente très sensiblement.
18:36 Là, on est deux Français sur trois, s'intéressent aux élections, ça ne veut pas dire qu'ils
18:38 vont voter, mais au moins ils s'y intéressent.
18:40 - Et je recommande chez Le Reusement un podcast qui a beaucoup de succès, un podcast France
18:43 vers Europe, Anatomie, d'une utopie où on apprend des tas de choses.
18:46 J'aimerais juste quand même qu'on s'arrête un instant avant d'arriver sur les conséquences
18:50 politiques du vote de dimanche.
18:53 Mais une question quand même toute simple, c'est qu'on a l'impression inverse très
18:58 souvent, la campagne européenne finalement aura peu parlé d'enjeux européens, Nora
19:03 Mahdi, vous êtes d'accord ?
19:05 - Et c'est justement ça tout l'enjeu, et c'est ce que nous dit Michel, c'est que finalement
19:09 on revient sur un terrain très rapidement national parce qu'on a du mal, parce qu'on
19:14 n'en parle pas assez pendant 5 ans, 6 ans, ou alors on n'en parle que quand il y a des
19:19 crises, on a du mal à politiser ces enjeux alors qu'il y a clairement, et le président
19:24 de la République y participe, quand il dit "l'Europe va être bloquée par l'extrême
19:27 droite, on ne va plus pouvoir rien faire, l'Europe va s'écrouler, l'Europe est mortelle",
19:31 tout cela nous empêche de parler de quelle Europe on veut, hors objectivement.
19:35 Quand on voit la construction européenne, on a construit un espace économique qu'on
19:39 pourrait qualifier d'hémiplégique finalement, et depuis quelques années, à la faveur de
19:43 ces crises, on commence à poser la nécessité d'un espace politique, et de fait, la question
19:49 qui, si elle reste nationale, nous empêche de poser cet enjeu-là, de quelle Europe politique
19:54 voulons-nous ?
19:55 - Et justement, alors ça fait plusieurs fois que Nora Mahdi mentionne cette déclaration
19:58 du président de la République, Vincent Martigny, qui dit "si demain la France envoie une très
20:01 grande délégation d'extrême droite, et que d'autres pays le font, l'Europe peut se retrouver
20:05 bloquée", c'est-à-dire qu'il y aurait une minorité de blocage de l'extrême droite
20:09 en Europe, au vu de l'état actuel des forces au Parlement, est-ce que ça c'est vraiment
20:12 possible ?
20:13 - C'est possible, mais c'est improbable.
20:15 C'est-à-dire que probablement, et c'est ça le paradoxe de cette élection européenne,
20:19 c'est que ces enjeux sont essentiellement, et je dirais, ils sont très importants pour
20:24 la France, c'est-à-dire ce que va changer l'élection européenne par rapport au rapport
20:28 de forces politiques en France est possiblement très important, si les scores pressentis
20:32 pour le RN et les autres partis se révèlent exacts, c'est-à-dire environ plus de 30%
20:38 pour le RN et puis un étiage au moins moitié moins pour les autres partis, mais en revanche...
20:44 - Attendez, vous dites que les conséquences, elles seront nationales ?
20:46 - Elles seront essentiellement nationales, parce qu'au niveau européen, probablement
20:49 les équilibres vont rester à peu près les mêmes.
20:51 C'est-à-dire qu'on pense, c'est difficile à dire, mais on pense, si on regarde toutes
20:54 les élections, qu'en gros le Parti Populaire Européen restera le premier groupe, les
20:57 sociodémocrates restera le deuxième groupe, et Renew, c'est-à-dire le groupe des libéraux,
21:01 restera à peu près sensiblement le même.
21:03 Mais c'est vrai qu'on ne sait pas exactement dans quelle mesure la poussée très forte
21:07 des populistes qui va intervenir, et qui va nourrir deux groupes, il y a deux groupes
21:11 d'extrême droite, je vais vite au Parlement Européen, dans quelle mesure, sur certains
21:14 textes, notamment l'immigration, le Green Deal, ça aura, parce que la décision est
21:18 forcément consensuelle au sein du Parlement, des conséquences sur des sujets qui sont
21:22 moins poussés qu'avant.
21:23 - Il nous reste très peu de temps, on a beaucoup entendu qu'à droite, comme à gauche,
21:28 Jordan Bardella, Valérie Ayé, Raphaël Glucksmann, que ces élections étaient les plus importantes,
21:33 les élections européennes les plus importantes de l'histoire.
21:36 Angélique, vous partagez cette conviction ou pas ?
21:40 - Évidemment qu'elles sont essentielles dans un contexte où l'Union Européenne fait face
21:44 à cette guerre en Ukraine, qui quand même pose des vraies questions existentielles,
21:47 donc oui, il y a un enjeu quand même qui est dramatisé aussi, entre guillemets, au
21:51 niveau européen, c'est vrai aussi que si on assiste encore à une poussée plus forte
21:56 de l'extrême droite, il faut rappeler qu'ils étaient déjà les groupes d'extrême droite
21:59 et la droite souverainiste et nationaliste à 20% à peu près de l'hémicycle, qui
22:03 pourraient aller à 25%, c'est beaucoup, et ça effectivement il y a un signal politique,
22:07 mais l'enjeu il est surtout dramatisé quand même, et beaucoup dramatisé en France, puisque
22:11 comme on l'a dit tout à l'heure, c'est avant tout une campagne nationale, et d'ailleurs
22:15 la saturation de l'espace médiatique dont parlait notre auditrice tout à l'heure,
22:19 faisait sans doute référence quand même d'abord à ça, parce qu'on parle finalement
22:22 peu des enjeux européens.
22:24 Il nous reste très peu de temps.
22:25 Oui, et pour tirer le fil d'Angèle Hibboin, ce qui est aussi important, c'est que, évidemment
22:31 que tout ceci va colorer les prochains textes qui vont être adoptés, que ce soit sur les
22:36 questions migratoires, sur les questions économiques, mais c'est aussi de la place de l'Europe
22:39 en fait au moment où Joe Biden est à Paris, où la question du partenariat avec les Etats-Unis
22:44 se pose parce que les Etats-Unis regardent maintenant vers la Chine, comment est-ce que
22:48 l'Europe va se défendre seule ? On voit bien que Vladimir Poutine ne va pas s'arrêter
22:51 à l'Ukraine, que potentiellement on a d'autres enjeux que ce soit au Proche-Orient, des enjeux
22:55 économiques, des enjeux de Green Deal.
22:57 La composition de cette future chambre va de toute façon jouer sur les futurs textes,
23:01 donc voilà, l'enjeu il est essentiellement là.
23:03 Angélique Bouin, vous allez quitter prochainement Bruxelles, dans quel état est-ce que vous
23:07 allez laisser l'Europe ? Est-ce qu'il est meilleur ou pire que quand vous êtes arrivée
23:10 il y a 5 ans ?
23:11 C'est une question à laquelle il est évidemment difficile de répondre.
23:14 C'est vrai que moi j'attends avec impatience les résultats de Dimanche soir, parce que
23:16 ça donnera quand même une photo de l'état de nos citoyens, et ça c'est quand même
23:20 une préoccupation.
23:21 Effectivement je vais rentrer à Paris, mais je vais travailler sur le fact-checking, dans
23:25 une cellule du vrai du faux, et je peux vous dire que sur l'Europe, il y aura beaucoup
23:28 de quoi faire.
23:29 Et on rappelle que c'est une élection à un tour, il n'y aura pas de possibilité
23:34 de se racheter au cours d'un éventuel second tour.
23:38 Merci infiniment à tous les trois, merci Angélique d'avoir été avec nous depuis
23:42 Bruxelles.
23:43 Merci Nora Ahmadi et merci Vincent Martini d'avoir été les invités d'Inter.