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00:00 Patrick Martin-Genier, bonjour, merci beaucoup d'être avec nous ce matin.
00:04 Vous êtes enseignant à Sciences Po Paris et à l'INALCO, entre autres.
00:08 Alors, vous êtes spécialiste des questions européennes,
00:10 mais je ne peux pas m'empêcher de vous poser des questions sur la politique française,
00:13 et notamment cet agenda dont on parlait, trois semaines à peine pour tout réorganiser.
00:18 Pourquoi cet agenda si court de la part du chef de l'État ?
00:22 - Bien écoutez, je crois qu'il avait envisagé cette dissolution.
00:26 C'est un véritable séisme politique, vous l'avez dit,
00:29 mais pourquoi si court ? Parce qu'il y a quand même des Jeux Olympiques.
00:32 Rappelez-vous, les Républicains avaient dit qu'ils pourraient, le cas échéant,
00:36 déposer une motion de censure contre ce gouvernement
00:39 à l'occasion du projet de loi "Finances à l'automne".
00:42 Mais avec ces Jeux Olympiques, ils ne souhaitaient pas déposer cette motion de censure avant.
00:46 Ils ne l'avaient jamais votée.
00:47 Vous avez une motion qui avait été déposée à la fois par LFI et par le Rassemblement national.
00:53 Et donc, ils ne le souhaitaient pas.
00:54 Et Emmanuel Macron a précipité cette échéance,
00:56 parce que d'une part, il a considéré qu'il n'avait plus la confiance du corps électoral,
01:00 plus la confiance des Françaises et des Français,
01:02 mais aussi parce qu'il y a ces Jeux Olympiques
01:05 qui vont constituer un enjeu fondamental avec les risques de terrorisme quand même.
01:10 Et donc, il va falloir remettre, je vais dire, le gouvernement et les pouvoirs publics en marche
01:14 avant le début de ces Jeux Olympiques qui débutent à la fin, vers le 25-26 juillet.
01:18 - Mais ça peut être un pari risqué.
01:20 Il peut aussi y avoir un gouvernement d'extrême droite au début de ces Jeux Olympiques,
01:24 une société peut-être encore plus clivée, une scène politique très clivée.
01:27 - De toute façon, la société politique est tout à fait clivée.
01:30 Aujourd'hui, il a des difficultés, effectivement.
01:32 On voit que le Rassemblement national a eu plus de 30 %.
01:36 Est-ce que c'est suffisant pour obtenir une majorité à l'Assemblée nationale ?
01:39 Je ne le pense pas.
01:40 Donc, ce qui est important, c'est qu'il va y avoir un jeu d'alliances, d'unions.
01:44 Il va bien falloir dire quelles vont être les alliances.
01:47 Le Rassemblement national, sauf extraordinaire, n'aura pas lui-même la majorité à l'Assemblée nationale.
01:52 Il va renforcer sa position.
01:54 Il sera sans doute le premier parti politique.
01:56 Il sera éligible pour remplacer le Premier ministre, car la majorité macronienne, malheureusement, est très affaiblie.
02:02 Je ne pense pas que ce gouvernement pourra être conduit.
02:05 Mais il va bien falloir mettre les choses très claires sur la table.
02:08 Est-ce que le Rassemblement national va faire alliance avec les Républicains ?
02:12 Est-ce qu'ils vont l'accepter, oui ou non ?
02:14 Monsieur Chiotti a dit ce matin qu'il ne ferait pas d'alliances avec M. Macron.
02:18 Donc, il va bien falloir trouver un jeu d'alliances.
02:20 Quant à la gauche, c'est aussi une heure de vérité pour le Parti socialiste.
02:25 Est-ce que celui-ci va faire alliance avec LFI ?
02:27 On avait vu que c'était extrêmement clivant avec tous les ensembles.
02:31 Est-ce qu'il va y avoir un remake du programme commun de l'Union de la gauche ?
02:35 Ce sont tous les défis que nous allons analyser dans les semaines qui viennent.
02:39 Vous restez avec nous, Patrick-Martin Jeunier.
02:42 On va aller du côté de l'Allemagne.
02:44 Parce qu'on a parlé de la montée de l'extrême droite ici en France et dans d'autres pays.
02:48 En Allemagne aussi, cette extrême droite s'est renforcée de ses européennes.
02:51 Alors, peut-être pas autant qu'elle le souhaitait.
02:53 Mais avec un peu plus de 16 % des suffrages alternatifs pour l'Allemagne,
02:57 elle arrive en deuxième position, derrière l'alliance conservatrice de l'Union chrétienne-démocrate,
03:01 la CDU, avec la CSU, 29,5 % des voix.
03:06 On en parle avec Anne Maillet, notre correspondante à Berlin.
03:09 Bonjour, Anne.
03:11 Le réveil est difficile ce matin pour Olaf Scholz.
03:14 Son parti, les social-démocrates du SPD, il est loin derrière.
03:18 Troisième, c'est une claque très sévère.
03:21 Oui, la coalition d'Olaf Scholz est très impopulaire en Allemagne.
03:28 Et ce scrutin en est la parfaite illustration.
03:31 À E3, le parti social-démocrate du chancelier, les écologistes et les libéraux du FDP
03:38 ont obtenu respectivement 13,9, 11,9 et 5,2 % des voix,
03:44 soit moins d'un tiers des électeurs qui se sont déplacés aux urnes hier en Allemagne.
03:50 C'est le plus mauvais score du SPD dans des élections européennes.
03:54 Et c'est une défaite également très amère pour les écologistes,
03:57 qui perdent 8 points par rapport à 2019.
04:00 Un vote sanction qui profite essentiellement, vous l'avez dit, à l'Union chrétienne-démocrate,
04:06 la CDU-CSU qui arrive clairement en tête avec 30 % des voix.
04:11 Hier soir, au vu de ces résultats, le secrétaire général de la CDU déclarait d'ailleurs
04:17 que le chancelier serait bien avisé de poser la question de confiance au Parlement
04:22 et de remettre en cause donc son mandat et celui de son gouvernement.
04:26 Alors on n'en est clairement pas encore là ici en Allemagne,
04:30 mais ces résultats sont de très mauvais augure pour le SPD et les autres partis gouvernementaux,
04:35 puisque nous sommes ici à 15 mois des prochaines élections législatives
04:40 et à 3 mois d'élections régionales qui vont se tenir dans l'Est du pays,
04:45 où le parti d'extrême droite AFD est particulièrement bien implanté.
04:49 Alternative für Deutschland qui réalise un bon score,
04:53 score moins important qu'annoncé par les sondages,
04:58 mais tout de même un bon score pour l'extrême droite en Allemagne.
05:04 Oui, l'AFD qui a bondi à 15,9 % et qui devient donc dans ce scrutin
05:09 tout du moins la seconde force politique du pays.
05:12 C'est le meilleur score réalisé par la formation d'extrême droite à des élections.
05:16 Dans les régions de l'Est, il est clairement en pole position
05:20 avec 29 % des voix en moyenne dans les länder d'ex-Allemagne de l'Est, d'ex-RDA.
05:26 Une percée malgré les scandales, malgré les affaires qui ont entouré
05:31 la formation d'extrême droite et son chef de file pour les européennes,
05:35 Maxime Liancra, depuis le début de l'année,
05:38 malgré également l'exclusion de l'AFD du groupe ID, Identité et Démocratie
05:42 au Parlement européen, et malgré aussi une mobilisation citoyenne
05:46 très importante ici en Allemagne depuis le début de l'année
05:49 contre l'extrême droite, avec des centaines de manifestations
05:53 contre l'AFD qui a toutefois réussi à faire de ce scrutin
05:57 un référendum sur le soutien à l'Ukraine et surtout sur l'immigration.
06:02 Et c'est une stratégie payante puisque cela va permettre au parti AFD
06:06 d'envoyer 15 députés à Strasbourg, des députés qui restent toutefois
06:10 pour l'heure sans affiliation.
06:12 Anne Maillet depuis Berlin pour France 24.
06:14 Merci beaucoup Anne pour ces enseignements.
06:17 Je me retourne du côté de notre invité Patrick-Martin Jeunier.
06:20 Anne a un peu finalement résumé ce qui va se passer du côté du Parlement européen.
06:24 Je ne sais pas si on va pouvoir voir ce camembert,
06:27 cette future composition du Parlement.
06:29 Il y a certes une montée de l'extrême droite, mais on le voit,
06:32 ces groupes, ils sont tout à droite ici, ce sont les trois principaux
06:38 qu'on voit sur le côté, 73, 58, 45, des groupes qui ne sont pas unis.
06:44 Avec des sujets de désaccord, l'AFD s'exclue d'lui-même
06:49 après des dérapages et des sympathies néo-nazis.
06:54 Certains sont pro-Kremlin, d'autres ne le sont pas.
06:57 Certains sont pro-Ukraine, d'autres évitent de se prononcer.
07:00 Tout l'enjeu pour l'extrême droite européenne, c'est de tenter de s'unifier.
07:04 Est-ce que c'est vraiment possible ?
07:05 Est-ce qu'il peut y avoir une extrême droite forte au Parlement ?
07:10 Non, cet hémicycle que l'on voit montre bien que l'extrême droite
07:13 est condamnée à l'échec.
07:15 Il n'y aura pas d'alliance.
07:17 On sait très bien que ce qu'on appelle les conservateurs réformistes,
07:20 notamment de Mme Mélanie, ne sont pas d'accord avec l'identité démocratie de l'extrême droite.
07:25 Vous avez parlé de l'AFD allemande, qui est quand même très sulfureuse,
07:29 avec des inspirations néo-nazis, qui sont infréquentables,
07:32 non seulement pour les partis traditionnels, mais même pour la droite.
07:36 Les partis de l'extrême droite qui se bouchent le nez.
07:38 Ah oui, voilà.
07:39 Ils auront une capacité de nuisance parce qu'ils vont tenter d'obtenir des postes au Parlement européen.
07:44 Dès demain, on va essayer de se répartir des présidents de commissions,
07:47 des vice-présidents du Parlement européen.
07:49 Mais on voit bien qu'ils vont être isolés et que c'est le parti de la droite modérée,
07:53 PPE, vous avez parlé d'être CDO, au sein duquel siègent les républicains en France
07:58 qui vont avoir la force politique avec les sociodémocrates.
08:02 Donc en réalité, on va se retrouver avec des coalitions entre la gauche modérée
08:06 et la droite modérée au sein desquelles la droite extrême va être considérablement isolée.
08:10 Voilà.
08:11 Donc il n'y aura pas d'union.
08:13 Ils vont être isolés dans cet hémicycle du Parlement européen.
08:17 Ils pourront avoir une capacité de nuisance.
08:19 Dès lors qu'il va falloir voter sur des directives en matière d'immigration,
08:23 en matière d'environnement, d'écologie.
08:25 Mais voilà, ils n'auront pas un grand avenir.
08:27 Et en tout cas, la progression des extrêmes droites est moins importante que ce que l'on croyait.
08:32 Ils ont bien grandi en Allemagne, en France, en Pologne, en Italie.
08:37 Mais Mme Mélanie, eh bien, pourrait se retourner ailleurs, vers une droite plus classique.
08:42 Et aussi, qui on sait d'ailleurs, que Ursula von der Leyen,
08:45 qui est gagnante dans ce scrutin avec son parti politique,
08:48 eh bien, ne refusera pas un éventuel soutien de Mme Mélanie.
08:52 C'est ça la grande surprise.
08:54 Eh bien, je crois que Mme Mélanie va être faiseuse de roi pour la présidence de la Commission européenne.
09:00 Et peut-être se tourner donc du côté du PPU.
09:02 Ursula von der Leyen, elle sort gagnante de ces scrutins.
09:05 Oui, manifestement.
09:06 Parce que son groupe politique, qui sera aux alentours de 180, 185 sièges,
09:10 sera le groupe le plus important du Parlement européen,
09:14 avec les sociodémocrates aux alentours de 140.
09:17 Donc, elle sort considérablement reforcée.
09:19 Elle est bien partie pour être désignée la nouvelle candidate à la présidence de la Commission européenne,
09:25 même si elle était affaiblie dans son propre camp,
09:28 où elle n'a pas nécessairement recueilli tous les avis positifs qu'il fallait.
09:32 Mais en tout cas, elle est bien partie.
09:33 Il va revenir au chef d'État et de gouvernement de désigner une personnalité
09:37 pour exercer le prochain mandat de président de la Commission européenne.
09:41 Et je crois que Manu Ursula von der Leyen est bien partie,
09:44 vu que les partis sociodémocrates ne sont pas en position de force pour obtenir cette présidence.
09:49 Ça veut dire qu'il n'y aura pas de grands changements de fonds
09:52 sur la ligne de l'Union européenne dans les mois à venir ?
09:55 Je pense à des questions importantes,
09:57 comme l'attitude à adopter vis-à-vis de l'Ukraine et de la Russie,
10:00 l'immigration, l'écologie, l'agriculture, le commerce.
10:03 Non, je crois qu'il n'y aura pas de grands changements,
10:05 pour la simple raison que la droite modérée et la gauche modérée
10:08 ont voté un certain nombre de textes en commun.
10:10 Je pense notamment au pacte asile-immigration,
10:13 même si M. Glucksmann lui-même ne l'a pas voté.
10:15 Son groupe politique l'a voté, le groupe de Mme Ursula von der Leyen l'a voté.
10:19 Et donc, je crois qu'on va continuer sur la même ligne,
10:21 une ligne à la fois modérée pour l'écologie,
10:26 les textes en matière d'environnement seront votés,
10:28 cette nécessité de mieux traiter le droit d'asile, le droit à la protection des frontières,
10:33 le marché intérieur, la citoyenneté, l'aide à l'Ukraine.
10:37 Je pense que l'aide à l'Ukraine, ce sera fondamental
10:40 et que la position du Parlement européen ne va pas fondamentalement changer sur cette question.
10:45 En d'autres termes, je pense que la prochaine législature
10:47 va ressembler à celle que nous avons eue, avec, il est vrai,
10:51 une extrême droite renforcée, mais laquelle reste aujourd'hui divisée.
10:54 Et puis, il y a d'autres scrutins qu'il va falloir regarder.
10:56 Les U.S. ont tourné du côté des États-Unis aussi,
10:58 parce que là aussi, on craint une montée du populisme
11:00 et ça jouera sur la politique européenne également
11:02 et l'attitude vis-à-vis de Kiev.
11:04 Bien sûr, ça va jouer sur la politique européenne.
11:06 Un des principaux défis de l'Union européenne,
11:08 c'est d'être en situation de renforcer sa propre capacité de défense.
11:12 On parle beaucoup, par exemple, d'une défense européenne qui n'existe pas aujourd'hui,
11:16 mais est sur la table aujourd'hui.
11:19 L'accroissement des capacités militaires et financières européennes,
11:23 notamment à travers un fonds européen de défense,
11:26 qui pourrait être doté, on parle d'une centaine de milliards d'euros.
11:29 Ce sont des propositions qui ont été faites tant par les socialistes
11:32 que par la droite classique, propositions faites par Thierry Breton également et par Re-New,
11:37 ce qui veut dire qu'aujourd'hui, si Donald Trump devait être élu président des États-Unis,
11:42 ça forcerait l'Europe encore à mieux renforcer sa propre capacité à se défendre.
11:47 Et d'ailleurs, que ce soit Trump ou un autre à la Maison-Blanche,
11:50 il faudra bien que l'Europe accepte un jour de consacrer bien plus d'argent à sa défense,
11:55 mais aussi à l'aide à l'Ukraine.
11:57 Merci, merci beaucoup Pierre-Martin Jeunier d'avoir été notre invité ce matin
12:02 et de nous avoir aidé à tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de ces élections européennes.