Dissolution de l'Assemblée nationale : "C'est un pari risqué", selon le politologue Tristan Haute

  • il y a 4 mois
Après l'échec de la majorité aux élections européennes, Emmanuel Macron a annoncé ce dimanche soir la dissolution de l'Assemblée nationale. Maître de conférences à l'Université de Lille, Tristan Haute décrypte pour France Bleu Nord les différents scénarios possibles avant les législatives.

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Transcription
00:00 - Bonjour Tristan Haute. - Bonjour.
00:01 - Une dissolution ce n'est pas une petite décision en politique,
00:04 cela veut dire de nouvelles élections législatives sans qu'elles soient précédées
00:07 d'une élection présidentielle, avant d'examiner les différents scénarios qui pourraient se produire.
00:11 Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il pris cette décision selon vous ?
00:14 - Sans doute parce qu'il sent que sa majorité est extrêmement fragile,
00:18 néanmoins c'est un pari assez risqué, parce que le risque c'est que sa majorité disparaisse.
00:23 Peut-être qu'il y a l'idée aussi de faire exercer le pouvoir à d'autres,
00:28 et notamment à l'extrême droite, ou en tout cas de laisser cette possibilité
00:34 en vue d'une présidentielle de 2027 qui s'annonçait déjà extrêmement serrée, ou en tout cas indécise.
00:41 - Parce que finalement Emmanuel Macron depuis sa réélection en 2022
00:44 n'a qu'une majorité relative à l'Assemblée nationale, il aurait pu continuer comme ça.
00:48 Qu'est-ce qui a changé ce week-end ? C'est vraiment le score du Rassemblement national,
00:52 l'écart qu'il y a avec la majorité qui a servi de bascule ?
00:55 - Plutôt la faiblesse du score de la majorité présidentielle.
00:59 On a une majorité présidentielle qui est en dessous des 15%, sans aucune alliance possible,
01:06 et avec le risque que finalement les oppositions à l'Assemblée nationale,
01:11 et même les partis qui étaient plus indécis comme les Républicains, fassent tomber le gouvernement.
01:16 Il y avait peut-être aussi une volonté de prendre de court ses adversaires potentiels, et notamment la gauche.
01:20 - Une dissolution de l'Assemblée nationale, ça veut dire donc élection législative,
01:23 premier tour le 30 juin, deuxième tour le 7 juillet, différents scénarios.
01:27 Premier scénario hypothétique, est-ce que la majorité présidentielle pourrait en ressortir,
01:32 renforcer vainqueur de ces élections législatives, ou ça c'est complètement illusoire ?
01:36 - C'est illusoire, sauf énorme remobilisation des électeurs et électrices d'Emmanuel Macron de 2017,
01:43 qui en partie sont partis vers d'autres listes, qui sont partis vers l'abstention,
01:47 et en trois semaines ça paraît quand même assez illusoire de ce point de vue-là.
01:51 Et s'il y a trois blocs, entre guillemets, le bloc auquel correspond la majorité présidentielle
01:56 semble aujourd'hui complètement distancé.
01:58 - Donc si la majorité présidentielle n'est plus justement en majorité à l'issue de ces élections législatives,
02:04 il pourrait y avoir cohabitation éventuellement avec un parti d'opposition.
02:07 Comment choisisse-t-on avec qui on cohabite ?
02:10 Forcément le parti qui est vainqueur aux élections législatives ?
02:12 - Le parti qui est vainqueur aux élections législatives, s'il parvient à former un gouvernement,
02:17 et si ce gouvernement finalement n'est pas renversé par l'Assemblée.
02:21 Tout l'enjeu est là en fait, finalement.
02:23 Tout l'enjeu est de savoir si un gouvernement obtiendra une majorité absolue contre lui,
02:28 ou s'il ne l'obtient pas, s'il se maintient comme c'est le cas actuellement finalement.
02:32 - Ça veut dire que finalement le rassemblement national qui est porté aujourd'hui par ces élections européennes,
02:36 s'il arrive premier aux élections législatives, s'il n'arrive pas à former un gouvernement,
02:41 s'il y a motion de censure ensuite contre le gouvernement,
02:42 c'est pas forcément le rassemblement national qui aura des ministres au gouvernement.
02:46 - Tout à fait.
02:46 - C'est-à-dire qu'il pourrait aussi y avoir cohabitation avec des partis de gauche,
02:50 ça peut aussi se faire éventuellement.
02:52 - Oui, ça peut se faire, ça suppose que finalement la gauche s'entende,
02:56 puisque ce qu'il faut savoir aux législatives, c'est que ne sont qualifiés au second tour que les deux premiers candidats,
03:01 en tout cas que les candidats qui n'obtiennent plus de 12,5% des inscrits, donc souvent ce ne sont que les deux premiers.
03:05 Et donc ça suppose que les candidats de gauche arrivent dans les deux premiers,
03:11 c'est aussi pour ça que la majorité présidentielle risque d'être complètement évincée de ces élections législatives.
03:15 - 7h49, nous sommes en direct avec le politologue Tristan Haute, maître de conférence à l'université de Lille.
03:21 - Le rassemblement national, Tristan Haute, lors de ces élections européennes, a progressé partout en France,
03:26 dans le Pas-de-Calais, le RN est même à 47%, c'est 35 points devant la liste de Valérie,
03:33 et il y est, plus que son score, c'est son avance qui est à souligner,
03:37 c'est ça qu'on remarque avec ce scrutin du 9 juin, qui est peut-être différent des autres vis-à-vis de ça ?
03:42 - Alors c'est une avance très considérable du RN, parce qu'on voit que finalement,
03:47 la majorité présidentielle est très faible, les autres listes sont fortement divisées,
03:51 il y a une capacité du RN qui a été de mobiliser ses électrices et électeurs de la présidentielle,
03:57 qui a été aussi de les faire re-voter pour le RN,
04:01 mais aussi d'attirer des électrices et électeurs qui s'étaient tournés vers d'autres candidats,
04:06 en 2022, qui s'est tourné vers Valérie Pécresse, voire Éric Zemmour, voire même Emmanuel Macron,
04:11 qui se tournent aujourd'hui vers le RN.
04:14 Il y a une forme d'attraction à droite du RN qui est extrêmement forte,
04:20 et qui va bien au-delà des terres traditionnelles d'implantation du RN.
04:27 - Si on regarde l'ordre des listes, RN 1er, Valérie Ayé, la liste de la majorité présidentielle,
04:33 vous l'avez dit, moins de 15% qui arrivent malgré tout.
04:35 2ème juste derrière, il y a la liste PS Place Publique portée par Raphaël Glucksmann,
04:40 le sénateur du Nord Patrick Cannaire était avec nous en direct tout à l'heure à 7h,
04:44 il estimait qu'il pourrait y avoir un rééquilibrage,
04:47 que les socialistes allaient pouvoir davantage peser dans une éventuelle union de la gauche face à la France insoumise.
04:52 C'est possible ça aussi que la gauche s'unisse en prévision de ces élections législatives ?
04:57 - Alors c'est possible, c'est sans doute assez laborieux, il y a différentes positions,
05:01 parce qu'à la fois le résultat d'hier pousserait les socialistes à demander un rééquilibrage,
05:06 mais en même temps il a montré la capacité dans un scrutin qui lui était quand même assez défavorable
05:11 de la France insoumise à résister, elle est quand même arrivée en tête à Lille,
05:14 à Roubaix, dans d'autres grandes villes de France,
05:17 et par exemple dans le département du Nord, elle devance les socialistes,
05:20 malgré un résultat assez faible, donc il faut quand même relativiser,
05:24 on voit que dans de nombreux territoires urbains, populaires, jeunes,
05:28 la France insoumise devance très nettement les socialistes,
05:31 et on a des résultats parfois un peu plus importants, mais beaucoup plus homogènes sur le territoire.
05:36 - On va le rappeler, le Rassemblement National aujourd'hui a 88 députés à l'Assemblée Nationale,
05:41 pour 577 députés au total, vous y croyez à une victoire du RN aux prochaines élections législatives ?
05:50 Parce que même si en valeur absolue ça reste le premier groupe d'opposition à l'Assemblée Nationale,
05:57 toute la gauche unit ses représentants, la gauche est "devant" le RN,
06:02 il n'y a pas vraiment d'alliés non plus, donc ils sont obligés de gagner sur leur nom à eux.
06:06 - Il y a trois facteurs qui vont permettre ou non une victoire du RN ou de la gauche,
06:12 c'est d'abord la question des alliances, est-ce qu'il y aura union de la gauche ou non,
06:17 c'est ensuite la question de la mobilisation électorale,
06:20 on voit qu'aujourd'hui le RN parvient à mobiliser très fortement ses électrices et ses électeurs,
06:24 est-ce que la gauche parviendra à faire de même ?
06:27 Et le troisième facteur, comment vont agir les électeurs en cas de second tour
06:31 quand il y aura des duels entre la République En Marche-Renaissance aujourd'hui et le RN,
06:36 ou entre la gauche et le RN ?
06:39 Ces trois enjeux sont loin d'avoir des réponses évidentes aujourd'hui.
06:43 - Il faudra regarder aussi ce que font les Républicains, on ne les a pas cités,
06:46 la liste de François-Xavier Bellamy qui recueille 7,24% des voix au niveau national,
06:51 le POT, président des Républicains, a dit hier soir qu'il n'y aurait pas d'alliance avec la majorité présidentielle.
06:56 En tout cas, on regardera tout ça dans les jours, les semaines qui viennent
06:59 avec ces élections législatives 30 juin pour le premier tour, 7 juillet pour le second.
07:02 Merci beaucoup Tristan Haute de nous avoir aidé ce matin à décrypter les enseignements de ce scrutin sur France Bleu Nord.
07:08 Bonne journée ! - Bonne journée !

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