Anne Fulda reçoit Lisa Kamen-Hirsig pour son livre «La grande garderie» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'Heure des livres, Lisa Kamaniersig.
00:02 Vous êtes professeure des écoles depuis 2004.
00:05 Vous vous exercez aujourd'hui dans un établissement privé,
00:08 sous contrat. - Oui.
00:09 - Et vous venez de publier "La Grande Garderie,
00:12 comment l'éducation nationale sacrifie nos enfants",
00:14 un livre qui est paru chez Albin Michel,
00:17 un ouvrage coup de poing qui met les points sur les i.
00:20 Alors, "La Grande Garderie", c'est tout simplement l'école.
00:24 Vous écrivez une immense garderie de 12 millions d'enfants
00:27 où ils tâteront le lait des valeurs de la République
00:30 et où l'engagement citoyen est obligatoire
00:32 si on ne veut pas aller au coin.
00:34 Ils apprendront l'obéissance, le dogmatisme,
00:36 le mépris de leur langue et de leur histoire.
00:38 Vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère.
00:41 L'enseignement des valeurs de la République,
00:43 c'est pas bien ?
00:44 - C'est une religion laïque.
00:46 On a extirpé violemment la religion
00:49 de ce qui, à l'époque, ne s'appelait pas l'éducation nationale,
00:52 qui était l'école de la Troisième République.
00:55 Autrefois, l'école était plutôt organisée
00:58 et les cours étaient donnés par des religieux.
01:01 À la fin du 19e siècle, au début du 20e siècle,
01:03 on a extirpé la religion de ce système,
01:06 finalement, pour la remplacer par d'autres religions,
01:10 dont la laïcité et les valeurs de la République,
01:13 telles qu'on les nomme aujourd'hui.
01:15 On peut écrire "école de la République" en un seul mot.
01:18 Plus jamais aucun homme politique ne dit
01:20 "l'école" ou "l'instruction publique".
01:23 C'est vraiment l'école de la République,
01:25 avec la laïcité, l'égalité,
01:26 l'égalité entre les garçons et les filles,
01:29 l'égalité entre les races.
01:30 On a que ce mot à la bouche.
01:32 Dans les valeurs de la République, il faut voir ce qu'on met.
01:35 Je suis d'accord pour qu'on y mette l'ambition pour un pays,
01:39 l'ambition d'instruire ses enfants.
01:41 Il ne faut pas que ça se fasse au détriment
01:43 de la liberté de penser, de l'esprit critique.
01:46 Je crois que les élèves...
01:49 Je ne sais pas, les petits Anglais,
01:51 les petits Belges qui vivent en monarchie
01:53 ne sont pas moins bien instruits
01:55 que les petits Français en République.
01:57 - Surtout que ça se fasse au détriment de l'instruction.
02:00 C'est ça, l'essentiel.
02:02 Vous dédiez ce livre à vos deux grands-mères,
02:04 dont l'une voulait devenir institutrice,
02:06 mais aussi à tous les élèves qui écrivaient,
02:09 "quel qu'il soit, pitre, feuilleaux, grincheux, passionnés,
02:12 "ou désinvolte, veulent avant tout apprendre."
02:15 Le problème, c'est qu'apprendre, aujourd'hui,
02:17 c'est ça qui est compliqué.
02:19 C'est la mission première de l'école.
02:21 Ce que vous démontrez,
02:22 c'est que ça ne semble plus être l'objectif premier.
02:25 - Les enfants arrivent à l'école, tout petits,
02:28 car en France, l'école est obligatoire à partir de 3 ans.
02:31 Ce qui est quand même très jeune.
02:33 Ce n'est pas le cas de tous les pays.
02:35 Nous, on arrache les enfants à leurs parents à l'âge de 3 ans.
02:39 Les parents sont obligés de les confier à l'école à 3 ans.
02:42 Sinon, il faut qu'ils prouvent qu'ils les instruisent à la maison.
02:46 Ils arrivent à l'école avec plein de très belles idées
02:50 sur ce qu'on va leur proposer.
02:52 C'est bien normal, puisqu'on leur dit
02:54 "tu vas apprendre à lire,
02:55 "tu vas apprendre la littérature, l'histoire, la géographie de ton pays."
02:59 Souvent, les parents et les grands-parents
03:02 se font une représentation très idéaliste
03:04 de ce que l'école va donner à leurs enfants.
03:07 Or, quand ils arrivent, les enfants sont plutôt...
03:09 C'est pour ça que j'ai appelé le livre "La grande garderie".
03:13 On les divertit agréablement.
03:16 On leur fait faire beaucoup d'écologie.
03:18 Là, j'ai vu qu'en septembre,
03:20 il y avait des écoles qui avaient demandé à leurs élèves
03:23 d'aller ramasser les déchets.
03:25 Trois ou quatre heures de ramassage de déchets.
03:28 Les déchets des autres, parce que c'est pas un élève de CM1.
03:32 Je pense pas qu'ils polluent la planète
03:34 au point de lui demander d'aller ramasser les déchets des autres.
03:37 On leur demande de planter des arbres.
03:40 Pour moi, effectivement...
03:41 Enfin, pour moi.
03:43 Je vois que pour eux, c'est souvent une déception.
03:46 Les jeunes qui ont subi l'école publique,
03:48 par ma faute, parce que c'était un choix,
03:50 j'ai tenté l'école publique, c'était une grosse déception.
03:54 -Vous dénoncez ces nouvelles religions
03:56 que sont l'égalitarisme, l'antiracisme, l'écologisme.
03:59 Donc, finalement, c'est une manière de dire
04:02 certaines idées plutôt à gauche.
04:04 -Alors, parce que je ne suis pas de gauche,
04:06 on me dit que je suis de droite.
04:08 Alors, moi, je pense que ces idées qui sont...
04:11 Elles peuvent être rangées à gauche,
04:14 mais il me semble que les gens de droite
04:16 ne sont pas contre l'égalité non plus.
04:18 Moi, je ne suis pas... Je suis féministe.
04:21 Je suis pour que les petits garçons et les petites filles
04:24 aient les mêmes droits, que les femmes
04:26 puissent travailler, avoir un compte en banque,
04:29 s'exprimer publiquement, etc.
04:30 Mais ce que je veux dire, c'est que ces idées
04:33 sont dévoyées par la gauche.
04:35 On en fait des "ismes".
04:36 L'écologisme, à l'école, c'est moins bien.
04:39 Ce que je reproche, à l'école,
04:41 c'est la dépolitiser. Je pense qu'il faut la dépolitiser,
04:44 pas pour la mettre à droite,
04:46 pour que la politique n'entre pas à l'école
04:48 et qu'on se contente d'instruire les enfants.
04:51 Ils n'ont pas besoin qu'on ouvre leur cerveau
04:53 pour les farcir d'idéologie, quelle qu'elle soit.
04:56 -Vous estimez que, finalement, aujourd'hui,
04:59 l'école est devenue carrément dangereuse pour nos enfants.
05:02 Vous mettez ça, entre guillemets, à un tel point.
05:05 -Oui, oui.
05:06 -Parce qu'elles déforment leur esprit critique,
05:09 elles ne l'existent pas.
05:11 -Les élèves qui sont instruits à la maison
05:13 réussissent très bien dans les études,
05:16 réussissent très bien leurs examens.
05:18 Je ne sais pas si l'école est toujours dangereuse.
05:21 Ce que je sais, c'est que les enfants qui "échappent"
05:24 à l'école, entre guillemets, par le choix de leurs parents,
05:28 réussissent très bien leurs études, réussissent très bien à l'école.
05:31 Enfin, plus tard, à l'école, dans leurs études.
05:34 Je sais aussi que dans les pays où l'instruction n'est pas obligatoire
05:38 comme dans le pays du Nord, où on envoie les enfants à l'école
05:41 un peu plus tard, à 6-7 ans,
05:43 et où, parfois, les enfants vont un peu moins longtemps à l'école
05:47 parce qu'on leur propose plutôt des apprentissages.
05:50 Ils réussissent bien leur vie.
05:52 Nous, on a des générations entières qui sortent sans diplôme.
05:57 Voilà.
05:58 -Pour vous faire votre jugement,
06:00 je vous conseille de lire "La Grande Garderie".
06:03 Merci, Lisa Kamen-Ircic.
06:05 En tout cas, c'est à lire, "La Grande Garderie",
06:08 qui est séparé chez Albain Michel. Merci.
06:10 -Merci, Anne Filda.
06:12 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
06:15 [SILENCE]