Vincent Henneron , le président de l'union sociale pour l'habitat en région Centre-Val de Loire
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00:00Pour le moment, il est 7h50, Marie d'Orsay, on le rappelle, les difficultés pour accéder
00:04aux logements sociaux s'accentuent et la situation actuelle n'incite pas à l'optimisme,
00:09on peut le dire.
00:10Est-ce que vous, vous avez du mal à en obtenir un, d'ailleurs, de logement social ? Est-ce
00:13que vous êtes sur liste d'attente depuis longtemps ? Venez témoigner dès maintenant
00:16au 02 38 53 25 25.
00:19Et Marie, pour en parler, nous sommes avec le président de l'Union sociale pour l'habitat
00:23dans la région Centre-Val de Loire.
00:25Bonjour Vincent Enron.
00:26Bonjour, merci pour votre invitation.
00:27Quelle est la situation actuellement pour le logement social dans la région ?
00:31La situation du logement social est dans une situation assez compliquée puisque ça fait
00:35très longtemps que moi je travaille et on est dans une situation quand même qui est
00:37extrêmement compliquée depuis que je peux voir l'évolution du truc.
00:41On a, pardon je bafouille un peu ce matin, on a une explosion de la demande, on a plus
00:47de 70 000 demandes en ce moment de gens qui sont en demande de logement, c'est plus 9%
00:51par rapport à 2022 et on a attribué seulement que 19 000 logements l'année dernière.
00:55Donc vous voyez, on a cette contraction qui fait qu'on a une explosion de la demande
00:58et très peu d'offres finalement à offrir.
00:59Et alors comment ça se fait que vous ayez entre guillemets aussi peu d'offres ?
01:03C'est surtout que notre modèle économique et social est vraiment en difficulté.
01:07On a eu depuis l'épisode Covid, après l'inflation qui a monté, des taux aussi sur les financements
01:12qui ont monté, les taux de l'énergie également.
01:14Donc ça pèse à la fois sur nos investissements.
01:16Je voudrais juste rappeler que l'ensemble des bailleurs sociaux c'est 950 millions de
01:20chiffres d'affaires ici sur la région et on investit les trois quarts en investissement,
01:23c'est-à-dire plus de 700 millions d'euros sont investis annuellement dans l'économie
01:26locale.
01:27Donc on est des forts contributeurs d'investissement, ça nous pèse énormément dans notre compte
01:30de résultats.
01:31Et à côté de ça, on voit qu'il y a aussi une précarité assez forte de nos locataires
01:35et on doit faire face aussi à cette précarité qui augmente notamment nos impayés par exemple.
01:38Donc c'est là où je dis que sur le modèle social, on est aussi très inquiets.
01:41En fait, c'est un cercle vicieux pour bien l'expliquer à nos auditeurs.
01:43Quand vous parlez d'investissement, ça veut dire de la construction de logements neufs,
01:46de l'entretien de logements sociaux ?
01:48C'est exactement ça.
01:49C'est à la fois la construction neuve, la réhabilitation de notre patrimoine, l'entretien
01:52également.
01:53Donc on doit faire face à ces massifications, c'est normal, on nous demande de construire
01:56fortement et on a un besoin très fort.
01:59On nous demande également d'accompagner nos clients et puis de réhabiliter parce qu'on
02:03est aussi dans des stratégies bas carbone, je rappelle qu'on est aussi dans des stratégies
02:05aussi de décarbonation de nos activités avec la stratégie nationale bas carbone à
02:09horizon 2050.
02:10Donc on doit massifier également l'ensemble de la réhabilitation de notre patrimoine.
02:14L'État vous avait donné des objectifs, vous les avez quand même atteints dans la
02:17région quasiment ?
02:19Oui, on est d'ailleurs la première région à avoir atteint à l'échelle nationale nos
02:21objectifs de production.
02:22Ça c'est plutôt une bonne nouvelle ?
02:23C'est plutôt une bonne nouvelle et ça montre effectivement le niveau de responsabilité
02:26quand même de l'ensemble des bailleurs sociaux ici sur la région.
02:28Pour donner aussi un ordre de grandeur, c'est-à-dire à l'échelle nationale on a quand même
02:322,6 millions de personnes qui sont en attente d'un logement social et 4,2 millions, à
02:35peu près plus de 4 millions de personnes qui sont mal logées.
02:38Donc on voit bien qu'il y a quand même un effet assez important et on n'est pas à l'arrivée.
02:42Les objectifs nationaux étaient de 120 000 logements sociaux en production l'année
02:46dernière.
02:48Et on dit qu'en France normalement il faudrait produire l'offre locative et l'offre privée
02:52à peu près 500 000 logements, on est à peine à 350 000 donc il y a un vrai problème
02:55ça.
02:56Mais dans la région il y avait une demande de 2 600 logements neufs, il y en a eu 2 500
03:00de construits, on n'est pas trop mal ?
03:02Il y a eu 2 500 agréments, c'est-à-dire qu'on a été agréé par l'État en termes
03:06de financement.
03:07Derrière il y a souvent aussi des décrochages d'ordre de service.
03:08Pour vous donner aussi un ordre de grandeur, il nous faut à peu près 3-4 ans pour monter
03:13un dossier.
03:14Donc on a une inertie qui est très forte entre le moment où on décide de faire quelque chose
03:17et la production où les gens vont rentrer réellement dans leurs logements de 3-5 ans,
03:20donc c'est énorme.
03:21Cette situation, ça a quoi comme conséquence, peut-être à court ou moyen terme, pour les
03:26bailleurs sociaux de la région ?
03:27Pour les bailleurs sociaux, on va devoir faire des choix, on va devoir faire des choix entre
03:32construire un logement neuf, réhabiter le patrimoine, continuer à entretenir face aussi
03:36à ces effets de masse qui importent sur notre compte de résultat.
03:39On a un taux du livret A par exemple qui est à 3%, c'est bien pour les concitoyens, c'est
03:43un peu moins pour les bailleurs sociaux, plus de 90% de notre dette est indexée sur
03:47le prêt du livret A.
03:48Donc quand vous avez 1% de livret A qui augmente, c'est à peu près 5% aussi de ponctions supplémentaires
03:55dans les charges financières de l'entreprise.
03:56Donc ça c'est des choses que vous demandez au moins à geler, c'est ça ?
03:59Alors nous on demande aussi une première chose qui est très destructeure quand même
04:02en ce moment chez nous, c'est la réduction de loyer de solidarité, la RLS qui est un
04:06montant de taxes et d'imposition qui a été fait avec la loi de finances de 2018.
04:10C'est 5% quand même de notre chiffre d'affaires qui est ponctionné depuis 2018, donc vous
04:14imaginez à l'échelle de la région c'est 44 millions d'euros qui sont ponctionnés
04:17sur les bailleurs sociaux.
04:18Donc vous faites le calcul, c'est sur les cinq dernières années, c'est 200 millions
04:22d'euros de loyer en moins qu'on a perçu, donc autant d'investissement qu'on n'a pas
04:25pu faire.
04:26Nous ce qu'on demande c'est qu'effectivement on gèle cette RLS de telle manière qu'on
04:29reprenne du souffle.
04:30On nous apporte aussi un prêt bonifié de telle manière, parce qu'on fait des amortissements
04:34de très long terme, on fait des financements de très long terme, vous imaginez le niveau
04:36d'investissement qui est très long.
04:38Nous ce qu'on nous demande c'est qu'on ait des prêts bonifiés à peu près autour de
04:401%-1,5% de telle manière qu'on puisse continuer à investir.
04:43Et puis la troisième chose qu'on a demandé c'est aussi de revenir à une TVA à 5,5%
04:48puisqu'on est actuellement à une TVA à 10%.
04:50Donc vous voyez on a besoin de reprendre notre souffle et grâce je pense à ces mesures
04:53qui peuvent être concrètes et très rapides, ça nous permettrait de jouer à plein de trolls
04:57contracycliques.
04:58Et ça permettrait aussi peut-être d'offrir plus de logements aux personnes en attente
05:02parce que ça aussi c'est ça au final l'important.
05:05L'important c'est effectivement d'offrir un logement à ces demandeurs, 70 000 demandes
05:09quand même dans cette région et je pense que les chiffres que j'ai en tête aussi ne
05:13font que monter.
05:14Donc ça permettrait d'offrir un logement neuf, vous imaginez 44 200 millions d'euros
05:18on aurait pu produire à peu près 1 500 logements neufs ici sur la région depuis 2018.
05:22Donc on aurait pu aussi effectivement offrir à cette population qui en a réellement besoin
05:27un logement abordable et admissible aussi auprès de leurs loyers.
05:30Cette situation compliquée c'est d'une part vous nous l'avez bien expliqué parce que
05:34les bailleurs ont du mal à investir, c'est aussi parce que la demande augmente tout simplement.
05:38La demande augmente à l'échelle de notre région comme à l'instar sur le plan national
05:42et il faut faire face avec, avec des attentes et des besoins qui sont différents également.
05:46La demande essentielle est faite sur le logement individuel, on ne va pas se le cacher, les
05:50gens sont en attente d'un logement individuel et puis on a une demande aussi qui évolue
05:53très fortement.
05:54Ce qu'on peut constater nous c'est que sur le profil des demandeurs à lesquels on a
05:58attribué un logement l'année dernière, 70% des nouveaux entrants ont des revenus de
06:03plafond des ressources inférieurs aux 60% des revenus plus.
06:06C'est-à-dire que pour un célibataire, pour entrer dans un logement social dans une catégorie
06:10plus qui est le logement traditionnel, logement social, il faut à peu près 1800 euros de
06:13loyer mensuel.
06:14C'est-à-dire que les gens qui rentrent dans ces catégories en ce moment ont 60% de ces
06:18revenus en moins là en ce moment.
06:19Donc ça démontre bien qu'il y a à la fois une problématique sur comment on offre un
06:23logement neuf pour effectivement faire en sorte que les habitants de ce territoire
06:26puissent se loger et puis on a aussi en face de nous une précarisation assez forte des
06:30locataires qui rentrent dans le parc.
06:32Ce qui implique aussi peut-être des impayés de plus en plus importants.
06:35Qui implique effectivement des impayés, tant bien même que le loyer moyen pour donner
06:39un ordre de grandeur, un T2 ou même un T4, c'est moins de 400 euros quand même en loyer
06:43mensuel chez un bailleur social, c'est 20 à 30% moins cher que le parc privé, juste
06:47pour donner aussi un ordre de grandeur.
06:48Mais pour certaines personnes c'est énorme ?
06:49Bien évidemment, pour certaines personnes c'est compliqué parce que la situation économique
06:53telle que nos habitants ont aussi l'air de traverser avec l'inflation, ils font leurs
06:56courses, ils ont besoin de se loger, ils ont besoin ainsi de se soigner, de se nourrir.
07:00Donc les gens font des choix à la fin du mois.
07:02Donc des fois le logement est aussi un peu la variable d'ajustement.
07:04Vous l'avez dit, ça fait longtemps que vous travaillez dans le milieu, c'est inédit
07:07cette situation ?
07:08Oui, sincèrement, je ne veux pas encore une fois mettre de l'alerte sur de l'alerte
07:11par rapport à ce qu'on peut entendre en ce moment, mais franchement je ne l'ai pas
07:14vu depuis que je travaille, j'ai vu quelques crises, là c'est extrêmement compliqué
07:18sincèrement.
07:19Et puis les perspectives qu'on pouvait aussi voir avec la discussion qu'on avait avec
07:22l'État s'éloignent et on avait besoin de réformes de très court terme pour pouvoir
07:27effectivement faire notre job.
07:28Donc ça pour l'instant c'est suspendu à cause du contexte politique et justement cette
07:32situation politique, elle vous inquiète pour le court terme ?
07:35Elle m'inquiète en tant que professionnel de l'immobilier social parce qu'on se rend
07:39compte que les réformes qui devraient être appliquées pour notre secteur d'activité
07:43à mon avis vont être reportées et on ne voit pas le bout du tunnel par rapport à
07:46ça.
07:47Donc c'est inquiétant parce qu'encore une fois, notre vocation c'est d'offrir effectivement
07:49et d'aider les plus fragiles de notre pays et actuellement notre job il est compliqué
07:54à faire pour les raisons que j'ai évoquées.
07:55Merci beaucoup Monsieur Enron d'être venu nous expliquer toute la situation compliquée
07:59pour le logement social en centre Val-de-Loire.
08:01Merci beaucoup, bonne journée.
08:02Merci à vous.