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Gonéri le Cozannet

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00:00 France Bleu Orléans, 8h20, l'invité de France Bleu, comment adapter le secteur de l'assurance
00:05 au changement climatique ? C'est la question posée par un rapport remis il y a quelques
00:09 semaines au gouvernement. Antoine van den Riche, nous recevons ce matin en direct l'un
00:14 des auteurs de ce rapport. Il s'agit du chercheur orléanais Gonéri Le Cozannet.
00:18 Bonjour monsieur. Bonjour, merci de votre invitation. Alors vous êtes donc chercheur
00:23 orléanais, vous avez travaillé pour le GIEC pendant un an sur ce rapport d'expertise entre
00:28 l'assurance et le changement climatique. Le GIEC lance l'alerte, les assurances doivent
00:33 prendre en charge de plus en plus de sinistrés, c'est le premier constat de ce rapport. Oui,
00:37 alors effectivement ce n'est pas un rapport du GIEC, c'est un rapport qui a été commandé
00:40 par les ministres Christophe Béchut et Bruno Le Maire. En réalité le GIEC, il alerte
00:45 depuis 1995 sur ces questions de l'assurance et du changement climatique. On sait qu'il
00:48 y a plusieurs risques. Le premier risque c'est une augmentation des coûts. Le deuxième
00:53 risque c'est le fait que les assureurs ne vont plus vouloir assurer les zones les plus
00:56 à risque, donc ils vont potentiellement s'évader ou faire monter les prix. Et donc le troisième
01:00 risque qui en découle, c'est que les ménages les plus pauvres ne pourront plus s'assurer.
01:03 Donc tout l'enjeu de ce rapport c'était d'essayer de trouver des réponses à ces
01:08 risques qui sont posés par le changement climatique et qu'on connaît depuis 20 ou
01:11 30 ans quand même. Avec des aléas climatiques de plus en plus
01:13 fréquents, il y a les inondations, il y a des aléas liés à des tempêtes et il y
01:18 a aussi, on le connaît dans le Loiret, ce sont les maisons fissurées. Ça a été un
01:23 des points de votre rapport. Exactement. Alors ce qui est paradoxal c'est
01:26 que le changement climatique exacerbe à la fois les sécheresses et les plus intenses.
01:29 C'est le même processus physique, c'est une accélération du cycle de l'eau en fait.
01:33 Et ça, ça se traduit par des coûts extrêmement importants. En fait, ce qui a vraiment motivé
01:37 le rapport, c'est l'augmentation des coûts sur le retrait gonflement des argiles. Au-delà
01:41 d'un certain seuil, c'est pris en charge par un système qui s'appelle le système
01:44 de catastrophe naturelle, qui est un système très protecteur que beaucoup de pays étrangers
01:47 nous envient, qui en fait, on a un réassureur privé, public, qui réassure les assurances
01:54 privées en France. Et en fait, aujourd'hui, ce réassureur public, il était en perte
02:00 très importante en 2022. Le retrait gonflement des argiles, c'était 3,5 milliards d'euros
02:04 de dommages assurés. En 2003, qui était un événement exceptionnel précédent, c'était
02:08 un milliard. D'accord, donc une augmentation, le triple.
02:11 Alors, le triple sur deux événements extrêmes, avec une année normale, serait peut-être
02:16 autour de quelques centaines de millions d'euros.
02:17 D'accord, et donc là, c'est les assurances qui doivent payer de plus en plus cher pour
02:22 ces sinistres et donc, elles ne peuvent plus assurer aujourd'hui tout cet amas d'événements
02:27 climatiques. C'est ça, c'est-à-dire que cette assurance
02:30 est partagée entre d'une part les assurances qui assurent jusqu'à un certain seuil, et
02:34 puis la réassurance publique qui, elle, couvre ces catastrophes naturelles exceptionnelles
02:38 comme 2022. Et donc, on peut avoir la crainte chez les
02:41 sinistrés des fois de se dire, est-ce que les assurances vont encore subvenir aux sinistres ?
02:47 Comment on peut inciter les assurances à maintenir quand même le cap pour les sinistrés ?
02:52 Alors, la première chose, c'est qu'il faut que tout ce système soit financé.
02:54 Et en fait, il y a des mesures d'urgence qui, malheureusement, sont une augmentation
02:57 de la contribution de la catastrophe naturelle sur les polices d'assurance habitation, professionnelle
03:03 et puis automobile. Donc, par exemple, sur la police d'habitation,
03:06 à partir de 2025, vous voyez, les polices d'assurance habitation, c'est entre 150 et
03:11 250 euros. Là-dessus, vous avez aujourd'hui 22 euros
03:14 qui correspondent aux catastrophes naturelles. Et en fait, ça va passer à 37 euros.
03:18 Ça, c'est une mesure d'urgence pour refinancer le système.
03:21 Et malheureusement, c'est un peu la conséquence du fait qu'on ne s'est pas beaucoup préoccupé
03:24 de ces questions-là en continuant à urbaniser dans des zones argileuses, sans faire attention
03:28 à faire des pieux suffisamment profonds, etc.
03:30 Est-ce qu'on peut aussi imaginer qu'on peut contraindre les assurances qui ne joueraient
03:34 pas le jeu ?
03:35 Non, et là, c'est l'enjeu d'une deuxième mesure qu'on a proposée.
03:38 La première, elle est actée, la deuxième, elle est en instruction.
03:39 L'enjeu, effectivement, c'est de dire qu'on peut mettre en place un système de bonus
03:44 malus fiscales très efficace, qui rend complètement inutile la stratégie de fuite des assureurs.
03:52 En fait, l'idée, c'est de récompenser ceux qui restent dans les zones à risque et qui
03:55 couvrent le risque pour les gens qui sont dans des zones exposées aux inondations,
03:58 aux reconflammants des argiles. Et au contraire, de mettre un malus fiscal
04:02 pour ceux qui s'évadent de ces zones et ne couvrent que les gens qui sont peu exposés
04:05 aux risques naturels.
04:06 - Alors, Gonéri Le Cozannet, vous faites partie du GIEC, qui a des contacts permanents
04:12 avec les gouvernements des différents pays.
04:15 Nous sommes entrés en France depuis dimanche dans une certaine crise politique avec la
04:18 dissolution de l'Assemblée, les élections législatives anticipées.
04:22 Comment, en tant qu'experts du GIEC, vous percevez la situation ?
04:24 - Alors, je dirais, la première chose, c'est que c'est vrai que, en fait, vous voyez, on
04:28 a d'un côté un système assurantiel français qui est en train de vaciller.
04:31 Donc, c'est quand même quelque chose d'assez important.
04:33 Et puis, de l'autre, on a ce sujet du changement climatique et puis également de la perte
04:38 de biodiversité, quelque chose de massif, qui est absolument absent du débat public
04:42 quand il n'est pas traité de manière extrêmement mauvaise par un certain nombre d'acteurs.
04:46 Donc, c'est vrai que de ce point de vue-là, en fait, on ne peut pas être satisfait en
04:50 tant que personne qui contribue à essayer de fournir une information fiable, neutre,
04:56 qui met en avant quelles sont les conséquences des décisions pour la biodiversité, pour
04:59 le climat, pour la santé.
05:00 Et on ne peut pas être satisfait, en fait, de la manière dont c'est traité.
05:03 Donc, ça, c'est effectivement un premier point.
05:05 Le deuxième point, c'est effectivement, que dit le rapport du GIEC de tout ça ?
05:08 Ce qu'il nous dit, c'est qu'effectivement, les pays dans lesquels on pourrait avancer
05:12 le plus vite sur l'action climatique, sur la biodiversité, et encore une fois, ça
05:17 a des conséquences très concrètes pour la santé, les vagues de chaleur, la qualité
05:20 de l'eau, etc., et bien, en fait, c'est des pays qui sont plutôt des démocraties,
05:25 en fait, dans lesquelles on peut justement avoir ce débat public important.
05:27 Donc, je pense que c'est vraiment urgent de se ressaisir, en fait, sur ce débat, et
05:32 puis d'utiliser, en fait, la chance qu'on a d'avoir des rapports importants.
05:35 Il y a le GIEC, mais il y a aussi le Haut Conseil pour le Climat, qui rend un rapport
05:39 le 21 juin et qui va être, j'espère, qu'il sera bien utilisé pour le débat public.
05:44 Justement, parce que là, on va rentrer dans une phase de débat sur ces questions climatiques.
05:47 J'aimerais, pour finir cet entretien, vous faire écouter un extrait sonore.
05:51 Oui.
05:52 Ils ont parfois tendance à exagérer.
05:55 On les croit, on les suit, bien entendu, mais notre rôle aussi, c'est de tempérer pour
05:59 éviter que, si on suit bêtement, en fait, les données du GIEC, on risque de contrevenir,
06:04 en fait, à la qualité de vie des Français, à aller vers quelque chose qui serait néfaste
06:08 aussi pour eux.
06:09 L'extrait que vous venez d'entendre, c'est Thomas Ménager, député sortant du Loiret
06:14 pour le Rassemblement National, donc le parti qui va gagner les élections européennes
06:17 et qui profite d'un élan pour les législatives.
06:19 Ça vous inquiète, ce genre de propos ?
06:20 Oui, évidemment, parce qu'en fait, c'est des propos qui sont très trompeurs, en fait,
06:24 et qui sont mensongers, même, en réalité.
06:25 C'est-à-dire que, si vous voulez, dire qu'on a d'un côté l'élection climatique et de
06:30 l'autre la qualité de vie, c'est exactement le contraire, en réalité.
06:33 En ce moment, en Grèce, il y a des gens qui sont à moitié confinés parce qu'il y a
06:36 des températures de 42 degrés.
06:37 Donc, en fait, ce que certains appellent l'écologie punitive, c'est ça, en fait.
06:41 C'est le fait d'être confiné pendant des canicules.
06:44 On peut encore arrêter ça, on peut encore limiter considérablement les dégâts, mais
06:48 il faut regarder la réalité en face, en fait.
06:50 Il faut regarder le monde réel.
06:51 - Merci Gonéri Le Cozadet d'avoir été notre invité ce matin.
06:54 Bonne journée à vous.
06:55 - Merci.

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