• il y a 5 mois
Table ronde avec Alexis Jenni, romancier, professeur agrégé de sciences naturelles : « Parmi les arbres, essai de vie commune» ; Olivier Remaud, philosophe, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales : « Quand les montagnes dansent – Récit de la terre intime» ; Laurent Tillon, biologiste, ingénieur forestier à l'Office national des forêts (ONF) : « Être un chêne, sous l’écorce de Quercus » et « Les fantômes de la nuit, des chauves-souris et des hommes» ; Jérôme Sueur

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Transcription
00:00:00qui nous a réjouis toute la journée. Je vous promets, la prochaine fois, il y aura plus de femmes et ce sera un modérateur homme.
00:00:06Hein Stéphane ? On prend le challenge.
00:00:10Ma première question, bien entendu, après toute cette journée passée à vous écouter,
00:00:15c'est comment est-ce que chacun définirait la notion de sauvage ?
00:00:19Voilà, je crois que c'est Olivier qui nous a proposé cette question, donc je propose que tu commences
00:00:25pour chauffer la salle et toute l'équipe.
00:00:31Oui, oui, tout à fait.
00:00:34Ça marche, ça marche, oui.
00:00:36Oui, il faut qu'on fasse, bref, quand même, pour que la parole circule.
00:00:41En deux mots, liés au milieu notamment naturel que je connais,
00:00:46il y a une définition du sauvage qui me vient en tête assez rapidement.
00:00:50C'est vraiment l'alternance de séquences d'apparition et de disparition des animaux, notamment.
00:00:56Et pour ne parler que du milieu naturel de la montagne,
00:01:01je me suis donc entraîné à rejoindre un plateau d'altitude que je décris.
00:01:05Et c'est vraiment, entre autres, ça que je décris.
00:01:08Donc être sauvage, c'est apparaître et disparaître,
00:01:12et puis faire envoyer ce signal-là aux autres êtres avec lesquels on vit.
00:01:18C'est aussi savoir qu'on est toujours perçu par d'autres vivants,
00:01:24pour le dire rapidement comme ça.
00:01:28Raphaël ?
00:01:30Allez, je te sentais en mode pause.
00:01:36Oui, alors moi, pour compléter, peut-être dans un autre registre,
00:01:41parce que c'est les questions qui nous préoccupent pas mal,
00:01:45sur le flamand rose, les grues cendrées, le sanglier et bien d'autres espèces que vous avez évoquées.
00:01:51Pour moi, le sauvage, c'est ce qu'on ne contrôle pas,
00:01:54ce qui est complètement autonome, dont on ne maîtrise pas la reproduction.
00:02:00Du coup, je m'interroge toujours comment les uns et les autres ont des espèces fétiches.
00:02:05Le protecteur de la nature, il a la grue cendrée.
00:02:08Il va la grainer pour pas qu'elle aille faire des dégâts, mais elle est sauvage.
00:02:12Le chasseur qui a graine, lui, son sanglier, il est plus sauvage.
00:02:16Du coup, on est un peu dans le sauvage, mais pas trop, comme disent certains anthropologues.
00:02:21Pour moi, le sauvage, c'est surtout la question de l'autonomie et du contrôle sur la population animale.
00:02:29C'est quelque chose qui nous échappe en permanence,
00:02:32et qu'on n'arrive pas à anticiper, prédire.
00:02:36Toi, tu parles de disparition-apparition.
00:02:40C'est typiquement ça. C'est la rencontre fortuite.
00:02:43C'est des moments émotionnellement très forts qui font le sauvage.
00:02:48Après, il y a les grands espaces, mais j'imagine que tout le monde...
00:02:52Allez, Rémi, t'es chaud.
00:02:54Oui, je suis chaud, parce que le sauvage est important, évidemment.
00:02:57Mais pour moi, le sauvage, c'est la liberté.
00:02:59Evidemment, ça rejoint ce que disaient Olivier et toi, Raphaël.
00:03:02Moi, c'est vraiment la liberté.
00:03:04Je cite dans mon bouquin sur l'ours polaire...
00:03:07Je ne sais pas si c'est une légende, mais c'est Diogène.
00:03:10Ça vous parle, peut-être, Diogène ?
00:03:12Une espèce d'hexanthono, une espèce de clochard, comme ça.
00:03:15D'ailleurs, j'avais pensé au titre du bouquin
00:03:17le clochard magnifique pour parler de l'ours polaire.
00:03:20Diogène rencontre Alexandre le Grand,
00:03:22et Alexandre le Grand, dans sa immensité, lui dit
00:03:25« Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? »
00:03:27Et Diogène lui dit « Hôte-toi de ma lumière, mon soleil. »
00:03:31Voilà, c'est tout.
00:03:33Il n'a besoin que ça, d'être sauvage, d'être libre.
00:03:36Et qu'on ne vienne pas lui donner du grain, comme tu dis.
00:03:39Et il y a beaucoup de gens qui me disent
00:03:42« Qu'est-ce qu'on peut faire pour l'ours polaire ? »
00:03:44Surtout, rien. Foutez-lui la paix.
00:03:46Et c'est déjà pas mal.
00:03:48Et le sauvage, pour moi, c'est ça, c'est la liberté.
00:03:51Sotillon ?
00:03:58C'est un peu compliqué de répondre à cette question.
00:04:03Et je vais le faire à travers une anecdote.
00:04:07Vous l'attendiez.
00:04:09Juste pour démarrer, pour moi, le sauvage,
00:04:12notamment quand je parle de chauves-souris et des pépistrelles
00:04:14qui sont derrière les volets de ma chambre à coucher,
00:04:17c'est-à-dire 3 mètres derrière moi quand je dors,
00:04:21c'est un peu difficile pour moi de bien identifier le sauvage.
00:04:25J'ai d'ailleurs, avec ma fille qui était là ce matin,
00:04:28qui a 10 ans, pour vous donner juste une soirée,
00:04:31nous on aime bien, au mois d'août,
00:04:33notamment pendant la période des étoiles filantes,
00:04:35on commence la soirée à la tombée de la nuit,
00:04:37on se met sur le transat,
00:04:39et puis on regarde les pépistrelles qui partent de derrière le volet,
00:04:42qui volent juste au-dessus de la terrasse,
00:04:44qui volent au-dessus de nous,
00:04:46en nous débarrassant des quelques moustiques qui viendraient nous piquer,
00:04:48donc nous on en profite un tout petit peu,
00:04:50puis après on se tourne et on refait le monde,
00:04:52en regardant bien sûr les étoiles,
00:04:54et puis les chouettes qui passent devant nous.
00:04:56Et on a un peu l'impression de faire partie de cet univers-là,
00:04:59de ce monde-là.
00:05:00Donc la frontière avec le sauvage, elle est délicate.
00:05:02Et il y a deux semaines,
00:05:03puisque vous êtes dans les anecdotes et les petites histoires de vécu très récentes,
00:05:06il y a deux semaines par exemple,
00:05:08en ce moment je suis en phase de réflexion intense,
00:05:10pour plein de raisons,
00:05:12et je suis allé au pied de Quercus, mon chêne,
00:05:15pour y passer la nuit.
00:05:16Donc j'arrive, la nuit venait de tomber,
00:05:18et puis en arrivant,
00:05:20je vais pour tendre mon hamac entre deux arbres,
00:05:22il y a un chevreuil un petit peu au loin
00:05:24qui se met à aboyer, à me gueuler dessus,
00:05:26un peu inquiet par cette lumière
00:05:28qui arrivait dans le sous-bois forestier.
00:05:30J'installe quand même mon hamac,
00:05:32un endroit qui me permettait de voir les étoiles à travers les êtres
00:05:35qui n'avaient pas encore débourré.
00:05:37Donc le feuillage n'était pas encore sorti des bourgeons,
00:05:39alors que c'était déjà le cas chez les chênes.
00:05:41Je m'installe là, j'observe les étoiles,
00:05:43puis je m'endors.
00:05:45Et je suis tranquillement contre mon hamac,
00:05:47comme ça,
00:05:48lorsqu'à un moment donné, je me réveille en m'entendant respirer.
00:05:53Et là, je me dis, c'est bizarre,
00:05:56je m'entends fortement respirer.
00:05:58À un moment donné, je prends une grande respiration,
00:06:00puis j'arrête de respirer,
00:06:04et j'entends au niveau de mon oreille.
00:06:10Et là, très doucement, je soulève,
00:06:13et j'aperçois le chevreuil qui était juste là,
00:06:15derrière mon hamac,
00:06:17qui était venu pour me sentir,
00:06:19et respirer.
00:06:21À travers cette anecdote, en tout cas,
00:06:23ce que je voulais juste dire,
00:06:25c'est que vous comprenez bien
00:06:27que la frontière avec le sauvage,
00:06:29à un moment donné,
00:06:31quand on a l'impression de faire partie de ce monde-là,
00:06:33de cet univers-là,
00:06:35j'ai du mal à la formaliser.
00:06:37J'ai un peu l'impression d'être un sauvage moi-même,
00:06:39dans plein de cas.
00:06:41Voilà.
00:06:43Allez Jérôme, ça t'a inspiré, je sens.
00:06:45Non.
00:06:47Déjà, tu es d'accord avec la leçon de la respiration.
00:06:49Oui, du chevreuil.
00:06:51En fait,
00:06:53ce mot, sauvage,
00:06:55le mot sauvage est polysémique,
00:06:57il est compliqué.
00:06:59Moi, personnellement, j'évite de l'utiliser,
00:07:01parce qu'il a aussi
00:07:03cet attribut
00:07:05du bon ou du mauvais sauvage,
00:07:07ou de la personne qui est retirée,
00:07:09qui est agressive.
00:07:11Quand j'étais au fin fond de la forêt tropicale,
00:07:13c'est très sauvage.
00:07:15Je ne sais pas quoi dire face à ça.
00:07:17Non, c'est normal.
00:07:19Il n'y a pas plus de risque que de traverser la rue
00:07:21en sortant
00:07:23de la cité des sciences et de l'industrie.
00:07:25Même en l'utilisant,
00:07:27en anglais,
00:07:29dans la littérature scientifique,
00:07:31on ne l'utilise absolument pas.
00:07:33Il ne faut pas utiliser une espèce sauvage,
00:07:35ça ne se dit pas.
00:07:37Ça se dit un peu wildlife dans les publications scientifiques.
00:07:39C'est un terme
00:07:41qui m'interroge beaucoup,
00:07:43peut-être même autant que nature.
00:07:45On pourrait en parler des heures.
00:07:47Je ne serais pas non plus à l'aise.
00:07:49C'est juste pour dire ça.
00:07:51Je ne sais pas ce que c'est
00:07:53qu'un espace sauvage, qu'un animal
00:07:55sauvage. Peut-être, en effet, cette idée
00:07:57de ne pas être contrôlé,
00:07:59d'être moins soumis aux pressions
00:08:01humaines, mais je ne suis pas
00:08:03sûr de ça.
00:08:05...
00:08:07...
00:08:09...
00:08:11J'aurais une
00:08:13définition un peu
00:08:15à minima. Le sauvage,
00:08:17c'est ce qui n'est pas moi.
00:08:19C'est-à-dire quelque chose
00:08:21qui est hors contrôle, hors maîtrise.
00:08:23Par rapport à Wild,
00:08:25quand j'ai fait un bouquin sur Muir,
00:08:27j'avais pensé à ce mot
00:08:29de wilderness,
00:08:31intraduisible en français. J'avais tenté
00:08:33de le traduire, et je l'avais traduit
00:08:35un peu
00:08:37sauvagement, par
00:08:39la grande sauvagerie.
00:08:41Pourquoi j'ai utilisé ça ?
00:08:43Parce que sauvage,
00:08:45l'origine du mot, c'est la forêt.
00:08:47Et
00:08:49dans le français canadien
00:08:51du XVIIe siècle, il y avait
00:08:53cette idée de la sauvagerie
00:08:55qui était la forêt. Il y avait
00:08:57les colonies de Saint-Laurent
00:08:59qui étaient cultivées, c'est le jardin.
00:09:01Derrière, il y avait la forêt. Dans la forêt,
00:09:03vivaient les sauvages, c'était-à-dire les sylvains.
00:09:05Ce n'est pas dépréciatif.
00:09:07C'est juste descriptif.
00:09:09C'était ce qu'on connaît
00:09:11et le reste,
00:09:13la réserve de réel.
00:09:15Le sauvage, c'est cette
00:09:17réserve de réel qui n'est pas moi.
00:09:19Je suis tellement heureux que ça existe.
00:09:23Ça marche ?
00:09:25Je voulais juste interrompre ce circuit.
00:09:27Non, c'était juste pour...
00:09:29C'était pour réagir
00:09:31à ce que tu disais.
00:09:33Dans la langue française, il y a
00:09:35sauvageté qui a été inventée
00:09:37pour traduire la wilderness
00:09:39dans le dictionnaire des mots
00:09:41de l'environnement,
00:09:43qui est récent, ça doit dater
00:09:45d'une petite dizaine d'années
00:09:47ou un peu moins. Et puis,
00:09:49il y a sauvagitude qui avait été proposée
00:09:51par Ségolène Royal, je crois.
00:09:53Bravo.
00:09:55Merci de cette allure.
00:09:59Nicolas,
00:10:01c'est comment le sauvage en Centre-Bretagne ?
00:10:03C'est compliqué.
00:10:05Je passe le dernier.
00:10:07Non, il y a Stéphane.
00:10:09Il y a Stéphane qui nous a quand même
00:10:11inventé ce don de réflexion.
00:10:13Tout ce qui était intelligent a déjà été dit,
00:10:15donc je vais sans doute dire des banalités.
00:10:17C'est vrai qu'en tant qu'historien,
00:10:19je vois que depuis 10 000 ans,
00:10:21on a essayé de se séparer du sauvage
00:10:23à travers la domestication et l'élevage.
00:10:25Et moi, ce qui me frappe aujourd'hui,
00:10:27à travers le Renard, mais pas seulement,
00:10:29à travers tous les excellents bouquins
00:10:31que vous avez écrits et qu'on a lus,
00:10:33c'est finalement que cette frontière
00:10:35est en train de s'estomper.
00:10:37On a une forme d'imbrication.
00:10:39Qu'est-ce qu'il reste de sauvage
00:10:41chez un renard qui rentre dans la véranda
00:10:43des gens pour les nourrir
00:10:45près de la gamelle du chien ?
00:10:47Là, je ne vois plus trop ce qu'il en reste.
00:10:49Mais finalement, est-ce qu'avec le phénomène
00:10:51d'urbanisation, on n'a pas une forme
00:10:53de contrôle indirect qui est en train de s'opérer ?
00:10:55Et de toute façon, en plus,
00:10:57ce terme de sauvage, des fois, il est utilisé aussi,
00:10:59et ça, ça me gêne un peu en tant que fondant d'éleveur,
00:11:01c'est que des fois, il y a un discours
00:11:03un peu... il y a la pureté du sauvage
00:11:05et puis il y a un côté dépréciatif
00:11:07de l'animal domestique qui s'est
00:11:09bêtement laissé transformer par l'humain.
00:11:11Et pourtant, ce sont des vies animales aussi
00:11:13qui sont aussi respectables que les autres.
00:11:15Donc voilà, moi, je l'utilise
00:11:17assez peu, même si je suis content
00:11:19de l'avoir publié dans la collection Monde Sauvage.
00:11:21Mais voilà, je trouve que ce terme-là,
00:11:23il peut poser quand même questions
00:11:25et je pense qu'il en posera de plus en plus, tout d'ailleurs,
00:11:27le fait qu'on commence par cette question.
00:11:29On a employé
00:11:31des mots ce matin comme joie
00:11:33et surprise.
00:11:35Pour moi, le sauvage,
00:11:37c'est la...
00:11:39c'est la joie que je ressens
00:11:41quand un être
00:11:43me surprend et qui est totalement
00:11:45inattendu et que
00:11:47j'attendais pas à cet endroit-là,
00:11:49j'attendais pas le comportement.
00:11:51Voilà, c'est la surprise totale
00:11:53qui me met en joie.
00:11:55Et c'est aussi une question
00:11:57qu'on s'est beaucoup interrogé
00:11:59à l'époque où on faisait des films avec Jacques Perrin
00:12:01parce que l'intelligence artificielle
00:12:03venait et les effets spéciaux arrivaient
00:12:05en masse et on se disait
00:12:07est-ce que ça sert encore à quelque chose de faire
00:12:09des films sur la nature
00:12:11alors que maintenant, avec des effets spéciaux,
00:12:13on peut faire les choses,
00:12:15c'est encore plus léché, on contrôle tout,
00:12:17chaque plan,
00:12:19les entrées de plans, les sorties de champs,
00:12:21ça sera toujours super net,
00:12:23qu'est-ce qu'on va s'enquiquiner
00:12:25aller à l'autre bout du monde,
00:12:27ça coûte cher, c'est loin, il fait froid
00:12:29ou il fait chaud, c'est toujours la galère.
00:12:31Alors qu'on reste confortablement
00:12:33derrière sa table de montage, ses ordinateurs
00:12:35et on aura quelque chose
00:12:37qu'on n'aura jamais dans la nature.
00:12:39Sauf que dans la nature, on aura
00:12:41évidemment la possibilité
00:12:43d'être surpris
00:12:45et c'est ça qu'on cherchait
00:12:47avec Jacques en faisant des films
00:12:49et c'est ça aussi
00:12:51que je cherche avec cette collection
00:12:53à être surpris par des textes
00:12:55et par des auteurs et des autrices
00:12:57qui m'emmènent
00:12:59dans des perspectives nouvelles.
00:13:01Une petite anecdote,
00:13:03quand Laurent nous racontait ce matin
00:13:05quand il m'envoie
00:13:07le manuscrit
00:13:09de Être un chêne,
00:13:11c'est pas du tout ça que tu avais prévu de m'envoyer.
00:13:13Le contrat, c'était un livre
00:13:15sur les chauves-souris, je te rappelle.
00:13:17Et tu m'appelles en me disant
00:13:19ouais, j'ai fini, c'est super,
00:13:21je l'écris d'un jet, c'était un mois d'août
00:13:232019,
00:13:25donc je me réjouis, super,
00:13:27mais tu vas avoir une petite surprise
00:13:29et je reçois, effectivement,
00:13:31rien à voir avec les chauves-souris, c'était Être un chêne
00:13:33qui était évidemment délicieux
00:13:35mais c'était super sympa.
00:13:37Mais là, c'est une très belle surprise.
00:13:39Et d'ailleurs, tout de suite, je te dis oui.
00:13:43En fait, tu me fais tout à fait
00:13:45le lien avec la question d'après,
00:13:47puisque la question d'après, c'est finalement,
00:13:49qu'est-ce qui vous pousse à écrire ces livres
00:13:51qui, a priori pour la plupart d'entre vous,
00:13:53ne sont absolument pas nécessaires à vos activités quotidiennes.
00:13:55Et donc,
00:13:57voilà, parlez-nous de
00:13:59pourquoi écrire dans la collection
00:14:01Bande Sauvage quand on est à l'ONF,
00:14:03au CNRS,
00:14:05aux enseignants ?
00:14:09Ils avaient des questions, donc normalement,
00:14:11ils peuvent pouvoir répondre.
00:14:13Je pense que là, c'est le blanc
00:14:15de l'histoire naturelle du silence.
00:14:17J'ai répondu ce matin.
00:14:19Moi, c'est un accès à la liberté
00:14:21d'expression
00:14:23que je n'ai pas dans mon quotidien,
00:14:25dans l'activité de chercheur
00:14:27où on écrit en anglais
00:14:29et dans un mode
00:14:31hyper codifié.
00:14:33C'est toujours un peu les mêmes phrases,
00:14:35le même vocabulaire.
00:14:37C'est appauvrissant pour l'anglais.
00:14:39Heureusement, finalement,
00:14:41que ce n'est pas le français qui a été utilisé
00:14:43comme langue scientifique internationale
00:14:45parce que les pauvres...
00:14:47Enfin, nous aurions été maltraités,
00:14:49les pauvres anglais.
00:14:51Moi, c'est faire autre chose.
00:14:53Ce livre, je l'ai écrit le week-end,
00:14:55pendant les vacances, ou tôt le matin,
00:14:57pas sur mon lieu de travail.
00:14:59Et donc, c'est un accès à une liberté.
00:15:04J'ai aussi apporté
00:15:06une part de réponse ce matin
00:15:08en disant que
00:15:10c'était l'occasion
00:15:12à un moment donné, aussi, de se faire plaisir.
00:15:14Clairement, en fait,
00:15:16quand j'ai écrit Être un chêne,
00:15:18je l'ai écrit pour moi.
00:15:20En réalité, il ne devait pas être publié.
00:15:22C'est juste que ce monsieur-là me réclamait
00:15:24un bouquin sur les chauves-souris.
00:15:26Progressivement, l'histoire qui était en train
00:15:28de m'habiter complètement, c'était l'histoire
00:15:30de mon chêne, de Quercus.
00:15:32Et c'est après, quand on s'est vus,
00:15:34qu'il m'a dit, t'en es où, quand même,
00:15:36sur les chauves-souris ? J'ai une surprise.
00:15:38C'était pas du tout ça.
00:15:40Je me suis dit, il ne va jamais publier
00:15:42un truc sur les arbres.
00:15:44Après, ça a donné naissance
00:15:46à toute une série
00:15:48sur les arbres, parmi les arbres,
00:15:50Être un chêne.
00:15:52Il y a aussi autre chose, en fait.
00:15:54Il y a plein d'autres livres.
00:15:56Il y a tous les livres de Francis Hallé,
00:15:58quand même, chez Actes Sud.
00:16:00En fait, ce que je voulais dire aussi,
00:16:02c'est que c'est l'occasion d'aller
00:16:04fouiller, à un moment donné,
00:16:06toute la connaissance qu'on peut avoir
00:16:08et la sensibilité qu'on y met
00:16:10autour de certains sujets. Et je dois vous dire
00:16:12que, par exemple, l'écriture des fantômes de la nuit,
00:16:14ça n'a pas été si simple que ça. D'ailleurs,
00:16:16c'est pour ça que j'ai mis autant de temps à te le proposer, Stéphane.
00:16:20Moi, ça m'a obligé
00:16:22à aller chercher très loin
00:16:24ce que je pouvais ressentir au contact de ces vivants.
00:16:26Ce qui n'était pas forcément facile,
00:16:28parce que quand on bosse dessus depuis longtemps,
00:16:30moi, c'était mon cas, ça faisait 25 ans,
00:16:32eh bien, j'étais capable
00:16:34de compartimenter différents
00:16:36sujets autour de ces chauves-souris
00:16:38en ayant,
00:16:40à un moment donné,
00:16:42une vision relativement claire
00:16:44de l'écolocation, de la vie sociale,
00:16:46d'écrits sociaux,
00:16:48de tout ce qu'on a évoqué un peu ce matin,
00:16:50mais d'en faire quelque chose
00:16:52qui soit totalement transversal
00:16:54et qui rejoigne aussi d'autres disciplines.
00:16:56Au moment de cette écriture,
00:16:58j'ai autant questionné Olivier Remaud
00:17:00que d'autres personnes
00:17:02de Monde Sauvage.
00:17:04Ça aussi, c'est quelque chose d'important,
00:17:06c'est le fait qu'il y ait du lien entre nous.
00:17:08Je pense qu'on en reparlera.
00:17:10Et puis, à un moment donné, quand on est un petit peu bloqué,
00:17:12et c'est ça qui est
00:17:14particulièrement fort,
00:17:16moi, je te rends hommage, Stéphane,
00:17:18pour le travail que tu fais pour Monde Sauvage,
00:17:20parce que tu nous offres aussi quelque chose
00:17:22d'assez extraordinaire de partage
00:17:24avec vous,
00:17:26et puis aussi d'aller nous chercher.
00:17:28À la fin de l'écriture
00:17:30des Fantômes de la Nuit, j'étais bloqué
00:17:32pour la partie conclusive.
00:17:34Je n'arrivais pas à trouver la manière
00:17:36de construire
00:17:38la fin du livre,
00:17:40c'est-à-dire d'aller
00:17:42jusqu'au bout du bout du cheminement
00:17:44qui m'avait conduit à décrire les chauves-souris,
00:17:46puis commencer à questionner le lien
00:17:48que je pouvais avoir avec ces vivants.
00:17:50Il fallait que j'aille vraiment jusqu'au bout du bout.
00:17:52Je sentais que je n'arrivais pas à l'atteindre.
00:17:54Quand on est bloqué dans ce genre de situation,
00:17:56moi, c'est mon cas, j'appelle Stéphane,
00:17:58qu'il fasse n'importe quoi, il me répond.
00:18:00C'est ça qui est assez fabuleux.
00:18:02Du coup, il me répond,
00:18:04puis on a un échange qui s'amorce,
00:18:06et il sent que je suis un peu bloqué, donc il vient me chercher.
00:18:08Comme il me connaît bien,
00:18:10il est venu me chercher jusque dans mes retranchements,
00:18:12dans les choses parfois un peu plus compliquées,
00:18:14que j'ai du mal à aller fouiller
00:18:16sur certaines émotions,
00:18:18sur ce que je peux ressentir.
00:18:20Il m'a posé la question
00:18:22qui a enclenché quelque chose
00:18:24et qui m'a permis d'aller fouiller cette émotion
00:18:26permettant d'écrire la fin du livre.
00:18:28Je me revois, je suis dans mon jardin,
00:18:30d'un seul coup, je lui dis,
00:18:32Stéphane, je l'ai, je raccroche, je ne lui dis même pas au revoir.
00:18:34Il ne m'en a pas voulu,
00:18:36il a pris quand même le livre.
00:18:38C'est aussi ça, je crois, qui est intéressant,
00:18:40c'est que ça nous permet d'aller chercher très loin
00:18:42et puis après, d'offrir la possibilité
00:18:44de le partager pour qu'un maximum de gens
00:18:46puissent s'intéresser aux chauves-souris.
00:18:48Je ne pensais pas qu'il y ait autant de gens qui puissent s'y intéresser
00:18:50en dehors des chiroptérologues
00:18:52qui se réunissent une fois tous les deux ans
00:18:54à Bourges, en coloc en France.
00:18:56Du coup, vous êtes un petit peu chiroptérologue
00:18:58quelque part.
00:19:02Je n'en sais plus rien,
00:19:04mais j'avais envie de raconter ça à un moment donné.
00:19:06Vous voyez, c'est ça l'écriture aussi,
00:19:08on chemine à un moment donné, on a un point de départ.
00:19:10Moi, mon point de départ,
00:19:12c'était les chauves-souris, je lui ai pondu être un chêne.
00:19:14Allez Olivier,
00:19:16j'ai envie de se recentrer.
00:19:18Pour le coup, je l'intègre complètement
00:19:20dans ma pratique scientifique et son évolution.
00:19:24Il y a pas mal de passages qui correspondent
00:19:26au contenu de séminaires
00:19:28que je teste avant dans l'institution où je suis.
00:19:32C'est un espace de liberté,
00:19:34mais ce n'est pas un espace à part.
00:19:36C'est quelque chose qui fait partie de moi maintenant
00:19:38et qui caractérise
00:19:40mon cheminement.
00:19:42Merci aussi pour ça,
00:19:44ça me fait évoluer
00:19:46et ça me permet de retrouver un rapport au terrain
00:19:48très significatif.
00:19:50Et tu ne pourrais plus t'en passer.
00:19:52Moi, je ne peux plus m'en passer.
00:19:58Raphaël, qui a du temps ?
00:20:00Du temps devant moi ?
00:20:06Moi, là-dessus...
00:20:08Déjà, je voulais interpeller
00:20:10Jérôme sur ses critères de scientificité,
00:20:12qu'est-ce qui faisait science pour lui, etc.
00:20:14Non, je plaisante,
00:20:16parce que c'est un débat que j'ai régulièrement,
00:20:18vu que je suis plutôt un représentant
00:20:20des sciences sociales
00:20:22dans un laboratoire d'écologie.
00:20:24Mais en ayant un background d'écologie,
00:20:26je peux faire davantage
00:20:28du lien et du go-between,
00:20:30comme on dit aujourd'hui.
00:20:34Effectivement, moi, je le vois
00:20:36plutôt comme Olivier aussi.
00:20:38C'est complémentaire à ma pratique
00:20:40de recherche aussi,
00:20:42parce qu'on a un volet
00:20:44recherche-action,
00:20:46et on veut aussi contribuer
00:20:48à la médiation scientifique.
00:20:50Typiquement, là,
00:20:52on est dans une situation
00:20:54dans la collection.
00:20:56Il y a une médiation scientifique
00:20:58qui prend différentes formes,
00:21:00selon les styles des uns et des autres.
00:21:02Effectivement, il y a cette idée de...
00:21:04Je joue le jeu, évidemment,
00:21:06en étant dans un laboratoire d'écologie
00:21:08de la publication internationale,
00:21:10dans des revues en anglais, etc.
00:21:12Donc, sujet, verbe, complément,
00:21:14on s'en sort à peu près en anglais.
00:21:16Du coup, il y a un peu
00:21:18une frustration, effectivement.
00:21:20Là, on peut, à travers les ouvrages,
00:21:22dire deux choses.
00:21:24Déjà, travailler un peu plus
00:21:26le style.
00:21:28Cet ouvrage-là,
00:21:30avec Roméo Bondon,
00:21:32on a souhaité qu'il y ait
00:21:34une partie un peu plus littéraire
00:21:36et que le perspectivisme se prête
00:21:38à une réflexion autour
00:21:40de cet exercice-là.
00:21:42Là, c'était un moment
00:21:44plutôt joyeux
00:21:46avec Roméo.
00:21:48On est plutôt contents.
00:21:50Mais il y a aussi cette idée
00:21:52que ça nous permet
00:21:54de...
00:21:56Comment dire ça ?
00:21:58De faire science, quand même.
00:22:00C'est-à-dire que
00:22:02ça rentre dans les humanités environnementales.
00:22:04Ça nous permet aussi
00:22:06de continuer la réflexion
00:22:08et de ne pas passer sous le tapis,
00:22:10pour le coup, ce qui a réuni un peu tout le monde ici,
00:22:12les émotions,
00:22:14de ne pas passer sous le tapis
00:22:16les dimensions politiques,
00:22:18les enjeux d'économie politique.
00:22:20On est dans un modèle dominant
00:22:22qui impacte fortement la biodiversité.
00:22:24Oser nommer les choses sans passer
00:22:26pour un marxiste, etc.
00:22:28Mais en tout cas,
00:22:30nommer les choses
00:22:32pour créer de l'intelligibilité
00:22:34au-delà de la biologie pure,
00:22:36en mettant de l'histoire, de la géographie,
00:22:38de la profondeur philosophique.
00:22:40C'est ça que me permet
00:22:42cet exercice-là
00:22:44et la collection, évidemment.
00:22:46Moi, c'est un peu différent
00:22:48parce que je n'ai pas de métier.
00:22:52C'était l'intrus.
00:22:54Je suis un peu l'intrus, quelque part.
00:22:56Ça fait 30 ans
00:22:58que mon but, c'est de partager.
00:23:00J'ai eu la chance de publier
00:23:02pas mal de bouquins chez différents éditeurs.
00:23:04Moi, partager,
00:23:06c'est les conférences, les voyages que j'organise,
00:23:08les films que j'ai pu réaliser.
00:23:10Et effectivement, publier dans la collection
00:23:12de Monde Sauvage, c'est encore une autre dimension.
00:23:14Il y a, comme tu disais, Raphaël,
00:23:16cette dimension littéraire
00:23:18qui est importante pour nous,
00:23:20de s'interroger sur la façon
00:23:22dont on va raconter et partager.
00:23:24On peut le partager de maintes et maintes façons,
00:23:26mais justement,
00:23:28cette dimension littéraire
00:23:30nous oblige à écrire différemment,
00:23:32à s'interroger différemment.
00:23:34Et évidemment,
00:23:36avec l'écoute de Stéphane,
00:23:38ça prend encore une autre dimension.
00:23:40Cette écoute
00:23:42est importante
00:23:44parce qu'il y a des sujets...
00:23:46L'ours au brun s'est tombé un peu
00:23:48sous le sang.
00:23:50Tu es venu me rencontrer pour qu'on le fasse ensemble
00:23:52sur la proposition de François Sarrano.
00:23:54Il y a eu Ovibos,
00:23:56il y a eu l'Ours polaire...
00:23:58Oui, j'y prends goût.
00:24:00Il y aura le prochain,
00:24:02mais ça, vous ne saurez pas ce que c'est.
00:24:04Mais c'est vrai que
00:24:06cette discussion qu'on peut avoir avec toi,
00:24:08ça nous oblige
00:24:10à nous poser des questions
00:24:12sur des sujets qu'on a travaillé.
00:24:14Moi, ça fait 30 ans que je travaille
00:24:16sur un sujet qui sera le prochain bouquin.
00:24:18Mais voilà.
00:24:20Pour ça, c'est très moteur,
00:24:22quelque part, cette relation
00:24:24avec la collection Monde Sauvage.
00:24:26Et puis cette relation aussi qu'on peut tous avoir
00:24:28parce qu'on se cite les uns les autres,
00:24:30on se lit aussi.
00:24:32Et ça, c'est drôlement important.
00:24:36Je partage le point de vue de Jérôme.
00:24:38Je trouve vraiment que c'est une belle remise en cause.
00:24:40Moi, je suis historien.
00:24:42Objectivité et neutralité sont les deux mamelles
00:24:44de notre discipline, ou en tout cas prétendent l'être.
00:24:48Et quand Stéphane m'a proposé,
00:24:50on a échangé pour écrire cet ouvrage
00:24:52sur le renard, je sortais de ma thèse,
00:24:54donc un peu aride, évidemment,
00:24:56900 pages à lire,
00:24:58pas toujours évident pour le grand public.
00:25:00Et il a fallu
00:25:02changer de mode d'écriture.
00:25:04Ça n'a pas toujours été évident.
00:25:06D'ailleurs, il y a 12 chapitres,
00:25:08il y en a 3-4 qui sont encore marqués du saut
00:25:10de la thèse et pas forcément
00:25:12dans leur chronologie. Vous verrez,
00:25:14on en parlera peut-être tout à l'heure.
00:25:16Et puis, au fur et à mesure, j'ai lâché un peu la bride,
00:25:18j'ai enlevé mes œillères
00:25:20et j'ai changé de mode d'écriture.
00:25:22J'ai beaucoup apprécié.
00:25:24Je remercie Stéphane d'avoir permis
00:25:26d'écrire autrement.
00:25:28J'en ai fait que 12, mais j'aurais bien
00:25:30pu en faire davantage.
00:25:32C'était vraiment un très bon moment.
00:25:34C'était un moment où on peut
00:25:36se livrer.
00:25:38Ça n'a pas été évident. Tu m'avais demandé au début
00:25:40de parler plus de moi, je n'osais pas le faire
00:25:42parce qu'en historien, on ne le fait pas.
00:25:44Dans d'autres disciplines, je pense que c'est pareil.
00:25:46Il y a des anecdotes
00:25:48dont je vous ai parlé tout à l'heure.
00:25:50Finalement, on y prend goût.
00:25:52Je pense que c'est ce qu'aime le public aussi.
00:25:54Au-delà, en plus,
00:25:56du magnifique camaïeu
00:25:58de l'arc-en-ciel que vous avez dans votre
00:26:00bibliothèque, du fait des différents volumes
00:26:02et sur l'aspect matériel,
00:26:04on a vraiment un livre qui est hyper agréable.
00:26:06C'est vrai que c'est un des points forts
00:26:08de la collection. On est très fiers d'être édité
00:26:10dans une telle collection.
00:26:13Alexis, l'homme aux 42 livres.
00:26:18Moi, c'est l'inverse.
00:26:22Mon autre activité,
00:26:24c'est d'écrire des romans.
00:26:26Du coup, de me livrer
00:26:28sans vergogne
00:26:30à la subjectivité
00:26:34et écrire
00:26:36sur les sciences,
00:26:38sur le monde,
00:26:40sur...
00:26:42C'est avoir l'occasion
00:26:44d'écrire pas de moi
00:26:46et d'écrire
00:26:48sur quelque chose
00:26:50qui est de l'autre et qui résiste.
00:26:52Après, en utilisant
00:26:56ce que j'ai appris
00:26:58à faire par le biais du roman,
00:27:00il y a ce sujet.
00:27:02Je ne peux pas dire n'importe quoi.
00:27:04Je suis très reconnaissant
00:27:06à mes études de sciences.
00:27:10Parce qu'elles m'ont appris
00:27:14à contrôler ce que je dis,
00:27:16à ne pas dire n'importe quoi.
00:27:18Avant, j'aurais voulu,
00:27:20quand j'étais au collège,
00:27:22faire de l'histoire.
00:27:24Mais j'aurais été délirant.
00:27:28Là, au moins, il y a de l'expérimental,
00:27:30de l'observation et de la mesure.
00:27:32Pour moi, c'est important,
00:27:34cette confrontation
00:27:36à cet autre que moi.
00:27:40Stéphane prend des notes.
00:27:42C'est bon signe.
00:27:44Le secret d'un livre
00:27:46de Montsorèche,
00:27:48c'est qu'il commence autour d'une bière.
00:27:50On se retrouve,
00:27:52on boit un verre
00:27:54et on rêve ensemble d'un projet.
00:27:56C'est aussi simple que ça.
00:27:58On part d'une page blanche
00:28:00et on rêve ensemble,
00:28:02l'auteur, l'autrice, moi,
00:28:04et on imagine un truc.
00:28:06S'il y a déjà du plaisir
00:28:08dès le départ,
00:28:10le lecteur en aura aussi à le lire.
00:28:14On n'a plus beaucoup de bière.
00:28:16Au-delà de boire,
00:28:18j'imagine,
00:28:20que tu incites
00:28:22à lire, parce qu'il y a un style.
00:28:24Ce n'est pas un livre scientifique.
00:28:26Il y a une émotion.
00:28:28Tu demandes à chaque auteur,
00:28:30et Nicolas en parlait très bien,
00:28:32d'être au-delà des savoirs.
00:28:34D'être capable de partager.
00:28:36La collection Monde Sauvage
00:28:38veut nous faire rentrer dans une intimité
00:28:40avec le vivant qu'on ne nous a jamais apprise.
00:28:42Tu leur fais lire,
00:28:44tu leur racontes.
00:28:46Il se passe quoi quand vous avez bu trois bières ?
00:28:48À part le fait que vous vous êtes trouvés
00:28:50super sympas.
00:28:52Je rencontre un ou une spécialiste
00:28:54qui est spécialiste
00:28:56de l'intimité
00:28:58avec un autre cubain.
00:29:00Ça va être un chêne,
00:29:02une chauve-souris, un cachalot, un renard.
00:29:04Je représente le lecteur,
00:29:06le grand public,
00:29:08qui n'a pas cette intimité
00:29:10avec ce chêne, cette chauve-souris, ce renard,
00:29:12ce cachalot.
00:29:14La seule manière de faire le pont,
00:29:16c'est de passer par la commune humanité
00:29:18que partagent
00:29:20l'auteur ou l'autrice,
00:29:22spécialiste de cet animal ou de cette plante,
00:29:24et le lecteur.
00:29:26C'est grâce à l'humanité commune
00:29:28avec l'auteur
00:29:30qu'on peut accéder...
00:29:32C'est un pont,
00:29:34un jeu de billards à plusieurs bandes
00:29:36qui permet éventuellement...
00:29:38C'est comme ça que j'analyse.
00:29:40Je n'ai pas eu une stratégie hyper claire
00:29:42dès le début,
00:29:44mais c'est comme ça que j'analyse le truc.
00:29:46C'est grâce à l'humanité commune
00:29:48qu'il faut faire raisonner,
00:29:50mettre en évidence
00:29:52qu'on peut peut-être
00:29:54avoir une chance
00:29:56de rentrer dans l'intimité
00:29:58de cet animal, de cette plante,
00:30:00si c'est bien le spécialiste.
00:30:02Une autre question que j'ai envie de vous poser,
00:30:04puisque tout au long de la journée,
00:30:06ça m'est beaucoup venu.
00:30:08Vous passez votre temps à observer,
00:30:10écouter,
00:30:12d'écrire et nous faire partager.
00:30:14A quel moment vous vous sentez observé,
00:30:16écouté ?
00:30:18Finalement,
00:30:20la posture est aussi inversable.
00:30:26Laurent,
00:30:28je vais bien aimer qu'on parle de la Corse.
00:30:32Tout le temps,
00:30:34en particulier avec les chauves-souris.
00:30:36En particulier avec une espèce,
00:30:38le petit rhinolophe.
00:30:40Il est absolument incroyable.
00:30:42Je vous parle d'une anecdote
00:30:44sur les chauves-souris qui s'est passée en Corse.
00:30:46Ça date de 2005,
00:30:48je crois,
00:30:50quand on a étudié
00:30:52une population de petits rhinolophes
00:30:54au cœur de la montagne corse.
00:30:56Pendant deux semaines,
00:30:58on ne dormait pas la nuit pour suivre ces animaux.
00:31:00Arrive le dernier jour,
00:31:02le vendredi matin.
00:31:04Tranquillement,
00:31:06après une journée de sommeil
00:31:08assez courte,
00:31:10on va chacun dans nos pénates.
00:31:12Je suis invité par le coordinateur de la mission
00:31:14chez lui,
00:31:16pour souffler quelques jours
00:31:18avant de rentrer en région parisienne.
00:31:20On s'installe,
00:31:22il est vers 19h30,
00:31:24sur la table de son salon.
00:31:26On est à l'étage,
00:31:28la fenêtre est ouverte.
00:31:30On est sur la place de l'église.
00:31:32On ouvre la bière,
00:31:34une chauve-souris entre.
00:31:36Elle fait le tour de la pièce,
00:31:38elle s'installe au-dessus de nous.
00:31:40Elle nous regarde.
00:31:42C'était un petit rhinolophe.
00:31:44Il faut que je vous mime le rhinolophe.
00:31:46Vous m'excuserez,
00:31:48normalement, c'est à l'envers.
00:31:50Les poutres sont un peu hautes,
00:31:52un rhinolophe qui vous regarde, il fait ça.
00:32:00Pourquoi ? Parce que ses oreilles sont en permanence
00:32:02en train de recevoir, en même temps,
00:32:04les informations liées à les colocations.
00:32:06Lui, il les met en permanence.
00:32:08Il nous écoutait.
00:32:10Ça a duré trois quarts d'heure.
00:32:12Pendant trois quarts d'heure, on était en train de boire notre bière
00:32:14avec ce rhinolophe qui était au-dessus.
00:32:16Franchement, on a eu la sensation
00:32:18qu'il était en train de prendre des notes
00:32:20et de faire le compte-rendu en disant
00:32:22vous savez ce qu'ils ont fait à l'autre colonie ?
00:32:24C'est des fous.
00:32:26On peut vivre ce genre de choses
00:32:28avec les animaux qu'on va observer.
00:32:30Je vous raconte une toute dernière,
00:32:32toute petite anecdote.
00:32:34On est en train de tourner un film
00:32:36issu des fantômes de la nuit pour Arte.
00:32:38À un moment donné, avec la réalisatrice,
00:32:40on est dans un bâtiment
00:32:42où se trouve une très belle colonie de petits rhinolophes.
00:32:44On va faire des images.
00:32:46On ressort.
00:32:48Malgré le dérangement, on était peu nombreux.
00:32:50La réalisatrice,
00:32:52qui était restée à l'extérieur,
00:32:54m'a dit qu'il fallait voir un jour un petit rhinolophe.
00:32:56Les animaux étaient en pleine activité.
00:32:58On était au mois de septembre, l'après-midi.
00:33:00C'était tout à fait normal chez eux.
00:33:02Je la prends par la main
00:33:04et je l'emmène à l'intérieur. On fait trois mètres.
00:33:06Elle s'approche.
00:33:08Progressivement,
00:33:10elle avait appris à connaître les chauves-souris.
00:33:12Je lui avais raconté des histoires que les chauves-souris
00:33:14pouvaient venir jusqu'à nous. Elle le rêvait.
00:33:16Il y avait deux petits rhinolophes
00:33:18qui étaient suspendus.
00:33:20Les rhinolophes suspendus, c'est la taille d'un pouce.
00:33:22C'est tout petit.
00:33:24Ils étaient en train de nous regarder
00:33:26en se demandant ce qu'on faisait.
00:33:28Il y en avait deux ou trois en vol.
00:33:30Il y en a un qui est en vol, qui est au loin.
00:33:32D'un seul coup, il arrive.
00:33:34Excuse-moi, tu seras claire, la réalisatrice.
00:33:36Il arrive et il fait ça.
00:33:40Il vole devant elle,
00:33:42à 30 centimètres devant son visage.
00:33:44Il repart. Il n'était pas certain.
00:33:46Probablement, il revient.
00:33:48Après, il est reparti. C'est bon.
00:33:50La rencontre s'était opérée.
00:33:52Pour résumer,
00:33:54c'est la bière qui est au cœur du monde sauvage.
00:33:56Soit pour rencontrer
00:33:58des petits rhinolophes, soit pour signer un contrat
00:34:00avec Stéphane.
00:34:02Le petit rhinolophe voulait écrire.
00:34:04Jérôme, je veux bien.
00:34:06Je pense que tu as vécu.
00:34:08Tu passes ton temps à écouter.
00:34:10Ça fonctionne ?
00:34:12En fait, c'est assez récent
00:34:14que j'ai réalisé ça.
00:34:16C'est via Fernand Héroussen,
00:34:18qui est un audio-naturaliste,
00:34:20un preneur de son.
00:34:22Il disait qu'avant d'enregistrer,
00:34:24on est écouté. C'est vrai que quand on arrive
00:34:26dans un milieu notamment pour l'enregistrer,
00:34:28pour l'écouter, on dérange fatalement.
00:34:30On est écouté.
00:34:32Ça fait peu de temps que j'ai conscientisé ça.
00:34:34Maintenant,
00:34:36quand j'arrive dans une forêt,
00:34:38je me dis que peut-être que les oiseaux
00:34:40m'écoutent, ils m'observent
00:34:42certainement même mieux que je ne peux
00:34:44les observer.
00:34:46Avoir conscience de ça,
00:34:48d'être vu et d'être écouté,
00:34:50ça change aussi la posture que l'on a
00:34:52dans ce milieu. On déboule peut-être moins
00:34:54sauvagement dans ce milieu
00:34:56en étant plus discret
00:34:58et plus respectueux
00:35:00des sens des autres.
00:35:02Olivier, peut-être,
00:35:04quand les montagnes dansent...
00:35:06Il y a peut-être des oiseaux
00:35:08qui ont leur propre dispositif de bio-acoustique
00:35:10à l'égard des humains.
00:35:12Mais oui, moi,
00:35:14une brève anecdote,
00:35:16sur mon plateau,
00:35:18levée dans mon enfractueux zithérocheuse,
00:35:20il y a un moment où je crois
00:35:22qu'il n'y a personne.
00:35:24J'attends. Je crois n'entendre rien.
00:35:26Et puis, à un moment,
00:35:28surgit une marmotte salpide.
00:35:30Cri d'alerte
00:35:32qui s'adresse à quelques juvéniles
00:35:34chamois.
00:35:36Je les remarque.
00:35:38Un aigle royal qui plane au-dessus.
00:35:40Et voilà.
00:35:42En fait, tout le dispositif était là.
00:35:44Je ne l'avais pas aperçu. C'est évident
00:35:46qu'elle m'avait repéré.
00:35:48Ça ne l'avait pas empêché
00:35:50d'exercer
00:35:52son sens de la justice, peut-être,
00:35:54ou au moins de l'entraide. Je vais aider
00:35:56les chamois. Attention, tu peux devenir une proie,
00:35:58comme moi, d'ailleurs.
00:36:00Et puis, je me tourne et je me dis
00:36:02tiens, il y a une superbe paroi concave
00:36:04derrière moi. Peut-être qu'elle a même
00:36:06crié dans cette direction parce que ça répercute
00:36:08mieux l'écho.
00:36:10Ce genre de choses.
00:36:12Elle fait surprise aussi. C'est magnifique.
00:36:14On retrouve la surprise
00:36:16et la situation d'immersion.
00:36:20Rémi, peut-être
00:36:22t'es 30 ans...
00:36:24L'homme qui a vu l'os, c'est l'os qui a vu l'homme.
00:36:26Pour l'os polaire,
00:36:28c'est un peu compliqué
00:36:30parce qu'on peut difficilement se cacher
00:36:32dans les zones où il y a des ours polaires.
00:36:34Par contre, il faut qu'ils nous acceptent.
00:36:36Dans certains cas, et en particulier,
00:36:38quand on va filmer
00:36:40et observer des femelles
00:36:42qui sortent des tanières
00:36:44avec des petits. Et ça, c'est quand même
00:36:46un moment assez incroyable.
00:36:48Et puis aussi,
00:36:50ce qui est incroyable, c'est qu'évidemment,
00:36:52cette femelle,
00:36:54c'est qu'on est là, forcément.
00:36:56Un ours polaire, ça peut détecter certainement la présence
00:36:58d'un phoque à 10 km.
00:37:00Le motoneige, le bruit et le fracas
00:37:02qu'on fait, elle sait très bien qu'on est là.
00:37:04Et là, elle va quand même
00:37:06prendre la décision de sortir et de laisser
00:37:08ses petits jouer.
00:37:10La surprise et la joie
00:37:12dont on parle depuis ce matin,
00:37:14c'est tout à fait incroyable.
00:37:16Effectivement,
00:37:18on n'a pas de communion
00:37:20ou de communication, au moins de là,
00:37:22mais la femelle nous accepte, elle nous permet.
00:37:24Et ça, c'est un privilège extraordinaire
00:37:26parce qu'on est devant un grand mammifère
00:37:28que tout le monde sur la planète aimerait voir.
00:37:30Et nous, on est là, face à cette femelle
00:37:32qui est dans sa tanière, bien au chaud,
00:37:34et qui laisse ses deux petits, trois mois, sortir,
00:37:36jouer dehors.
00:37:38Et là, il n'y a pas de...
00:37:40Elle n'est pas du tout surprise parce qu'elle sait
00:37:42très bien qu'on est là. Nous, on attend
00:37:44évidemment cet instant.
00:37:46Et là, c'est des moments assez...
00:37:48Oui, ça, c'est des grandes, grandes émotions.
00:37:50Forcément, quoi.
00:37:52Mais c'est vrai que ce sont des milieux où c'est difficile
00:37:54justement d'être forcément surpris.
00:37:56Moi, je me rappelle aussi d'une grande surprise.
00:37:58C'est peut-être l'une des plus grandes observations.
00:38:00C'était avec les loups blancs, par contre.
00:38:02Et là, on avait monté une expédition
00:38:04pour l'observation des loups blancs
00:38:06au nord du Canada. On les a cherchés.
00:38:08L'île où on était,
00:38:10c'est à peu près l'équivalent de la planète Mars.
00:38:12Donc, il n'y a rien.
00:38:14Il y a très, très peu de végétation. Il y a des cailloux
00:38:16un peu partout. On sait qu'il y a des loups blancs
00:38:18qui sont là. Et le moment
00:38:20où on est dans le sac de couchage,
00:38:22il fait grand jour, évidemment, parce qu'il fait jour
00:38:2424 heures sur 24.
00:38:26Et sur la crête, le loup, il est là,
00:38:28il nous regarde et il sait évidemment
00:38:30qu'on est là. Il est venu nous voir.
00:38:32Et cette curiosité aussi qui est assez extraordinaire.
00:38:34Cette surprise. Parce que nous, on est surpris,
00:38:36on est curieux, on veut les voir. Mais eux, ils viennent
00:38:38nous voir aussi.
00:38:40Surtout dans des milieux comme ça où l'humain
00:38:42est quand même... Il y a peu de monde.
00:38:44On est dans un parc national
00:38:46où il y a 100 visiteurs par an. Donc, c'est quand même très, très peu.
00:38:48Et donc là, quand il y a le loup blanc
00:38:50qui pointe au-dessus de la crête
00:38:52et qui après, dans les jours suivants, est venu
00:38:54nous voir à 3 mètres.
00:38:56On a l'air de dire, vous savez,
00:38:58vous êtes là, vous êtes chez moi et c'est moi le patron.
00:39:00Et ça, ce sont
00:39:02des moments complètement incroyables.
00:39:04Et puis justement,
00:39:06dans cet univers qui est tellement
00:39:08aride, c'est vraiment
00:39:10comme tu décrivais l'Europe
00:39:12après les glaciations.
00:39:14Mais là, c'est pareil. Les glaciers sont partis
00:39:16il n'y a pas longtemps. Et là, on a un territoire
00:39:18complètement nu. C'est vraiment
00:39:20très, très sauvage, justement.
00:39:22Peut-être au sens strict du terme.
00:39:24Et puis là, on a les loups
00:39:26qui apparaissent. Et là, c'est des grands moments.
00:39:28Effectivement.
00:39:30Raphaël ?
00:39:32Ah !
00:39:36À quel moment
00:39:38te sens-tu observé ?
00:39:40Moi, je me sens tout le temps observé.
00:39:42Il y a même des gens qui m'écoutent au téléphone
00:39:44mais je ne sais pas encore qui c'était.
00:39:50À quel moment
00:39:52je me suis senti observé ?
00:39:54J'avais une anecdote sur le loup dans les Abruz
00:39:56mais je vais la passer.
00:39:58Non, je vais peut-être
00:40:00plutôt évoquer
00:40:02une rencontre un peu fortuite.
00:40:04Puisqu'en fait,
00:40:06c'était en cherchant du
00:40:08Gangakata. Tout le monde voit ce que c'est,
00:40:10le Gangakata ?
00:40:12Du coup, c'était en cherchant du Gangakata.
00:40:14Et donc,
00:40:16c'est de la taille
00:40:18un peu d'un pigeon.
00:40:20C'est un oiseau des steppes.
00:40:22En France, on peut le voir
00:40:24uniquement dans la plaine de Croz,
00:40:26entre Arles, Salon et Fos-sur-Mer.
00:40:28Dans la réserve nationale
00:40:30de Croz.
00:40:32Le Gangakata, sa particularité,
00:40:34c'est qu'il niche vraiment en milieu stépique.
00:40:36C'est de la taille d'un pigeon, je ne sais pas si je l'ai dit.
00:40:38Du coup,
00:40:40il vient en costière de Croz, en limite,
00:40:42avec le delta du Rhône, avec la Camargue,
00:40:44l'été, quand il fait très chaud, que tout est asséché,
00:40:46pour venir baigner les plumes
00:40:48dans les points d'eau.
00:40:50Ils ont une particularité, c'est-à-dire que
00:40:52les plumes ont la capacité à garder
00:40:54temporairement de l'eau
00:40:56dans la structure de la plume,
00:40:58pour pouvoir abreuver les poussins
00:41:00qui sont assoiffés en plein milieu stépique.
00:41:02C'était des observations
00:41:04absolument pas fructueuses.
00:41:06Il faisait très chaud,
00:41:08et on a entrepris d'aller
00:41:10au trou du curé.
00:41:12C'était le nom local du trou du curé.
00:41:14Ce n'est pas que je suis anti-éclairical.
00:41:16C'était localement
00:41:18un petit point d'eau.
00:41:20En tant que scientifique, j'aurais pu décrire ça
00:41:22comme une pièce d'eau
00:41:24entourée de grands élophytes
00:41:26et occupée par quelques macrophytes.
00:41:28L'eau était plutôt oligotrophe.
00:41:30Il faut imaginer...
00:41:32Merci de ne pas écrire comme ça
00:41:34dans mon travail.
00:41:36C'est simplement
00:41:38une jolie petite mare
00:41:40avec de l'eau bleue
00:41:42qui vous attend,
00:41:44bleue verte,
00:41:46entourée de quelques roseaux.
00:41:48Il y a quelques plantes aquatiques.
00:41:50Je me dénude.
00:41:52Je vérifie
00:41:54que le curé n'est pas là.
00:41:56Je me dénude.
00:41:58Le trou du curé,
00:42:00c'est le curé de la paroisse
00:42:02qui venait régulièrement
00:42:04se rafraîchir
00:42:06l'été
00:42:08dans cette pièce d'eau.
00:42:10La rencontre fortuite,
00:42:12ce n'est pas le curé,
00:42:14c'est en nageant dans l'eau.
00:42:16Je suis tombé sur des tritons palmés
00:42:18et des tritons alpès, si je me souviens bien.
00:42:20J'ai entrepris...
00:42:22Je suis resté entre deux eaux
00:42:24parce que l'eau était complètement translucide.
00:42:26Je suis resté au contact
00:42:28d'une dizaine de tritons
00:42:30qui sont grands comme le majeur.
00:42:32Ce n'est pas très grand comme triton.
00:42:34Ils venaient à ma rencontre.
00:42:36Ils étaient étonnés de voir que ce n'était pas le curé.
00:42:38Du coup, ils étaient étonnés
00:42:40de cette rencontre.
00:42:42J'en garde un souvenir merveilleux
00:42:44autant que l'ours,
00:42:46le loup que je pensais.
00:42:48C'était pour mettre de l'amphibien.
00:42:52Alexis, tu veux nous partager ?
00:42:56Moi, comme mon dada,
00:42:58c'est le végétal,
00:43:00je ne me sens jamais observé.
00:43:02Mais comme j'ai une tendance
00:43:04un peu paranoïaque,
00:43:06ça me fait du bien, ça me repose.
00:43:10Le végétal, je me sens accueilli,
00:43:12accueilli tranquillement,
00:43:14tout le temps.
00:43:16C'est apaisant.
00:43:18Le végétal m'apaise
00:43:20en absence d'observation.
00:43:24Nicolas ?
00:43:26Tu ne vas pas y couper ?
00:43:28Moi, ce qui sera moins sauvage,
00:43:30ce sont mes moutons douaissants.
00:43:32Vous avez compris que je n'ai plus de poules,
00:43:34mais j'ai des chiens et des moutons douaissants.
00:43:36Comment s'appellent-ils ?
00:43:38Ils s'appellent Kébab et Méchoui.
00:43:42Mais ils sont encore vivants.
00:43:44On est assez inventifs
00:43:46au niveau des appellations.
00:43:48On a été frappé en Bretagne
00:43:50par la torpette carrière,
00:43:52vous avez dû en entendre parler,
00:43:54un ravage assez terrible.
00:43:56Récemment, je suis allé dans leur enclos
00:43:58pour débiter des branches qui étaient tombées.
00:44:00C'est cet été
00:44:02qu'il y aura le débitage des moutons.
00:44:04Non, je plaisante.
00:44:06Ils sont là pour l'éco-pâturage.
00:44:08Ils n'avaient jamais vu de tronçonneuse
00:44:10ni de maître en action.
00:44:12Ils m'ont observé
00:44:14pendant près d'une heure
00:44:16à me regarder travailler.
00:44:18Quand j'ai terminé,
00:44:20ils sont venus sentir la tronçonneuse.
00:44:22C'est la rencontre
00:44:24entre le monde moderne
00:44:26et le monde animal.
00:44:30Stéphane ?
00:44:32Allez.
00:44:38J'habite dans les Alpilles,
00:44:40où sont les bureaux d'Actes Sud.
00:44:42Les Alpilles, c'est l'un des points
00:44:44de la plus forte concentration,
00:44:46l'une des plus fortes concentrations
00:44:48d'hiboux granduc,
00:44:50le plus grand des hiboux
00:44:52de l'hémisphère nord.
00:44:54On a cette chance en France.
00:44:56L'une des plus grosses populations
00:44:58de hiboux granduc est en France.
00:45:00Elle est là, dans les Alpilles.
00:45:02De la maison, on l'entend chanter
00:45:04surtout à l'automne et pendant l'hiver.
00:45:06Je ne l'ai jamais vue.
00:45:08Quand il chante,
00:45:10il fait nuit.
00:45:12Il est là, autour de la maison.
00:45:14D'une minute à l'autre,
00:45:16il passe d'un côté à l'autre.
00:45:18Il me survole. Je ne le vois pas.
00:45:20Je suis persuadé
00:45:22qu'il sait que je suis là.
00:45:24Je suis en train de le chercher.
00:45:26Il m'a vu. Je ne le vois pas.
00:45:28Ça donne des petits frissons
00:45:30très intéressants.
00:45:32Un autre frisson,
00:45:34c'est que les loups sont en train
00:45:36d'arriver dans les Alpilles.
00:45:38Il y a peut-être une meute
00:45:40qui se constitue en ce moment.
00:45:42J'adore me balader la nuit
00:45:44dans les Alpilles et de savoir
00:45:46que potentiellement, le loup est là
00:45:48et qu'il pourrait m'observer.
00:45:50Il y a peu de chance.
00:45:52C'est assez grand.
00:45:54C'est juste un couple.
00:45:56La balade prend une autre saveur.
00:45:58C'est assez réjouissant,
00:46:00assez jouissif.
00:46:02Merci de parler de ça.
00:46:04C'est une question que je voulais poser.
00:46:06Tout à l'heure, Raphaël et Nicolas,
00:46:08il y a un très chouette film
00:46:10qui est un triptyque.
00:46:12Le dernier, c'est Vivre avec les loups
00:46:14de Jean-Michel Bertrand.
00:46:16J'avais envie de vous questionner
00:46:18sur cette réintroduction du loup
00:46:20qui inquiète.
00:46:22Il n'a pas été réintroduit.
00:46:24Le retour du loup
00:46:26qui inquiète,
00:46:28sur le mauvais terme.
00:46:30Pour les sangliers,
00:46:32les renards et d'autres espèces
00:46:34qu'on a pu étudier,
00:46:36qu'est-ce que vous anticipez ?
00:46:38Qu'est-ce que ça vous inquiète ?
00:46:40Est-ce qu'au contraire...
00:46:42En Bretagne, c'est un sujet brûlant
00:46:44parce qu'il est arrivé il y a deux ans.
00:46:46On est une grande région d'élevage,
00:46:48pas seulement de moutons douaissants
00:46:50mais aussi de poules.
00:46:52Comme les cochons,
00:46:54ils sont dans les bâtiments hors-sol.
00:46:56J'habite à la campagne.
00:46:58J'ai beaucoup de gens de ma famille
00:47:00ou de mon entourage qui sont éleveurs.
00:47:02Je fréquente pas mal de gens
00:47:04car je travaille sur l'histoire
00:47:06des races bretonnes anciennes
00:47:08au niveau des vaches.
00:47:10On a les éleveurs de races pinoires,
00:47:12de fromands du Léon, d'Armorican
00:47:14qui sont extrêmement inquiets.
00:47:16Pourtant, ils sont tous éleveurs en bio,
00:47:18expliqués dans la défense des races locales.
00:47:20Ils sont extrêmement inquiets.
00:47:22Pareil pour les éleveurs de moutons douaissants
00:47:24ou les éleveurs de moutons en général.
00:47:26J'ai vu des photos de génies s'attaquer,
00:47:28de moutons, de brebis, etc.
00:47:30On sent vraiment
00:47:32qu'il y a une tension qui est en train de monter.
00:47:34J'étais justement à la présentation
00:47:36à Carré de ce film
00:47:38« Vivre avec les loups ».
00:47:40Je trouvais que c'était pas mal le film
00:47:42parce que c'était...
00:47:44Je le connais pas personnellement,
00:47:46le réalisateur,
00:47:48mais j'ai trouvé qu'il était arrivé
00:47:50très favorable aux loups.
00:47:52On a senti peu à peu qu'il a écouté
00:47:54les gens qui étaient inquiets.
00:47:56Il y a de ça aussi.
00:47:58Si je reviens au renard,
00:48:00il reprend un peu du poil de la bête
00:48:02depuis la fin de la rage
00:48:04et depuis la fin des grandes destructions.
00:48:06Mais il est quand même encore assez fragile.
00:48:08Un de ses grands prédateurs,
00:48:10évidemment, c'est le renard.
00:48:12C'est le loup, pardon.
00:48:14Il n'y a pas un risque que le loup
00:48:16tape dans le renard si nous,
00:48:18on continue à protéger,
00:48:20on protège davantage nos animaux.
00:48:22Il y a une espèce de déséquilibre
00:48:24qui est en train de se créer.
00:48:26Je ne suis pas du tout convaincu
00:48:28qu'il n'y ait jamais eu un seul équilibre
00:48:30dans la nature.
00:48:32C'est un déséquilibre permanent.
00:48:34Mais l'arrivée du loup,
00:48:36c'est l'arrivée d'un chien
00:48:38dans un jeu de kick
00:48:40qui était déjà à la limite de tomber.
00:48:42C'est un sujet très actuel et brûlant.
00:48:44Merci Nicolas.
00:48:46Raphaël ?
00:48:48C'est un sujet brûlant.
00:48:50Je ne travaille pas sur le loup.
00:48:54Non, je plaisante.
00:48:56J'ai forcément un avis.
00:48:58Ce que j'observe,
00:49:00c'est qu'effectivement,
00:49:02à l'arrivée du loup,
00:49:04dans le sud de la France,
00:49:06dans le périmètre sur lequel je travaille
00:49:08depuis longtemps,
00:49:10depuis 30 ans,
00:49:12qui est dans le Gard ?
00:49:14Dans le Gard, Hérault
00:49:16et Bouches-du-Rhône.
00:49:18De Lacroix jusqu'à Montpellier,
00:49:20puis les Cévennes comprises.
00:49:22Ce qu'on voit avec le loup,
00:49:24c'est qu'il y avait des alliances
00:49:26entre humains,
00:49:28si je puis dire,
00:49:30qui avaient du mal à se mettre en place
00:49:32autour du sanglier,
00:49:34autour des espèces qui dérangent, etc.
00:49:36Le loup remet à nouveau,
00:49:38rebat les cartes à nouveau.
00:49:40Est-ce que les gens auront assez d'énergie ?
00:49:42Tout ça prend énormément d'énergie.
00:49:44Le dialogue consomme de l'énergie.
00:49:48Au-derrière,
00:49:50il y a tous les différents lobbies
00:49:52qui sont alignés.
00:49:54On voit bien que le loup remet en cause
00:49:56le redéploiement pastoral en Garigue.
00:49:58La Garigue se ferme,
00:50:00il y a plein de projets de remettre des troupeaux,
00:50:02de réouvrir la Garigue
00:50:04pour des enjeux de biodiversité.
00:50:06Si le loup est là,
00:50:08comment accompagner, comment prévoir ?
00:50:10Il y a vraiment un enjeu.
00:50:12Il y a de plus en plus de travaux là-dessus.
00:50:14Comment anticiper l'arrivée du loup ?
00:50:16On bénéficie maintenant d'une expérience
00:50:18depuis le début des années 1990
00:50:20et du retour naturel du loup en France.
00:50:22On a vu un grand nombre de difficultés
00:50:24se mettre en place.
00:50:26Comment profiter ?
00:50:28Quels enseignements ont tiré pour pouvoir anticiper
00:50:30en Bretagne et ailleurs ?
00:50:32Le loup est en train d'arriver en Camargue,
00:50:34dans les Alpies.
00:50:36Il est à Palavas-les-Flots,
00:50:38pour ceux qui ont envie de camper.
00:50:40C'est un cadavre qui a été retrouvé
00:50:42sur la voie rapide au sud de Montpellier.
00:50:44On voit que le loup est en train de traverser,
00:50:46il est omniprésent,
00:50:48il n'est pas forcément installé partout.
00:50:50Maintenant, il fait partie,
00:50:52il faut commencer à l'anticiper.
00:50:54C'est déjà difficile de traiter du loup
00:50:56là où il est déjà présent
00:50:58et bien installé.
00:51:00En parler là où il n'est pas encore arrivé...
00:51:02On y va tout doucement,
00:51:04mais sûrement.
00:51:06On n'évitera pas son arrivée.
00:51:08Sur la question spécifique du rôle
00:51:10qu'il pourrait avoir sur le sanglier,
00:51:12si à priori,
00:51:14on voit que la population
00:51:16et la capacité d'accueil est telle pour le sanglier,
00:51:18on peut penser que le loup n'arrivera pas
00:51:20à réguler à l'échelle nationale
00:51:22les populations de sangliers.
00:51:24Localement, on peut penser qu'il pourrait avoir un impact
00:51:26en termes d'écologie de la peur,
00:51:28sur la population de sangliers
00:51:30et aussi tous les cervidés
00:51:32qui pâturent nos sous-voies
00:51:34dans les Cévennes.
00:51:36Cela me fait penser au grand coq
00:51:38évoqué tout à l'heure.
00:51:40Dans les Cévennes,
00:51:42il y a eu un grand programme
00:51:44de réintroduction
00:51:46du grand tétra
00:51:48depuis les années 70-80.
00:51:52Il y a eu plus de 600 oiseaux lâchés.
00:51:54Il en reste une poignée,
00:51:56peut-être 4 ou 5
00:51:58sur l'ouest du Mont Lozère.
00:52:02C'est plutôt un échec.
00:52:04Toutes les perspectives
00:52:06ont été arrêtées.
00:52:08Pour le moment,
00:52:10il n'y a plus du fait du changement climatique,
00:52:12mais aussi des fortes densités de sangliers
00:52:14qui pourraient, notamment du côté
00:52:16du PNR des Monts d'Ardèche,
00:52:18rendre difficile la présence
00:52:20du grand coq dans des secteurs
00:52:22pourtant a priori favorables.
00:52:24– Vas-y, Jérôme.
00:52:26Après, je vais passer le micro à la salle.
00:52:28– J'ai une anecdote.
00:52:30Il n'y a pas que toi qui a des anecdotes.
00:52:32C'est une anecdote de laboratoire
00:52:34qui date d'hier.
00:52:36On enregistre dans le Haut-Jura,
00:52:38dans la forêt du Rizeau,
00:52:40et à chaque fois, on se dit
00:52:42qu'on va avoir du loup.
00:52:44Il y a du loup là-bas.
00:52:46Le son du loup, les hurlements du loup,
00:52:48ça nous excite beaucoup.
00:52:50On est en train de mettre
00:52:52de l'eau de montagne.
00:52:54Hier, on voit des détections
00:52:56qui paraissaient bizarres.
00:52:58On va écouter et dire
00:53:00« C'est du loup ! C'est du loup ! »
00:53:02« Montre le son ! Montre le son ! »
00:53:04« Ah non, c'est du mouton. »
00:53:06– Les acousticiens, bravo !
00:53:08– Les moutons s'entraînent.
00:53:16– Autre chose sur le loup ?
00:53:18Non ? Allez, on va passer.
00:53:20– Moi, autour du loup,
00:53:22l'image que ça m'évoque,
00:53:24dans l'enfance,
00:53:26c'est un peu l'image
00:53:28de l'animal sauvage par excellence.
00:53:30Il y a un côté qui me rassure
00:53:32de voir le loup revenir partout.
00:53:34Il y a des endroits
00:53:36où c'est plus compliqué en plaine,
00:53:38notamment de le voir arriver
00:53:40dans les élevages
00:53:42tels qu'ils sont organisés.
00:53:44Il faut quand même avoir en tête
00:53:46que dans les Alpes,
00:53:48on a appris à vivre avec le loup
00:53:50et depuis quelques années,
00:53:52le nombre d'attaques diminue
00:53:54alors que la population de loups
00:53:56continue à augmenter.
00:53:58Ce qui veut dire qu'on a réussi
00:54:00à trouver une manière de cohabiter
00:54:02avec l'animal, même si,
00:54:04et c'est ce que Jean-Michel Bertrand
00:54:06évoque dans son film,
00:54:08il y a des vraies difficultés,
00:54:10des questions qui se posent derrière.
00:54:12À un moment donné, il va voir un éleveur
00:54:14qui lui dit qu'il n'a aucun problème
00:54:16avec le loup.
00:54:18Je trouve qu'il est normal dans la montagne,
00:54:20mais ça me fait bizarre de me faire livrer
00:54:22des croquettes des patous par hélicoptère
00:54:24tellement il m'en faut.
00:54:26C'est vrai que ça questionne.
00:54:28Je trouve que le loup, c'est vraiment l'animal
00:54:30par excellence qui nous questionne
00:54:32sur notre relation au vivant,
00:54:34à l'autre et au sauvage.
00:54:36En tout cas, nous, en forêt,
00:54:38on sait qu'il va avoir un rôle fondamental
00:54:40et c'est ce que tu évoquais, Raphaël.
00:54:42On sait que vis-à-vis des grands herbivores
00:54:44présente une forme de déséquilibre
00:54:46vis-à-vis de la possibilité,
00:54:48dans certains espaces,
00:54:50de voir la régénération forestière,
00:54:52en tout cas à notre échelle.
00:54:54Sur la temporalité de la forêt en elle-même,
00:54:56à la limite, ce n'est pas forcément grave.
00:54:58Ça va se restaurer peut-être
00:55:00dans 100 ou 200 ans.
00:55:02Mais on est dans des sociétés
00:55:04qui ont une autre vision de la forêt.
00:55:06On sait que le loup va jouer un rôle
00:55:08avec ce niveau de vigilance
00:55:10qu'il va provoquer chez les herbivores
00:55:12et moi, j'ai eu l'occasion
00:55:14de faire un inventaire de chauves-souris
00:55:16dans le Vercors, dans la grande réserve
00:55:18biologique intégrale du Vercors,
00:55:20la 3000 hectares en libre-évolution,
00:55:22dans laquelle il y a une meute de loups
00:55:24qui est installée.
00:55:26Le soir, quand à la nuit tombée,
00:55:28vous voyez un groupe de biches
00:55:30qui passe devant vous à toute vitesse,
00:55:32vous vous dites qu'il y a le loup
00:55:34qui est derrière.
00:55:36Il n'y a pas de grande arbre
00:55:38de biches là-bas.
00:55:40C'est un tout petit groupe.
00:55:42La pression sur la flore, sur la régénération,
00:55:44est totalement dispersée dans l'espace.
00:55:46Je pense que le loup va
00:55:48obliger tous les territoires
00:55:50à se questionner sur leur rapport au vivant.
00:55:54Merci, Laurent.
00:55:58Il y a un micro qui circule dans la salle.
00:56:00On a encore un petit quart d'heure
00:56:02pour quelques questions.
00:56:04On vous écoute.
00:56:10J'ai une toute petite question.
00:56:12Vous l'avez abordée dès le début
00:56:14de votre présentation.
00:56:16Pourquoi il n'y a que des hommes
00:56:18sur cette scène ?
00:56:20Est-ce qu'il n'y a que des hommes
00:56:22qui écrivent dans cette collection ?
00:56:24Il n'y a pas que des hommes.
00:56:26Je vais répondre en tant que femme
00:56:28pour éviter d'avoir à répondre.
00:56:30Vinciane Després devait être avec nous.
00:56:32On a imaginé cette rencontre
00:56:34au Festival Terre Sauvage
00:56:36en juillet, il y a un an et demi.
00:56:38Avec Olivier,
00:56:40avec Laurent.
00:56:42Vinciane devait être avec nous.
00:56:44Elle n'a pas pu être avec nous.
00:56:46Céline Curiol est en résidence
00:56:48à la Villa Médicis, à Rome.
00:56:50Elle est à Rome en ce moment.
00:56:52Elle écrit un livre.
00:56:54Elle écrit un des Monts de Sauvage
00:56:56qui s'appelle Invasive.
00:56:58Elle a passé six fois une semaine
00:57:00dans une petite maison dans la réserve
00:57:02du Vigera au sud de Arles.
00:57:04Pour une urbaine, se retrouver
00:57:06dans cet espace-là.
00:57:08Elle rencontre de cette expérience.
00:57:10Valérie Chanzigot,
00:57:12historienne avec qui on travaille
00:57:14et avec qui on a écrit
00:57:16un des premiers ouvrages.
00:57:18On est assez peu en lien en ce moment
00:57:20puisqu'elle écrit un prochain ouvrage
00:57:22pour un siècle à venir.
00:57:24Et ensuite,
00:57:26on a des autrices
00:57:28qui sont étrangères.
00:57:30Elles ont été traduites.
00:57:32Il y a Béatrice Cochet.
00:57:34Béatrice n'était pas disponible.
00:57:36Sabrina Krief,
00:57:38aujourd'hui,
00:57:40n'est pas là.
00:57:42Je crois qu'elle est encore en Afrique.
00:57:44Je lui écris pour des rencontres
00:57:46et elle ne me répond pas.
00:57:48Je crois qu'on a fait à peu près le tour.
00:57:50Lise Garnier n'était pas disponible.
00:57:52Il y a six ou sept femmes dans la collection
00:57:54sur 35 titres.
00:57:56Mais comme vous l'avez vu,
00:57:58il y a des cumulars aussi.
00:58:00Mais nous essaierons de nous améliorer.
00:58:02Comme je disais à une personne
00:58:04qui me questionnait là-dessus,
00:58:06il y a beaucoup de féminins dans tous les hommes
00:58:08qui m'entourent.
00:58:10C'est aussi quelque chose de très important.
00:58:12Est-ce qu'il y a d'autres questions ?
00:58:14Je ne vois absolument pas.
00:58:16Dans les projets en cours à venir,
00:58:18il y a de nombreuses autrices,
00:58:20notamment toute une nouvelle génération
00:58:22de jeunes autrices qui est en train d'émerger.
00:58:24La collection va énormément se féminiser
00:58:26dans les années à venir.
00:58:28Mais il faut laisser le temps aux manuscrits
00:58:30de mûrir.
00:58:32Si il n'y a pas d'autres questions,
00:58:34j'en ai une.
00:58:36J'en ai d'autres en stock.
00:58:38Un de mes soucis principaux,
00:58:40c'est...
00:58:42C'est chouette parce qu'on est des adultes
00:58:44et on a accès, grâce à vos livres,
00:58:46à tous ces contenus.
00:58:48Mais que faisons-nous pour que nos enfants
00:58:50aient accès
00:58:52à des sciences
00:58:54qui soient partagées
00:58:56de manière sensible,
00:58:58et pour ne pas les rebuter ?
00:59:00Sachant qu'on voit bien
00:59:02que l'enseignement de la bio,
00:59:04toutes ces matières,
00:59:06ne sont pas toujours extrêmement,
00:59:08on va dire,
00:59:10très enseignées.
00:59:12Ça me questionne beaucoup.
00:59:14Mes enfants sont grands,
00:59:16mais un jour, j'aurai des petits-enfants.
00:59:18C'est sympa, en plus, d'avoir des petits-enfants.
00:59:20Oui, c'est sympa.
00:59:22Est-ce que je peux me permettre,
00:59:24parce que j'ai aussi l'expérience
00:59:26évidemment, ils ont un statut
00:59:28un peu particulier,
00:59:30mais je pense que l'enseignement,
00:59:32ce n'est pas suffisant, pas du tout.
00:59:34C'est même rebutant, quelque part.
00:59:36Et de plus en plus,
00:59:38c'est vrai que je vois justement,
00:59:40en allant dans les collèges,
00:59:42d'aller faire le chemin, d'aller vers eux,
00:59:44pour moi, c'est capital.
00:59:46Honnêtement, ça fait partie,
00:59:48je dirais, de mon métier,
00:59:50si on peut dire ça.
00:59:52Et c'est vraiment capital pour avoir
00:59:54leur retour.
00:59:56Et je pense que c'est vraiment ce qui manque.
00:59:58Tout à l'heure, je vous citais un exemple
01:00:00d'un projet qu'on m'avait proposé hier
01:00:02sur un film, et on s'aperçoit
01:00:04qu'il y a des tas de gens, entre autres dans les médias,
01:00:06aussi bien pour les adultes que pour les jeunes,
01:00:08qui semblent assez hors-sol par rapport à la réalité.
01:00:10Et ce qu'il faut,
01:00:12c'est aller sur le terrain et voir les jeunes,
01:00:14avoir leur réflexion, avoir leur inquiétude aussi,
01:00:16leur envie aussi.
01:00:18Et pour moi, c'est vraiment important.
01:00:20Et l'enseignement, il est certain, surtout tout de suite,
01:00:22c'est très compliqué pour les enseignants.
01:00:24Et je tiens mon chapeau aux enseignants
01:00:26pour se positionner. J'ai beaucoup échangé
01:00:28avec eux il y a peu de temps.
01:00:30C'est très compliqué de lutter avec les réseaux sociaux,
01:00:32avec tout ça. C'est un métier
01:00:34qui devient improbable.
01:00:36Mais nous, si on veut être acteur vis-à-vis
01:00:38des jeunes, vis-à-vis des enfants,
01:00:40il faut vraiment qu'on y aille,
01:00:42les rencontrer, et surtout qu'on ne simplifie
01:00:44pas non plus. Parce que je pense que
01:00:46globalement, aussi bien pour les adultes que pour les enfants,
01:00:48simplifier,
01:00:50ce n'est pas la bonne voie, je crois.
01:00:52Et c'est vraiment
01:00:54leur expliquer les choses telles qu'elles sont.
01:00:56Moi, c'est vrai que j'ai un petit-fils qui adore
01:00:58écouter les conférences. S'il serait là, il aurait 25
01:01:00questions. Mais
01:01:02peut-être que c'est mieux pour lui d'être ici
01:01:04et de partager que d'être à l'école.
01:01:06Et la relation n'est pas la même, parce qu'il y a aussi une relation
01:01:08humaine qui est différente.
01:01:10Mais je pense que la complexité est importante.
01:01:12Aussi, je reviens encore là-dessus. Excusez-moi, je suis un peu...
01:01:14Mais c'est vraiment important.
01:01:16Et même pour les jeunes.
01:01:18Il faut aller chercher des choses qui sont parfois un peu pointues.
01:01:20Mais se donner la peine à nous
01:01:22de leur expliquer. Ce n'est pas eux
01:01:24qui ne veulent pas comprendre parce qu'ils n'ont pas la capacité cognitive.
01:01:26Non, non. C'est aussi à nous
01:01:28de trouver les bons mots pour montrer
01:01:30cette complexité. Et c'est intérêt aussi.
01:01:32Parce que la complexité, c'est ce qui va ouvrir la passion
01:01:34et qui va ouvrir les horizons vers un tas de choses.
01:01:36Et je pense que
01:01:38ça, c'est capital.
01:01:40Et je pense qu'il faudrait faire une version jeune
01:01:42pour le monde sauvage.
01:01:44On a la version chez Hélium.
01:01:46La version chez Hélium aussi.
01:01:48On peut en parler.
01:01:50C'est aussi une bonne idée.
01:01:52Je pense qu'on peut aussi faire des livres
01:01:54un peu scientifiques, on va dire.
01:01:56Complexes. Mais il faut aller vers les enfants
01:01:58et les écouter surtout et voir comment ils fonctionnent.
01:02:00Il y a un vrai appétit.
01:02:02Raphaël ?
01:02:04Oui.
01:02:06Tu n'as pas eu un truc
01:02:08avec les lycéens, là, avec ton livre ?
01:02:10Ah oui.
01:02:12Tous les lycées de France et de Navarre
01:02:14te demandaient.
01:02:16Ce n'est pas du tout en phase avec ce que je pensais dire.
01:02:18J'étais en train de m'inscrire
01:02:20dans une pensée un peu critique, négative
01:02:22du jeunisme
01:02:24et de l'éducation à l'environnement.
01:02:26Je plaisante souvent en disant
01:02:28que si ça marchait, ça se saurait.
01:02:30Ça fait au moins 30 ans qu'on fait de l'éducation
01:02:32à l'environnement, donc ils sont déjà
01:02:34en âge de voter, de décider, etc.
01:02:36Mais Ryanair,
01:02:38les prix sont tellement cassés
01:02:40qu'il vaut mieux faire le tour du monde.
01:02:44Deux choses.
01:02:46Les lycéens,
01:02:48j'ai eu la chance,
01:02:50avec quelques ouvrages
01:02:52d'autres éditeurs,
01:02:54à être sélectionnés
01:02:56pour le prix
01:02:58de la géographie.
01:03:00Je ne sais plus, je n'ai plus en tête
01:03:02l'intitulé exact
01:03:04du prix.
01:03:06Cette année,
01:03:08ils nous proposent
01:03:10de rencontrer des lycéens.
01:03:12Généralement, c'est des lycéens,
01:03:14mais pas mal de prépa, de cagnes et d'autres.
01:03:20C'est selon l'envie des enseignants.
01:03:22Généralement, des enseignants de français,
01:03:24de géographie,
01:03:26des fois de sciences de la vie et de la Terre,
01:03:28qui proposent la lecture
01:03:30de l'ouvrage. Après, on fait un retour,
01:03:32on fait une discussion.
01:03:34On fait ça par Zoom,
01:03:36mais globalement, ça marche plutôt
01:03:38très bien. J'étais assez impressionné
01:03:40effectivement du niveau
01:03:42de questionnement.
01:03:44Ils s'étaient vraiment
01:03:46attardés sur un objet qui était un ovni
01:03:48pour eux. Généralement, le sanglier, ce n'était pas
01:03:50une question.
01:03:52Il y a vraiment des échanges
01:03:54à chaque fois fascinants.
01:03:56Comme tu disais, Rémi,
01:03:58qui pourraient durer des heures
01:04:00tellement il y a une soif
01:04:02et un enthousiasme. On peut s'en
01:04:04réjouir. Le point que j'étais
01:04:06en train de penser en écoutant
01:04:08Rémi, c'est la question
01:04:10où on parlait du changement,
01:04:12comment accompagner le changement.
01:04:14C'est vrai qu'on met
01:04:16beaucoup d'argent, beaucoup de temps,
01:04:18d'énergie, plein de génie.
01:04:20Il y a plein de gens talentueux
01:04:22qui investissent dans la médiation scientifique,
01:04:24l'éducation et l'environnement. Il faut
01:04:26continuer de le faire. Ce n'est pas du tout ce que je suis.
01:04:28Je ne dis pas le contraire.
01:04:30J'étais en train de me dire que les décideurs
01:04:32d'aujourd'hui sont déjà là.
01:04:34Si j'ai en tête
01:04:36la population des gens
01:04:38qui votent le plus en France, c'est
01:04:40les seniors, je crois.
01:04:42Je me demandais s'il n'y avait
01:04:44pas plutôt à travailler
01:04:46davantage encore avec les post-68
01:04:48arts, avec
01:04:50les gens qui ont contribué
01:04:52à l'état de la planète actuelle
01:04:54et qui votent aujourd'hui,
01:04:56à continuer de réfléchir,
01:04:58à expliquer les choses.
01:05:00Moi, des fois, je vois bien avec
01:05:02mes enfants.
01:05:04J'ai une méthode d'éducation
01:05:06active. Je donne une
01:05:08tape quand il y a
01:05:10encore des confusions entre mes anges
01:05:12bleus et mes anges charbonnières.
01:05:14Je plaisante, évidemment,
01:05:16avec mes filles.
01:05:18Je vois
01:05:20avec l'éducation nationale, il y a
01:05:22quand même une énergie incroyable avec
01:05:24les enseignants. On ne peut
01:05:26que les remercier et les saluer.
01:05:28C'est vrai qu'en même temps, il y a une espèce de
01:05:30culpabilisation croissante
01:05:32des enfants.
01:05:34C'est quand même génial d'aller ramasser les déchets
01:05:36le long de la route. Il y a
01:05:38d'autres expérimentations à faire
01:05:40au-delà de ça, et pour
01:05:42sortir de ça.
01:05:44Après, du coup,
01:05:46est-ce que la connaissance précède l'action ?
01:05:48Ce sont des débats philosophiques
01:05:50que je laisse à Olivier, mais
01:05:52comment convaincre ?
01:05:54Comment convaincre ?
01:05:56Je me demandais si on n'était pas en train
01:05:58de continuer de travailler
01:06:00sur faire de l'éducation à l'environnement.
01:06:02C'est plutôt comment
01:06:04on s'adresse. La collection s'adresse
01:06:06au grand public.
01:06:08Je me disais qu'il y avait quand même
01:06:10un public qu'on voyait
01:06:12souvent dans les conférences,
01:06:14dont on pouvait encore se rapprocher,
01:06:16qui est souvent très curieux aussi.
01:06:18Le public des retraités
01:06:20qui sont souvent très actifs
01:06:22et qui
01:06:24sont souvent très impliqués
01:06:26dans les milieux associatifs, et que des fois,
01:06:28il suffit de les inviter à mettre un peu
01:06:30de biodiversité ou à penser biodiversité
01:06:32dans leurs actions, dans le monde du sport,
01:06:34dans le monde
01:06:36de la solidarité sociale.
01:06:38Voilà.
01:06:40Je mettais.
01:06:42Juste deux remarques.
01:06:44Je suis un avocat de la classe dehors.
01:06:46Donc,
01:06:48quels que soient les âges
01:06:50concernant les jeunes,
01:06:52je pense que ça marche.
01:06:54Être dehors, entre guillemets,
01:06:56être dans les milieux naturels,
01:06:58jour et nuit.
01:07:00Une fois de plus, j'insiste sur l'importance
01:07:02de passer des nuits en forêt.
01:07:04Tu l'évoquais, Laurent,
01:07:06par exemple, forêt ou ailleurs.
01:07:08Par exemple, il m'est arrivé,
01:07:10c'était une chance absolue quand j'y repense,
01:07:12de faire du centre aéré avec des maternelles.
01:07:14C'était vraiment
01:07:16du trois ans.
01:07:18On a passé une semaine
01:07:20à faire du camping en pleine nature.
01:07:22C'était génial.
01:07:24Je pense que la petite enfance
01:07:26est vraiment un moment,
01:07:28un âge de la vie
01:07:30clé
01:07:32lorsqu'il s'agit
01:07:34d'enrichir
01:07:36son dispositif sensible.
01:07:38Celui dont on parlait,
01:07:40pas seulement la vue,
01:07:42qui devient rapidement
01:07:44l'organe roi dans le
01:07:46cursus des études,
01:07:48l'organe de la connaissance,
01:07:50le toucher, l'odorat.
01:07:52A cet âge-là, tout fonctionne ensemble.
01:07:54C'est évident.
01:07:56Je suis tout à fait d'accord avec toi,
01:07:58Raphaël, sur les seniors.
01:08:00On est tous dans le même bateau.
01:08:02Il ne faut vraiment oublier personne
01:08:04dans la transmission des connaissances.
01:08:06Je pense qu'il faudrait une collection
01:08:08spéciale de personnes âgées à gros caractères.
01:08:14Pour rebondir aussi,
01:08:16en étant presque
01:08:18seniors,
01:08:20c'est important.
01:08:22Les seniors ont des petits-enfants.
01:08:24C'est eux aussi
01:08:26qui sont souvent les passeurs.
01:08:28Les parents ne sont pas forcément disponibles.
01:08:30Je les vois en tant que grands-parents.
01:08:32On passe aussi beaucoup de temps
01:08:34avec les petits-enfants.
01:08:36Tu as raison.
01:08:38Toucher sur les seniors, c'est aussi important.
01:08:40J'en ai fait
01:08:42aussi des présentations
01:08:44avec des populations
01:08:46entre 60 et 75 ans.
01:08:50Il y a une grande découverte.
01:08:52Beaucoup d'étonnements,
01:08:54j'ai trouvé.
01:08:56Comme s'il y avait une partie de leur vie
01:08:58où ils avaient perdu le contact
01:09:00avec tout ce qui était naturel.
01:09:02Quand on leur remet le doigt dessus,
01:09:04ils se disent qu'il y avait leur père
01:09:06ou leur grand-père qui faisaient ça.
01:09:08Surtout dans des régions pas forcément agricoles
01:09:10qui ont gardé le contact avec l'environnement.
01:09:12C'est vrai que les seniors,
01:09:14c'est difficile d'aller les voir.
01:09:16Et c'est compliqué
01:09:18de faire la démarche d'aller les voir
01:09:20et d'ouvrir le contact.
01:09:22Tu faisais la première partie
01:09:24de Connaissance du Monde pendant une dizaine d'années ?
01:09:26Non, pas du tout.
01:09:28J'accompagne
01:09:30et je fais beaucoup de conférences
01:09:32sur des bateaux de croisière
01:09:34où il y a une population de seniors
01:09:36et beaucoup de chefs d'entreprise
01:09:38qui ont été dans les affaires,
01:09:40dans le business pendant 40 ans,
01:09:42et là on met le doigt justement
01:09:44où parfois ça fait mal,
01:09:46et on les a devant nous à trois mètres.
01:09:48Et là c'est intéressant aussi de voir les relations.
01:09:50Donc voilà tout ça.
01:09:52Mais de faire la démarche
01:09:54d'aller voir,
01:09:56et juste une petite anecdote.
01:09:58Moi j'ai été invité par une amie prof
01:10:00dans un lycée en ZEP
01:10:02dans l'est de Paris.
01:10:04Et puis on m'avait dit
01:10:06tu vas voir, c'est une population
01:10:08un peu compliquée et tout ça.
01:10:10Et puis c'est vrai que
01:10:12les grands un peu déguingandés
01:10:14se sont emmerdés,
01:10:16il faut dire ce qu'il est,
01:10:18d'entendre un gars qui allait leur parler
01:10:20du Grand Nord et tout ça.
01:10:22J'ai l'avantage, mais comme nous tous aussi,
01:10:24on passe beaucoup de temps sur le terrain.
01:10:26Et le terrain c'est aussi quelque part
01:10:28pour des jeunes quelque chose de différent,
01:10:30c'est l'aventure aussi pour eux.
01:10:32Et dès qu'on commence à appuyer sur le bouton
01:10:34de l'aventure, de la connaissance,
01:10:36et moi je me rappelle ces jeunes
01:10:38j'aurais parlé d'Inuit
01:10:40et des jeunes Inuits par exemple.
01:10:42Et là c'est les interpelles, parce que là ils sont
01:10:44en relation avec des choses qu'ils connaissent.
01:10:46Et là j'ai passé une heure et demie
01:10:48ou deux heures avec eux, il y avait plein de questions.
01:10:50Et puis quinze jours après
01:10:52j'ai reçu une grosse enveloppe
01:10:54dans laquelle il y avait un courrier de remerciements
01:10:56individuels.
01:10:58Et ça,
01:11:00ça, ça fait du bien
01:11:02parce qu'on voit qu'on peut aller chercher
01:11:04quelque part, mais il faut y aller.
01:11:06Et c'est ça aussi la difficulté
01:11:08et les moyens ne sont pas forcément là dans l'enseignement.
01:11:10Mais il y a des enseignants
01:11:12qui sont aussi demandeurs, et là par exemple en Corse
01:11:14moi j'ai une très très belle écoute avec tout un groupe
01:11:16d'enseignants qui veulent que je revienne
01:11:18et qu'on élargisse le débat
01:11:20parce qu'eux ils ont des gros gros problèmes. Dans la position
01:11:22d'enseignant tout de suite, c'est très très
01:11:24compliqué. Et nous on a la chance
01:11:26de pouvoir être à côté
01:11:28et ça c'est vachement bien.
01:11:30Moi je vais faire
01:11:32assez court mais
01:11:34en fait j'ai une fille de dix ans
01:11:36qui, oui,
01:11:38vous ne vous moquez pas là-bas,
01:11:40j'ai une fille de dix ans que
01:11:42j'emmène en forêt uniquement quand elle a envie.
01:11:44Je la force pas, depuis qu'elle est toute petite.
01:11:46Et c'est du coup l'occasion
01:11:48à chaque fois de belles rencontres,
01:11:50d'expériences naturalistes.
01:11:52Et j'ai été invité par
01:11:54son instit, elle est en CM2,
01:11:56à venir dans sa classe pour faire une présentation
01:11:58qui devait durer une heure, une heure et demie.
01:12:00Ça a duré trois heures. J'avais des
01:12:02bois de serre. Alors inutile de vous dire que
01:12:04quand on sort les bois de serre ou alors qu'on sort
01:12:06le bois de chevreuil que ma
01:12:08fille avait trouvé, là
01:12:10ça crée un lien, ça crée une relation
01:12:12et puis eux ils se glissent dans cet
01:12:14univers-là. Et en fait
01:12:16l'évidence que j'ai
01:12:18eue au moment où je leur ai parlé de tout ça,
01:12:20c'est qu'à la fin ils m'ont dit « mais quand est-ce que tu nous emmènes
01:12:22en forêt ? ». En fait il n'y a pas à dire, c'est l'immersion
01:12:24qui crée quelque chose de particulier.
01:12:26Que ce soit avec quelqu'un
01:12:28qui connaisse très bien ou pas, mais le
01:12:30fait qu'on y aille et qu'on ait la possibilité
01:12:32de se raconter des histoires, ça change tout.
01:12:34Et là j'ai une anecdote, désolé.
01:12:36Mais le
01:12:389 juin va être diffusé
01:12:40sur France 2 à 13h15 dans l'émission
01:12:42« Le 13h15 du dimanche »,
01:12:44un reportage d'une heure et demie sur
01:12:46la forêt avec quatre personnages dont je fais partie
01:12:48et à un moment donné le réalisateur, donc il vient
01:12:50chez moi parce qu'on devait aller voir Quercus, mon
01:12:52chêne, et il me dit
01:12:54« en voyant Sarah, ça t'arrive d'y aller
01:12:56avec Sarah ? ». Je lui dis « oui ».
01:12:58Il me dit « vous seriez ok pour
01:13:00faire une séquence avec elle ? ». Je dis « pourquoi pas ».
01:13:02Elle dit
01:13:04« ok, je veux bien ». On y va,
01:13:06il y a un problème de matériel, je vous fais
01:13:08un pas dessus, mais du coup on est obligé de patienter
01:13:10à l'entrée du chemin qui amène au chêne.
01:13:12Et à cet endroit-là,
01:13:14on venait juste de filmer la séquence
01:13:16de « on voit une piste de serre
01:13:18qui traverse ». Et on a
01:13:20commencé à imaginer une histoire, le réalisateur
01:13:22le temps que le chef-op aille chercher
01:13:24le matériel pour remplacer, il nous fait
01:13:26« stop, attendez ». Et dès qu'ils sont
01:13:28revenus, ils ont juste filmé ce qui se passait
01:13:30entre ma fille et moi. Et en fait,
01:13:32je l'ai laissé tout faire.
01:13:34En fait, c'est elle qui a guidé ce qui s'est passé,
01:13:36et elle a imaginé une histoire avec
01:13:38un serre qui allait suivre
01:13:40les traces du serre qui était dans le sable.
01:13:42Et elle a construit le serre
01:13:44avec deux pommes de pain, des petits
01:13:46bâtons, et puis qu'elle a mis à l'entrée du chemin.
01:13:48Puis à un moment donné, on était là, je lui disais « c'est bon,
01:13:50il tient. Est-ce que tu crois qu'en restant
01:13:52là, il va traverser ? ». « Non, peut-être pas, papa,
01:13:54on se recule ». « Ok, on se recule ». On était avec nos jumelles
01:13:56à trois mètres du serre en pommes
01:13:58de pain. « Est-ce que tu crois qu'il va passer ? » « Peut-être pas ».
01:14:00Puis moi, je lui dis « t'es sûr qu'il va pas passer ? ».
01:14:02Elle me fait « papa, parle-moi fort,
01:14:04tu lui fais peur ». « Ok, on va
01:14:06reculer encore ». « Oui, on recule ». « Oui, ce sera mieux ».
01:14:08« Bon, tu sais quoi, on va laisser vivre sa vie,
01:14:10puis on fait demi-tour et on s'en va ».
01:14:12Et en fait, le réalisateur, il nous regarde, il fait
01:14:14« mais vous êtes des grands malades, vous êtes comme ça tout le temps ».
01:14:16Je dis « ben ouais, mais je sais qu'elle
01:14:18va embarquer ça ». Et si
01:14:20on ne provoque pas des situations
01:14:22vraiment d'immersion où on s'invente des histoires
01:14:24quelles qu'elles soient, notamment chez les jeunes, je pense
01:14:26qu'on aura du mal à les embarquer. Maintenant, la difficulté, c'est que
01:14:28c'est de réussir à
01:14:30tous les emmener, à tous les embarquer et d'organiser
01:14:32ça. Là, il y a une petite révolution à faire
01:14:34quand même. — J'ai quelques demandes de classe
01:14:36de CM2, puisque tu as du temps disponible.
01:14:38Raphaël aussi.
01:14:40Bon, merci beaucoup pour
01:14:42cet échange, pour cette journée. C'était super.
01:14:44Je ne sais pas, Stéphane, si tu veux me faire un petit mot de la fin.
01:14:46Enfin, je te prends un peu comme ça à froid, mais
01:14:48peut-être nous dire
01:14:50que « Monde sauvage » va
01:14:52être sur Arte d'une manière ou d'une autre
01:14:54et qu'on va pouvoir vivre ces moments
01:14:56autrement. Je ne sais pas.
01:14:58— Oui, voilà. Par exemple, avec Arte,
01:15:00on collabore pour
01:15:02produire et réaliser
01:15:04toute une série de documentaires de 52 minutes.
01:15:06Donc, il y en a trois
01:15:08en production, inspirées
01:15:10des livres de la collection. Le premier
01:15:12qui a fini d'être tourné, c'est sur
01:15:14« Les chauves-souris avec Laurent », comme par hasard.
01:15:16Il y en a un qui va être tourné
01:15:18dans quelques semaines
01:15:20sur « Le sanglier avec Raphaël ».
01:15:22Et le troisième, c'est sur « Les icebergs
01:15:24au Royal Land avec Olivier »
01:15:26au courant du mois de juin.
01:15:28C'est ça. Voilà.
01:15:30Je ne peux pas vous donner la date de diffusion
01:15:32parce qu'on ne la connaît pas encore, mais
01:15:34il y en aura probablement une nouvelle salve
01:15:36de trois nouveaux derrière.
01:15:38Voilà.
01:15:40Vous parlez
01:15:42de « Monde graphique ». C'est une collection
01:15:44qui est née l'année dernière
01:15:46avec
01:15:48Rémi et François.
01:15:50Ce sont des livres sur
01:15:52les ours et les cachalots,
01:15:54mais en version graphique.
01:15:56Il y en a
01:15:58trois en cours de préparation
01:16:00pour le printemps prochain.
01:16:02On réfléchit
01:16:04à plein de dispositifs
01:16:06différents. On s'amuse bien.
01:16:08On ne s'ennuie pas.
01:16:10Dans la maison d'édition
01:16:12Helium, il y a des petits romans
01:16:14pour les adolescents qui partent
01:16:16sur la trace.
01:16:18C'est un club
01:16:20d'adolescents qui partent sur la
01:16:22piste des animaux.
01:16:24Ce sont des livres écrits en collaboration
01:16:26avec les auteurs de « Monde sauvage ».
01:16:28Le prochain, c'est sur l'ours brun
01:16:30et l'auteur a travaillé avec Rémi.
01:16:32On essaye
01:16:34de faire un feu de tout bois
01:16:36sur tous types de supports.
01:16:38Merci beaucoup à chacun
01:16:40de nous avoir venu
01:16:42illuminer avec joie cette journée.
01:16:44Merci à la Cité de nous avoir reçus.
01:16:46Merci à Rémi d'avoir initié
01:16:48cette journée.
01:16:52On a une demi-heure
01:16:54pour le temps de dédicaces.
01:16:56Chaque auteur sera disponible à l'extérieur
01:16:58avec les moult livres que vous n'hésitez pas
01:17:00à acheter pour offrir à vos amis
01:17:02que vous avez envie d'éveiller
01:17:04à cette collection.
01:17:06Rémi, tu voulais dire quelque chose ?
01:17:08Ce sont les premières rencontres
01:17:10« Monde sauvage ».
01:17:12Quand on dit premières,
01:17:14il peut y avoir la suite aussi.
01:17:16Le but, c'est d'échanger
01:17:18et c'est un autre moyen d'échanger.
01:17:20C'est pour ça que, grâce à nos relations
01:17:22privilégiées avec la Cité des sciences,
01:17:24on a pu organiser cette journée.
01:17:26C'est super et j'espère qu'il y en aura d'autres.
01:17:28Merci à tout le monde, merci aux techniciens
01:17:30et merci à l'équipe de communication
01:17:32de la Cité de nous accueillir.
01:17:34Ces rencontres seront féminines.
01:17:36Peut-être dire que tout est visible
01:17:38sur la chaîne YouTube dans quelques temps ?
01:17:40D'ici deux semaines ?
01:17:42Au niveau retransmission,
01:17:44il y aura la partie cet après-midi
01:17:46qui sera sur la chaîne Universe Science.
01:17:48On a essayé de tourner ce matin
01:17:50avec des moyens un peu dégradés
01:17:52mais on va essayer de sortir
01:17:54malgré tout les vidéos
01:17:56pour qu'elles soient disponibles
01:17:58sur YouTube
01:18:00où on verra avec Actes Sud
01:18:02comment on peut les mettre à disposition.
01:18:04Merci à tous.

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