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00:00Emmanuel Macron sur l'Île-de-Sein en fin de journée. Le président vient célébrer le 80e anniversaire de l'appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle.
00:10Il faut dire que les hommes de l'Île-de-Sein se sont engagés quasi immédiatement derrière le général de Gaulle comme d'ailleurs beaucoup de bretons.
00:16On en parle ce matin avec l'historien renais Christian Bouchard, professeur émérite d'histoire contemporaine à l'Université de Bretagne Occidentale à Brest.
00:24Bonjour Christian Bouchard.
00:26Bonjour.
00:27Merci d'être avec nous en studio. En préambule, je vous propose d'écouter cet extrait de l'appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle sur la BBC.
00:34L'honneur, le bon sens, l'intérêt supérieur de la patrie commandent à tous les Français libres de continuer le combat.
00:45Moi, général de Gaulle, j'entreprends ici en Angleterre cette tâche nationale.
00:52J'invite les chefs, les soldats, les marins, les aviateurs, les forces françaises de terre, de mer, de l'air, où qu'ils se trouvent actuellement, à se mettre en rapport avec moi.
01:06Voilà, extrait donc de cet appel du 18 juin 1940, il y a 84 ans.
01:12Est-ce que déjà, Christian Bouchard, beaucoup de bretons ont entendu ce message du général de Gaulle ?
01:19Alors, il est difficile de répondre à cette question dans le contexte de débâcle généralisé du mois de juin 1940.
01:28En fait, ce jour-là, les Allemands entrent dans Rennes et sont à Saint-Brieuc.
01:32Ce qu'on sait avec certitude, c'est que les habitants de l'Île-de-Sein l'ont entendu.
01:37Alors, pas le 18 juin, mais le 22 juin, puisqu'il a été diffusé à plusieurs reprises et qu'il a déclenché le départ des sénants vers l'Angleterre.
01:48Alors justement, est-ce qu'on peut d'abord, avant de parler de cette histoire particulière de l'Île-de-Sein, rappeler les liens de la famille de de Gaulle avec la Bretagne, puisqu'il y en a à cette période-là ?
01:59Oui, alors en effet, la famille du général de Gaulle s'est repliée en Bretagne à l'été 1940.
02:06Sa mère est à Pimpon, où elle est d'ailleurs mourante, où elle va mourir quelques temps plus tard.
02:12Sa femme, sa fille vont aller vers le Finistère à Carantech, où ils vont s'embarquer aussi pour l'Angleterre.
02:19Et de Gaulle est venu à plusieurs reprises en juin en Bretagne.
02:22Il est venu le 12 juin, une première fois à Rennes, pour essayer de mettre en place ce fameux réduit breton qui n'était pas jouable militairement.
02:30Vous pouvez nous rappeler rapidement ce que c'est que le réduit breton, pour ceux qui ne se souviennent pas ?
02:33L'idée était de mettre en place une ligne de défense, et il était envisagé le repli du gouvernement français dans le Finistère à Quimper.
02:42Et d'ailleurs, le 17 juin, pour ratifier un accord avec la Grande-Bretagne, une rencontre de Paul Reynaud avec Winston Churchill était prévue à Concarneau.
02:53Mais compte tenu des événements, ça n'a pas été possible.
02:56Et donc de Gaulle est revenu une deuxième fois le 15 juin pour s'embarquer, pour partir vers Londres.
03:04Et là, le 16 juin, il y a un événement considérable mais qui est très peu connu,
03:09qui est la mise en place d'un accord d'union entre la France et l'Angleterre, et donc les deux empires coloniaux, pour poursuivre la guerre.
03:18Et donc, quelques jours plus tard, le 18 juin, ce premier appel du général de Gaulle,
03:22a été entendu finalement le 22 par les habitants de l'île de Sein.
03:26Comment est-ce qu'on explique cette mobilisation ?
03:28Puisqu'on va le rappeler, ils sont 128 à partir quelques jours après, et à traverser la Manche pour aller rejoindre le général de Gaulle.
03:34Alors, pour les Sénans, l'événement est le suivant.
03:40Le maire a été averti le 22 juin, précisément, que les Allemands demandaient que les militaires présents sur l'île se constituent prisonniers.
03:50Et à la suite de l'appel, le maire de l'île et le curé ont organisé les départs sur cinq bateaux.
03:57Et la plus grande partie des hommes valides de l'île sont partis, autour de 125, 128, 130, on ne sait pas très bien le nombre exact.
04:07Mais 129 s'engagent dans la France libre et vont créer ou participer à la création des forces navales françaises libres.
04:15Et vont, normalement, faire dire cette célèbre autre phrase au général de Gaulle.
04:20L'île de Sein, c'est le quart de la France.
04:22Parce que quand il compte les effectifs qui l'ont rejoint, il y a effectivement un quart de Sénans.
04:27Alors, en fait, le 1er juillet, le général de Gaulle passe quelques troupes, les premiers volontaires.
04:33Donc, il les rencontre à Londres et il leur demande de se présenter.
04:40Et effectivement, les Sénans sont très nombreux, d'où la formule qu'on lui attribue.
04:45Mais Sein, c'est le quart de la France.
04:48En réalité, il y a beaucoup d'autres jeunes qui ont quitté les côtes de la Bretagne à la mi-juin.
04:55Et il est important de préciser que c'est la région de France qui a produit le plus de volontaires de la France libre.
05:03C'est, proportionnellement, cinq fois plus que la moyenne nationale.
05:06Ça veut dire quoi en chiffres, à peu près ?
05:08Les chiffres, c'est de l'ordre de plus de 4000 volontaires.
05:14Mais c'est plus que la région parisienne.
05:16Alors qu'évidemment, la Bretagne, à l'époque, est bien moins peuplée que l'île de France.
05:21Et qu'est-ce qu'il explique ? Parce qu'on est plus loin aussi, peut-être, des combats ?
05:25Alors, il y a plusieurs raisons. Je pense qu'il y a le patriotisme des Bretons.
05:29Il y a le souvenir de la guerre 14-18 et des morts de 14-18.
05:35Il y a le fait que l'occupation allemande, avec la ruée de la Wehrmacht vers l'ouest et vers le sud, provoque ces réactions de départ.
05:44Parmi eux, ces volontaires, il y a bien sûr des militaires, des gens mobilisés.
05:50Mais il y a aussi beaucoup de jeunes qui n'ont pas fait leur service militaire, encore.
05:54Et, par exemple, dans de nombreuses villes, à Brest, etc., on voit des fratries, deux frères, trois frères,
06:01qui partent pour s'engager et qui vont jouer un rôle important pendant la guerre.
06:07Et bien, on va s'arrêter là. Merci beaucoup, Christian Bougeard, de nous avoir rappelé cette page de l'histoire bretonne et française.
06:13Vous êtes René, professeur émérite d'histoire contemporaine à l'Université de Bretagne Occidentale à Brest.
06:18Et sur francebleu.fr, vous retrouvez des témoignages de certains sénateurs qui sont partis après cet appel du 18 juin
06:24et également les commémorations qui sont prévues aujourd'hui en présence d'Emmanuel Macron.
06:298h24, sur francebleu.fr