Il publie un kit de survie existentiel en 111 poèmes ! De quoi ranger le monde… ou essayer, si on en croit les premières lignes de « L’option légère » son roman-poème paru chez Gallimard ! Victor Pouchet est ce matin l'invité de Mathilde Serrell.
Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
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00:00Place aux nouvelles têtes, avec vous Mathilde Serrell, ce matin, jeune poète qui fait en
00:05sorte de ne pas disparaître, Victor Pouchet est dans notre studio et voici son portrait
00:11sonore.
00:12Victor The Pouchette est de retour en vidéocassette.
00:17Ceci est un jingle que nous avons reconstitué, celui de l'émission qu'il enregistrait
00:24enfant sur le magnétophone Grundig qu'on lui avait offert pour Noël.
00:28Il rêvait alors de devenir présentateur radio et on pensait pour la Marianne de Robin
00:34Desbois.
00:35Remuez-vous, tuez-le !
00:36A moi, Robin, à moi !
00:41Marianne, mamie, voulez-vous m'épouser ?
00:43Je désespérais que vous me le demandiez.
00:46Mais vous auriez dû choisir un cadre plus romantique.
00:52Le renard, Robin Desbois de Disney, Lancelot, le chevalier ou bien l'Ulysse de l'Odyssée
00:59seront ses modèles d'aventure.
01:01Pour ce qui est des poèmes d'amour, il recopie les chansons d'MC Solar.
01:05Une pyramide de baisers, une tempête d'amitié, une vague de caresses, un cyclone de douceur,
01:11un océan de pensées carolines, je t'ai offert un bubbling de tendresse.
01:16Devenu étudiant à l'école normale supérieure de Lyon, puis agrégé de lettres, il commence
01:20une thèse sur Stendhal avant de tout interrompre pour démarrer un tour de France à pied.
01:29C'est lors d'une de ses étapes annuelles, en Bretagne, qu'il rencontre un magnétiseur
01:34au fond d'une forêt.
01:35Il trouve alors la matière de son deuxième roman, Autoportrait en chevreuil, après une
01:40première publication centrée sur les oiseaux.
01:43Il a depuis abandonné ses doubles littéraires à poils et à plumes et parle la véritable
01:47langue qui vit en lui, la poésie.
01:50On m'a bien dit que j'étais né, mais de si drôle de façon, je me méfie des gens
01:55qui m'aiment sans trop pouvoir faire autrement.
01:58Bref, j'attends confirmation de cet événement suspect, rien ne m'ayant encore donné l'enviable
02:04sensation d'être tout à fait là sur terre.
02:08Inspiré par le poète Georges Perrault, celui-ci par Jacques Bonnefait, il embrasse la forme
02:12du roman-poème et s'octroie l'audace de ne pas trop penser aux ridicules.
02:17Avec l'option légère qu'il vient de publier chez Gallimard, il entreprend même d'y survivre.
02:21Victor Pouchet, bonjour.
02:23Bonjour.
02:24Vous avez 38 ans dans la vie ordinaire, vous êtes prof de lettres en classe préparatoire
02:28et vous publiez votre deuxième roman-poème chez Gallimard.
02:31On va en parler, mais d'abord, où en est votre tour de France qui devait durer jusqu'en 2060 ?
02:36Eh bien, il continue, ça fait 10 ans qu'on a commencé.
02:39La prochaine étape commence le 1er août à La Rochelle avec mes deux amis d'enfance,
02:43Gilles Merveilleux et Antoine Gaget.
02:45On recommence là où on s'est arrêté la dernière et on poursuivra jusqu'à ce que le tour soit accompli.
02:49C'est-à-dire qu'on a beaucoup de confiance dans nos jambes, dans notre amitié
02:53et dans l'existence de quelque chose qui ressemblerait à la France.
02:56C'est quoi un roman-poème ?
02:58Un roman-poème, c'est un roman qui raconte une histoire.
03:02En l'occurrence, là, c'est une histoire d'amour, d'inquiétude, de joie, sous forme de poème.
03:07Là, c'est quelqu'un qui tente de survivre, tente de retrouver la femme qu'il aime en lui écrivant des poèmes.
03:13Comme ce que vous avez aimé chez Georges Perrault, « La vie ordinaire » que vous avez lu à 17 ans.
03:17Pour survivre, chanter le chaos, vous dites avec Georges Perrault.
03:21Là, il s'agit de l'histoire d'un homme.
03:23C'est comme ça que vous écrivez, ça commence presque comme une blague de Coluche
03:25qui tente de survivre dans la grande ville.
03:27Il essaie avec des poèmes de ranger le monde ou bien de faire quelque chose comme une révolution.
03:32La poésie, ça sert à ranger.
03:34Victor Pouchet ?
03:35Oui, pour moi, la poésie, une des choses qu'elle nous apporte, c'est du rythme.
03:40On vit dans une forme de chaos à plein de niveaux.
03:45Intime, social, politique, on ne cesse de l'entendre.
03:49La poésie nous permet de ranger des émotions en en trouvant un rythme,
03:53d'associer des choses très distinctes l'une de l'autre.
03:57La tartine du matin, l'inquiétude, le deuil, le compteur Linky qui déconne.
04:02Tout ça, on peut le ranger dans un poème et d'un coup,
04:04le monde nous semble un tout petit peu moins difficile à vivre.
04:08Se ranger soi-même aussi, c'est l'option poétique.
04:11Dans l'option légère, vous en parlez comme d'un rangement intérieur, une hygiène même.
04:15Je vous cite, nettoyer les mots qui restent trop longtemps dans ma tête,
04:18ça sert à ça, la poésie, c'est le ménage.
04:21J'ai toujours en permanence à la fois des mots, des chansons, des vers de poèmes.
04:27Il y a Villon, il y a PNL, Balavoine qui se bousculent.
04:32Et à un moment, tout ce bousculement, tout ce caracoe intérieur,
04:35j'ai besoin d'en faire quelque chose.
04:37Je les range et d'un coup, je me sens un peu mieux.
04:39Évidemment ensuite, le chaos revient et les chansons se remettent à chanter.
04:43Mais pendant un moment, j'ai fabriqué quelque chose
04:46qui me permet de conjurer le sort, l'inquiétude
04:50et de rendre ce moment un tout petit peu plus léger.
04:53Dans ce roman poème, on fait la vaisselle, on écoute la radio aussi.
04:56On se pose des questions existentielles.
04:59Au total, 111 poèmes qui forment ce roman d'amour, d'inquiétude et de joie dont vous parlez.
05:03Il y a 33 poèmes de la grande ville, 13 poèmes d'amour, 12 poèmes corse,
05:0710 poèmes révolutionnaires, 8 poèmes à gros budget, 5 poèmes impatients,
05:114 poèmes de fête, 3 poèmes de nuit et un poème phosphorescent.
05:15Météorites, feux d'artifice et quelques autres encore.
05:18Votre langue maternelle, c'était la poésie vous dites,
05:21mais le ridicule vous a empêché de la parler pendant longtemps ?
05:24Pendant longtemps, je suis né avec les poèmes.
05:27C'est ça que j'ai lu en premier, c'est ça qui m'a animé.
05:29J'écrivais des poèmes quand j'avais 15 ans aux filles
05:32que je voulais séduire.
05:34Vous chantiez des chansons pour Marianne dans votre bain ?
05:36Exactement, c'était vraiment ma langue maternelle comme vous dites.
05:40Au moment où je me suis mis à écrire, j'ai eu l'impression que tout ça avait une forme de ridicule.
05:44Il y a toujours quelque chose d'un peu ridicule quand on utilise des grands mots,
05:47quand on chante.
05:49J'ai mis longtemps, presque 20 ans, à retrouver cette langue
05:53et à me dire que le ridicule fait partie de la poésie.
05:55D'ailleurs, les grands poètes que j'aime ont quelque chose de ridicule.
05:58Victor Hugo, dans sa grande éloquence, a quelque chose de ridicule.
06:01Joachim Dubele, même dans son côté petit, inquiet, a quelque chose de ridicule
06:05et de beau à la fois.
06:07Je voulais assumer ce ridicule le plus tranquillement possible.
06:12Vous n'en êtes pas débarrassé du ridicule, mais vous l'assumez.
06:15On l'entend notamment dans ce passage.
06:17Le narrateur parle de ses poèmes idiots.
06:19Vous pouvez nous lire ce passage, Victor Pouchet.
06:21C'est page 29 et ça nous dit bien ce livre.
06:24J'ai besoin de courage pour la vaisselle et pour répondre au message de mon père.
06:29Pour sortir dans la rue ce soir, regarder en face la détresse de ce que je n'ai pas su défaire.
06:34Pour me couper les ongles aussi de la main droite, notamment,
06:37il me faut encore du courage.
06:39Pour montrer mes poèmes idiots à des gens très intelligents.
06:42Pour remplir des cartons de livres, quatre photos de ma grand-mère,
06:45mes vieilles lunettes d'étudiant, ton démaquillant presque vide
06:48et pour quitter l'appartement qui donne sur l'immeuble rouge où nous nous sommes très aimés.
06:52C'est une séparation aussi, le ton d'un été, ce livre, Victor Pouchet.
06:56La poésie est faite de chips et d'existence, avez-vous dit un jour sur cette antenne.
07:01Moi, je pense que votre livre, on peut le prendre comme un kit de survie existentielle.
07:05Quelles sont les meilleures options à suivre selon vous ?
07:07Après, je vous dirai ce que moi j'ai retenu.
07:09Les meilleures options ?
07:11Je prends une casquette qui n'est pas la mienne, je suis un simple poète
07:14et je ne saurais pas forcément conseiller et sauver l'existence des autres.
07:19Pour moi, j'ai l'impression que la vie nous menace toujours dans sa lourdeur, dans sa gravité.
07:25Et prendre l'option légère, c'est trouver une forme de décalage.
07:28On n'élimine pas la gravité et le sérieux mais on le prend de façon décalée.
07:33On regarde peut-être avec un œil différent qui peut être l'œil de l'enfance,
07:37l'œil de l'émerveillement, l'œil d'une chanson.
07:41Et d'un coup, on va mettre en chanson l'inquiétude et la légèreté arrive.
07:45Il y a d'autres options dans l'option légère pour atteindre cette existence plus légère.
07:50Confier le scénario de sa vie, juste une semaine ou deux, à quelqu'un de compétent.
07:54Écrire un poème définitif à l'être aimé qui annulerait tous les autres poèmes.
07:59Et puis, j'aime beaucoup cette idée de remettre de l'aventure dans la vie.
08:02D'imaginer dans les rues de la grande fatigue, ces gens qui sont en train de chercher un trésor.
08:06Et puis, peut-être prendre le métro comme on monte dans une limousine.
08:10Victor Pouchet, c'est ça le secret ?
08:13On a fait d'un coup, moi je m'arrête très souvent dans la rue et j'ai l'impression
08:18que le spectacle auquel j'assiste peut être tout autre à mesure qu'on le regarde.
08:22Et en effet, un tractopelle qui creuse le bitume, on pourrait tout à fait imaginer
08:29si on le regarde différemment qu'il est en train de creuser à la recherche d'un trésor,
08:33du trésor de Monte-Cristo.
08:34Et alors évidemment, je ne peux pas faire ça en permanence.
08:37Mais à certains moments, je recule de quelques centimètres ou je m'arrête.
08:40Et là, je réussis à rentrer dans le métro comme dans une limousine.
08:44Autre tactique de l'option légère, caresser des fesses et tenir des seins dans ses mains.
08:49Voilà, c'est dit ce matin.
08:50Bonne route à vous, c'est publié chez Gallimard, Victor Pouchet, l'option légère, roman-poème.