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Dans son édito du 18/06/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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00:00J'y reviens dans un instant en posant la question « où est l'État de droit ? ».
00:05Ce qu'on voit ici, c'est que pour cette gauche radicale, devant elle, elle est devant
00:11une force politique qui, voulant par exemple définancer les associations militantes, voulant
00:17s'assurer que les tribunaux ne remplacent plus les élus, voulant s'assurer que l'administration
00:23ne mène pas son propre programme indépendamment des élus, elle a l'impression que c'est
00:27des forces en fait qui veulent réprimer l'émancipation humaine, donc globalement le transmigrant
00:35à l'identité culturelle déconstruite, qui est un peu l'idéal de l'homme contemporain
00:40pour cette gauche, et bien dans son esprit, il faut à tout prix empêcher ce qu'ils
00:43appellent l'extrême droite, d'empêcher leur programme de se déployer.
00:48Je note, soit dit en passant, c'est un exemple intéressant, dans l'Ebay aujourd'hui,
00:52on s'inquiétait des politiques culturelles du RN à venir, et un des indices que le fascisme
00:58est de retour, c'est qu'on préfère au RN, si j'ai bien compris, les politiques
01:02de subvention et de maintien du patrimoine, plutôt que le financement de l'art créatif
01:06contemporain.
01:07Donc vous avez le choix globalement, d'un côté restaurer les églises, ou de l'autre
01:11multiplier les ZAD, qui peuvent souvent se confondre avec des décharges publiques, mais
01:16en fait on vous explique que c'est une œuvre d'art essentielle, et bien ça aussi c'est
01:19un signe du fascisme qui revient.
01:21C'est supposé faire peur, ça, par contre.
01:23Ah c'est terrifiant, vous vous rendez compte ? On protégerait une église et on empêcherait
01:27les artistes contemporains, un peu bizarre, de nous imposer, à même leur argent public,
01:31l'occupation de l'espace public.
01:33C'est terrible.
01:34De même, pourquoi cette gauche a peur du peuple ? Parce que le peuple est considéré
01:39comme étant traversé de préjugés, des préjugés qui sont ceux du monde ancien,
01:44les préjugés qu'ont assimilés la transphobie, le racisme, la xénophobie, l'islamophobie
01:48et compagnie, et on sait que si on donne la parole au peuple, le peuple va revenir
01:53sur les progrès sociaux accomplis ces dernières décennies.
01:56Donc, il faut limiter le pouvoir des élus, il faut limiter la démocratie référendaire,
02:02il faut limiter la démocratie représentative et accorder seulement le pouvoir aux minorités
02:07idéologiques conquérantes.
02:08Et dès lors, je l'ai dit, si vous avez devant vous une force, ce qu'ils appellent l'extrême
02:12droite, qui veut, dans leur esprit, détruire tout ce qui relève de l'émancipation, tous
02:17les droits gagnés par l'individu des minorités et ainsi de suite, mais tout est permis pour
02:22l'anéantir.
02:23La violence sera relativisée, on l'a vu aujourd'hui, Mme Pannot qui expliquait qu'avoir un antifa
02:29violent dans son équipe, elle en était fière, on le voit aussi, et ça c'est une séquence
02:34assez amusante, j'y reviendrai dans le détail, mais avec Olivier Faure, qui, c'est fascinant
02:38la séquence, on lui dit, vous savez, il y a une de vos candidates, qui considère qu'on
02:43ne peut pas condamner l'homophobie si elle est commandée par des principes religieux
02:46chez un individu.
02:47Et là, il est tout à fait scandalisé, mais il faut quand même s'accommoder des gens
02:50qui pensent comme ça, tout comme de certains antisémites, il faut quand même s'en accommoder.
02:54Elle a démenti.
02:55Oui, elle a démenti, oui, ils démentissent toujours, c'est amusant le démentir.
02:58Moi, j'oserais, je ne crois pas sur le démenti, on me permettra d'être sceptique, je pense
03:02que le scepticisme, c'est revendiqué.
03:04Donc, qu'est-ce qu'on voit à travers ça ? Dans leur esprit, ce n'est pas deux forces
03:08politiques qui s'affrontent, c'est le mal avec sa puissance de contamination et d'hypnose
03:12qui se déploie sur la société.
03:14Dès lors, pour la gauche, devant ce mal, je l'ai dit, tout est permis parce qu'il
03:17s'agit, encore une fois, dans son esprit, de vaincre Mussolini et Hitler et leurs complices.
03:21Vous dites que le Bloc central, lui aussi, a peur du Bloc national.
03:27Je crois qu'il s'agit d'une peur dans ce cas, idéologique certes, Clément Bond, je
03:32ne doute pas un instant qu'il a vraiment peur de ce qu'il croit des fascistes qui
03:35reviennent.
03:36Mais c'est Clément Bond.
03:37Je n'ai plus l'impression qu'il a tout fait pour qu'on comprenne avec les années
03:45que pour lui, il tient vraiment à dire qu'il déteste le Rassemblement national, il tient
03:49à le rappeler en toutes circonstances, on finit par le croire.
03:51Donc, c'est son principal.
03:52Que sait-on d'abord de Clément Bond dans la vie, sinon qu'en toutes circonstances,
03:56il voterait contre le RN.
03:57C'est très bien.
03:58Ensuite, il y a plein de qualités.
03:59La première, c'est celle-là.
04:00Gardons-la à l'esprit.
04:01C'est probablement la même chose pour M. Dupont-Moretti, mais pour d'autres, vous
04:05noterez que la peur de l'extrême-droite s'est reconvertie en peur des extrêmes.
04:09Donc, c'est à ce moment que la peur de l'extrême-droite connaît sa mutation bourgeoise.
04:13Connaît sa mutation bourgeoise, c'est-à-dire un instant, il y a désormais, la vie politique
04:18n'est plus configurée seulement entre le bien et le mal, mais entre les gens raisonnables,
04:22les gens qualifiés, les gens qui savent compter.
04:26Ils savent compter avec des chiffres très élevés, regardez la dette.
04:30Ils sont capables de compter jusqu'à des milliards, de milliards quand même.
04:33Ces gens-là sont quand même doués, quoi qu'il en soit.
04:35Donc, ils ont le monopole, ils nous expliquent, eux, du raisonnable, de la raison, du sérieux,
04:42de l'intelligence.
04:43Ils représentent aussi, il faut comprendre, c'est un circuit de formation des élites.
04:47Ce sont des gens qui ont globalement le même parcours sociologique.
04:49Certaines écoles de commerce, certaines écoles de formation politique.
04:52Et ce sont des élites qui se sont connues généralement très jeunes et qui occupent
04:57les fonctions.
04:58Alors, s'il faut se défendre contre la gauche radicale, parce qu'ils ont peur aussi de
05:02la gauche.
05:03De temps en temps, même s'ils vont la préférer au dernier moment, ils disent attention sur
05:05le dangereux, finances publiques.
05:07De l'autre côté, ils vont rajouter une petite couche sur le racisme, et ainsi de suite.
05:10Mais fondamentalement, leur argument, leur conviction, c'est qu'ils ont le monopole
05:14de la raison, le monopole du droit, le monopole de l'intelligence, le monopole de la démocratie,
05:20le monopole de la société de sécurité, le monopole de la compétence, surtout quand
05:23il est le temps de gouverner.
05:25Qu'est-ce qu'il y a derrière cela ? Une peur plus grande encore que la peur du fascisme,
05:31c'est la peur de perdre ses privilèges, la peur de perdre son poste, la peur de quitter
05:36le pouvoir.
05:37Parce qu'à l'échelle de l'histoire, à l'échelle de l'histoire, qu'est-ce qu'on
05:39voit ? Il y a de temps en temps des grands, c'est pas la bonne formule, des élites sont
05:44balayées par de nouvelles élites.
05:46On l'a vu en 1958, on l'a vu en 1981.
05:49Donc, une élite est congédiée, une autre apparaît, et d'un coup, vous perdez tous
05:52vos privilèges.
05:53D'un coup, ce qui vous revenait de droit, mais à la manière d'un droit naturel, c'est
05:57à vous, c'est votre privilège, c'est la récompense pour votre intelligence.
06:02Vous perdez tout ça.
06:03Je pense que la peur de perdre ses privilèges, la peur de perdre le pouvoir, la peur de perdre
06:08tout ce qui a été accumulé, une forme de privatisation du bien public qu'on a nommé
06:12République et État de droit ces dernières années, je pense que la peur de l'extrême
06:15centre est d'abord une peur sociologique d'être déclassée par de nouvelles élites.
06:19Gardons ça à l'esprit.
06:20Et pourtant, le RN pourrait bien l'emporter le 7 juillet, on en a vu encore les derniers
06:25sondages.
06:26Comment cette peur s'est-elle dissipée ?
06:28Le grand écart entre la prétention à l'expertise et la qualification suprême de nos compétentes
06:34élites et la société réelle telle qu'elle se déploie et se décompose, des gens commencent
06:38à douter de la qualité des élites qu'on a au sommet.
06:41Et par ailleurs, le grand récit de la peur du fascisme qui revient, des gens finissent
06:46par se dire qu'on n'est plus nécessairement en 1945 qu'aujourd'hui, en 43, en 44 non
06:49plus.
06:50Donc, on a changé d'époque.
06:51Donc, ça fonctionne un peu moins bien.
06:52On en parlait hier.
06:53Il y a aussi une faillite du système qu'on voit un peu partout en Occident.
06:57Mais cette peur, je le dis, demeure.
06:58Il ne faut pas se tromper.
06:59Elle demeure.
07:00Je donne quelques exemples.
07:01Tous ceux qui, justement, lancent le serment anti-RN ces jours-ci en disant « faites attention,
07:06on est contre la division, l'exclusion, on est contre le fait de se diviser.
07:10D'ailleurs, sachez-vous, 40 % de la population, vous êtes tous des fascistes, on est contre
07:14la division, bam, des fascistes, les menaces dans les rues, le chaos économique et la
07:21perte.
07:22Il vaut mieux en rire.
07:23Moi, je regarde ça.
07:24Ensuite, les gens votent bien pour qui ils veulent.
07:26Moi, je ne marque aucune préférence.
07:27Je note simplement, j'essaie de comprendre la rhétorique des uns et des autres.
07:30Et aujourd'hui, vous l'avez noté avec raison, plusieurs centaines de cadres de l'éducation
07:34nationale qui entreront en résistance et n'appliqueront pas les directives ministérielles.
07:39Donc, moi, je suis très inquiet.
07:41Ça veut dire qu'ils vont rompre avec l'État de droit.
07:43Où est l'État de droit quand on en a besoin ?
07:45Ils nous expliquent que notre conscience est tellement élevée qu'on n'accepte pas le
07:49résultat à venir possible des élections de la démocratie.
07:52Et à ce moment-là, ils vont dire que c'est au nom de la démocratie qu'ils n'acceptent
07:55pas le vote populaire.
07:57Chose certaine, et je terminerai là-dessus d'une phrase toute simple, il est vrai que
08:01si jamais le RN l'emportait, peu importe nos préférences, ça témoignerait probablement
08:04d'un changement de régime.
08:05On parle souvent de crise de régime ici.
08:07Ça serait une forme de changement de régime dans le cadre de la Ve République.
08:10Il est vrai qu'un changement de régime s'accompagne souvent de turbulences.
08:13Après 1958, par exemple, il y a eu des turbulences.
08:16Certains s'en sont désolés, d'autres s'en sont réjouis.
08:19Il est possible que des turbulences semblables soient imaginables demain, mais l'histoire
08:23de la France, de ce point de vue, tourne en cycle.
08:25La crise de régime est toujours un peu plus violente ici qu'ailleurs.

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