« J’avais peur, sans vraiment savoir ce qui allait m’arriver » À l’occasion du 80 ème anniversaire du D-Day, Monique Bossé a accepté de nous partager ses souvenirs d’enfance à Caen, au coeur de la guerre.
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00:00On ne se rend pas très compte, un gosse.
00:03Des bombes qui vont vous tomber dessus, on ne sait pas trop ce que ça va donner.
00:08J'avais une maman qui était malade, qui avait été sauvée par les chirurgiens.
00:11Et ensuite, elle est morte par les bombes.
00:14Ce n'était plus par la maladie, c'était par les bombardements.
00:24Je m'appelle Monique Bosseux, je suis née à Caen.
00:27J'ai vécu le débarquement, et je me souviens surtout,
00:30de bombardements de la nuit du 6 au 7 juin.
00:34J'avais 9 ans, puisque je suis née en 1934.
00:37On avait une petite maison, j'étais dans le petit coin,
00:40il y avait ma tante et mon père devant moi.
00:43Et puis, on entendait les avions qui passaient,
00:46puis les avions qui arrivaient derrière, avec les bombes.
00:50Je me souviens entendre mon père dire, quand ça éclairait beaucoup,
00:53il a dit « ceux-là, ils sont pour nous ».
00:55Effectivement, c'était tombé au bout de la rue.
00:58Le plus dur, c'est ce bombardement-là, qui était épouvantable.
01:04J'avais peur, sans vraiment savoir ce qui allait m'arriver.
01:07J'avais vraiment très peur.
01:10Je me disais, ça va tomber sur nous, mais qu'est-ce qui va nous arriver ?
01:14Personne ne m'a jamais expliqué ce que c'était que ce truc
01:17qu'on voyait descendre d'un avion, de loin.
01:20Je ne connaissais pas tout, j'étais une gamine.
01:23J'allais à l'école à cette époque-là.
01:26Ma mère était hospitalisée à l'époque,
01:30à la clinique de la Miséricorde.
01:32Tout ce coin-là, enflambé.
01:34On n'a jamais rien retrouvé de ma mère.
01:37Quand on a su qu'il n'y aurait plus rien à faire pour ma mère,
01:44il faut subir, quoi, il faut...
01:48C'est difficile à expliquer, ce qu'on ressent.
01:52C'était comme un vide, mais je ne savais pas...
01:58Je n'arrivais pas à savoir ce que j'allais devenir après.
02:02À l'époque, on ne parlait pas aux enfants comme on parle maintenant.
02:06Maintenant, les enfants, on leur parlerait.
02:08J'ai presque deviné, si vous voulez, ce qui s'était passé.
02:13On avait de la famille qui habitait à une vingtaine de kilomètres,
02:17et on est partis à pied sur la route de Falaise,
02:20et en se retournant, on voyait tout camp qui flambait,
02:23ça n'était qu'un brasier.
02:25À l'âge que j'avais, c'était difficile d'avoir la colère.
02:28On ne se rendait pas très bien compte de ce que c'était, la guerre.
02:34Il y a des choses qui restent.
02:36Par exemple, j'ai une espèce d'amnésie traumatique,
02:40c'est-à-dire que je suis incapable de me souvenir
02:44de quelque chose que j'ai fait avec ma mère du temps de son vivant.
02:48Je ne peux pas me rappeler.
02:50Par la force des choses, on est obligé de continuer la vie.
02:55On n'a pas le choix, surtout quand on est un gosse.
02:59Ça fait mal de voir qu'il y a toujours de la guerre, et il y en aura toujours.
03:03Quand ce n'est pas un endroit, c'est un autre endroit,
03:06mais il y en a toujours.
03:08On ne peut pas arriver à vivre en paix, c'est quelque chose d'épouvantable.
03:13Que ce soit d'un pays ou un autre, il y a toujours la guerre.
03:17Je suis peut-être contente de l'avoir vécue,
03:21pour pouvoir raconter aux jeunes, après qu'ils viennent,
03:26ce qu'on a subi.
03:29Je crois que c'est bien qu'on en parle pour que les jeunes connaissent.