Témoins de l'actu - Laurent Warlouzet
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00:00Et pour le moment, à 8h moins 10, Marie d'Orsay a moins de deux semaines du premier tour des élections législatives.
00:05On se penche maintenant sur le programme des différents partis et notamment sur l'Europe, du Rassemblement National au Nouveau Front Populaire.
00:13Des mesures proposées risquent de crisper du côté de Bruxelles et on en parle ce matin avec l'Orléanais Laurent Varlouzet.
00:20Bonjour Laurent Varlouzet. Bonjour Marie. Vous êtes professeur d'histoire à la Sorbonne, spécialiste de l'Europe.
00:25Beaucoup de partis intègrent dans leur programme pour ces législatives des mesures européennes.
00:30Avant d'entrer dans les détails, on va parler entre guillemets un peu technique.
00:34Comment est-ce qu'un gouvernement national peut peser sur des décisions à Bruxelles ?
00:38Oui, il y a beaucoup de marge de main-d'oeuvre possible si on respecte un minimum de discipline collective.
00:42C'est normal, on est dans un club en commun.
00:44Là, par exemple, Marc parlait de la contribution française au budget.
00:49Certains voudraient la supprimer, la réduire.
00:51Si on ne paye plus notre contribution commune, on n'est plus dans l'Europe.
00:55Donc, on sort de l'Union Européenne. C'est un petit peu la base.
00:58Ça veut dire que le Rassemblement National qui veut la réduire de 2 milliards, ce n'est pas faisable ?
01:03Non, ce n'est pas faisable. On la négocie en commun.
01:05L'Europe, c'est un peu comme une copropriété. Vous ne payez plus les charges, ça pose un problème.
01:09La contribution française, c'est à peu près 10 milliards.
01:11Ce n'est pas négligeable, mais c'est juste un calcul comptable.
01:14C'est ce que l'État donne, moins ce qu'il reçoit, notamment tout ce qu'on reçoit pour la PAC.
01:1910 milliards, c'est à comparer à 150 milliards de déficit public et à 680 milliards de dépense juste de l'État,
01:24sans compter la Sécurité Sociale, les autres caisses et les collectivités locales.
01:28D'autre part, c'est 10 milliards, mais on estime que c'est...
01:32Une enquête de 2019 avait estimé à 150 milliards les bénéfices pour l'économie française et la société
01:37en termes d'opportunités pour les entreprises, les étudiants avec Erasmus, etc.
01:41Par contre, il y a des marges de manœuvre ailleurs.
01:46Là, on a parlé beaucoup des retraites.
01:48L'Europe ne nous dit pas exactement ce qu'il faut faire sur les retraites.
01:50Il y a des préconisations, mais ensuite, après, on est libre.
01:52Simplement, il faut respecter un minimum de 4 d'équilibre budgétaire.
01:56Il y a cette fameuse règle des 3 %.
01:58Il faut savoir que c'est une règle qui est à l'origine des Françaises.
02:00C'était Pierre Moroy, le Premier ministre socialiste, qui l'avait édictée en 82,
02:04donc le Premier ministre de gauche.
02:06Nous, on ne l'a pas souvent respectée, cette règle des 3 %,
02:08mais on a quand même une pression pour qu'on la respecte.
02:11C'est vrai que ça nous crée une contrainte.
02:13Mais bon, il faut savoir que même si on était en dehors de l'Union européenne,
02:15de toute façon, les marchés financiers aussi créeraient une contrainte.
02:18Il faut qu'on s'endette chaque année pour financer ces 150 milliards de déficit dont j'ai parlé.
02:23Et les marchés financiers nous prêtent de l'argent à un taux assez faible
02:27parce qu'on est dans l'Union européenne et qu'on a l'euro.
02:29Donc, vous voyez, il n'y a pas de solution miracle.
02:31Mais par contre, à l'intérieur de ce cadre, on peut effectivement faire ce qu'on veut.
02:35Quand François Hollande est arrivé au pouvoir,
02:37Jean-Marc Ayrault avait amendé la réforme des retraites précédentes
02:40en introduisant des clauses de pénibilité.
02:43Donc, vous voyez, là, c'est des choses qui sont possibles.
02:45Il y a une marge, mais on ne peut pas faire n'importe quoi.
02:47Alors après, ce qu'il faut dire, c'est que souvent, les partis d'opposition
02:49ont des programmes beaucoup plus maximalistes que les partis de gouvernement.
02:52Et puis après, une fois qu'ils sont au gouvernement,
02:53bon, ils voient un petit peu ce qu'il est possible de faire.
02:55Je trouve que là, la compagnie est courte.
02:56– Il y a des choses qui sont présentées et, a priori,
02:59qui sont aussi présentées comme, bon, on ne pourra pas forcément les faire.
03:03Vous parliez de règles, on va dire.
03:06Un des points centraux dans le programme du Rassemblement national,
03:09c'est l'immigration, qui est un sujet européen aussi.
03:13– Oui, oui, alors ça, c'est un sujet très important.
03:16Alors là, au niveau européen, il y a un espèce de durcissement général
03:20des règles de l'immigration.
03:21On a vu ça avec le pacte migratoire qui a été voté
03:23par le Parlement européen juste au printemps.
03:26Alors là, il y a aussi une marge de manœuvre,
03:29mais aussi dans certaines limites.
03:31Il y a les contraintes européennes, il y a aussi des contraintes,
03:33tout simplement, de la Convention européenne des droits de l'homme.
03:35Ce n'est pas l'Union européenne, mais il y a des textes internationaux
03:37sur les réfugiés aussi.
03:38– Auxquels on ne peut pas se soustraire.
03:40– Auxquels on ne peut pas se soustraire.
03:41Et d'ailleurs, si vous prenez Giorgia Meloni,
03:43la dirigeante d'extrême droite italienne,
03:45elle était très véhémente, très virulente avant d'être élue.
03:47Puis une fois qu'elle est élue, maintenant elle est devenue très européenne.
03:49Elle s'entend très bien avec la présidente de la Commission,
03:51Ursula von der Leyen.
03:52Elle est célébrée comme vraiment une des personnalités
03:55les plus influentes dans les institutions européennes.
03:57Donc, elle s'est accommodée de l'Europe.
03:59Ce qui ne l'empêche pas d'ailleurs de mener une politique dure sur l'immigration
04:02et aussi dure en Italie même,
04:05pour essayer de limiter les droits à l'avortement.
04:07– Avec l'arrivée d'eurodéputés du Rassemblement National,
04:11qui ont été élus il y a un mois, même pas.
04:14Justement, est-ce qu'en ayant un gouvernement du Rassemblement National,
04:18potentiellement à la fin de ces législatives,
04:20ça peut aider ce gouvernement-là en ayant des eurodéputés RN ?
04:24– Alors, il y a un lien entre les deux, effectivement.
04:26Mais là, le gros enjeu au niveau national,
04:28c'est effectivement l'arrivée possible du Rassemblement National.
04:30Est-ce que c'est un parti d'extrême droite
04:32ou est-ce que c'est un parti de droite radicale ?
04:34Pour moi, c'est important parce que globalement,
04:36il y a deux problèmes qui se posent.
04:38C'est un, est-ce que c'est un parti raciste ?
04:40Le Rassemblement National dit qu'il n'est pas raciste.
04:42Jordan Bardella a des origines étrangères.
04:44Mais il est issu du FN, qui lui-même a été fondé par Jean-Marie Le Pen
04:48et par Pierre Bousquet, qui était un ancien Waffen-SS.
04:51Le Pen n'était pas nazi, mais il y avait des anciens nazis avec lui,
04:54des collaborateurs de Vichy.
04:56Et puis le deuxième problème, c'est le respect de l'état de droit,
04:59de la démocratie libérale.
05:00Est-ce que si le RN arrive au pouvoir,
05:02on aura toujours un respect de l'état de droit ?
05:04En Hongrie, par exemple, un autre gouvernement d'extrême droite est au pouvoir
05:07et là, les médias, la justice sont très fortement pressurés.
05:11Juste avant de venir ici, j'ai écouté France Info.
05:13Désolé, c'était une autre radio.
05:15Les journalistes parlaient d'une enquête contre Rachida Dati
05:20pour des soupçons de corruption liés à Renaud.
05:22C'est quand même assez courageux.
05:24En même temps, non, c'est normal.
05:25En France, les journalistes enquêtent,
05:27font un sujet négatif envers leur supérieur,
05:30qui est quand même la ministre de la Culture.
05:32La ministre de tutelle, parce qu'ils sont sur une radio publique.
05:34Est-ce que si le RN arrive au pouvoir,
05:36ce sera toujours possible à des journalistes
05:38d'enquêter contre leur ministre de tutelle ?
05:41Il y a des inquiétudes, effectivement.
05:43Vous avez un petit peu rappelé l'historique du RN,
05:46l'enseignement Front National.
05:48Vous êtes historien, Laurent Varlouzet.
05:50C'est historique, l'extrême droite n'a jamais eu autant de pouvoir en France
05:54et d'être aussi haut dans les sondages.
05:56Ça, c'est quelque chose qui est arrivé progressivement.
05:58Ça se voit dans l'histoire récente ?
06:00Oui.
06:02Là, effectivement, on voit l'extrême droite au pouvoir
06:05dans différents pays européens,
06:07mais c'est souvent en coalition.
06:09Là, je trouve que la différence en France,
06:11alors là, il y aurait une cohabitation s'il arrivait au pouvoir là.
06:13Mais si Marine Le Pen était élue en 1927,
06:15elle aurait les pouvoirs seules.
06:16Et en France, la particularité, c'est que quand même
06:18les institutions sont très centralisées, très puissantes.
06:20On l'a vu, par exemple, pendant le Covid,
06:22ça étonnait beaucoup nos voisins européens.
06:24Nous, le président Macron décide du jour au lendemain le confinement.
06:27Le lendemain, toute la France est fermée.
06:29Bon, ça ne se fait pas comme ça dans beaucoup de pays.
06:32Donc, si on a l'extrême droite au pouvoir en France,
06:34il faut savoir qu'on lui donne les clés d'un pays,
06:36d'un État extrêmement puissant, extrêmement centralisé.
06:38Et puis là, vu comme c'est parti,
06:40l'extrême droite serait au pouvoir seule.
06:42Là, j'ai parlé de Mélanie,
06:44qui a une politique plus modérée que ce qu'on pensait,
06:46mais elle est aussi en coalition avec un autre parti d'extrême droite,
06:48la Lega, qui est opposée à elle,
06:51parce qu'en fait, la Lega est pro-russe
06:53et elle, Mélanie, est pro-américaine.
06:55Et puis, il y a la droite modérée.
06:56En France, il n'y a que le RN, avec un peu de reconquête
06:58et puis un carteron de traîtres au gaullisme chez LR.
07:02Donc, il y aura une domination très forte du RN.
07:05C'est pour ça que l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite en France
07:08serait quelque chose de très particulier.
07:11D'un point de vue historique aussi,
07:13il y a cette alliance de la gauche
07:15qui s'appelle le Nouveau Front Populaire,
07:17en référence évidemment au Front Populaire de 1936.
07:20Ça aussi, c'est assez historique,
07:21même si on a eu la Nupes il y a deux ans,
07:23au moment des législatives.
07:24– Oui, alors c'est historique et en même temps,
07:26on m'avait interrogé là-dessus aussi.
07:28J'avais rappelé qu'en 1981, là je parlais de Morrois,
07:30Mitterrand était au pouvoir,
07:32François Mitterrand est arrivé au pouvoir avec une coalition
07:34avec des partis de gauche modérée,
07:37différents partis de gauche et aussi les communistes.
07:39À l'époque, on était en pleine guerre froide.
07:41Le parti communiste, à l'époque, a été considéré d'extrême gauche,
07:44au sens où il voulait renverser la démocratie libérale
07:46pour établir une démocratie communiste.
07:48C'était quand même son programme officiel.
07:50Il recevait ses consignes de Moscou.
07:52Bon, en fait, les ministres communistes au pouvoir ont été,
07:54Vittermann et autres ont été modérés,
07:56mais c'était quand même une alliance aussi très large.
07:58Donc là, le Front Populaire, de la même manière,
08:00c'est une alliance assez large.
08:01Il faut voir après, la différence,
08:03c'est qu'en 1981, il y avait un chef avec François Mitterrand,
08:05qui avait une légitimité.
08:07Là, ils n'ont pas de chef incontesté.
08:09Mais en tout cas, ils ont réussi à reproduire
08:12cette logique d'alliance,
08:14qui s'est déjà vue à différents moments d'histoire,
08:16assez rapidement.
08:18– Merci beaucoup Laurent Varlouzet d'être venu avec nous
08:20parler de ces élections législatives
08:22au regard aussi de l'Europe.
08:24Merci beaucoup, je rappelle que vous êtes Orléanais.
08:26Professeur Alassane Bonne, professeur d'histoire spécialiste de l'Europe.
08:28Bonne journée.
08:30– Merci, bonne journée à vous.