L'interview d'actualité - Abdallah Lamane

  • il y a 3 mois
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Maya Lauqué reçoit sur le plateau de Télématin Abdallah Lamane. À 24 ans, il a brisé tous les plafonds de verre et va rejoindre les États-Unis pour mener une thèse entre Harvard et le MIT. Il a grandi dans un milieu social modeste de Chanteloup-les-Vignes avant d’intégrer une classe préparatoire de CentraleSupélec. Un parcours qu’il considère comme une force et dont il a su tirer le meilleur. C’est notamment ses parents qui lui ont enseigné l’importance de faire des études et du sérieux pour sortir de cette condition sociale. Abdallah Lamane a fait un constat : plus il avance dans ses études et moins il voit de diversité sociale et territoriale. Son devoir aujourd’hui selon lui, est de faire parler de son parcours afin de démocratiser l’accès à ses formations.

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Transcript
00:00Merci d'être avec nous ce matin. Votre histoire, c'est celle non pas d'un ascenseur social, mais d'une fusée sociale, comme dit l'un de vos profs à Central-Supélec.
00:10Vous avez grandi à Chamclou-les-Vignes, où il n'était pas commun de rêver grand. Racontez-nous.
00:16Merci beaucoup pour l'invitation. C'est vrai que j'ai, à travers mon cursus, que ce soit en classe préparatoire au lycée Jean-Saën ou bien ensuite à Central-Supélec,
00:26j'ai toujours vu une certaine dissonance entre à la fois d'un côté mon milieu social, là où j'ai grandi, et là aussi j'ai mes amis d'enfance, et d'un autre côté...
00:35Qui est un milieu que vous décririez comme défavorisé, vous le dites ?
00:39Oui, défavorisé, modeste, issus de parents qui n'ont pas eu la chance malheureusement de faire des études, et donc il y a toujours eu cette dissonance-là.
00:47Mais mes parents m'ont toujours enseigné qu'il fallait que je prenne ça comme une force, une espèce de rage de vaincre.
00:54Ce que je pourrais appeler ça une revanche sur la vie, je pense. Oui, aujourd'hui, je suis fier de le dire.
00:59En tout cas, c'était assez compliqué, mais je pense que j'ai su tirer quand même le meilleur de cette force-là.
01:06Vous évoquez vos parents, ils sont arrivés en France dans les années 80, ils sont tous les deux agents d'entretien.
01:11Est-ce que votre parcours brillant, vous le devez en partie à eux ?
01:16Totalement, c'est-à-dire que mes parents m'ont toujours enseigné que c'était ce sérieux dans les études qui allait me sortir de cette condition sociale.
01:26Donc j'ai toujours grandi avec, et ça très tôt, ce devoir carrément d'étudier, parfois plus que d'autres personnes qui ont eu des facilités.
01:37Et je pense qu'aujourd'hui, oui, j'en suis totalement redevable, avec d'autres professeurs aussi qui ont su me guider tout selon mon parcours.
01:44École primaire à Chanteléville, lycée à Conflans-Saint-Honorin, vous racontez que plus vous avancez dans votre scolarité, moins il y a de diversité.
01:52Totalement, c'est-à-dire qu'en fait, on a différents obstacles, que ce soit les concours d'entrée, même parfois le simple fait de connaître l'existence même de ces cursus-là,
02:03l'existence de la prépa, comment est-ce qu'on fait pour devenir ingénieur et quelles sont les voies pour arriver à ces grandes écoles.
02:08Et en fait, c'est vrai que plus j'ai avancé, au moins il y avait de diversité sociale, territoriale, et je pense qu'aujourd'hui, j'ai une responsabilité à travers mon cursus.
02:17Et voilà, le fait de le promouvoir, c'est en fait de pouvoir démocratiser l'accès à l'information de ces cursus-là.
02:24Car vous êtes très engagé, et on va continuer à en parler. Ce fossé entre les élèves, vous le mesurez pleinement en entrant en prépa, justement, à Jean-de-Sonde-Sailly, vous l'évoquiez.
02:33C'est dans le 16e arrondissement, les loyers sont chers, vous travaillez avec votre papa l'été pour gagner un peu d'argent.
02:42Là, l'établissement, vous osez enfin en parler, l'établissement va vous entendre.
02:48Exactement, en fait, c'est souvent, je me suis toujours dit, il faut pas que, voilà, il faut qu'il y ait quand même une séparation hermétique entre d'un côté mon milieu social et mon milieu académique.
02:57Je voulais pas en fait que ça interfère.
02:58Pourquoi ?
03:00Parce que je pensais que, peut-être que c'était aussi une question de maturité, mais je voulais que ma réussite soit uniquement le fruit de mon travail.
03:06Et soit pas le fruit d'une, je sais pas, une charité ou autre.
03:09Et je voulais vraiment, en fait, me dire que c'était possible, quel que soit le milieu social.
03:13Et en fait, en effet, en arrivant à Jean-Sonde-Sailly, c'est dans le 16e arrondissement, les loyers sont assez élevés,
03:18et je me rends compte comme quoi c'est assez difficile pour mes parents.
03:21Et donc je décide, en fait, pour la première fois d'en parler à la CPE, à l'époque, de Jean-Sonde-Sailly.
03:28Et en fait, c'est la première fois qu'on me tend la main et qu'on me dit en fait, je crois en vous.
03:32Peu de temps avant, il y avait eu les résultats du premier semestre, où j'avais eu d'excellents résultats.
03:38Et en fait, c'est comme ça aussi que parfois on apprend l'existence de bourses auxquelles on pense pas forcément,
03:44qui sont parfois aussi un peu cachées.
03:46Et c'est grâce à notamment l'une des bourses à Jean-Sonde-Sailly que j'ai pu financer mes études en classe préparatoire,
03:51intégrer l'internat et ensuite pouvoir aborder les concours de façon très sereine.
03:55Vous avez pu obtenir cette bourse à laquelle vous aviez droit.
03:58En dehors de ce système qui se met en place pour vous aider, il y a quand même une forme d'auto-censure.
04:04Vous le dites très bien. Expliquez-nous. Vous vous dites, c'est pas pour moi les grandes écoles, c'est ça ?
04:10Bien sûr. En fait, je pense que c'est quelque chose qui a été étudié en psychologie assez longtemps.
04:14Et en fait, l'auto-censure, c'est le fait de se dire, de s'auto-dénigrer.
04:19C'est-à-dire se dire que les autres ont peut-être une préparation qui a été plus précoce,
04:25qui a été plus organisée par rapport à nous qui débarquons principalement en classe préparatoire
04:30et puis on essaie un peu de rattraper parfois l'écart.
04:34Et en fait, je pense que c'est important de se dire comme quoi ces grandes écoles-là aujourd'hui,
04:38en fait, elles n'attendent que des profits plus divers de façon, à nouveau, d'adversité sociale et territoriale.
04:44Et qu'avec le travail, en fait, tout est possible.
04:46Et que, alors moi, c'était mes parents qui me disaient souvent une chose,
04:48mais en fait, on est tous bébés en ne connaissant absolument rien.
04:52Tout le monde a eu à apprendre au bout d'un moment dans sa vie ce dont il est capable,
04:56il ou elle est capable actuellement.
04:58Et je pense que c'est l'une des affirmations les plus vraies que j'ai entendues jusque-là.
05:02C'est très vrai.
05:03Et puis, il y a l'entrée à Centrale Supélec, un stage à Stanford, un autre à Harvard.
05:08Et cette thèse qui approche, et c'est exceptionnel parce qu'il n'y a pas eu de français depuis 2016,
05:14vous êtes le premier de votre école à intégrer cette thèse à Harvard.
05:18Dans quel but, qu'allez-vous étudier et quel est votre projet professionnel ?
05:21Bien sûr. J'ai orienté mon cursus à Centrale Supélec autour de l'ingénierie biomédicale.
05:27Je reviens d'une année de recherche que j'ai faite aux États-Unis l'année dernière.
05:30Et l'idée de ma thèse, ça va être d'approfondir les sujets de recherche sur lesquels j'ai travaillé
05:35qui portent sur l'utilisation de l'intelligence artificielle en imagerie médicale.
05:40L'idée, c'est d'aider la façon dont les radiologues et les oncologues travaillent au quotidien
05:45pour automatiser certaines tâches qui sont très répétitives et très chronophages
05:49et d'utiliser les derniers modèles d'intelligence artificielle pour les aider.
05:53Je pense que ça va être... Je pense que c'est clairement...
05:55Je disais tout à l'heure que vous vouliez créer la machine qui va révolutionner la détection contre le cancer.
06:00C'est le projet, en fait.
06:01Exactement. Je pense qu'on est dans une ère avec l'intelligence artificielle qui est capable de grands changements.
06:06Et je pense que la façon dont les radiologues vont travailler dans 10 ans, 15 ans, n'aura absolument rien à voir
06:11avec parfois même la façon dont ils ont appris lors de leur cursus en médecine.
06:15Vous disiez il y a quelques instants, c'est un devoir pour moi de témoigner, de parler d'égalité des chances.
06:21Vous êtes aujourd'hui ce qu'on appelle un rôle modèle pour beaucoup de jeunes.
06:26Ce n'est pas trop lourd à porter ? C'est une mission que vous acceptez facilement ?
06:30En fait, je me projette surtout 5, 10 ans en arrière.
06:33Et je me rappelle encore parfois sur Internet, j'essayais de trouver moi-même de classe préparatoire,
06:38témoignage sur YouTube, sur des plateformes.
06:40Et en fait, je me rendais compte qu'il y avait malheureusement une difficulté d'accès à cette information-là.
06:45Et ça, c'est quelque chose dont d'autres personnes, de par leur milieu social ou bien les connaissances,
06:51ont accès à cette information-là.
06:53Et l'idée, ça reste de maintenant démocratiser l'existence de ces cursus d'excellence
06:57et de pouvoir maintenant travailler main dans la main avec les grandes écoles.
07:01Moi, j'ai de la chance cette année d'avoir pu travailler avec Centrale Supélec
07:05pour monter sur pied des projets en ce sens,
07:08pour aller récupérer des élèves, des étudiants dans ces viviers-là,
07:13parce que c'est des étudiants qui sont capables de grandes réussites.
07:16C'est des talents vraiment pour la société française, pour l'économie française.
07:22Et je pense que c'est en ce sens que j'ai ce devoir de responsabilité.
07:26Merci beaucoup, Abdelalamane.
07:28Je précise aussi que vous êtes très impliqué dans l'association qu'on connaît bien ici.
07:32On en a souvent parlé. Viens voir mon taf qui propose aux enfants de 3e,
07:36le fameux stage de 3e, de proposer aux enfants qui n'ont pas de réseau,
07:40d'accéder au métier, de découvrir le métier de leur rêve.

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