• il y a 6 mois
Une dissolution surprise, une campagne pleine de rebondissements, tout était réuni pour que les médias se passionnent pour l'actualité politique depuis le soir du 9 juin. Au point de faire de ces élections l'événement politique de la décennie, selon une étude réalisée par Théo Verdier, invité médias de franceinfo

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Transcription
00:00Et votre invité Média, Céline Baydarcourt, vient nous dévoiler son étude sur la médiatisation
00:08des législatives, réalisée par la Fondation Jean Jaurès, dont il est expert associé.
00:13Cette campagne surprise est pleine de remordissements et tout simplement l'événement politico-médiatique
00:18de la décennie.
00:19Bonjour Théo Verdier.
00:20Bonjour.
00:21Vous avez analysé les contenus de 117 médias généralistes, radio, télé, presse écrite
00:25et web.
00:26Le 9 juin au soir, l'annonce de la dissolution et le 21 vendredi dernier, soit les deux premières
00:31semaines de la campagne.
00:33Et effectivement, vous arrivez au constat que cette actualité est l'événement politique
00:36qui a le plus d'impact depuis 10 ans dans les médias, plus que les présidentielles
00:422017-2022 par exemple.
00:44Ça vous a étonné ?
00:45Il y a une question qu'on se pose depuis longtemps, c'est que voient les français
00:49d'un événement politique ? Et donc là, que voient les français de cette campagne ?
00:53Et en fait, d'abord, ce qu'ils voient c'est un déferlement.
00:56C'est-à-dire qu'on a une montée des eaux médiatiques.
00:59En quelques jours, si vous comparez la présidentielle 2022-2017, en fait même à une coupe du
01:05monde, on est à un impact médiatique comparable et supérieur pour tous les événements politiques.
01:10Et si vous regardez, ne serait-ce que le nombre de contenus publiés par rapport aux européennes
01:13qui viennent passer, on est à un rapport de 1 à 8.
01:16Donc on a une crue médiatique dans les radios, les écrans, les journaux des français sur
01:22cette campagne.
01:23Ça a passionné les médias, mais est-ce que ça a passionné les français ? C'est
01:26pas la même question ?
01:27Alors ça c'est une question intéressante et il faudra l'analyser à froid, c'est
01:31la question du trop-plein.
01:32Et notamment, je n'ai pas encore regardé l'audience du débat de hier soir, qui est
01:37assez historique.
01:38TF1 n'organise des débats comme ça, politiques, que lors des présidentielles, donc une fois
01:41tous les cinq ans.
01:42Donc on vit un moment médiatique historique, il faudra regarder si l'intérêt décline.
01:47Mais néanmoins, notons que l'allocution d'Emmanuel Macron sur la dissolution, ces cinq minutes
01:51qui ont changé notre histoire politique, a été vue par 15 millions de personnes.
01:54Quels épisodes ont été les plus relayés, les plus médiatisés ?
01:58Il y a deux choses.
01:59Un, il y a la question du qui ? Et cette campagne, elle installe le bloc d'extrême droite comme
02:04les stars du box-office.
02:05C'est-à-dire qu'on a Emmanuel Macron, et ensuite dans le top 5, on a Jordan Bardella,
02:09Eric Ciotti, Marine Le Pen.
02:11Donc Jordan Bardella, on est vraiment sur la star à l'américaine qui monte dans la
02:14médiatisation de cette campagne.
02:16Et c'est là où je pense que c'est intéressant de se dire qu'à la fois la dissolution rentre
02:20dans une partie de l'agenda politique du RN, mais elle rentre aussi dans son agenda
02:23médiatique.
02:24Parce qu'elle installe ces figures encore plus qu'elle ne l'était, et donc méfiance
02:28sur ce sujet.
02:29Et c'est une campagne de parti, une campagne un peu parisienne, on va dire, dans le sens
02:32où on a beaucoup traité, notamment dans la première partie, de la formation de ces
02:36deux blocs.
02:37Le bloc partisan de droite-extrême droite, avec l'histoire d'Eric Ciotti qui était
02:40peu visible dans les européennes, très visible là.
02:42Et le bloc plutôt de la gauche du Front Populaire, avec une visibilité plutôt divisée, dans
02:49le sens où chaque chef de parti est quasiment aussi visible, et Jean-Luc Mélenchon est
02:52un peu devant les autres.
02:53Vous parliez du débat d'hier soir sur TF1 avec les audiences, je vais vous la donner
02:56puisque je l'ai sous les yeux, 5,5 millions de téléspectateurs ont suivi ce débat entre
03:00les trois principaux candidats.
03:03Intéressant, ce n'est pas un déferlement non plus.
03:06Non, 5,5 millions, pas tant que ça.
03:08Il y en aura un autre sur France 2.
03:10Et alors, ça va peut-être permettre aussi à Gabriel Attal d'émerger, parce que dans
03:13les deux premières semaines de la campagne, il est assez, pas invisible, mais moins visible
03:18que ceux que vous avez cités.
03:19On a un croisement des courbes entre la visibilité d'Emmanuel Macron, qui évidemment au début
03:22était au centre de nos échanges, et celle progressive de Gabriel Attal qui monte.
03:26Néanmoins, ce qu'on voit bien, c'est que médiatiquement, il y a plutôt un effacement
03:29du camp présidentiel.
03:30François Bayrou et Édouard Philippe sont plutôt dans les tréfonds de notre classement
03:34des personnalités les plus visibles.
03:35Et on voit bien qu'il y a eu un effet de souffle qui a rendu très difficile le fait
03:39de monter une campagne, un message médiatique, qui là est en train de se structurer, mais
03:42dans une campagne affreusement courte.
03:44On avait plus de 30 jours dans la dissolution de 97 pour faire campagne, là on en a 20
03:49ou 21.
03:50Donc ça c'est un premier sujet.
03:51Et le sujet important c'est de quoi on parle, parce que c'est ça qui...
03:54Les thèmes de campagne, en 1, les retraites, en 2, le pouvoir d'achat, en 3, Execo, l'immigration
03:59et l'antisémitisme.
04:00Moi je suis surprise de voir l'antisémitisme à ce niveau-là, c'est rarement, peut-être
04:05même jamais un thème de campagne.
04:06Et c'est vrai qu'on en parle dans une campagne présidentielle, législative ou même européenne,
04:13c'est des thèmes qui étaient très peu présents, ou alors vraiment sous le prisme
04:16unique de la situation à Gaza et de la réaction d'Israël à l'attaque du 7 octobre.
04:20Là, on a la question d'un antisémitisme posé dans les stricts cadres nationals, 1,
04:27sur l'histoire tragique de Courbevoie, et des commentaires politiques qui sont poursuivis.
04:31Le viol de cette jeune fille juive ?
04:32Et je pense que dans plusieurs années on regrettera ce qui est en train de se passer.
04:36Sur le traitement quasi exclusif, quand on parle du nouveau Front Populaire et de Jean-Luc
04:42Mélenchon et de la France Insoumise, des accusations d'antisémitisme qui vraiment
04:45parasitent son image, c'est-à-dire que 20% du bruit médiatique généré par Jean-Luc
04:49Mélenchon, un cinquième, concerne ou traite ou mentionne cette accusation d'antisémitisme.
04:55Vous dites quoi ? On en parle trop ? Que les médias en parlent trop ?
04:57Ce qui est sûr, c'est qu'on a un temps très court, et je ne pense pas que ce soit
05:02les médias, je pense que vous êtes l'entonnoir qui traite un contenu qui lui est politique,
05:06et que dans la scène politique, cette accusation d'antisémitisme, elle est rémanente, elle
05:11est persistante.
05:12Et d'ailleurs, un autre sujet, c'est que le cinquième mot-clé qui ressort de notre
05:15étude, c'est « extrême », et en fait, notamment dans la bouche de Gabriel Attal.
05:19C'est-à-dire qu'il n'y a pas une intervention dans laquelle il ne commence pas en disant
05:22« je vous renvoie à ces deux extrêmes » et dans laquelle, moi, j'incarne la rationalité
05:26du centre.
05:27Et donc, autre élément sur de quoi on parle, il y a le sujet de l'antisémitisme, il y
05:30a l'immigration, plutôt portée par le bloc d'extrême droite, et sinon c'est
05:33une campagne du portefeuille.
05:34Retraite, SMIC, pouvoir d'achat.
05:37Les sujets sociaux ?
05:38Exactement.
05:39Exemple, hier, Gabriel Attal a ouvert sur l'école, c'est Manuel Bompard qui a ouvert
05:45sur l'électricité et les factures, c'est Jordan Bardella, excusez-moi, et Manuel Bompard
05:50a ouvert sur un sujet similaire.
05:52C'était le travail.
05:53Merci.
05:54Donc voilà, on a finalement ces sujets sociaux, on est dans une campagne, et ce n'était
05:57pas le cas des européennes, on a beaucoup parlé d'international, là on est en campagne
06:00du quotidien.
06:01Il y a un bonus dans votre étude, Théo Verdier, qui concerne spécifiquement les antennes
06:05du groupe Bolloré.
06:06Cnews, C8 Europe 1, vous avez écouté 7 émissions entre le 10 et le 21 juin, pour
06:11arriver à la conclusion que 35% de leurs invités politiques représentent l'extrême-droite.
06:1627 la droite, 11 les macronistes et 8 la gauche.
06:18Pourquoi cette analyse spécifique ? Et est-elle vraiment représentative au regard de la période
06:24étudiée, c'est sur l'ensemble de la campagne que l'Arkham jugera, et au regard du nombre
06:28de programmes examinés, c'est pas l'antenne en intégralité ?
06:31Je rentre pas dans la question de savoir si effectivement, in fine, ils seront dans les
06:35clous ou pas dans l'Arkham.
06:36C'est important quand même.
06:37Evidemment, ce que je dis c'est que si on prend des émissions qui sont très regardées,
06:41donc je pense à Touche pas à mon poste, je pense à l'émission de Cyril Hanouna
06:45qui est en train d'animer sur Europe 1 en 18-20 heures tous les jours.
06:48Dans ces émissions-là, on a une polarisation droite-extrême-droite extrêmement puissante.
06:54Si on prend juste les deux animés sur la période par Cyril Hanouna, donc Touche pas
06:56à mon poste et On marche sur la tête sur Europe 1, on a finalement 54% des invités
07:01qui sont du bloc d'extrême-droite.
07:03Si on prend 26 invités, vous en avez la moitié qui sont du bloc d'extrême-droite.
07:05Et en fait, à part Léon Desfontaines ou quelques invités qui sont entre le chroniqueur
07:11et l'ancienne personnalité politique, dans ces chaînes de la sphère Bolloré, si on
07:17enlève peut-être Europe 1 Soir, quand on regarde une émission, celles qui sont les
07:20plus regardées, on se rend compte qu'on vit une France partiale.
07:24Une France qui va de Gérald Darmanin à Jordan Bardella ou Éric Zemmour.
07:28On vit une hémiplégie de la sphère politique sur ces antennes.
07:31Et donc je me dis, que voient les Français de la campagne ? Quand ils regardent les
07:33médias de la sphère Bolloré, c'est clair qu'ils en regardent un tiers ou la moitié
07:37de cette sphère politique.
07:38Il en reste quand même deux jours, et puis depuis le début de la semaine, pour rééquilibrer
07:42peut-être.
07:43Et juste une précision, c'est pas pour envoyer nos auditeurs vers Europe 1, mais c'est à
07:4616h l'émission de Cyril Hanouna.
07:47Voilà, comme ça, tout est dit.
07:49Merci beaucoup.
07:50Merci Théo Verdier.
07:51Merci.
07:52Et votre étude sur la couverture médiatique des élections législatives est à retrouver
07:54donc sur le site de la Fondation Georges Jaurès.
07:57Merci à tous les deux.

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