• il y a 5 mois
Athlètes, les rendez-vous de la CAHN, revient pour un deuxième numéro. Ce mois-ci, Maxine Eouzan et Marie Martinod s'intéressent au dopage dans le sport de haut niveau, avec notamment la participation exceptionnelle de Quentin Bigot, vice-champion du monde de lancer de marteau en 2019, et contrôlé positif en juillet 2014.

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Sport
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00:00:00Bonjour à toutes et à tous, ravie de vous retrouver sur Sports en France.
00:00:18Vous avez aimé le premier numéro de notre nouveau programme, Athlètes, les rendez-vous
00:00:22de la Cannes.
00:00:23Alors on recommence, 52 minutes pour aborder les plus grandes thématiques du sport avec
00:00:29lesquelles la commission des athlètes de haut niveau se bat au quotidien au sein du
00:00:33CNOSF pour ce deuxième numéro.
00:00:36Aujourd'hui nous allons parler d'un thème très important, le dopage dans le sport,
00:00:40des mesures et dispositifs mis en place pour lutter contre ce phénomène, des risques
00:00:45chez les jeunes mais aussi dans le milieu amateur, des alternatives aux produits dopants.
00:00:49A mes côtés, comme d'habitude, c'est Marie Martineau.
00:00:51Ça va Marie ?
00:00:52Oui, salut Max, ça va bien, merci, bonjour à tous.
00:00:55Eh bien écoute, on commence direct par ton édito Marie, c'est parti.
00:01:05Se bourrer de vitamine C et de zinc à l'approche de l'hiver pour tenir éloignée cette bonne
00:01:09vieille crève.
00:01:13Dans la démarche du dopage, dans la philosophie du dopage.
00:01:16Mettre du Guronzan dans son coca pendant la période d'examen pour ne pas dormir et
00:01:21réviser plus.
00:01:26Dans la démarche du dopage, dans la philosophie du dopage.
00:01:29S'enfiler quelques laxatifs pour compléter le régime alimentaire et atteindre le body
00:01:33summer de ses rêves.
00:01:37Dans la démarche du dopage, dans la philosophie du dopage.
00:01:40Avaler une pilule de Viagra pour faire ce qu'il y a à faire avec Jacqueline et ne pas
00:01:47perdre la face.
00:01:48Dans la philosophie du dopage, dans la démarche du dopage.
00:01:56Compléter l'eau de sa gourde avec des protéines pour mieux vivre la séance de fitness du
00:02:01mardi soir.
00:02:02Dans la démarche du dopage, dans la philosophie du dopage.
00:02:10Se faire péter les dernières baskets Vaporfly Next pour éclater les chronos du footing
00:02:15dominical.
00:02:16Pourquoi Claude est-il devenu ce qu'il est devenu ?
00:02:18J'ai pas révisé là.
00:02:20Parce que tous les matins il faisait son ? Son petit-déjeuner.
00:02:23Petit-déjeuner je t'en foutrai et moi.
00:02:26Anne ? Parce que tous les matins il faisait son ? Son lit ? Son jogging bande de buse.
00:02:31Son quoi ? Son jogging.
00:02:33Dans la démarche du dopage, dans la philosophie du dopage.
00:02:37Et enfin s'ouvrir un peu les bronches à la ventoline pour réussir à suivre Bobonne
00:02:41en ski de fond aux vacances de février.
00:02:43Dans la démarche du dopage, dans la philosophie du dopage.
00:02:48Alors n'essayons pas tous de s'arranger avec nos propres limites, de se prévenir
00:02:53des effets de nos failles pour être toujours la meilleure version de nous-mêmes et de
00:02:58nous-mêmes face aux autres surtout.
00:02:59Après tout, tant que les solutions pourraient être plus performants, au moins un instant
00:03:04nous serons offertes comment s'en affranchir.
00:03:06C'est la même histoire dans le sport de haut niveau mais là on ajoute à tout ça
00:03:10l'argent, l'ascension sociale, la notoriété, la gloire et l'éternité.
00:03:15Alors il semble que face à l'ego et à la réussite, la morale fasse bien pâle figure
00:03:20et que l'ensemble des règles de conduite considérées comme « bonnes » restent
00:03:24souvent amendées sur l'autel de la performance.
00:03:27Alors c'est quoi le problème ?
00:03:30Alors c'est quoi le problème avec le dopage en France ? Pour en parler justement, Quentin
00:03:42Bigot en visio avec nous, vice-champion du monde de marteau en 2019 et contrôlé positif
00:03:47au stanozolol en 2014, suspendu 4 ans, dont 2 ans avec sursis.
00:03:52En plateau, Jérémy Roubain, secrétaire général de l'Agence française de lutte
00:03:56contre le dopage AFLD est avec nous.
00:03:59En face de toi Jérémy, il y a Anne Templet, responsable de l'unité interna des mineurs
00:04:04de l'INSEP que je connais très bien et de la prévention dopage pour les jeunes.
00:04:09Et enfin en visio également avec nous, Sophie Berwick, responsable de l'organisation de
00:04:14l'anti-dopage pour Paris 2024 pour l'ITA, International Testing Agency.
00:04:19Bonjour à tous et merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui.
00:04:23Alors le dopage dans le sport, qu'il soit au niveau professionnel ou amateur, a beaucoup
00:04:27évolué ces dernières années.
00:04:29Les sportifs de haut niveau sont de plus en plus surveillés et les méthodes à la pointe
00:04:34de la technologie comme l'application ADAMS permettent désormais aux préleveurs d'effectuer
00:04:39leurs contrôles de manière inopinée, des contrôles parfois critiqués car le dopage
00:04:44est un vaste sujet qui a ses contradicteurs mais aussi ses adeptes.
00:04:48Côté amateur, il est de plus en plus facile de se procurer des produits permettant d'améliorer
00:04:53les performances, un risque donc pour la jeunesse.
00:04:56Alors pour bien comprendre le problème, je me tourne vers toi Jérémy d'abord, quand
00:05:00on parle de dopage aujourd'hui, à quoi pense-t-on directement et finalement est-ce que certains
00:05:05sports sont plus touchés que d'autres ?
00:05:06Alors je pense que sur le principe, tous les sports potentiellement sont susceptibles de
00:05:10connaître des affaires de dopage et je pense qu'il faut surtout qu'aucune discipline
00:05:14sportive ne se sente à l'abri de ce phénomène.
00:05:17Alors il est plus ou moins développé selon les disciplines pour une raison objective,
00:05:20c'est que certaines disciplines demandent des capacités d'endurance ou de force plus
00:05:23importantes et donc l'intérêt entre guillemets du dopage est plus fort.
00:05:26Mais je pense que c'est important de rappeler que le dopage avant tout c'est vouloir améliorer
00:05:32sa performance, elle peut être même minime cette amélioration et donc elle peut être
00:05:37intéressante entre guillemets pour un sportif ou une sportive dans n'importe quelle discipline.
00:05:41C'est quelqu'un qui, si j'ose dire, transgresse les valeurs d'intégrité donc au final tout
00:05:45le monde peut un jour céder à la tentation du dopage.
00:05:48Donc il faut je pense surtout ne pas se sentir prémuni contre le dopage, après effectivement
00:05:53il y a des disciplines qui sont objectivement plus à risque, on le sait, ça fait partie
00:05:57de nos risques, le cyclisme par exemple, historiquement, le rugby, pour citer des disciplines qui sont
00:06:03connues, l'athlétisme, parce qu'il y a de telles capacités d'endurance et de force
00:06:07qui sont demandées qu'effectivement le risque de dopage est plus fort.
00:06:10Mais je pense qu'avant tout personne ne doit se sentir à l'abri du dopage et tout le monde
00:06:13doit surtout avoir à l'esprit que la prévention du dopage ça concerne tout le monde.
00:06:17Moi je retiens que tu as dit que les skieurs n'avaient pas besoin d'être endurants.
00:06:20J'en reviendrai sur ma position à la fin.
00:06:24Quentin, on l'a dit en introduction, tu as été testé positif en juillet 2014 au Stonozolol,
00:06:31on reviendra bien évidemment plus tard en détail sur ton histoire, mais en tant qu'athlète
00:06:35de haut niveau, qu'est-ce qui pousse un sportif à se doper ?
00:06:40Ça peut être plein de choses.
00:06:43Pour moi en tout cas c'était un contexte, un entraîneur, un groupe, l'envie de faire
00:06:49des performances, la jeunesse aussi parce que j'avais 19 ans à ce moment-là, on a
00:06:54envie de lancer loin, on a envie d'aller aux Jeux Olympiques, on a envie de réussir.
00:06:58Et puis quand on évolue dans un milieu où le dopage n'est pas forcément quelque chose
00:07:04de mauvais et qui est plutôt même culturel, ce qui a été le cas dans les disciplines
00:07:08de l'athlétisme dans les années 80-90, qui n'est plus le cas aujourd'hui, mais
00:07:13quand on a été un enfant de cette culture-là, on tombe dedans et moi à la base je pense
00:07:20que mes parents m'ont plutôt bien éduqué, j'ai toujours eu des bonnes notes à l'école,
00:07:24je veux dire je n'ai pas un paramétrage de voyou à la base, et pourtant je suis
00:07:31quand même tombé dedans.
00:07:33Alors Jérémy, est-ce qu'il y a des produits plus courants que d'autres qu'on retrouve
00:07:38assez souvent ?
00:07:39Effectivement, il y a des produits qui sont un peu emblématiques, comme l'EPO par exemple,
00:07:45qui ont défrayé la chronique, mais en réalité on a un petit peu, si j'ose dire, toutes
00:07:50les substances qui sont interdites et qu'on retrouve dans les échantillons de certains
00:07:53sportifs.
00:07:54Il n'y a pas de podium particulièrement, ça peut dépendre des disciplines, ça peut
00:07:58dépendre de ce qu'on recherche évidemment, si je prends les bêta-bloquants, ils ont
00:08:01un intérêt dans certaines disciplines moins dans d'autres, les anabolisants également.
00:08:05Donc il y a quelques substances qui reviennent régulièrement, mais en réalité, si je
00:08:10prends l'activité d'une année, on a à peu près toutes les classes de substances
00:08:13dans les échantillons qu'on retrouve.
00:08:15Donc là encore, il n'y a pas des substances qui seraient dopantes et qui thrusteraient
00:08:20le podium, et d'autres dont il faudrait finalement moins se méfier, même des diurétiques,
00:08:25on retrouve encore des diurétiques dans les échantillons prélevés, et c'est une substance
00:08:28interdite.
00:08:29Donc la vigilance même sur les substances qui paraissent finalement anodines, elle doit
00:08:33être maintenue, parce que c'est un test positif comme un autre, même avec des diurétiques
00:08:37par exemple.
00:08:38L'AFLD pour laquelle tu travailles a été créée en 2006, tu coopères bien entendu
00:08:42avec l'AMA, l'Agence Mondiale Anti-Dopage, et d'autres fédérations sportives à l'international,
00:08:47comment fonctionne l'AFLD justement dans sa lutte contre le dopage ?
00:08:50Alors l'AFLD, depuis maintenant plus de 15 ans, a profondément évolué, mais comme
00:08:56toute la communauté anti-dopage finalement.
00:08:58Au début, en 2006 par exemple, l'ITA n'existait pas, donc c'était les fédérations internationales
00:09:04qui assuraient elles-mêmes l'organisation anti-dopage pour les sportifs de très haut
00:09:08niveau.
00:09:09Aujourd'hui, on a une agence de contrôle internationale, l'ITA, qui pour une cinquantaine
00:09:13de fédérations internationales assure le programme anti-dopage, donc ça a profondément
00:09:17évolué à l'international.
00:09:18L'agence, elle a suivi le même parcours finalement.
00:09:21Au début, c'était avant tout des contrôles anti-dopage, c'est ce qui souvent résume
00:09:24un peu aux yeux du grand public l'anti-dopage.
00:09:26Puis progressivement, on a eu d'autres outils, le passeport biologique, l'investigation,
00:09:31donc on a des nouvelles équipes qui sont arrivées.
00:09:32Et puis au bout d'un moment, il y a quand même eu ce constat que le premier instrument
00:09:36pour lutter contre le dopage, c'est la prévention, c'est l'éducation, et donc à nouveau des
00:09:40équipes qui sont arrivées.
00:09:41Et donc aujourd'hui, on a finalement des métiers très différents à l'agence, on a à peu
00:09:45près une cinquantaine de personnes qui travaillent pour l'agence française, et on a des métiers
00:09:48qui vont de juriste, qui vont avoir la partie disciplinaire, la partie sanction, qui est
00:09:52aussi un métier de l'agence, des coordonnateurs anti-dopage, des préleveurs permanents qui
00:09:56vont assurer la partie contrôle, des investigateurs avec les nouvelles prérogatives d'enquête,
00:10:00mais aussi des personnes dans l'agence pour l'éducation anti-dopage, ou à l'extérieur
00:10:04de l'agence, comme Anne par exemple, les éducateurs anti-dopage, qui sont des personnes
00:10:08formées à l'extérieur de l'agence.
00:10:09C'est important de préciser que vous êtes du coup très indépendant des FED, comme
00:10:13tu l'expliquais pour l'international, l'ITA est très indépendant des FED international.
00:10:17Absolument.
00:10:18De la même manière que les fédérations internationales, beaucoup en tout cas de plus
00:10:20en plus, ont fait le choix de déléguer une partie ou toute l'intégralité du programme
00:10:24anti-dopage, soit à l'ITA, soit à une unité propre à la discipline, comme l'athlétisme
00:10:27par exemple, au niveau des États, en 2006, la plupart des États se sont dotés dès
00:10:332006 d'une agence nationale indépendante.
00:10:36Alors qu'indépendante, ça veut dire concrètement quoi ? Ça veut dire que le choix des sportifs
00:10:40qui seront testés, le choix des sanctions qui seront prononcées relève antérieurement
00:10:44de l'agence.
00:10:45Je n'ai aucun coup de fil d'un ministère, d'une fédération sportive pour nous demander
00:10:49de la clémence ou de la dureté vis-à-vis d'un sportif.
00:10:52On ne répond à personne des choix qu'on fait sur le programme anti-dopage et ça c'est
00:10:56important.
00:10:57Alors ceux qui ont un rôle primordial évidemment dans cette lutte contre le dopage, ce sont
00:11:02les préleveurs.
00:11:03Et notre reporter justement Thomas Micot était présent au séminaire des préleveurs de
00:11:07l'AFLD à l'INSEP fin novembre 2022, regardez.
00:11:10Ils font partie intégrante du mouvement sportif mais sont quasiment invisibles.
00:11:18Pourtant, il suffit de se rendre sur le site de l'AFLD, l'agence française de lutte
00:11:23contre le dopage, pour découvrir à la rubrique « décision disciplinaire » toutes leurs
00:11:28utilités.
00:11:29Le moteur essentiel de l'agence, ce sont les préleveurs.
00:11:32Ils sont aujourd'hui 125 vacataires pour trois permanents, à assurer un peu plus de
00:11:3810 000 prélèvements par an.
00:11:40Fin novembre, ils étaient tous réunis à l'INSEP pour une formation continue.
00:11:45Je fais partie des trois préleveurs permanents de l'agence, c'est quasiment une mission
00:11:49tous les deux jours, tous les trois jours selon la période de l'année, ou tous les
00:11:53jours des fois.
00:11:54Et pour être efficace, l'AFLD se doit de cibler ses contrôles vers le haut niveau
00:11:58d'abord.
00:11:59Certaines disciplines sont également plus contrôlées que d'autres.
00:12:03Nous on fait une étude de risque, on s'appelle comme ça, tous les années, où on fait un
00:12:08classement de sports qui sont plus à risque, disciplines plus à risque, et après on sélectionne
00:12:13des sportifs que nous on juge intéressants à mettre dans notre, ce qui s'appelle groupe
00:12:18cible, en groupe de contrôle.
00:12:20Une fois les disciplines à risque et les sportifs ciblés, reste à déterminer le
00:12:24moment opportun pour effectuer les contrôles.
00:12:27Aujourd'hui, environ deux tiers s'effectuent hors compétition, de manière inopinée.
00:12:33C'est un des points, on va dire, plus compliqués dans la lutte anti-dopage, c'est de démasquer
00:12:38les périodes propices.
00:12:39Ça veut dire qu'on cèle vraiment le moment où l'athlète peut utiliser des substances
00:12:44pour améliorer sa performance.
00:12:46Ça dépend aussi du sport, ça dépend de la carrière de l'athlète.
00:12:50Par exemple, si un athlète a comme objectif une marathon qui se fait le mois d'avril,
00:12:54on doit commencer à le tester, par exemple, au début d'année.
00:12:57On doit vraiment découvrir ces périodes propices, et c'est vraiment une partie compliquée
00:13:01de notre travail.
00:13:02Ce qui est intéressant d'un point de vue là, c'est les tests hors compétition qu'on
00:13:05fait, par exemple, au domicile de l'athlète.
00:13:09Pour cibler encore un peu plus ces contrôles, l'AFLD dispose également d'un département
00:13:13d'enquête qui collecte les signalements, des renseignements qui peuvent être également
00:13:18recueillis sur le site de l'AFLD.
00:13:21En 2023, l'Agence française de lutte contre le dopage vise 12 000 contrôles, c'est 2 000
00:13:27de plus qu'en 2022.
00:13:31Alors du coup, ça m'amène à tout un tas de nouvelles questions, évidemment.
00:13:35Mais la première, c'est comment on devient préleveur ? Est-ce qu'il faut être médecin,
00:13:40est-ce qu'il faut avoir des compétences particulières ?
00:13:42Non, alors effectivement, l'éventail est assez large.
00:13:44On a différents publics qui peuvent devenir préleveurs, il y a une liste qui est quand
00:13:48même assez importante.
00:13:49On va dire la partie professionnelle de santé, médecin, mais aussi de plus en plus infirmier,
00:13:55technicien de laboratoire, etc.
00:13:56Donc plusieurs professionnels de santé ou professions de santé qui peuvent prétendre
00:14:01à être préleveurs et qui vont notamment avoir la capacité de faire non seulement
00:14:04les prélèvements urinaires, mais aussi sanguins, puisque ce sont des professionnels de santé.
00:14:07Souvent ils viennent en binôme, parfois d'ailleurs.
00:14:09Parfois ils viennent en binôme, effectivement, et on peut avoir dans les préleveurs non seulement
00:14:13ces professionnels de santé, mais aussi un autre type de préleveurs qui viennent plutôt
00:14:17des services de police aux unités de gendarmerie, qui sont des officiers de police judiciaire
00:14:21et qui viennent de cette voie-là, ou qui travaillent dans une organisation insolente
00:14:23et dopage.
00:14:24Donc pour leur part, ils ne pourront pas effectuer des prélèvements sanguins, mais ils pourront
00:14:28surveiller la mixtion urinaire.
00:14:29Donc en fait, on a des profils assez différents entre un policier, un médecin, un infirmier,
00:14:37un kinésithérapeute par exemple, des profils très variés dans nos préleveurs aujourd'hui
00:14:41et ça vaut en France comme à l'international.
00:14:43Et alors le lundi matin, à la FLD, vous vous réunissez en petit comité et vous faites
00:14:47une réunion pour vous dire, alors donc, on va aller contrôler telle personne, enfin
00:14:51comment ça fonctionne, comment vous organisez tout ça ?
00:14:53C'est effectivement ce qu'expliquait très bien Francesca, qui est notre directrice
00:14:56des contrôles à l'agence, c'est un travail qui ne doit rien au hasard.
00:14:59C'est-à-dire l'époque où finalement, on avait un petit chapeau avec des petits
00:15:02papiers et on tirait au sort, c'était les premiers âges de l'antidopage.
00:15:05Beaucoup pensent encore que ça fonctionne comme ça.
00:15:07Aujourd'hui, ça a totalement changé.
00:15:09On part de l'analyse des risques en début d'année, c'est-à-dire de se dire quelles
00:15:13sont les disciplines à risque, quel est l'historique de dopage, quel est le renseignement qu'on
00:15:17a à travers les enquêtes.
00:15:18Et donc, on distribue un nombre d'échantillons selon les disciplines, en fonction des risques.
00:15:23Donc c'est objectif.
00:15:24Ensuite, au sein de la discipline, on commence à distribuer en fonction des risques sur
00:15:29des athlètes, des risques objectifs aussi, tout simplement parce que les athlètes sont
00:15:32bons en fait.
00:15:33Le fait d'avoir de la performance, c'est un critère parce qu'il faut certifier la
00:15:36performance.
00:15:37Et ensuite, c'est le travail de toute l'année, de tous les jours, en fonction de la période
00:15:42comme l'expliquait aussi Francesca, effectivement, quelle est la période de préparation, quelle
00:15:45est la période de compétition.
00:15:46Et là, c'est le savoir-faire de nos coordonnatrices d'antidopage, on est une équipe de quelques
00:15:50coordonnateurs qui ont des portefeuilles de sport, donc qui suivent comme des passionnés
00:15:53le sport, qui le connaissent très bien, qui suivent les compétitions, qui suivent les
00:15:56résultats et qui vont dire, à ce moment-là, il faut mettre une attention particulière
00:16:00sur tel sport et sur tel sportif parce qu'il est en train de préparer tel championnat,
00:16:04parce qu'on sait qu'il se prépare pour telle compétition.
00:16:06Et c'est normal, il est dans une phase où le risque d'antidopage peut être présent
00:16:09et donc il faut nous assurer que ce risque n'advient pas.
00:16:11Donc c'est vraiment au quotidien, nos coordonnatrices d'antidopage qui échangent, qui voient les
00:16:16calendriers sportifs aussi.
00:16:17Donc parfois, au dernier moment, ils vont changer un contrôle parce que finalement,
00:16:20il n'est plus pertinent ou à l'inverse, il devient pertinent.
00:16:23On a aussi un autre type de contrôle plus rare, mais qui existe de plus en plus, avec
00:16:26du ciblage à partir de renseignements.
00:16:27On a une information, on a un renseignement qui vient d'une personne qui porte ce fait
00:16:32à notre connaissance et c'est important, il faut le dire, ce n'est pas être un délateur
00:16:35que de le dire, c'est participer à un combat pour le sport propre, que de faire remonter
00:16:38ce type d'information ou alors de l'information avec des services de renseignement, on coopère
00:16:42avec les douanes, avec d'autres services de police et là, effectivement, c'est un contrôle
00:16:47rare mais néanmoins beaucoup plus spectaculaire parce qu'il va être ciblé en fonction de
00:16:50renseignements antidopage.
00:16:52Quentin, est-ce que toi, tu es sur le logiciel ADAMS et est-ce que tu vois la différence
00:16:56par exemple en termes de nombre de contrôles entre des championnats d'Europe, des championnats
00:16:59du monde ?
00:17:00Oui, je suis sur ADAMS, qui est un bon système d'ailleurs pour se localiser.
00:17:05Suivant les années, oui, j'ai eu plus ou moins de contrôles effectivement.
00:17:11Je sais que quand je suis revenu à la compétition en 2016-2017, j'en ai eu un peu plus, ce
00:17:16qui était normal et puis ensuite, j'en ai eu un peu moins, puis j'ai fait ma médaille
00:17:20mondiale et j'en ai eu un peu plus.
00:17:22Je pense que ça fait partie du sport aujourd'hui et je sais qu'il y a des athlètes qui râlent
00:17:29de se faire contrôler le matin chez eux, de se faire réveiller, mais je trouve que
00:17:33pour un athlète propre, aujourd'hui, se faire contrôler, c'est un peu comme montrer
00:17:36pas de blanche, c'est montrer son passeport en disant « moi, je suis content de me faire
00:17:40contrôler, je n'ai pas de soucis ». Je trouve que c'est vraiment preuve de bonne
00:17:44foi de dire « ok, c'est normal ». Non seulement, ça fait partie de notre métier
00:17:48aujourd'hui, mais aussi, c'est rassurant pour nous, quelque part.
00:17:52Ce n'est pas contraignant ? Oui, bien sûr, se faire réveiller à 7 heures
00:17:58du matin, bien sûr que c'est contraignant.
00:17:59En plus, je me suis fait opérer il y a deux semaines, le lendemain de l'opération,
00:18:02je me suis fait contrôler.
00:18:03Je peux vous dire que c'était compliqué.
00:18:04C'est incroyable.
00:18:05Mais c'est comme ça.
00:18:06Alors oui, c'est contraignant, mais quelque part, ça fait partie du jeu et c'est bien
00:18:12pour nous.
00:18:13Anne, tu dois en voir passer un paquet de prélèveurs à l'INSEP.
00:18:17Il est vrai que dans notre établissement, qui accueille plus de 20 fédérations sportives,
00:18:23donc une grande concentration de sportifs de haut niveau, c'est quasi quotidien, les
00:18:29venues de contrôleurs, week-end inclus, jours fériés inclus.
00:18:34C'est un rythme auquel on est habitué et auquel finalement les sportifs aussi s'habituent.
00:18:39Il faut être prêt à les recevoir parce que sinon, c'est nocheux.
00:18:41S'ils venaient à se présenter aux portes de l'établissement, mais que personne ne
00:18:44leur ouvre, c'est le sportif qui trinque.
00:18:46Exactement.
00:18:47On a une organisation qui permet cet accueil en continu, 7 jours sur 7, tout au long de
00:18:51l'année.
00:18:52On a même signé une convention avec la FLD pour une bonne organisation de tous ces contrôles
00:18:58et surtout pour que nos sportifs ne soient pas pénalisés à ce niveau-là dans notre
00:19:03grand établissement puisqu'on a au quotidien plus de 400 sportifs internes, on en a qui
00:19:09passent en journée, donc il faut vraiment être très rigoureux sur cette organisation.
00:19:15Justement, sur ces 400 athlètes internes, il y a forcément des mineurs, comment ça
00:19:19fonctionne avec les mineurs ? Est-ce qu'on peut prélever un mineur ? Est-ce qu'il faut
00:19:22demander des autorisations à certains ? Je me tourne vers tous les deux.
00:19:26Anne, je t'en prie, donne-nous ta version.
00:19:28Alors nous, au niveau des mineurs, effectivement, les mineurs peuvent être contrôlés.
00:19:33Il n'y a pas de différenciation entre mineurs majeurs.
00:19:37Par contre, il y a tout un cadre réglementaire autour du prélèvement puisque vous n'êtes
00:19:42pas sans savoir que dans la partie contre l'antidopage, il y a une partie d'observation
00:19:50de la mixtion du mineur et donc où le mineur est tout seul avec son prélèveur.
00:19:54Il peut être également accompagné d'une tierce personne qui va vérifier.
00:19:59Observation de la mixtion, on te regarde pendant que tu fais pipi ? Non, mais je précise parce
00:20:03que c'est quand même un truc qu'il faut le prendre et te le dire, observation de la
00:20:05mixtion.
00:20:06Oui, c'est quand même très particulier.
00:20:07Oui, moi j'ai des souvenirs à ne pas réussir à faire pipi parce que je ne sais pas ce jour-là,
00:20:12je suis mal à l'aise et la nénette en train d'ouvrir le robinet d'eau pour faire filer
00:20:17un peu de bruit.
00:20:18Ce n'est pas vrai.
00:20:19Tu peux avoir tes règles ce jour-là.
00:20:20Des fois, ce n'est quand même pas super funky comme truc.
00:20:23Exactement.
00:20:24C'est vrai que pour un mineur, c'est d'autant plus compliqué.
00:20:26Voilà.
00:20:27Du coup, il y a tout ce cadre réglementaire qui va passer par des autorisations signées
00:20:31par les parents, par les familles, le responsable légal qui seront transmises à la fédération.
00:20:36Toute une organisation, mais je pense que Jérémy pourra compléter.
00:20:40C'est aussi pour ça, à l'INSEP, qu'on a décidé de former nos sportifs dès leur
00:20:47arrivée, dès leur plus jeune âge.
00:20:48Quentin disait tout à l'heure que lui, à 19 ans, il y a eu un gros problème.
00:20:55Nous, c'est ce qui nous a aussi incité à déployer tout notre programme d'éducation
00:21:02à l'antidopage et entre autres, à expliquer le contrôle très concrètement pour que ces
00:21:08moments un peu gênants, comme tu disais Marie, soient anticipés et qu'il n'y ait plus ce
00:21:15blocage, même si ça reste encore particulier à vivre, mais au moins, ils savent à quoi
00:21:20s'en tenir.
00:21:21Alors, puisqu'on parle des préleveurs, des prélèvements et des préleveurs, Lytia, Sophie,
00:21:26pour laquelle tu travailles, cherche à recruter de nouveaux préleveurs en vue des Jeux Olympiques
00:21:31de Paris 2024.
00:21:32Et ce n'est pas une mince affaire.
00:21:33Tout à fait.
00:21:36Nous recrutons des préleveurs assermentés pour compléter le pool des préleveurs français
00:21:47qui participeront au programme antidopage des Jeux Olympiques de Paris 2024.
00:21:52En général, ce que fait l'ITA, c'est vraiment d'aider le comité d'organisation et l'Agence
00:21:59nationale antidopage de la FLD, en France, à recruter ce personnel pour le prélèvement
00:22:03d'échantillons.
00:22:04Et ce que l'ITA fait aussi, c'est de former et de certifier le personnel de prélèvement
00:22:09d'échantillons via le programme qu'on appelle IDCO de l'ITA, dont le but est vraiment de
00:22:14standardiser les procédures de prélèvement d'échantillons et d'accroître l'efficacité
00:22:21et la qualité des contrôles dans leur ensemble.
00:22:23Alors, pour qu'on sache de quoi on parle, on parle de 6000 tests à peu près sur une
00:22:27année pour la FLD et vous allez quasiment devoir faire la même chose pour les Jeux,
00:22:33c'est ça ?
00:22:34Exactement.
00:22:35On n'a pas les chiffres exacts, mais si on prend les chiffres de Tokyo, il y avait 5000
00:22:40tests qui avaient été effectués, c'est à peu près plus de 6000 échantillons prélevés
00:22:45dans l'espace de quelques semaines.
00:22:48L'ITA a notamment lancé sur LinkedIn un appel pour proposer en avril 2023 une formation
00:22:54de trois jours au siège du COJO, du Comité d'organisation des Jeux Olympiques, pour
00:22:58recruter 60 nouveaux prélèveurs.
00:23:00Comment ça se présente ?
00:23:01Ça se présente très bien, on a eu énormément de demandes, on est vraiment ravis, ça se
00:23:09fera fin avril dans les bureaux de Paris 2024 et c'est justement l'aide dont je parlais
00:23:15tout à l'heure pour augmenter le pool de prélèveurs de la FLD déjà existants et
00:23:21de recruter au maximum des prélèveurs locaux.
00:23:24Et là, à ce moment-là, vous travaillez main dans la main avec la FLD ?
00:23:28C'est une collaboration permanente qui a commencé déjà il y a quelques temps avec
00:23:32Jérémy et toute l'équipe de la FLD, notamment pour le recrutement du personnel, mais aussi
00:23:37pour tous les aspects logistiques et opérationnels du programme.
00:23:40Jérémy, que risquent les athlètes en cas de contrôle positif et pourquoi ce sont les
00:23:47athlètes qui sont mis en cause et pas forcément ceux qui conseillent ou donnent les produits ?
00:23:51C'est une vraie question de savoir qui peut être sanctionné à la fin en cas de violation
00:23:56des règles antidopage.
00:23:57Déjà, il faut rappeler que le fait de se soustraire à un contrôle, ou en tout cas
00:24:02de gêner un contrôle, est en soi une violation des règles antidopage et donc on peut encourir
00:24:06jusqu'à 4 ans de suspension sportive.
00:24:07Il faut le rappeler parce que parfois, certains sportifs n'en ont pas à l'esprit, quitter
00:24:11un lieu de contrôle par exemple, c'est une violation des règles antidopage.
00:24:14Ensuite, une fois que le test est analysé, il part au laboratoire antidopage français
00:24:19pour la FLD par exemple, et si jamais il y a un test positif, ce qu'on appelle un
00:24:23peu dans le jargon antidopage un résultat d'analyse anormale, un RAA, à ce moment-là,
00:24:28l'agence française de lutte contre le dopage est informée si c'est elle qui a diligenté
00:24:31le contrôle.
00:24:32Là, les sanctions peuvent varier en fonction de la substance.
00:24:35Toute substance ne donne pas lieu à la même sanction.
00:24:39Pour faire simple, les substances les plus lourdes, ce qu'on appelle les non-spécifiées,
00:24:43c'est-à-dire véritablement les substances dont la visée dopante fait peu de doute.
00:24:48Je pense à l'EPO par exemple, c'est la prise d'une substance qui peut faire encourer
00:24:52jusqu'à 4 ans de suspension sportive, voire plus, en fonction de circonstances aggravantes,
00:24:58on peut aller jusqu'à 5 ou 6 ans, ça nous arrive à la FLD de prononcer ce type de suspension.
00:25:01Pourquoi j'ai l'impression que c'est souvent les athlètes qui trinquent et très rarement
00:25:06les médecins ou les gens qui organisent ce genre de système ?
00:25:09Effectivement, c'est la seconde question, c'est une fois que le sportif lui-même qui
00:25:12est responsable de la substance qui est dans son organisme, que fait-on après ?
00:25:18Et je pense qu'on est en train de vivre depuis ces dernières années une sorte d'étage supplémentaire,
00:25:23de nouveau cap dans la lutte anti-dopage, c'est-à-dire s'intéresser au sportif c'est
00:25:27une chose qui est bien, mais il faut s'intéresser aussi aux entourages, qui peuvent être d'ailleurs
00:25:31assez divers, entourage médical, entourage sportif, entourage familial, amical, parfois
00:25:36un peu aussi combiné, ce qui ne favorise pas forcément la bonne compréhension du système
00:25:42pour une agence anti-dopage, comprendre qui fait quoi exactement.
00:25:45Dans ce cas-là, on a de nouveaux outils, parce que les sanctions elles existent depuis
00:25:49l'origine.
00:25:50Officiellement, une personne qui est complice par exemple de la seconde règle anti-dopage
00:25:53en cours des sanctions.
00:25:54Le problème c'était établir la preuve, parce que quand vous avez un test positif,
00:25:57c'est, j'allais dire, relativement simple entre guillemets, mais en tout cas la preuve
00:26:00est là.
00:26:01Ensuite, établir qu'un médecin par exemple, non seulement n'a pas fait une erreur de
00:26:05prescription, mais vraiment a incité, a expliqué, voire a donné un mode d'emploi,
00:26:09un coach a poussé, voire carrément incité, voire au détriment du sportif ou à son
00:26:13insu.
00:26:14Là, c'est établir la preuve, et la preuve, elle ne vient pas d'un test de laboratoire
00:26:17par définition.
00:26:18Et c'est pour ça qu'en 2021, nous avons sollicité, nous avons obtenu des prérogatives
00:26:23d'enquête, parce qu'il faut pouvoir enquêter sur les entourages.
00:26:25Quand on a un test positif, et Sophie pourra le confirmer, parce que c'est la même chose
00:26:29que TITA, quand on part d'un test positif, il faut faire l'investigation autour du
00:26:32test positif.
00:26:33Il faut s'intéresser aux entourages.
00:26:34Alors, vous allez me dire concrètement, qu'est-ce qu'on fait ? On peut collecter
00:26:38beaucoup d'informations.
00:26:39On parlait d'Adams tout à l'heure.
00:26:40Adams donne beaucoup d'informations sur les PV de contrôle.
00:26:42On déclare le médecin, on déclare l'entraîneur, on peut faire des recoupements pour s'assurer
00:26:46que, bizarrement, on n'a pas toujours des mêmes personnes qui arrivent sur des PV
00:26:49de contrôle positifs.
00:26:50On peut aussi également ouvrir des enquêtes.
00:26:53Maintenant, à l'agence, nous avons le pouvoir de demander beaucoup de documents.
00:26:56Je vais vous donner un exemple, des relevés bancaires, par exemple.
00:26:59Des preuves de transport, avion, taxi, etc.
00:27:05Tout ça pour essayer de cerner qui aurait pu participer, voire même inciter carrément,
00:27:10à un fait de page.
00:27:11C'est le début, il faut être honnête.
00:27:12On est en train de franchir une nouvelle étape.
00:27:15C'est le début, mais surtout pour casser l'idée que finalement, au final, c'est
00:27:19le sportif qui trinque et les autres peuvent se replier sur éventuellement d'autres
00:27:22sportifs et continuer leurs agissements.
00:27:24Et par contre, tant que l'enquête est éventuellement en cours, le sportif, est-ce qu'il a le
00:27:27droit de continuer sa pratique ou pas du tout ?
00:27:30Alors, ça va dépendre typiquement des substances.
00:27:32Pour certaines substances les plus lourdes que j'évoquais, la suspension provisoire,
00:27:36elle est automatique.
00:27:37Pour de l'EPO, par exemple.
00:27:38C'est-à-dire que dans l'attente de la procédure disciplinaire, le sportif est
00:27:41tout de suite écarté du milieu sportif.
00:27:43J'imagine qu'il y a certaines enquêtes qui sont faites aussi sans que l'athlète
00:27:46soit au courant.
00:27:47Il y a également, en parallèle d'une suspension provisoire, par exemple, sur un sportif, on
00:27:51peut très bien mener une enquête pour dire très bien, au-delà de la procédure disciplinaire
00:27:54du sportif qui va amener à une sanction, tout de suite intéressons-nous à, y a-t-il
00:27:58un entraîneur, y a-t-il un agent, y a-t-il un médecin qui, autour, va inciter.
00:28:03Je vous prends un exemple tout simple.
00:28:04Les faux certificats médicaux.
00:28:06Ça arrive encore.
00:28:07Les fausses ordonnances, par exemple.
00:28:08Je veux me dédouaner d'une substance dopante trouvée dans mon échertillon, je vais produire
00:28:13un certificat médical pour essayer d'expliquer que c'est dans un contexte médical.
00:28:16Ça arrive encore.
00:28:17Classique.
00:28:18On fait des vérifications aussi simples.
00:28:20C'est un mot des parents.
00:28:21Voilà.
00:28:22On fait des vérifications aussi simples, par exemple, que est-ce que le médecin existe,
00:28:25par exemple.
00:28:27Voir, est-ce que le médecin connaît bien ce patient.
00:28:29On est parfois étonnés des réponses négatives, en fait.
00:28:31Je n'ai jamais délivré cette ordonnance.
00:28:32Parfois, c'est le certificat lui-même qui est faux.
00:28:35On s'en rend compte avec une bonne coopération avec d'autres organisations antidopages à
00:28:38l'étranger, par exemple, qui vont aller vérifier sur place à l'hôpital, par exemple,
00:28:41est-ce que le médecin existe, est-ce qu'il, ce jour-là, il a prescrit ? Ah non, il était
00:28:45absent, par exemple.
00:28:46On a des cas très concrets.
00:28:47C'est très chronophage.
00:28:48Alors, j'ai quelques chiffres pour amener au débat.
00:28:50L'an dernier, 0,82% des contrôles urinaires effectués par la FLD se sont avérés être
00:28:57anormaux.
00:28:58Et notamment, il y a certains sports qui sont plus dans le collimateur, à savoir le cyclisme,
00:29:06l'athlétisme, le football, le rugby et, en ce moment, les sports de combat comme le MMA.
00:29:10Alors, le MMA, lui, il éclate les scores, on est sur un record de 9% de cas positifs
00:29:15contre les 1,5% dans le rugby, 1% dans l'athlétisme, 0,4% même dans le football.
00:29:21Je me demande à quel point c'est vraiment qu'on se dope beaucoup plus dans le MMA ou
00:29:26qu'on est mieux capable de planquer nos dopés dans les sports où il y a un peu plus d'argent
00:29:31pour parler très clairement.
00:29:32Alors, pour le MMA, effectivement, il y a une particularité quand même, c'est que
00:29:35c'est un sport qui est récent en termes de reconnaissance officielle.
00:29:38Pendant longtemps, le MMA n'était pas autorisé, il n'avait pas été couvert par une fédération.
00:29:42Aujourd'hui, il est couvert par la fédération de boxe.
00:29:44Donc, si j'ose dire, c'est une discipline un peu nouvelle dans les radars de l'antidopage.
00:29:48Vous l'imaginez avec une prévention et une éducation d'antidopage qui a des années-lumières
00:29:53de ce qu'on peut constater dans d'autres fédérations.
00:29:55Et donc, forcément, il y a un fossé à combler pour avoir ne serait-ce qu'une sensibilisation.
00:30:00Surtout qu'on a des combattants professionnels, pour certains, qui viennent d'autres pays.
00:30:04C'est quand même une discipline qui fait appel à beaucoup de combattants qui viennent
00:30:07ponctuellement pour une compétition à Paris qui, le lendemain, seront dans une autre ville
00:30:10d'Europe, par exemple.
00:30:11Donc, on a un public qui n'est pas forcément bien formé, qui n'est pas forcément très
00:30:14sensible et surtout, on a du MMA qui, dans d'autres pays, n'est pas une discipline reconnue
00:30:19et qui, donc, échappe aux organisations d'antidopage.
00:30:21Il faut le dire, en France, on a une force, c'est que l'agence antidopage, elle est compétente
00:30:25autant pour les compétitions sportives autorisées par les fédérations que pour toute compétition
00:30:29sportive dès lors qu'il y a une remise de prix.
00:30:31Ça veut dire que, concrètement, l'agence française, elle peut aller sur n'importe
00:30:35quelle compétition sportive, y compris de MMA.
00:30:36Ce n'est pas forcément le cas dans tous les pays, il faut être honnête.
00:30:39Et donc, forcément, parfois, on a des personnes qui sont un peu surprises de nous voir arriver.
00:30:41C'est une bonne surprise pour nous parce que ça veut dire qu'ils ne s'y attendaient pas.
00:30:45Et donc, forcément, on a un public qui, quand même, a un risque d'antidopage et un historique
00:30:48d'antidopage plus fort, il faut le dire.
00:30:50Et c'est la raison pour laquelle, cette année encore, nous allons augmenter le nombre de
00:30:54prélèvements sur les MMA.
00:30:55Et aussi, nous avons un levier, c'est que nous avons décidé que les combattants professionnels
00:30:59de MMA sont des sportifs de niveau national.
00:31:00Alors, vous allez me dire, qu'est-ce que ça change ? C'est un simple changement de
00:31:03classification ? Pas du tout.
00:31:04Ça veut dire qu'il va falloir qu'ils demandent des AUT préalables lorsqu'ils ont des traitements
00:31:08médicaux.
00:31:09AUT, pardon.
00:31:10Autorisation d'usage des effets thérapeutiques, c'est-à-dire, je veux me soigner avec une
00:31:14substance qui est potentiellement interdite, je demande l'autorisation et si je remplis
00:31:16certains critères, j'aurai le droit de prendre cette substance sans encourer ensuite un test
00:31:20positif.
00:31:21Je vais être aussi un public prioritaire dans les contrôles.
00:31:23Quand je suis un sportif de niveau national, je vais être un public prioritaire dans l'éducation
00:31:26aussi.
00:31:27Donc, on s'adapte.
00:31:28Concrètement, on constate un problème en MMA, on se dit qu'est-ce qu'on peut faire
00:31:31pour intensifier les efforts, contrôle, éducation ? Ça montre qu'on s'évolue,
00:31:36c'est une matière vivante, l'antidopage, c'est typiquement ce que disait Francesca
00:31:38tout à l'heure.
00:31:39Alors, il y a une histoire qui nous a marqués, le 31 janvier 2023, le Sénat a largement
00:31:45adopté le projet de loi olympique pour Paris 2024, dont un article qui prévoit des mesures
00:31:49de lutte contre le dopage génétique.
00:31:51Donc, dans l'article 3 du texte gouvernemental, il est prévu que soient autorisées des nouvelles
00:31:56techniques de lutte contre le dopage, et notamment des tests génétiques et en dernier
00:32:01recours, je cite, la réalisation d'analyses consistant en l'examen de caractéristiques
00:32:05génétiques ou en la comparaison d'empreintes génétiques des sportifs, donc tout cela
00:32:10sans phase d'expérimentation.
00:32:13On parle donc ici d'un dopage ayant pour but de modifier un gène pour améliorer la
00:32:18performance.
00:32:19Jérémy, Sophie aussi, déjà, est-ce que c'est possible techniquement de procéder
00:32:25à ce genre de contrôle ? Sophie, vas-y.
00:32:27Alors oui, c'est possible, ça a déjà été effectué auparavant, durant les éditions
00:32:34précédentes des Jeux olympiques d'été et d'hiver, donc là, l'idée c'était
00:32:39vraiment de voir si c'était applicable également pour les Jeux de Paris et cette
00:32:43loi est passée effectivement au Sénat pour nous permettre de faire des tests génétiques,
00:32:48justement sur ces Jeux-là.
00:32:50Est-ce que ça a un rapport avec l'ARN messager dont on a tant entendu parler avec
00:32:55les vaccins et le Covid-19 ? Les techniques de dopage par rapport à l'ARN messager ?
00:33:01Jérémy, tu veux répondre ?
00:33:04Alors, ce n'est pas directement lié, mais on voit bien à travers ces techniques-là
00:33:07que les techniques génétiques, je ne dirais pas, sont devenues de plus en plus accessibles,
00:33:11ce serait peut-être un peu excessif, mais en tout cas, sont devenues plus simples qu'il
00:33:13ne serait-ce qu'il y a 10 ans, parce qu'en soi, le dopage génétique est interdit depuis
00:33:16le départ.
00:33:17Simplement, on se rend compte que c'est peut-être plus accessible à des sportifs
00:33:21et surtout au niveau des Jeux et des délégations nationales, parce qu'on sait que c'est
00:33:24beaucoup plus organisé.
00:33:25Donc effectivement, aujourd'hui, encore hier par exemple, l'Agence mondiale antidopage
00:33:30a lancé un programme de recherche pour encore améliorer la détection du dopage génétique.
00:33:34Ce qui est compliqué sur le dopage génétique, c'est qu'aujourd'hui, il n'y a eu aucune
00:33:39sanction pour des faits de dopage génétique.
00:33:43Pour autant, il y a déjà eu des tests, je parle sous le contrôle de Sophie, à Tokyo
00:33:47et à Pékin, et ce n'est pas parce qu'on n'a pas trouvé que ça n'existe pas.
00:33:52Oui, parce que c'est ça que j'allais te demander, j'allais dire, est-ce qu'on aurait
00:33:54pu être confronté, sans le savoir finalement, à du dopage génétique ? Est-ce qu'il y
00:33:58a de l'avance du côté des dopeurs ?
00:34:00Alors, l'idée, c'est toujours qu'on réduit l'écart entre, si j'ose dire, l'avance
00:34:06de ceux qui tentent des nouvelles techniques, qui dévoient des techniques existantes.
00:34:09C'est au fond l'histoire de l'antidopage.
00:34:10Je dévoie l'usage d'un médicament, je dévoie l'usage thérapeutique finalement, ou génétique,
00:34:15c'est la même logique qui est derrière.
00:34:17Donc, peut-être que ça existe déjà, on n'a pas encore sanctionné.
00:34:20Pour autant, le signal d'alerte est très fort, et surtout, il faut être dissuasif.
00:34:25Si effectivement, on peut dire à Paris, comme à Tokyo et à Pékin, demain, s'il y a un
00:34:29risque de dopage génétique, nous pourrons faire des analyses spécialisées au laboratoire
00:34:33français pour pouvoir détecter ce dopage génétique, c'est important en termes de
00:34:36messages envoyés, parce que je trouve, notamment en termes de dopage génétique, on ne m'enlèvera
00:34:41pas de l'idée que si ça doit se faire, notamment dans des légations nationales,
00:34:44ce sont les sportifs qui seront les premiers cobayes, parce que les techniques, elles sont
00:34:47encore plus risquées vis-à-vis de la santé publique, notamment, que d'autres administrations
00:34:51de substances.
00:34:52Donc, il faut aussi envoyer le signal qu'on ne laissera pas faire ce genre d'expérimentation
00:34:56sur des sportifs, a fortiori sur des Jeux olympiques, mais même de manière générale,
00:35:00demain sur les compétitions internationales qui auront lieu en France, et sur les compétitions
00:35:02nationales.
00:35:03Donc, on a le droit de le vérifier dès maintenant, et c'était la raison pour laquelle,
00:35:07effectivement, la FLD, comme l'ITA, ont poussé à l'adoption de cette modification.
00:35:10Quentin, c'est une bonne chose pour toi.
00:35:12Est-ce qu'il faut aller aussi loin que possible, vraiment, pour contrer toutes les tentatives
00:35:16de dopage ?
00:35:17Oui, je pense que c'est vraiment important.
00:35:20Alors, après, au-delà de l'aspect purement performance, il ne faut pas oublier l'aspect
00:35:26santé, parce que c'est un vrai problème.
00:35:27Il ne faut pas oublier que, des fois, les produits pris par les sportifs sont des produits
00:35:33qui ne sont pas faits du tout pour la performance, mais plutôt pour des problèmes de santé
00:35:37qui sont autres.
00:35:38Et je dirais que le haut niveau n'est pas encore trop touché, mais si on parle du dopage
00:35:45plutôt dans les salles de musculation, là, c'est un vrai problème de santé publique,
00:35:49je pense, et on n'en parle pas assez, et c'est des gens qui peuvent se retrouver à une cinquantaine
00:35:54d'années, à peu près, avec des maladies comme des cancers, etc., liés à la prise
00:35:59de produits interdits.
00:36:00Et je pense qu'effectivement, nous, on parle surtout, en termes de dopage, dans le sport
00:36:05d'haut niveau, de performance et de triche, mais il y a un vrai problème de santé publique
00:36:08aussi, qui est, je pense, plus important dans la vie des gens que la performance en soit.
00:36:16On y reviendra un tout petit peu plus tard, c'est vrai.
00:36:19Quentin, je te propose qu'on revienne tout de suite, maintenant, justement, sur ton histoire.
00:36:23C'est parti.
00:36:31Alors déjà, merci d'être avec nous et d'accepter d'en parler très librement, parce que ce
00:36:35n'est pas du tout tabou pour toi.
00:36:36Tu es donc spécialiste du lancé de marteau, et en juillet 2014, à seulement 19 ans, tu
00:36:42l'as dit tout à l'heure, tu es testé positif au stanozolol.
00:36:46C'est un stéroïde anabolisant dérivé de la testostérone.
00:36:49Donc, ça t'arrive durant les championnats d'Europe par équipe.
00:36:53Comment ça s'est passé exactement ? Pourquoi est-ce que toi, tu t'es dopé ? Et quel a
00:36:58été un petit peu le processus ?
00:37:00Alors, pour faire assez court, parce que l'histoire est quand même assez longue, moi, j'ai commencé
00:37:06le lancé du marteau à 12 ans avec un entraîneur qui avait fait deux fois les Jeux olympiques
00:37:11au lancé du marteau dans les années 90.
00:37:14Très tôt, j'ai su que le dopage était quelque chose de plus ou moins tabou, mais
00:37:22plus ou moins normal aussi dans le milieu des lancés de l'athlétisme et des sports
00:37:26de force.
00:37:27Et puis, quand j'ai eu 18-19 ans, mon entraîneur m'a dit « Écoute, c'est normal, si tu
00:37:33veux lancer loin. »
00:37:34Il y avait des choses comme des croyances limitantes, clairement, où on me disait qu'on
00:37:39ne peut pas faire plus de 76 mètres sans prendre de produit.
00:37:42Alors, sur quelle base scientifique, je n'en sais rien.
00:37:44Et aujourd'hui, je sais que c'est faux.
00:37:45Mais voilà ce qui se trimbalait dans la tête des athlètes dans les années 90.
00:37:49Et mon entraîneur n'a pas beaucoup évolué ensuite et m'a dit « Il n'y a pas d'autre
00:37:55moyen que de se doper si tu veux aller aux Jeux olympiques, si tu veux être bon, si
00:37:59tu veux performer.
00:38:00»
00:38:01Puis moi, j'avais évolué dans ce milieu-là, j'avais envie de lancer loin et j'y ai
00:38:05cru simplement.
00:38:06Je lui ai dit « Oui, c'est normal, tout le monde le fait.
00:38:08»
00:38:09Et ça peut choquer que je dise tout le monde le fait, mais c'était quasiment le cas dans
00:38:13ces années-là.
00:38:14Et lui, finalement, il m'a transmis une culture qui était peut-être sa culture et il me
00:38:20l'a transmise.
00:38:21Sauf que dans les années où j'ai commencé à lancer à haut niveau, c'est-à-dire les
00:38:24années 2012, 13, 14, ça ne marchait plus comme ça à haut niveau, c'était plus normal
00:38:29de se doper.
00:38:30Sauf que moi, j'ai évolué là-dedans.
00:38:31Alors ensuite, je me fais contrôler positif.
00:38:33Pour moi, je tombe de haut parce que je me dis « Mais en fait, ce n'est pas ça le vrai
00:38:39sport, ce n'est pas ça la vérité.
00:38:41»
00:38:42Et donc, j'ai été suspendu 4 ans, 2 ans avec sursis, donc concrètement 2 ans.
00:38:47Et à partir de là, il a fallu que je me reconstruise.
00:38:50Alors au début, je ne voulais plus du tout entendre parler de lancer de marteau ni de
00:38:54sport de haut niveau.
00:38:55J'étais vraiment dégoûté.
00:38:56C'est compliqué quand on a 19 ans de se faire contrôler positif et de voir sa tête dans
00:39:00les journaux tous les jours parce qu'il y avait comme une affaire judiciaire derrière,
00:39:04etc.
00:39:05C'était très lourd.
00:39:06Moi, j'étais sous antidépresseur pendant très longtemps.
00:39:09Et moi, ce que je regrette à ce moment-là, c'est que finalement, il n'y a pas eu de
00:39:13suivi réel.
00:39:14Moi, je me souviens de nombreux mails que j'ai dû envoyer à la FLD pendant ma période
00:39:20de suspension pour demander d'être contrôlé, pour montrer pas de blanche.
00:39:25Je n'ai jamais eu aucun retour, ni de ma fédération d'ailleurs, la Fédération française d'athlétisme,
00:39:30qui d'ailleurs, c'était elle qui m'avait jugé à l'époque.
00:39:33Donc, c'était assez marrant, jugé parti.
00:39:34Aujourd'hui, ça a évolué.
00:39:35C'est très bien.
00:39:36Mais à l'époque, c'était la FD d'athlète qui m'avait jugé.
00:39:38La période de suspension était très compliquée pour moi.
00:39:43Et si je n'étais pas tombé sur des personnes qui voulaient mon bien, c'est-à-dire des
00:39:47gens qui m'ont dit écoute, toutes les croyances que tu as eues sur le dopage, c'est faux,
00:39:50tu peux réussir sans.
00:39:51Mais je ne sais pas ce que je serais devenu en fait.
00:39:54Et moi, ce que je regrette, c'est qu'aujourd'hui, des gens qui vont en prison, des prisonniers
00:39:58qui font des crimes, on les aide à se réinsérer dans la société.
00:40:01On les aide à la sortie de prison pour trouver un travail, se réinsérer normalement.
00:40:08Et les athlètes de haut niveau qui sont contrôlés positifs, on les met clairement sous le tapis
00:40:12et puis on ne s'en occupe pas trop.
00:40:13Moi, pas de nouvelles de la FLD, ni de personne pendant deux ans.
00:40:18Avant de reprendre la compétition, j'ai dû avoir trois contrôles antidopage obligatoires.
00:40:25J'ai dû réellement pleurer pour les avoir, c'était très compliqué.
00:40:29Moi, je trouve qu'il y a vraiment un effort à se faire de ce côté-là.
00:40:32Pourquoi ? Parce que souvent, on se dit tricheur un jour, tricheur toujours.
00:40:37Alors peut-être, pourquoi pas ? Mais moi, je pars du principe qu'on peut changer.
00:40:41En tout cas, moi, je sais que j'ai changé parce que j'ai été accompagné par des
00:40:43personnes qui m'ont fait évoluer, qui m'ont fait stopper ces croyances que j'avais sur le dopage.
00:40:50Ça a été très dur, j'ai dû voir des psychologues, etc.
00:40:52J'ai rencontré mon nouvel entraîneur, Pierre-Jean Vazel, qui m'a beaucoup aidé là-dessus aussi,
00:40:56qui m'a fait croire en moi et pas croire en mes performances par le dopage.
00:41:00Mais quelque part, quand on se dope, c'est un peu comme une maladie.
00:41:04Moi, je le comparais à une maladie, c'est qu'il y a un manque de confiance en soi,
00:41:07il y a quelque chose qui ne va pas en soi.
00:41:08Oui, parce que tu t'es dopé parce que tu voulais être le meilleur
00:41:14ou parce que tu courais après une performance à un nombre de mètres ?
00:41:18C'était quoi l'idée ?
00:41:20Plutôt une performance à un nombre de mètres.
00:41:22Et puis, c'était quelque chose de normal.
00:41:28C'était un passage obligatoire que de passer par la case dopage pour lancer plus loin.
00:41:33Et tu n'avais aucune crainte d'être contrôlé à ce moment-là ?
00:41:37Incroyable, mais pas du tout.
00:41:39Les seuls contrôles que j'avais à l'époque, c'était en compétition.
00:41:42Il y avait très peu de contrôles anti-dopage inopinés.
00:41:45Et bref, vraiment très important pour moi, je voulais revenir sur l'accompagnement.
00:41:51C'est vrai qu'effectivement, quelqu'un qui a une croyance très dure,
00:41:54qui se dit « pour réussir, il faut se doper, il n'y a pas d'autre choix, etc. »,
00:41:57mais qu'est-ce que le mec, il va faire pendant deux ans de sa suspension ?
00:42:00Il va ruminer ça en disant « de toute façon, pour réussir, il faut se doper,
00:42:02pour réussir, il faut se doper ».
00:42:04Eh bien, il aura quand même beaucoup plus de chances de se redoper
00:42:07pour revenir à la compétition.
00:42:09Alors que si derrière, quand le gars se fait contrôler positif,
00:42:11au lieu de le laisser sous le tapis pendant deux ans ou quatre ans,
00:42:14si on l'aide à se réinsérer, si on l'oblige à avoir des psychologues,
00:42:18si on le rééduque, pourquoi pas ce gars-là revenir ?
00:42:21Comme je l'ai fait, revenir à la compétition proprement.
00:42:24Et c'est pour ça que j'en parle librement aujourd'hui de toute mon histoire,
00:42:27parce que j'espère que ça pourra peut-être servir.
00:42:30Alors du coup, je fais le parallèle sur l'éducation,
00:42:34parce que je pense que c'est le seul levier aujourd'hui
00:42:37pour empêcher des athlètes de se doper.
00:42:39Quand on est dans le contrôle antidopage, on est déjà dans le répressif pour moi,
00:42:42c'est-à-dire que c'est un peu la chasse
00:42:44et on essaie d'aller contrôler des sportifs qui se dopent déjà.
00:42:47Mais qu'est-ce qu'on fait pour éviter que des athlètes se dopent ?
00:42:50Mais je ne trouve pas grand-chose malheureusement,
00:42:52parce que quand je questionne des athlètes plus jeunes que moi,
00:42:55des cadets, juniors,
00:42:56quasiment aucun n'a eu des colloques de lutte contre le dopage ou des choses comme ça.
00:43:01Et ça, je trouve ça vraiment triste.
00:43:03Moi, le nombre de fois où j'ai proposé à ma fédération
00:43:06d'intervenir pour parler auprès des jeunes,
00:43:08j'ai eu très, très peu de réponses et je l'ai fait très peu.
00:43:10Alors moi, je l'ai fait localement au niveau de mon club, au niveau de mon département.
00:43:14Mais je trouve que c'est dommage, parce que je pense qu'en parler, c'est libérer la parole.
00:43:18Tu as raison, tu as raison, bien sûr.
00:43:19Enlever le tabou.
00:43:20Surtout qu'aujourd'hui, Quentin, tes résultats sont meilleurs que lorsque tu te dopais.
00:43:25Alors, je me demande quand même plusieurs choses.
00:43:28Je me demande si finalement, ça ne sert à rien de se doper,
00:43:31puisque tu es capable de faire mieux aujourd'hui que lorsque tu prenais des produits.
00:43:34Mais je me demande aussi si c'est possible que les produits que tu as pris à une certaine époque
00:43:39aient un effet sur tes résultats d'aujourd'hui.
00:43:42Alors ça, on parle très souvent de la mémoire musculaire.
00:43:45Alors en réalité, moi, à l'époque, à l'entraînement,
00:43:47en me dopant, j'avais fait 82 mètres au marteau de 7,2 kg.
00:43:50Et aujourd'hui, j'ai fait 80 mètres 55, c'est mon record.
00:43:53Donc, je n'ai toujours pas récupéré mon vrai niveau.
00:43:56D'accord.
00:43:57Voilà.
00:43:57Et puis bon, mémoire musculaire, moi, je veux dire,
00:44:01quand j'étais sous antidépresseur, après ma suspension pendant six mois,
00:44:05j'ai perdu 20 kg, je ne mangeais rien.
00:44:08Quand j'ai repris le marteau, je l'ai lancé à plus de 20 mètres de mon record.
00:44:12Et j'ai mis huit ans pour refaire 80 mètres.
00:44:15Donc, la mémoire musculaire, non.
00:44:17Très bien.
00:44:18Alors justement, tu en parlais très bien de cette prévention pendant ce temps-là.
00:44:23Pendant ces deux années de suspension, tu y as beaucoup réfléchi.
00:44:26Tu fais encore de la prévention, justement, aujourd'hui,
00:44:29notamment auprès des jeunes athlètes.
00:44:31On en parle tout de suite.
00:44:40Il y a du dopage chez les jeunes sportifs de haut niveau français,
00:44:43mais également dans le sport amateur.
00:44:45Selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives,
00:44:50cette pratique concernerait entre 3 à 5 % des jeunes compétiteurs,
00:44:54c'est-à-dire environ 220 000 jeunes licenciés.
00:44:58Anne, toi qui es responsable de l'unité interna des mineurs de l'INSEP,
00:45:01quelle part elle a, justement, cette prévention auprès des jeunes dans ton métier ?
00:45:07Alors pour nous, c'est fondamental,
00:45:09que ce soit sur la thématique de l'antidopage ou sur d'autres thématiques.
00:45:15Moi, vraiment, ça me tient à cœur de passer tous ces messages de prévention.
00:45:19Quentin nous a bien expliqué les conséquences d'un comportement inadapté.
00:45:27Quand les jeunes arrivent à l'INSEP, ils ont 13 ans, 14 ans,
00:45:31ils sont en construction, ils ont tout à prouver.
00:45:34Et c'est juste normal qu'on leur apporte les informations,
00:45:39qu'on les sensibilise, qu'on pointe là où il faut pointer
00:45:44pour que derrière, il y ait toute cette prise de conscience,
00:45:48cette responsabilisation du sportif sur ses droits, sur ses devoirs,
00:45:53sur ses responsabilités, dans un monde où, effectivement,
00:45:57il y a de la course à la perf,
00:45:58il y a une envie d'être toujours excellent dans ce qu'on fait.
00:46:03Il y a une question de santé aussi,
00:46:05Quentin nous en a parlé.
00:46:08C'est vraiment pour nous fondamental d'axer nos actions sur,
00:46:12avant le contrôle et sur comment générer des comportements respectueux,
00:46:17des règles de soi-même, parce qu'en fait, c'est hyper important
00:46:21pour que le sportif comprenne qu'avant tout,
00:46:25c'est lui qui est exposé à ce genre de choses.
00:46:28Donc, voilà pourquoi nous, on développe un programme sur beaucoup de thématiques
00:46:33et en particulier sur la lutte antidopale.
00:46:35Alors, en quelques mots, concrètement, qu'est-ce que ça donne ?
00:46:38Alors, qu'est-ce que ça donne ?
00:46:39Ça donne des actions très concrètes et qui sont soutenues
00:46:43par justement le programme d'éducation de la FLD
00:46:46qui s'est structuré depuis deux ans, trois ans, deux ans.
00:46:51Nous, on a commencé à l'INSEP à se mobiliser sur le sujet bien avant,
00:46:56avec des difficultés de trouver des intervenants formés
00:47:01qui avaient un langage homogène,
00:47:04adapté aussi à l'âge des pratiquants.
00:47:07Et donc, depuis que la FLD a structuré son programme,
00:47:11nous sommes maintenant plus de cinq personnels de l'INSEP
00:47:15à avoir été formés, à avoir été certifiés éducateurs
00:47:20et nous sommes très fiers d'être éducateurs.
00:47:22Je vous montre notre joli petit t-shirt lorsque nous intervenons.
00:47:26Je ne sais pas où est la caméra, mais voilà.
00:47:29C'est bien.
00:47:29Avec notre panoplie, notre t-shirt d'éducateur.
00:47:35Ça donne du crédit à nos actions.
00:47:37On se sent légitime pour intervenir.
00:47:40Et derrière, le message est également homogène à tous les niveaux
00:47:44des pratiquants, puisque des référentiels d'intervention
00:47:49ont été créés en concertation avec les sportifs,
00:47:51avec les professionnels et ont abouti à,
00:47:54je montre encore à la caméra,
00:47:57des référentiels avec un cadre d'apprentissage commun
00:48:01à tous les éducateurs qui nous permettent d'écliner des ateliers.
00:48:06Concrètement, Marie, c'est quoi un atelier ?
00:48:08On va partir de la problématique, soit des sportifs
00:48:13qui nous ont porté à notre connaissance une problématique,
00:48:16soit de l'entraîneur, soit de l'encadrement,
00:48:18soit nous, INSEP, on se dit, là, ce serait quand même bien
00:48:22qu'on intervienne sur les compléments alimentaires,
00:48:25les risques liés à la prise de compléments alimentaires,
00:48:27les contrôles anti-dopage.
00:48:30On s'en compte en questionnant nos sportifs que quand ils arrivent,
00:48:33en fait, ils ne savent pas ce que c'est que le contrôle anti-dopage,
00:48:36comment ça se déroule, leurs droits, leurs responsabilités.
00:48:40Donc là, on construit des petits ateliers.
00:48:43Alors, ce n'est plus des ateliers descendants
00:48:46où on met tout le monde dans l'amphithéâtre
00:48:47et on va prêcher, faire la grand-messe,
00:48:50parce que ça, on voit que ça ne marche pas très, très bien,
00:48:52à part sur quelques-uns.
00:48:53Et donc, on va construire avec nous, notre petite équipe
00:48:56et avec le soutien de la section éducation de la FLD,
00:49:01des séances interactives.
00:49:02On utilise les nouveaux outils, les petits quiz sur téléphone.
00:49:06On fait des petits défis, on met les jeunes par équipe,
00:49:09ils doivent répondre aux questions.
00:49:10Est-ce que vous partez de l'actualité ?
00:49:11Est-ce que des fois, vous prenez des cas concrets
00:49:14de ce qu'on entend et de ce qu'on voit sur les réseaux, dans les médias ?
00:49:17Nous, on s'est rendu compte,
00:49:19et c'est un principe dans l'apprentissage et dans l'éducation,
00:49:22si on ne part pas du terrain de ce que vivent les gens,
00:49:25il reste quelques pourcents de ce qu'on va dire.
00:49:29Donc, dans le sport de haut niveau, le temps est compté.
00:49:31Il faut vraiment être efficace.
00:49:33Donc, les séances, elles ne sont pas très longues.
00:49:36Par contre, elles sont centrées sur les besoins,
00:49:38sur l'actualité, sur la vie réelle du sportif.
00:49:41Qu'est-ce que vous vivez ? Qu'est-ce qui va se passer ?
00:49:44On présente aussi les flacons pour les prélèvements.
00:49:48Voilà, on familiarise le sportif à ce qui l'attend
00:49:54dans le cadre de sa professionnalisation
00:49:56et de sa montée en performance.
00:49:58Ça t'est déjà arrivé qu'un sportif vienne te voir en te disant
00:50:00« est-ce qu'Anne, ce produit, il est dopant ? »
00:50:03Oui, c'est vraiment là où je me dis
00:50:06c'est vraiment un axe important.
00:50:09Très récemment, on a fait une séance spécifiquement
00:50:15sur la prise de médicaments, l'automédication,
00:50:18parce qu'il y a aussi des sportifs, si on ne les prévient pas,
00:50:21ils vont prendre leur petite goupe pour le nez
00:50:23quand ils sont à la maison parce qu'ils ont un petit nez qui coule.
00:50:26Derrière, le médicament contient des substances dopantes
00:50:31et là, c'est la panique à bord derrière au niveau d'un contrôle.
00:50:36On leur explique où trouver la liste,
00:50:40où vérifier que le médicament…
00:50:42Justement, on la trouve où cette liste ?
00:50:44On la trouve où ?
00:50:46Il y a deux types, il y a sur l'AMA, on va trouver la liste
00:50:50et puis sur l'Agence française aussi,
00:50:52sur le site qui est très précieux, qui est très bien fait,
00:50:55on va trouver la liste des produits.
00:50:58On va aussi avoir un moteur de recherche sur les médicaments
00:51:02et là, on tape le moteur de recherche français,
00:51:05on tape le nom du médicament et tout de suite,
00:51:07on sait s'il y a problème ou pas en le prenant
00:51:10et c'est ces réflexes-là que les sportifs doivent avoir
00:51:15en permanence, en tête.
00:51:17C'est une façon de vivre, être sportif de niveau,
00:51:19c'est une façon de vivre et il faut faire avec.
00:51:21Anne, c'était déjà notre maman à l'époque, là, c'est…
00:51:25Et donc derrière, il m'arrive de recevoir des petits SMS le soir,
00:51:29Anne, j'ai mal à la gorge, j'ai des pastilles dans ma pharmacie,
00:51:34est-ce que je peux prendre ?
00:51:35Donc premier réflexe, ce n'est pas moi qui vais faire la réponse,
00:51:37c'est de dire va chercher sur le moteur de recherche
00:51:39et si tu veux, on vérifie ensemble si on est raccord
00:51:43sur si tu peux prendre ou pas prendre.
00:51:45Exactement, c'est très important, très important.
00:51:47Autonomiser le sportif aussi, c'est ultra important.
00:51:50Quentin, j'ai une petite question pour toi
00:51:52parce que c'est vrai qu'on n'en a pas parlé tout à l'heure
00:51:54mais est-ce que tu sens que le regard a changé sur toi
00:51:58quand tu fais ta médaille en 2019 notamment ?
00:52:00Est-ce que tu as encore des réflexions gênantes ?
00:52:04Est-ce qu'il y a encore des réflexions à ton égard ?
00:52:07Bien sûr, et ça je sais très bien que je les porterai sur moi
00:52:11jusqu'à la fin de ma vie.
00:52:13C'est comme ça, ça fait partie des choses.
00:52:16Il y a des gens qui sont très obtus
00:52:19et qui disent voilà, un athlète qui a dopé un jour,
00:52:22c'est un tricheur toujours.
00:52:24Et malheureusement, même si en en parlant comme ça,
00:52:28comme je le fais souvent,
00:52:30ça aide à faire changer les points de vue.
00:52:32Mais je sais que quelque part, je serai toujours marqué à vie
00:52:35par cette histoire.
00:52:36Donc au lieu de ne pas en parler, de me planquer dans mon trou
00:52:39et puis de…
00:52:40Parce que quelque part, ça fait mal de se faire insulter
00:52:42tout le temps comme ça.
00:52:44Ce n'est pas évident.
00:52:46Je préfère en faire une force et puis m'en servir
00:52:48comme aujourd'hui avec vous et en parler
00:52:50et me dire que peut-être qu'en en parlant à des jeunes,
00:52:53des fois, en leur racontant mon histoire,
00:52:55ça les évitera de tomber dans ce danger-là.
00:52:58Et puis si j'ai réussi, je suis content.
00:53:01Mais moi, je sais qu'effectivement, je suis marqué maintenant à vie.
00:53:04C'est comme ça.
00:53:05Et vis-à-vis de tes coéquipiers en équipe de France,
00:53:07est-ce qu'ils te posent des questions
00:53:09pas forcément malveillantes ?
00:53:11C'est déjà arrivé.
00:53:13Moi, je réponds vraiment sans tabou.
00:53:15Après, il y a eu des périodes.
00:53:17Le temps fait son effet aussi.
00:53:19Et puis les gens voient qu'aujourd'hui,
00:53:21je ne suis plus la même personne qu'il y a une dizaine d'années.
00:53:23Et ça, ça joue aussi beaucoup.
00:53:25Donc, des gens qui ne me parlaient pas avant me parlent maintenant.
00:53:27Et ça fait du bien.
00:53:29Je suis content.
00:53:30Ça me fait du bien dans ma vie d'athlète,
00:53:32surtout que je suis pleinement dans ma vie d'athlète aujourd'hui
00:53:34puisque je fais des performances qui me permettent
00:53:36d'être médaillé mondial.
00:53:38Donc, il vaut mieux bien le vivre quand même.
00:53:40Alors, est-ce qu'à l'inverse, Quentin,
00:53:42tu as un radar anti-dopage ?
00:53:44Est-ce que tu sens les dopés autour de toi ?
00:53:46Non, mais c'est une vraie question.
00:53:48Tu sortais tous devant la télé à dire
00:53:50« J'ai un doute ».
00:53:52Tu te rends compte de ça ?
00:53:54Alors, je pense que je suis devenu même naïf.
00:53:56Clairement, il y a des fois où je me dis
00:53:59« Non, mais ce n'est pas possible.
00:54:01Je n'y crois pas ».
00:54:02Il y a eu des athlètes qui se sont fait contre le positif.
00:54:04Je me dis « Mais ce n'est pas vrai. Je n'y crois pas.
00:54:06Ce n'est pas possible ».
00:54:07Je pense que le fait, justement, d'être passé par une phase
00:54:10où je me disais « Ce n'est pas normal.
00:54:12Tout le monde ne le fait pas », etc.,
00:54:14je suis tombé dans l'inverse, c'est-à-dire dans la presque naïveté
00:54:16en me disant « Non, mais non.
00:54:18De toute façon, personne ne triche.
00:54:21Non, non, je n'ai pas de radar du tout.
00:54:23Après, des fois, il y a des trucs où on se dit
00:54:26« C'est quand même douteux. »
00:54:28Mais bon, sans plus.
00:54:31Bon, Marie, on va faire cette dernière rubrique rapidement.
00:54:33Mais c'est vrai qu'on a enquêté sur le nombre
00:54:35de prélèvements anormaux en 2019.
00:54:38Alors, quoi de neuf, docteur ?
00:54:46Alors, en 2019, selon l'Agence mondiale antidopage,
00:54:50seulement 0,97 % des prélèvements analysés étaient anormaux,
00:54:54ce qui nous amène à peu près au chiffre
00:54:56dont on a évoqué tout à l'heure.
00:54:58Jérémie, est-ce que tu penses qu'on peut considérer
00:55:00que ce chiffre est viable et qu'effectivement,
00:55:02il n'y a que 1 % au moyen des gens sur la planète
00:55:05qui se dopent dans le milieu du sport de haut niveau ?
00:55:08Sur le plan statistique, effectivement,
00:55:10d'une année sur l'autre, on se trouve à peu près à 1 %,
00:55:12et d'ailleurs à peu près dans tous les pays.
00:55:14C'est à peu près le nombre de violations des règles antidopage
00:55:16qui sont constatées avec des tests positifs.
00:55:18C'est le côté froid de la statistique.
00:55:20Après, il y a l'éternelle question, mais au fond,
00:55:22le dopage, ça représente quoi ?
00:55:24Quelle est la prévalence du dopage,
00:55:26pour utiliser le terme un peu des sciences sociales ?
00:55:28Et ça, c'est une vraie question qui se pose,
00:55:30y compris dans la communauté antidopage.
00:55:32Comment on mesure au mieux
00:55:34l'existence d'un phénomène de dopage ?
00:55:36Alors, pourquoi ? Au-delà de la curiosité intellectuelle,
00:55:38c'est parce que ça nous permet de mieux adapter
00:55:40nos contrôles, notre éducation,
00:55:42vis-à-vis des publics qui sont peut-être fragilisés.
00:55:44Et là, on n'a jamais trouvé la formule magique
00:55:47il y a des tentatives qui sont faites
00:55:49régulièrement par l'agence monde antidopage
00:55:51avec des organisations antidopage.
00:55:53On part, on va dire, d'un plancher
00:55:55qui serait le fameux 1%,
00:55:57le nombre de violations des règles antidopage
00:55:59dont on est sûr, entre guillemets,
00:56:01à du ressenti, parce qu'il y a des enquêtes
00:56:03qui sont faites auprès des sportifs.
00:56:05Et généralement, quand on le sait très bien,
00:56:07on peut avoir des réactions très différentes.
00:56:09Des personnes qui ont l'impression
00:56:11qu'il y a du dopage partout,
00:56:13d'autres qui, au contraire, vont se dire
00:56:15que c'est difficile de caler une mesure sur un ressenti.
00:56:17Alors après, il y a des outils intermédiaires.
00:56:19On utilise les passeports, les alertes.
00:56:21Et donc, il y a des programmes pour essayer de se dire au fond
00:56:23si je regardais uniquement les alertes,
00:56:25pas des fins de sanctions, mais pour me faire une idée
00:56:27à combien j'aboutirais.
00:56:29Moi, honnêtement, l'enseignement que j'en tire,
00:56:31c'est qu'il n'y a aucune mesure fiable pour le savoir.
00:56:33Certains vont vous sortir des chiffres du type
00:56:3525% des sportifs sont dopés.
00:56:37D'autres vont vous dire
00:56:39non, c'est 1, 2, 3 maximum.
00:56:41C'est honnêtement impossible
00:56:43parce que c'est par nature un phénomène
00:56:45qui est dissimulé.
00:56:47Moi, j'ai été très marqué
00:56:49par ce qu'a dit Quentin tout à l'heure.
00:56:51Je serais peut-être plus dur que lui.
00:56:53Je pense qu'on a
00:56:55formellement, en France, du retard
00:56:57sur la prévention à l'antidopage
00:56:59et sur la capacité à parler de l'antidopage.
00:57:01C'est ce qu'on fait aujourd'hui.
00:57:03On espère qu'on sera visionnés
00:57:05par plein de gens. Sophie,
00:57:07est-ce que vous avez des indics, des espions
00:57:09à l'ITA qui se cachent un peu partout
00:57:11sur la planète ?
00:57:13Non, c'est pas des espions,
00:57:15pas d'indics. Par contre,
00:57:17comme le disait
00:57:19Jérémy en début d'émission,
00:57:21l'ITA a été fondée en
00:57:232018, donc on est quand même
00:57:25assez récents.
00:57:27On a aujourd'hui
00:57:29une centaine d'experts,
00:57:31une soixantaine de partenaires,
00:57:33donc peut-être plus de deux tiers des
00:57:35fédérations olympiques d'été.
00:57:37Nous avons énormément
00:57:39de départements.
00:57:41Comme on l'expliquait tout au long de l'émission,
00:57:43il ne s'agit pas juste
00:57:45d'une équipe de tests. Nous avons
00:57:47des experts médicaux, scientifiques,
00:57:49nous avons des experts
00:57:51en analyse de risque,
00:57:53des experts en élaboration de plans de répartition
00:57:55des tests, des experts en éducation.
00:57:57Donc on est vraiment, à l'ITA,
00:57:59on a une vision vraiment globale et complète,
00:58:01si vous voulez, d'un programme antidopage
00:58:03à l'international.
00:58:05Après,
00:58:07c'est très important de le souligner aussi,
00:58:09on gère des programmes antidopage
00:58:11indépendamment des pouvoirs sportifs
00:58:13et politiques, donc pour les fédérations
00:58:15internationales, les organisateurs
00:58:17des grandes manifestations comme le CIO,
00:58:19notamment pour les Jeux olympiques de Paris
00:58:212024, mais aussi
00:58:23toute autre organisation antidopage qui demande
00:58:25un soutien.
00:58:27Donc pas d'indic à proprement
00:58:29parler, mais une collaboration globale,
00:58:31une vision globale avec énormément de partenaires
00:58:33à travers le monde.
00:58:35Sophie, est-ce qu'un athlète qui a déjà
00:58:37été contrôlé positif
00:58:39aura plus de contrôle
00:58:41qu'un autre athlète ?
00:58:43Alors,
00:58:45je reviens à l'histoire de Quentin, d'ailleurs merci
00:58:47pour ton témoignage, Quentin, parce que je pense
00:58:49que c'est très important d'entendre des histoires
00:58:51comme la tienne.
00:58:53Un athlète qui a été contrôlé positif,
00:58:55alors déjà il y a différents degrés de
00:58:57dopage, il y a toujours le dopage
00:58:59volontaire, le dopage par manque de
00:59:01connaissances, par manque
00:59:03d'éducation, de prévention,
00:59:05donc c'est très difficile
00:59:07de blâmer
00:59:09un athlète pour une
00:59:11violation des règles antidopage.
00:59:13Après,
00:59:15il y a certaines règles à respecter
00:59:17quand un athlète veut revenir à la compétition,
00:59:19effectivement, comme disait Quentin tout à l'heure,
00:59:21il a forcément été testé quand il est
00:59:23revenu sur le devant
00:59:25de la scène,
00:59:27mais c'est pas forcément
00:59:29quelque chose d'automatique.
00:59:31Aujourd'hui, on a des
00:59:33tests qui sont ciblés,
00:59:35on l'a expliqué à plusieurs
00:59:37reprises, grâce à cette
00:59:39analyse de risque
00:59:41qui est effectuée, on détermine
00:59:43en fait le niveau d'exposition au dopage
00:59:45des différentes populations d'athlètes
00:59:47qui participent au jeu en ce qui nous concerne,
00:59:49donc pour Paris 2024, ça prend
00:59:51en compte beaucoup de facteurs, des risques physiologiques
00:59:53qui sont spécifiques au sport et à la
00:59:55discipline, des risques
00:59:57nationaux, spécifiques au sport, comme le
00:59:59disait Jérémy tout à l'heure aussi,
01:00:01mais des paramètres individuels, comme les performances
01:00:03ou les chiffres des tests, donc
01:00:05c'est assez global.
01:00:07Jérémy, dernière
01:00:09question avant de terminer cette émission,
01:00:11comment on peut faire
01:00:13pour qu'en fait
01:00:15les produits dopants soient
01:00:17vraiment les mêmes dans tous les pays, parce qu'on sait
01:00:19très bien que par exemple en France, il y a certains produits dopants
01:00:21qui ne seront pas forcément dopants à l'étranger,
01:00:23est-ce qu'un jour on pourra
01:00:25vraiment être alignés partout
01:00:27dans tous les pays ? Alors, ce qu'il faut dire, c'est que
01:00:29la grande victoire de l'antidopage
01:00:31en à peine 20 ans, c'est inédit,
01:00:33c'est d'avoir déjà des règles communes
01:00:35dans le monde entier. La liste des substances
01:00:37interdites, elle est interdite
01:00:39dans le monde entier, on l'applique
01:00:41dans n'importe quel pays. Alors ensuite,
01:00:43il y a des substances qui sont par ailleurs interdites, je pense
01:00:45stupéfiants dans certains pays et pas d'autres,
01:00:47mais par exemple, ça va être des substances dopantes
01:00:49dans toutes les disciplines, dans tous les
01:00:51pays. Et ça, c'est très important parce que
01:00:53en termes d'équité, pour que les sportifs
01:00:55de haut niveau acceptent le prix
01:00:57à payer, parce que quand même, c'est des contraintes, on l'a dit,
01:00:59ils l'acceptent bien parce que généralement, ils voient la finalité, mais c'est
01:01:01des contraintes, il faut qu'ils aient l'assurance que
01:01:03l'adversaire
01:01:05qui viendra par exemple au jeu, il a eu
01:01:07le même traitement avant, il a eu les mêmes contrôles
01:01:09avant les compétitions,
01:01:11sous le couvert de l'ITA, mais par l'ensemble
01:01:13des organisations d'antidopage. Donc, heureusement, la liste
01:01:15elle est commune. Ensuite, c'est,
01:01:17vous allez me dire, d'accord, la liste elle est commune,
01:01:19mais est-ce que tout le monde met les mêmes moyens dans tous les pays
01:01:21pour s'assurer qu'on fait
01:01:23assez d'échantillons, etc. Là, c'est le rôle fondamental
01:01:25de l'agence mondiale antidopage.
01:01:27Et effectivement, en 20 ans,
01:01:29ils ont bien perfectionné
01:01:31leur technique. Effectivement,
01:01:33ils savent qu'il y a des pays, j'allais dire pour lesquels
01:01:35ça roule, si vous me permettez l'expression,
01:01:37donc ils contrôlent, mais
01:01:39ils laissent faire les agences antidopages.
01:01:41Il y a d'autres pays qui ont besoin d'aide, tout simplement, parce qu'il faut
01:01:43structurer les agences antidopages. Et l'ITA,
01:01:45comme l'AFLD, le font avec d'autres agences
01:01:47sur des compétitions internationales. Par exemple,
01:01:49cette année, l'AFLD
01:01:51devra assister les Jeux de la francophonie à Kinshasa.
01:01:53Pourquoi ? Parce qu'on sait très bien qu'il y a peu d'agences
01:01:55antidopages localement et qu'il faut assurer
01:01:57le programme antidopage. En 2027,
01:01:59les Jeux du Pacifique à Tahiti,
01:02:01les Jeux de Paris 2024,
01:02:03il faudra aider tous nos homologues aussi, parce qu'il y a des pays
01:02:05qui ont besoin. Et les délégations, elles viennent
01:02:07s'entraîner quelques mois avant. On sera là à l'appui.
01:02:09Moi, je retiens ça de la communauté antidopage,
01:02:11c'est que c'est un réseau, comme le disait Sophie.
01:02:13S'il y a quelqu'un qui y chute,
01:02:15c'est quelqu'un qui est défaillant par manque de moyens, par manque
01:02:17de volonté. On a vu avec le scandale russe, ça peut exister.
01:02:19Les autres sont là pour prendre la place,
01:02:21pour pallier, parce qu'au final,
01:02:23il faudra que les sportifs soient contrôlés
01:02:25pour qu'il y ait le sentiment, c'est important,
01:02:27le sentiment d'équité. L'adversaire que je vais affronter,
01:02:29même règle, même éducation,
01:02:31même prévention. Et si je peux juste
01:02:33insister sur ce dernier point, je le dis,
01:02:35quand on voit ce qu'ont fait les Britanniques
01:02:37il y a 10 ans, aux Jeux de Londres,
01:02:39en termes d'éducation et de prévention, on en est loin
01:02:41encore. C'est-à-dire qu'il faut voir
01:02:43l'antidopage comme un risque réputationnel aussi,
01:02:45comme un risque pour les sportifs, pour les délégations
01:02:47nationales. Et là, je pense que
01:02:49ce n'est pas que les sportifs. Il faut que les
01:02:51encadrements sportifs, médicaux,
01:02:53comprennent que ce n'est pas parce que c'est le sportif
01:02:55à la fin qui va être sanctionné que c'est le problème du sportif
01:02:57et que finalement, on peut s'en laver les mains.
01:02:59Il faut sonner la mobilisation
01:03:01sur l'éducation antidopage.
01:03:03Et je pense qu'à la fois le témoignage de Quentin
01:03:05et l'expérience d'Anne sur ce qui se fait à l'INSEP,
01:03:07j'espère que ça va inspirer énormément
01:03:09de monde d'ici les Jeux, parce que
01:03:11je n'aimerais pas qu'avec l'ITA, on puisse
01:03:13constater que c'est bête.
01:03:15Avant les Jeux ou pendant les Jeux, sur une délégation française,
01:03:17on a du dopage par négligence.
01:03:19Ils ne savaient pas la bonne information.
01:03:21On ne peut pas se le permettre. Ni pour le
01:03:23sportif, ni pour nous collectivement.
01:03:25Anne, tu nous dis le...
01:03:27Vas-y, Quentin. Je voulais juste
01:03:29terminer sur l'éducation et je trouve dommage
01:03:31qu'il n'y a pas une chose qui soit faite assez simple.
01:03:33C'est qu'aujourd'hui, pour capter
01:03:35tous les jeunes globalement qui vont perdre du sport en club,
01:03:37ils vont tous
01:03:39a priori au collège ou au lycée.
01:03:41Et on a des profs d'EPS, des cours d'EPS
01:03:43qui, je pense, pourraient être
01:03:45une bonne base
01:03:47pour enseigner les
01:03:49valeurs de la lutte anti-dopage, ou en tout cas
01:03:51communiquer dessus
01:03:53et avoir des formations dessus. Je pense que ça devrait être
01:03:55partie prenante du
01:03:57ministère de l'Éducation nationale
01:03:59aujourd'hui, puisque
01:04:01on est en cours de sport, on apprend plein de choses en cours de sport
01:04:03et le dopage fait partie du sport.
01:04:05Et ça, je pense qu'il faut
01:04:07vraiment l'intégrer.
01:04:09Et si on l'intègre, je pense qu'on arrivera
01:04:11mieux à lutter contre tout ça.
01:04:13Je pense qu'une des choses simples, c'est
01:04:15le mettre au programme des cours d'EPS.
01:04:17J'espère que
01:04:19les ministres de l'Éducation et du sport
01:04:21t'entendront, Quentin.
01:04:23Moi, je vais témoigner
01:04:25auprès de Quentin que
01:04:27ça commence à se mettre en place.
01:04:29Hier, j'ai eu une visio
01:04:31avec une prof d'EPS
01:04:33d'un lycée
01:04:35qui fait la spécialité EPS
01:04:37en première et en terminale
01:04:39et on va intégrer un module
01:04:41dopage au mois de mars
01:04:43justement auprès de ses élèves
01:04:45qui font la spécialité.
01:04:47Et l'idée, c'est que ça se diffuse
01:04:49après, au-delà de cette spécialité EPS
01:04:51et que
01:04:53dès le primaire,
01:04:55les enfants soient sensibilisés
01:04:57effectivement à cette notion-là
01:04:59et à la notion de santé
01:05:01par le sport et pour le sport.
01:05:03Merci vraiment à tous les quatre,
01:05:05Jérémy, Anne, Sophie, Quentin
01:05:07pour cette émission, c'était hyper intéressant.
01:05:09Ah oui, on aurait pu en parler encore.
01:05:11Oui, carrément. Merci Marie.
01:05:13Merci à toi.
01:05:15On se retrouve le mois prochain pour un nouveau numéro d'Athlètes
01:05:17Les Rendez-Vous de la Canne. Ciao.
01:05:19A bientôt sur Sport en France.
01:05:35Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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