• il y a 6 mois
Jean-Louis Pagès, ancien directeur des sites du Tour de France

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00:00On accueille maintenant un ancien grand monsieur du Tour de France à la veille de la 111e édition.
00:04Oui, bonjour Jean-Louis Pagès.
00:06Bonjour.
00:06On est ravis de vous avoir avec nous ce matin.
00:08Vous avez été pendant 34 ans, si je ne dis pas de bêtises, le directeur des sites de la Grande Boucle.
00:14Vous vivez dans le Gard en plus, en petite Camargue, ce qui faisait de bonnes raisons de vous inviter.
00:19On est quoi allé à un petit peu plus de 24 heures maintenant du grand départ donné à Florence cette année.
00:25Qu'est-ce qui fait que cette édition 2024 est une édition inédite ?
00:30Parce que ça part d'Italie. C'est jamais parti d'Italie.
00:32Il n'y a jamais eu de grand départ depuis l'Italie.
00:36Christian Poudhomme tenait beaucoup.
00:38Moi, j'ai arrêté en 2018 le Tour de France.
00:40Vous n'avez pas été dans les négociations ?
00:42Pas du tout, absolument pas, si ce n'est qu'évidemment, de manière anticipée,
00:46les patrons du Tour prévoient longtemps à l'avance des éventualités.
00:52Christian y a travaillé, ce qui fait qu'aujourd'hui, on y est.
00:57Florence, l'Italie, Rimini, l'arrivée de la première étape.
01:01Je regarde ça de très loin.
01:03Je ne suis pas du tout, comment dire, je vais peut-être en décevoir quelques-uns,
01:08passionné par le cyclisme.
01:09C'est vrai ?
01:10Oui, je suis arrivé là par hasard.
01:11Je suis prof d'histoire-géographie de formation.
01:13Il y a quand même un lien entre le Tour de France et l'histoire.
01:17Le hasard a fait qu'à un moment donné, en 1984,
01:21un cousin qui travaillait sur le Tour m'a appelé en me disant
01:25« Ecoute, la personne qui me conduit sur le Tour ne peut pas venir cette année.
01:30Je sais que tu es dans l'éducation nationale.
01:32Est-ce que tu serais disponible pour venir au mois de juillet ? »
01:34Je lui ai dit « Oui, pourquoi pas ? »
01:36Je ne regardais pas le Tour de France.
01:38J'ai découvert un univers.
01:40J'ai fait mon premier Tour en 1984 en saisonnier.
01:44J'ai repris mon année scolaire.
01:46J'étais prof du côté de Saint-Clément-la-Rivière et Clermont-Lirault pendant deux ans.
01:52En 1985, j'y suis retourné.
01:54Ça s'est bien passé.
01:56M. Godet et M. Lévitan, qui étaient les patrons du Tour emblématique,
02:00m'ont proposé de rentrer et d'intégrer l'équipe du Tour.
02:04J'ai démissionné de l'éducation nationale.
02:06J'ai pris le train pour Paris.
02:08– Vous êtes resté quand même 34 ans directeur des sites du Tour.
02:12Vous avez peut-être développé une passion ?
02:15– La passion de l'organisation, évidemment.
02:17J'ai découvert tout ça.
02:19Il y a peut-être un lien entre l'histoire et surtout la géographie.
02:23On peut y penser.
02:25Mais en l'occurrence, pas du tout passionné par le cyclisme.
02:27Je suis un foutu de vous dire si l'étape sera dure ou pas dure,
02:31quel coureur, pas quel coureur.
02:33Je suis totalement étranger à tout ça.
02:35Avec malgré tout, évidemment, le fait de rendre une copie propre au mois de juillet.
02:39Et c'est ce que j'ai fait pendant 34 ans, je crois.
02:42– Jean-Louis Pallet, justement, le Tour de France,
02:44c'est un feuilleton qui dure trois semaines.
02:46On peut le dire, qui fait partie, on le disait, du roman national.
02:49Il est entré dans le cœur des Français.
02:51Quand on a été, comme vous, à l'organisation,
02:53comment est-ce qu'on fait pour trouver à chaque fois, tous les ans,
02:56les ingrédients qui font qu'on entretient cette passion ?
02:59– C'est le patron du Tour.
03:01Vous êtes très aimable en disant, grand monsieur du Tour.
03:04Oui, j'ai toujours un peu de recul par rapport à tout ça,
03:08par rapport aux grands hommes.
03:10Mais quoi qu'il en soit, c'est le patron du Tour qui décide du tracé.
03:14Évidemment, je parle d'une période que j'ai connue.
03:18Aujourd'hui, Christian Prudhomme est entouré par d'anciens cyclistes professionnels,
03:21notamment Thierry Gouveno, qui est le traceur du Tour, finalement,
03:24qui est le successeur de Jean-François Pêcheux, à l'époque,
03:26qui était avec Jean-Marie Leblanc.
03:28Moi, j'étais le directeur technique du Tour, finalement,
03:30directeur des sites, c'est un directeur technique du Tour.
03:33Mon boulot était de trouver les solutions pour qu'on puisse arriver
03:36ou partir de telle ou telle ville,
03:38et qu'ils soient candidats à recevoir cette épreuve-là.
03:41Après, le tracé géographique avec des difficultés,
03:44avec des cols, avec des sprints,
03:46avec du plat, avec du vent, pas du vent,
03:48c'était le travail des sportifs,
03:50et en l'occurrence aujourd'hui, c'est le travail de Thierry Gouveno et de son équipe.
03:54Justement, quand on fait passer le Tour, par exemple,
03:56quand on le fait arriver plutôt au col du Granon,
03:58comme il y a deux ans,
04:00ou en haut du Mont Ventoux, ou du Galibier,
04:02comment est-ce qu'on fait ?
04:04Parce qu'on est dans des tout petits espaces.
04:06On est dans des tout petits espaces, si ce n'est que ça demande
04:08évidemment un travail de repérage très précis.
04:10Le Granon, moi je l'ai vécu en 1986,
04:12vous parlez du Granon il y a deux ans,
04:14mais bon, le Puy-de-Dôme, je l'ai vécu
04:16la dernière fois,
04:18pas 2024, et j'ai fait des repérages
04:20en 2014 ou 2015,
04:22alors qu'en fait, le Puy-de-Dôme
04:24est sorti en 2023.
04:26Donc tout ça, ça se prépare,
04:28j'ai l'habitude de schématiser en disant
04:30c'est 200 000 à l'hôtel par an
04:32et 120 000 km.
04:34Je pense que ça résume pas mal de choses.
04:36C'était le rythme, en fait,
04:38pour pouvoir visualiser, visiter,
04:40à la demande du patron évidemment,
04:42le directeur du tour, les différentes villes
04:44qui sont candidates, en disant oui on peut,
04:46non on peut pas, on peut avec peut-être quelques
04:48aménagements, on peut faire un départ,
04:50on peut pas faire une arrivée.
04:52Donc tout ça, c'est du travail en amont.
04:54Aujourd'hui, les commissaires généraux, puisque le poste
04:56de directeur des sites a disparu,
04:58il y a un commissaire général pour les arrivées,
05:00un commissaire général pour les départs,
05:02un commissaire général pour les parcours,
05:04donc tout ça est assez parcellisé finalement,
05:06ce qui va dans le sens de la société d'aujourd'hui.
05:08Et en l'occurrence,
05:10c'est faire des repérages.
05:12Moi j'ai fait une petite conférence hier
05:14avec le quartier des Marronniers à Nîmes
05:16qui va accueillir le tour finalement, puisque ça arrive
05:18devant les sept collines.
05:20J'ai une malle remplie de cahiers
05:22avec des notes dessus, avec des dessins,
05:24donc c'est crayon, papier, gomme.
05:26A l'époque évidemment c'était papier millimétré,
05:28alors c'est vrai que l'évolution technologique
05:30fait qu'aujourd'hui ça va beaucoup plus vite.
05:32On a des outils tels Google,
05:34etc. qui vous permettent de...
05:36Sauf que moi je n'étais pas très partisan
05:38de ce genre d'outils,
05:40dans la mesure où Google ne vous explique pas
05:42qu'il y a un lampadaire,
05:44un arbre qui va vous empêcher d'installer une ligne d'arrivée
05:46ou une tribune de 34 mètres de long.
05:48– Le tour il se prépare non pas sur un écran d'ordinateur,
05:50mais il se prépare sur le terrain.
05:52– Absolument, avec des réunions dans les mairies,
05:54les préfectures et les différentes autorités qui reçoivent le tour.
05:56– Surtout que c'est devenu une très grosse machine
05:58quand même le Tour de France,
06:00qui a évolué j'imagine, et vous l'avez constaté,
06:02en 34 ans ?
06:04– Tout à fait, absolument.
06:06Quand je suis parti, j'ai dit à Christian Prudhomme,
06:08qui est le dernier patron que j'ai connu,
06:10j'ai dit, j'ai l'impression d'avoir participé
06:12à la construction d'une fusée.
06:14C'est-à-dire que quand je suis arrivé en 84,
06:16le pas de tir existait, en l'occurrence la course,
06:18et qui reste la course avec de très belles étapes
06:20et d'une très belle compétition.
06:22Mais on a construit,
06:24le premier étage de la fusée,
06:26c'était le village départ.
06:28Aujourd'hui ça paraît naturel, il y a un village départ,
06:30les gens vont boire un coup, rencontrer les partenaires,
06:32ça n'existait pas dans les années 80.
06:34Un des patrons du tour, que tout le monde a oublié,
06:36M. Naker Adiga, a dit,
06:38moi je voudrais un village, pas comme Roland-Garros,
06:40mais un village sympathique où les coureurs pouvaient venir.
06:42Les coureurs venaient à l'époque,
06:44aujourd'hui ils ne viennent plus parce qu'ils sont dans les bus, etc.
06:46Il y avait même un coiffeur qui coupait les cheveux
06:48des coureurs au départ des étapes.
06:50Donc premier étage de la fusée,
06:52deuxième étage, on a transformé la ligne d'arrivée,
06:54c'est-à-dire qu'il y avait une tribune de presse
06:56qui était assez, comment dire,
06:58archaïque et faite d'échafaudage.
07:00Elle est devenue, petit à petit,
07:02quatre cellules
07:04qui sont totalement aseptisées,
07:06certes très bien décorées,
07:08totalement hermétiques,
07:10les journalistes ne sont plus en contact
07:12avec les coureurs.
07:14Tout ça a évolué, donc deuxième étage de la fusée,
07:16et troisième étage, évidemment, l'informatisation,
07:18donc des parcours, des outils qui permettent
07:20de ne plus peut-être se rendre
07:22nécessairement sur place. Alors oui,
07:24il y a des réunions sur place, immanquablement,
07:26notamment avec France Télévisions,
07:28mais qui permettent justement de gagner du temps
07:30et de permettre aussi
07:32au directeur du tour d'envisager des choses
07:34totalement extraordinaires et spectaculaires.
07:36Mais vous en pensez quoi de cette évolution ?
07:38Qui était donc un tour très artisanal,
07:40si j'ai bien compris, ou au moins un petit peu artisanal
07:42dans les années 80, et là,
07:44très industriel.
07:46Qu'est-ce que vous voulez que j'en pense ?
07:48Qu'il a perdu son âme, le tour ?
07:50Non, il n'a pas perdu son âme, on n'en est pas là.
07:52Simplement, il est différent, en tout cas,
07:54pour l'avoir vécu de l'intérieur, c'est différent.
07:56Ce n'est pas la même chose, mais c'est partout pareil.
07:58Dans la société aujourd'hui,
08:00on a l'impression d'être totalement indépendants
08:02parce qu'on a des écouteurs, des machins,
08:04des trucs, des téléphones qui nous permettent de savoir
08:06tout de suite la bonne réponse et d'aller chercher.
08:08C'est différent, mais le tour
08:10reste le tour avec ce côté spectaculaire.
08:12Il y a des étapes extraordinaires,
08:14il y a des moyens qui permettent
08:16de déporter les zones techniques du tour
08:18et de pouvoir s'installer un petit peu partout,
08:20ce que souhaite évidemment Christian Brudam.
08:22J'ai une dernière question, vous parliez d'étapes.
08:24Est-ce que vous avez une étape préférée sur ce tour ?
08:26Comme je n'y connais rien !
08:28Mais en revanche, évidemment,
08:30le cœur parle, c'est celle qui arrive à Nîmes.
08:32Ce sera le 16 juillet.
08:34Je vous remercie beaucoup, Jean-Louis Pagès,
08:36d'être venu nous voir ce matin sur France Blog.
08:38À la veille du départ du Tour de France
08:40de Florence, je rappelle que vous êtes
08:42l'ancien directeur des sites du Tour de France.
08:44Merci à vous Jean-Louis Pagès.
08:46Avec plaisir.

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