Iran : "Depuis les manifestations de 2022, il y une question autour de la légitimité du régime"

  • il y a 2 mois

Visitez notre site :
http://www.france24.com

Rejoignez nous sur Facebook
https://www.facebook.com/FRANCE24

Suivez nous sur Twitter
https://twitter.com/France24_fr#

Category

🗞
News
Transcript
00:00En effet, on accueille tout de suite notre invité, c'est vous Thierry Coville, bonjour à vous, vous êtes chercheur à l'IRIS, professeur à Novantia, spécialiste de l'Iran, auteur de 7 ouvrages,
00:09« L'Iran, la révolution invisible » aux éditions La Découverte. Merci de prendre le temps de répondre à nos questions sur France 24.
00:14Le guide suprême Ali Khamenei a appelé la population à voter, il a parlé de participation importante qui serait la fierté du pays.
00:21Le premier enjeu de ce scrutin, c'est le taux de participation ?
00:26Oui, oui, tout à fait, parce que les taux de participation aux dernières élections présidentielles et aux dernières élections législatives ont été historiquement bas.
00:34Donc ça prouve bien qu'il y a une vraie issue, on va dire, entre une grande partie de la population iranienne et le pouvoir.
00:41Donc derrière cette élection, il y a l'idée pour les dirigeants de la République islamique d'Iran et al-Iramanique de montrer qu'avec un taux de participation plus élevé,
00:49il y a une certaine légitimité pour la République islamique d'Iran.
00:54Selon le dernier sondage de l'IPSA, un institut proche du gouvernement, plus de 53% des électeurs pourraient se rendre aux urnes.
01:00Vous l'avez dit, c'est beaucoup plus important que 2021-2024, mais pourquoi cet intérêt maintenant ?
01:05D'autant plus qu'on sait que cette campagne a été expresse, parce que ce scrutin a été précipité après la mort du président Raisi.
01:12Alors il faut bien voir que c'est quand même un contexte politique particulier de crise politique.
01:17Depuis les manifestations de 2022, il y a une vraie question qui ne se posait pas vraiment avant, mais de la légitimité de la République islamique d'Iran.
01:25Donc il y avait déjà un taux de participation historiquement bas quand Ebrahim Raisi s'était élu en 2021,
01:32et surtout il y a eu un taux de participation ridiculement faible lors des dernières élections législatives.
01:36Au deuxième tour, juste pour une indication, deuxième tour pour la région de Téhéran, le taux de participation c'est 7%.
01:43Donc là il y a un vrai problème.
01:45La République islamique d'Iran ne peut pas conduire comme ça.
01:46Donc il y a l'idée quand même, avec un taux de participation plus élevé, de montrer qu'il y a une certaine adhésion populaire au système politique en Iran.
01:53Alors ce serait ça, ce serait plutôt une participation importante avec un vote d'adhésion, pas un vote de sanction, si je vous suis bien.
02:00Les gens qu'on a vu manifester en Iran prendre part à ce mouvement Femmes, Vies, Libertés, est-ce qu'eux vont aller voter ?
02:07Alors c'est la grande question.
02:09Si vous voulez, en Iran on entend dire, bon, il y a, je n'en sais rien,
02:14mais il y a une minorité qui soutient la République islamique d'Iran, quoi qu'ils disent.
02:18Il y a une minorité, peut-être 20% de la population, qui haït le régime,
02:22à tel point qu'il y a même des gens qui sont réjouis quand il y a eu un attentat à Kerman par l'État islamique.
02:28Donc ça va très loin, il y a une haine d'une partie de la population pour le pouvoir.
02:32Au milieu, vous avez ce qu'on appelle en Iran les couches grises qui ne sont pas contentes,
02:35qui veulent une amélioration de la situation économique, qui veulent plus de démocratie.
02:39Et à mon avis, la grande question, c'est est-ce que Massoud Pézéchkian
02:43va arriver à attirer une partie importante de ce qu'on appelle en Iran ces couches grises ?
02:47C'est ça, c'est le candidat réformateur qui a donc, on le précise,
02:51été autorisé à se présenter aux côtés de trois conservateurs.
02:55Tout à fait. Dans le calcul du pouvoir, effectivement, il y a l'idée d'augmenter le taux de participation.
03:00Donc c'est pour ça qu'ils ont autorisé la candidature de Massoud Pézéchkian
03:05qui n'est pas le plus connu, mais qui est un vrai réformateur, qui a une légitimité en tant que réformateur
03:09à tel point que Mohamad Ratami, l'ancien président, a appelé à voter pour lui.
03:13Mohamad Javad Zarif, l'ancien ministre d'affaires étrangères de Rouhani, a participé à sa campagne.
03:17Donc il est identifié par les Iraniens comme un réformateur.
03:21Le problème pour le pouvoir, c'est qu'effectivement, qu'est-ce qui va se passer ?
03:25Et si Massoud Pézéchkian passait au deuxième tour, là, ça pose quand même un vrai problème au pouvoir
03:29parce qu'Ali Ramani, depuis quelques années, est plutôt sur une ligne pour avoir
03:33plus de taux autour de lui que des ultras.
03:35Ça veut dire qu'il pourrait être entravé, si second tour il y a avec lui ?
03:39Non, non, non, c'est pas ce que je veux dire.
03:41Mais ce que je veux dire, la préférence du pouvoir, ce serait plutôt
03:45que ce soit un ultra qui gagne. On l'a bien vu d'ailleurs.
03:49C'est jamais arrivé en Iran. Pendant la campagne, Ali Ramani a pris la parole
03:53pour critiquer indirectement la position de Massoud Pézéchkian
03:57qui disait qu'il fallait négocier avec les Etats-Unis.
04:01Je ne sais pas où vont les préférences du guide et des plus durs en Iran.
04:05Dans tous les cas, est-ce qu'on peut considérer que le vrai vainqueur et le seul vainqueur de ce scrutin
04:09ce serait le guide, Ali Ramani lui-même ? Personne ne peut aller en contradiction ?
04:13Personne ne peut appliquer une politique en contradiction avec le guide suprême ?
04:17Si vous voulez, c'est le principe de la République islamique d'Iran.
04:21Le guide est le premier personnage de l'Etat. C'est ce qu'on appelle la velayat-e-fari.
04:25C'est la supériorité du religieux sur le politique en Iran qui est symbolisée
04:29par la personne du guide, donc ce n'est pas nouveau.
04:31C'est lui qui donne les grandes voies de la politique sur l'Iran.
04:35Il ne faut pas exagérer non plus. Vous savez, quand il y a eu Ahmadinejad qui était au pouvoir,
04:38qui n'était pourtant pas un réformateur, il y a eu des tensions entre le président et le guide.
04:42Ce que disent les gens qui connaissent bien l'Iran, c'est qu'il ne faut pas exagérer non plus.
04:45Le président a des marges de pouvoir limitées, parce qu'en plus il y a un Parlement
04:49contrôlé par les ultraconservateurs, mais les marges de pouvoir existent.
04:53Il pourrait, notamment dans la gestion de l'économie, par sa participation
04:57à des négociations éventuellement pour régler la question du dossier nucléaire avec les Américains.
05:02Donc on ne peut pas nier quand même que le président a une marge de manœuvre,
05:06même si elle est réduite, et c'est là-dessus que joue Massoud les échelons.
05:11Thierry Coville, une toute dernière question si vous le voulez bien.
05:14Tandis que les caméras du monde sont rivées sur l'Iran en cette élection présidentielle,
05:18est-ce que les manifestants, les membres en tout cas de ce mouvement Femmes, Vies, Libertés,
05:23pourraient manifester de nouveau ? Est-ce qu'il pourrait y avoir une démonstration de force à cette occasion ?
05:27C'est vrai qu'il faut faire attention à ce qu'on dit. J'en sais rien.
05:32Mais c'est sûr que la répression, ce qu'on voit, ce mouvement s'est arrêté à cause de la répression.
05:38Et puis il y a encore une minorité qui haït le système politique en Iran.
05:44Par exemple, lors de la mort de Raisi, on a vu des mouvements de joie de ces gens-là.
05:48Mais un mouvement d'hommage, je n'y crois pas trop parce qu'il y a aussi une inquiétude en Iran de ces couches grises.
05:53On leur dit d'aller dans la rue. Ils n'aiment pas ce système politique. Mais c'est quoi l'alternative ?
05:58Donc ils se disent bon, on n'aime pas le système. S'ils pouvaient un petit peu changer, ce serait déjà pas mal.
06:03Donc je ne crois pas trop à des manifestations de masse tout en restant très très prudent parce que c'est l'Iran.
06:08Merci beaucoup Thierry Coville. Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions sur France 24.

Recommandée