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00:00L'élection présidentielle en Iran. 61 millions d'électeurs rappelaient aux
00:04urnes vendredi pour désigner le successeur d'Ebrahim Raisi, tué
00:08il y a plus d'un mois dans un accident d'hélicoptère. Trois conservateurs, un
00:13réformateur sont en lice. Laura Rodeau.
00:16Après le retrait ce mercredi de deux candidats conservateurs,
00:20ils sont désormais quatre à prétendre à la présidence iranienne.
00:23Parmi eux, Massoud Pezeskian est le seul candidat réformateur, député en
00:29Iran, et ancien ministre de la Santé. Ce Chirurgien de 69 ans, réputé pour son
00:34franc-parler, fait partie des favoris.
00:36Je promets de mettre fin au comportement injuste de la police des mœurs envers
00:41nos filles, nos sœurs et nos mères dans les rues.
00:44Face à lui, Mohamed Bagher Khalibaf est l'un des politiques les plus connus du
00:49scrutin. Président du Parlement et ancien maire de Téhéran,
00:52c'est la quatrième fois qu'il se présente à la présidentielle.
00:56Nous ne manquerons pas de réclamer les droits de notre peuple.
00:59Si Dieu le veut, nous supprimerons ce lourd fardeau, cette ombre noire des
01:05sanctions économiques qui pèsent sur notre pays.
01:07Lui est considéré comme le candidat le plus conservateur.
01:11Saïd Jalili, ancien négociateur du dossier nucléaire, est hostile à un
01:16rapprochement avec les pays occidentaux et notamment avec l'ancien président
01:19américain, Donald Trump. Ce type n'a pas encore pris ses fonctions et nos rivaux
01:24politiques se demandent déjà s'ils gagnent, qu'allons-nous faire ? Ils ont
01:27peur. Nous, nous voulons le combattre.
01:33Seul religieux à se présenter, Mostafa Pourmohamadi, 64 ans, est un ancien
01:39procureur révolutionnaire, ancien ministre de l'Intérieur puis de la
01:42justice, tristement célèbre pour avoir été l'un des principaux responsables du
01:47massacre des prisonniers politiques en Iran en 1988.
01:52Bonsoir, David Rigoulet-Rose, vous êtes chercheur à l'Institut français d'analyse
01:57stratégique, chercheur associé à l'IRIS, rédacteur en chef de la revue
02:00Orient Stratégique. Merci d'être l'invité de France 24 ce soir. Dans ce scrutin,
02:04la participation sera d'autant plus scrutée que c'est une élection qui a
02:08été faite à la hâte du fait du décès d'Ebrahim Raisi. On se rappelle des
02:13précédentes participations, 40% pour les dernières législatives, 49% pour la
02:17présidentielle, c'était il y a trois ans. C'est surtout les jeunes qui vont venir
02:21d'après vous faire entendre leur voix ?
02:24Justement, l'enjeu pour le régime c'est le taux de participation, parce que sur le
02:31plan du pouvoir, de toute façon c'est le guide suprême qui détient
02:35l'essentiel du pouvoir. Mais les dernières déclarations
02:39d'Ali Khamenei insistent sur la nécessité pour la pérennité du régime
02:44qu'il y ait un taux de participation élevé parce que c'est la caution
02:48pour la survie du régime. Faute de quoi, il se vit de sa substance.
02:55D'où la validation d'un candidat réformateur, ce qui n'était pas du tout
03:00évident, puisque en 2021 le même réformateur avait été invalidé.
03:04Donc l'enjeu est là-dessus et on voit bien qu'il y a la
03:10question de la mobilisation des jeunes, mais on peut douter de cette mobilisation,
03:13notamment cette génération Z, qui dans le prolongement du décès de Massa Amini
03:17avait manifesté une défiance avérée vis-à-vis du régime.
03:20Donc il y a un point d'interrogation sur ce taux de participation,
03:25mais il y a probablement une césure générationnelle qui va apparaître.
03:28Ah oui, parce que vous l'avez rappelé, c'est la mort de Marsa Amini,
03:33c'est d'ailleurs la première élection depuis la mort de Marsa Amini.
03:37Et ce qui est intéressant aussi de noter, c'est que la loi sur le voile,
03:40on se rappelle que Marsa Amini avait été arrêtée par la police des Meurs,
03:43a été évoquée lors des débats de la campagne pour cette présidentielle.
03:49C'est rare pour ne pas dire inédit.
03:51Est-ce que ça veut dire justement, c'est le signe que ce mouvement
03:54de contestation emmené essentiellement par des femmes gagne du terrain ?
03:59Sur le plan sociétal, de toute façon, il est évident qu'il y a une résistance
04:04féroce de l'agente féminine et soutenue d'ailleurs par une partie des hommes
04:11sur la politique répressive justement de la police religieuse.
04:16Et effectivement, c'est un débat qui a ressurgi au moment des différentes
04:21émissions qui ont posé les candidats en présence.
04:24Il y avait deux choses, il y avait cette question du hijab effectivement
04:27et la question des sanctions que vous évoquiez précédemment.
04:31Donc, il y a un positionnement des uns et des autres qui se fait
04:35sur ces deux questions centrales qui sont au cœur du régime.
04:39Mais on voit bien que de toute façon, les choses sont quand même
04:42très largement verrouillées parce que le régime, le Nezam, le système
04:46avait besoin d'un candidat réformateur par rapport à l'élection justement
04:50qui avait permis à Raisi d'arriver au pouvoir compte tenu des manifestations
04:54massives qui avaient eu lieu effectivement dans le prolongement
04:56du décès de Massamini.
04:58Vous l'avez mentionné en début d'interview finalement,
05:01le président en Iran n'est pas vraiment chef de l'État puisqu'il y a derrière lui
05:05Ali Rahmeneh, le guide suprême, il ne peut rien faire sans son aval.
05:09Cette élection justement, c'est aussi une manière de préparer
05:12la succession du guide suprême, on sait qu'il a 85 ans.
05:16En tout cas, le résultat sera un indicateur du rapport de force
05:19effectivement au sein de ce Nezam, ce système iranien qui est très opaque
05:24à bien des égards mais sur le fond, c'est la question effectivement
05:28du guide suprême qui a 85 ans, qui est malade et tout le monde
05:32a les yeux rivés sur le jour d'après d'une certaine manière
05:36avec la question, est-ce qu'il pourra y avoir un nouveau guide suprême ?
05:39C'est peu probable.
05:40On parle aujourd'hui d'un conseil de leadership provisoire
05:45avec toutes les incertitudes qui sont associées à cette formulation
05:49mais incontestablement, la République islamique est aujourd'hui
05:54à un tournant, non pas tant sur les modalités de la présidentielle
05:57en tant que telle que parce qu'effectivement,
05:59elle est à un moment charnière.
06:01Alors on le sait, sur le plan interne, on va dire la préoccupation,
06:06c'est peut-être la crise économique qui touche notamment les jeunes
06:11mais pas seulement, sur le plan évidemment international,
06:14cette élection s'inscrit dans un contexte régional bien particulier,
06:18on pense à la guerre à Gaza et aussi à cette escalade de violences
06:22à laquelle on assiste à la frontière entre Israël et Liban
06:27avec le Hezbollah qui est soutenu par l'Iran.
06:30Alors ça n'apparaît pas dans la campagne mais évidemment en toile de fond,
06:33de manière subliminale, il y a cette problématique qui est omniprésente
06:38parce qu'une grande partie de ceux qui contestent effectivement
06:41les politiques qui ont été menées ces dernières décennies
06:44contestent aussi le financement de tous ces groupes à l'étranger
06:47qui ponctionnent beaucoup d'argent, notamment ces proxys,
06:50ceux qu'on appelle les proxys, les mandataires pro-iraniens.
06:52Et dans les dernières manifestations, notamment en 2019 et avant, au-delà,
06:57il y avait l'idée qu'il y avait un slogan qui ressurgissait régulièrement
07:01qui n'était ni Gaza ni Liban.
07:03Et c'est le problème parce qu'en réalité il y a une projection géopolitique
07:07de l'Iran à l'extérieur qui est un palliatif justement aux faiblesses internes.
07:12Et il y a un jeu très complexe qui se noue à ce niveau-là
07:17et qui se joue en creux aussi de l'élection présidentielle
07:21parce que de toute façon le Président n'aura pas de marge de manœuvre
07:24par rapport à la figure tutélaire du Guide.
07:27Merci beaucoup à David Rigoulet-Rose à l'aube de cette élection présidentielle
07:32iranienne anticipée.