24 Janvier 2021: Ce jour-là, les deux frères Ladevant se partagent pour la première fois le podium des Championnats d'Europe de cascade de glace.
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00:00L'année dernière, j'ai remporté le classement général des Coupes du Monde.
00:17Ça a été quand même une assez grosse déception de ne pas pouvoir aller se rebattre pour
00:21ce titre.
00:22Et puis, il y a eu l'annonce de ces championnats d'Europe à la maison, à Champagny.
00:26C'est la structure où il y a les compétitions internationales qui s'arrêtent sur l'étape
00:30française.
00:31C'est là qu'on a toute notre préparation qui est faite, donc on est à la maison.
00:35C'est hyper bon pour nous ce genre de compétitions-là, on se sent à la maison, c'est facile.
00:41Ça fait déjà quelques années que je suis habitué à venir sur une compétition en
00:46tant que favori.
00:47C'est une place qui n'est pas forcément facile à assumer, je trouve, et ça demande
00:52d'être vraiment juste.
00:54Alors en fait, quand c'est les finales, comme ça, on est dans une zone d'isolation
01:07où on ne voit pas les autres grimpeurs en fait.
01:09Sur cette compétition, la zone d'isolement n'était pas très loin de la tour et dans
01:13une tente, donc on entendait beaucoup du public ou du speaker.
01:16Le speaker ne doit pas dire les détails, mais bon, on a quand même appris à décoder
01:21un peu des indices.
01:24Avant moi, il y avait deux garçons qui étaient déjà passés, il y avait deux hommes qui
01:27avaient déjà grimpé.
01:28Et au vu des encouragements qu'on avait entendus de la zone d'isolement, il y en
01:32avait un qui n'était pas allé très très haut, enfin qui était allé moyennement
01:36haut et l'autre, ça laissait entendre qu'il était quand même vraiment monté
01:41dans la voie assez loin.
01:54Quand j'ai commencé à grimper la voie de finale, d'un côté, j'avais une légère
01:58pression parce que je savais que c'était la seule compétition de l'année et que
02:01du coup, il y avait la pression de performer vraiment au moment présent et qu'on n'aurait
02:07pas de deuxième chance, on va dire.
02:08Et d'un côté, j'étais vraiment super content d'être là, d'avoir l'opportunité
02:13de faire une compétition.
02:14C'est vrai qu'on n'était pas sûr de ça, je me suis senti vite fort et puis en confiance
02:20quand même.
02:21Je savais que la voie, il fallait sortir en haut, je savais qu'il fallait topper
02:25pour être premier parce que ça n'avait l'air pas très très dur physiquement
02:29par rapport à d'autres styles de voies qu'on a pu avoir les années d'avant.
02:34Donc je suis parti assez confiant et j'ai essayé de mettre du rythme tout le long.
02:41Du coup, c'est vrai qu'à Champagny, il y a ce premier panneau-là qui est un peu
02:45le moment où on va se mettre dans le rythme.
02:47Là, il faut vraiment essayer de bien grimper, d'être vraiment rapide parce qu'il y a
02:50beaucoup de choses qui vont se jouer là au niveau du timing déjà.
02:53Et donc là, c'est vrai que ça se passe plutôt bien, j'ai eu une ou deux hésitations
02:56mais dans l'ensemble, je prends les bonnes décisions au bon moment, je n'ai pas trop
02:59de perte de temps là-dedans.
03:01Puis là, on traverse dans un petit toit, ça vient de taper un peu dans le fond, c'est
03:06fatiguant.
03:07Et puis là, je prends tout de suite aussi une bonne décision, j'évite de prendre
03:11une prise en trop là qui était vissée sur le mur et qui ne servait à rien.
03:13Et tout de suite, hop, je vais dans une autre transition en glace, on fait la transition
03:19pour arriver dans le gros dévers à 45 là, qui est un peu le sprint final on va dire.
03:24Et là, c'est sûr que physiquement, tu sens que ça demande beaucoup, c'est vraiment
03:29difficile quoi.
03:37Ça a commencé à vraiment tirer et là, c'est la bataille mentale pour ignorer la
03:42douleur on va dire et continuer d'avancer le plus vite possible.
03:46Et en plus, il y a une petite section là, juste avant que ça se rétablisse un peu,
03:50où techniquement, ce n'était pas facile, les prises n'étaient pas bonnes, ça portait
03:53un peu à confusion, on ne savait pas trop si c'était vraiment zippant ou pas, est-ce
03:58que voilà.
03:59Et là, ça ne va pas trop mal et là, la sortie du gros dévers, là, ça se rétablit
04:05un peu, ça devient moins raide.
04:06Et là, j'ai senti que physiquement, ça m'enlevait un peu un poids, mais bon, ça
04:11m'avait tellement épuisé le dévers d'en dessous que j'étais un peu ralenti on va
04:17dire.
04:18Et puis voilà, il y a eu le timing qui a sonné, le time-out qui a été annoncé et puis j'ai
04:24sauté dans le vide et voilà quoi.
04:26Il y a une certaine déception, parce que j'aurais bien aimé déjà voir ce dernier
04:44mouvement là, qui avait l'air vraiment trop chouette à grimper, qui avait vraiment l'air
04:49intéressant, mais par contre, je savais que j'avais fait un bon run, que j'avais fait
04:52une bonne performance, je ne savais pas où c'est que ça me posait par rapport aux autres
04:56du coup, mais je savais que j'avais mis quand même un gros run.
05:00J'entends du coup Tristan qui va aussi très haut, qui met un très gros run et j'ai beaucoup
05:05d'émotion quand il a fini de grimper, parce que je suis vraiment content, je sais qu'il
05:08a fait quelque chose de bien quand même et qu'il n'a pas zippé au début de la voie
05:12ou une erreur bête comme ça.
05:13Et là, je fais quand même un bon effort pour me remettre dans ma compétition un mois
05:24derrière.
05:25Je sais que le Russe favori, Nikolai Kouzovlev, je sais qu'il toppe la voie, j'en suis persuadé
05:31parce que j'entends vraiment du public et tout, donc je suis persuadé qu'il toppe la
05:34voie.
05:35Et le Russe juste devant moi, il y a un autre jeune qui passe juste devant moi, il zippe
05:46tout en bas.
05:47Je sais qu'il tombe tout en bas, donc dans ma tête c'était un peu confus parce que
05:53je savais qu'il fallait que je toppe la voie plus vite que Nikolai Kouzovlev pour pouvoir
05:58gagner et que s'il y en avait un qui était tombé en bas, ça voulait dire qu'il y avait
06:00peut-être des pièges en bas.
06:02Donc dans ma tête, à ce moment-là, il y a beaucoup de choses qui se passent et puis
06:07voilà quoi.
06:08Il fallait faire parler la poudre.
06:16J'ai réfléchi un peu plus que d'habitude sur ces premiers mouvements.
06:18Ça s'est direct senti, même à la caméra, on peut le voir, il y a une prise que je réfléchis,
06:22je prends à la main, j'essaye, c'était bête, en toute honnêteté, c'était vraiment
06:26bête.
06:27Je savais ce qu'il fallait faire, j'aurais dû le faire différemment.
06:30Et juste après, deux mouvements plus tard, je tape mon pied droit dans le bois et en
06:35fait, ça rebondit parce que des fois, il y a des nœuds dans le bois et ça a enchaîné
06:40deux erreurs comme ça en trois mouvements et je me suis dit, j'ai vraiment eu le temps
06:44de me parler, je me suis dit mais là, tu es en train de mettre un run nul, vraiment
06:46nul.
06:47Allez, bien, bien, bien, bien, bien, bien, bien, bien, bien, bien, bien, bien, bien,
06:50bien.
06:51Je n'étais quand même pas hyper bien dans ma tête là sur ces deux premières dégaines
06:54et là, j'ai vraiment réussi à changer de mode après, je me suis mis à accélérer,
06:57à grimper vite et plus ça allait, mieux ça allait en fait et donc là, j'ai vraiment
07:03mis du rythme.
07:04Je pense que dans mon escalade, même, je me suis impressionné à grimper si vite.
07:27Là, je me suis rendu compte que mon énergie était en chute libre parce que je pense que
07:36je me suis mis tellement de rythme que même niveau respiration, niveau endurance musculaire
07:41et tout, je commençais à vraiment être mal.
07:43Il y a peu de compétition, je pense, où je me suis senti aussi mal, aussi loin du sommet
07:47en fait.
07:48Donc voilà, je suis parvenu à continuer et là, j'ai fait une erreur qui aurait pu être
07:51fatale.
07:52Comme je disais, j'ai énormément de fatigue et je pense que ça a atteint ma lucidité
08:03dans l'escalade.
08:04Ça, c'est quelque chose d'assez dur de rester tout le temps lucide, même malgré
08:07la fatigue et tout ça et surtout le chrono qui tourne derrière dans la tête.
08:09Je lâche en fait les pieds comme quelque chose que j'aurais fait en étant frais peut-être,
08:20sauf que j'étais très fatigué.
08:21Donc en fait, quand je prends le ballon, ma main, elle s'ouvre vraiment et je me retrouve
08:25sur le bout de mes doigts et je tourne un peu en plus sur mon épaule.
08:28C'est ça qui a été très dur en fait, c'est de rester là sur le bout des doigts
08:35le temps que ça tourne, que je puisse revenir rattraper le haut du piolet et là, replanter
08:39les pieds dans le mur.
08:40Et là, c'était un peu, quand j'ai replanté les pieds, je me suis dit voilà, c'est passé
08:45et cette prise de risque, ça m'a quand même remis un peu les pendules à l'heure et je
08:49me fais vraiment attention à ne pas faire d'erreur, à ne pas zipper.
08:51Le profil en fait est un peu moins déversant là-haut et du coup, ça devenait un peu
08:59plus fin.
09:00Il fallait vraiment faire attention à ne pas faire une erreur bête de précipitation
09:04en voyant le relais arriver, en se disant je vais accélérer encore, ça c'est quand
09:07même quelque chose à ne pas faire.
09:19Quand je clip le relais, j'ai ce soulagement déjà physique parce que j'étais vraiment
09:26à bout quoi.
09:27Donc j'ai quand même le petit doute de savoir si je gagne ou si je fais deuxième, mais
09:33je sais que j'ai fait quelque chose de bien et puis là, le speaker juste après dit que
09:38je gagne.
09:39Donc c'était le soulagement, c'était vraiment un soulagement profond quoi.
09:50Moi, j'étais refait de ma performance, en train d'essayer de reprendre mes esprits
09:53au pied de la voie et il y a Tristan qui court vers moi en me disant qu'il fait troisième
10:00et que du coup je fais premier.
10:01Et là du coup, ces émotions qui étaient déjà incroyables à vivre personnellement
10:05deviennent amplifiées fois dix parce qu'on partage ça ensemble et qu'on est tous les
10:10deux sur la boîte.
10:11Il y a déjà 2-3 ans, pour nous avoir une Marseillaise, c'était un peu le Graal parce
10:15que ça n'avait pas été vu depuis une vingtaine d'années.
10:18Donc déjà, ça c'était le Graal et là, elle était pour nous deux et c'était encore
10:22plus fort.
10:23C'est quelque chose de fou de partager ça, je sais, je ne le regardais pas forcément
10:27mais je le regardais du coin de l'œil sur le podium et c'est gravé dans ma tête et
10:32dans mon cœur.