Anne-Liz Deba, le combat face au harcèlement scolaire

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Dans cet épisode, le témoignage d'une jeune femme dont le cyberharcèlement a commencé au collège. Elle a vécu un calvaire pendant sept ans, qu'elle raconte au micro de Manon Mariani.

Suivez tous les épisodes de la série Mentionné.e sur le site de France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/mentionne-e

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00:00Les phrases que je recevais sur les réseaux sociaux, notamment Snapchat et Facebook,
00:07on me disait beaucoup « Suicide-toi », « T'es une pute », « T'es trop grosse ».
00:11Et aussi on me disait « Dommage que tu ne sois pas morte le jour où on a essayé de te tuer ».
00:16Anne-Lise Debas, bonjour et merci d'être d'en mentionner avec nous aujourd'hui.
00:20Anne-Lise, vous avez 23 ans, vous avez sorti un livre, le livre « La peur au ventre brisait l'omerta du harcèlement scolaire »
00:28aux éditions City, qui raconte donc le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement que vous avez vécu.
00:34Aujourd'hui, vous vous définissez comme « coach en résilience ». Qu'est-ce que ça veut dire « coach en résilience » ?
00:39Alors « coach en résilience », c'est une personne qui va venir en aide à une personne qui a été traumatisée par la vie,
00:45par des événements douloureux comme le cyberharcèlement, comme le harcèlement scolaire, comme une agression.
00:51Et cette personne va venir du coup l'aider à poser des limites saines, à poser des mots sur ses mots, en fait,
00:59et à se reconstruire petit à petit en posant de nouveaux objectifs et en l'accompagnant à se reconstruire,
01:06à aller de l'avant, à libérer la parole, à reprendre confiance en soi et à s'aimer de nouveau.
01:11C'est ce que vous faites aussi dans votre podcast qui s'appelle « Smile ».
01:15Exactement.
01:15C'est bien ça.
01:16Alors, première question qu'on pose à nos invités.
01:21« Mentionner », pour vous, ça veut dire quoi ? Ça vous évoque quoi, ce mot ?
01:25Ce mot, moi, m'évoque une mention Facebook, une mention Snapchat ou Instagram,
01:30un moment où on parle de soi, où quelqu'un nous mentionne, fait appel à nous, en fait.
01:37Mais la plupart du temps, quand on nous mentionne, ce n'est pas pour dire des choses gentilles.
01:40Donc, une connotation un peu négative.
01:42Oui.
01:43Anne-Lise, votre harcèlement commence à votre entrée en sixième, donc le collège.
01:48Vous avez 11 ans, il me semble.
01:50Vous vous décrivez comme une petite fille joviale qui aime profondément la vie.
01:54Et cette année-là, tout bascule.
01:56Qu'est-ce qui se passe ?
01:57J'ai commencé à être harcelée en classe, dans mon cours de technologie,
02:01par plusieurs personnes de ma classe qui me disaient que j'étais trop grosse,
02:04que j'étais trop intelligente, que j'étais une pute.
02:07Et donc, à ce moment-là, malheureusement, j'ai perdu confiance en moi alors que je m'aimais beaucoup.
02:11Et je n'arrivais plus à manger correctement, je n'arrivais plus à être moi-même
02:16parce que, justement, les mots méchants que je recevais à répétition ont commencé par me définir.
02:21Donc, en fait, vous vous faites harceler la journée et le soir, vous n'êtes même pas tranquille, en fait,
02:26parce que l'harcèlement que vous subissez, l'harcèlement scolaire, arrive après dans votre smartphone.
02:30Exactement, je n'étais jamais tranquille.
02:32Et comment ça se passe ? Vous en parlez à vos parents ?
02:35Non.
02:35À partir de quel moment vous en parlez ?
02:37J'ai dû attendre d'être agressée en quatrième pour en parler.
02:40D'avoir une agression physique ?
02:42Oui.
02:42Qu'est-ce qui s'est passé ?
02:43C'était le 23 septembre 2014.
02:45Les personnes qui me harcelaient sous les réseaux sociaux et dans la vraie vie, en fait,
02:49m'ont agressée, m'ont tendu un gré tapant.
02:51Elles avaient deux bidons d'essence, c'était des garçons en fait, ils avaient deux bidons d'essence.
02:55Et ils m'ont remersé à la sortie de l'école un bidon d'essence entier sur moi
02:59et m'ont menacée de me brûler vive à l'aide d'un briquet.
03:01Et c'est que le lendemain, malheureusement, parce que j'étais paralysée par la peur, par la honte, par la culpabilité,
03:08donc quand je suis rentrée chez moi, ma mère n'était pas là.
03:10Donc c'est le lendemain que j'ai pu lui dire « Maman, on m'a volé mes affaires ».
03:14C'est la seule chose que j'ai pu lui dire.
03:15Donc on est allées ensemble à l'école et c'est ma professeure principale qui est venue me voir pour me dire
03:19« Admine ce qu'il s'est passé et là je vais tout te déballer ».
03:23Et c'est elle qui va annoncer à ma mère que j'ai été super harcelée, harcelée et agressée.
03:28Qu'est-ce que vous faites du coup avec votre maman ?
03:30On allait porter plainte directement au commissariat de Paris.
03:34Mais malheureusement, ma plainte a été classée sans suite.
03:37Et quand vous dites que vous recevez des messages, à l'époque c'était sur Facebook,
03:40mais j'ai lu aussi que c'était sur Snapchat.
03:43Comment ça se passait sur Snapchat ? C'était dans un contexte particulier de ce que j'ai compris.
03:47F3, c'était une application qu'on téléchargeait sur Snapchat et on recevait des messages anonymes en fait.
03:53Donc c'était des personnes qui nous suivaient ou pas, qui pouvaient nous envoyer des messages.
03:57Et moi j'avais téléchargé F3 justement parce que je me suis dit que c'est sympa
04:01recevoir des messages anonymes de ses amis en fait, peut-être même d'un amoureux, on ne sait pas.
04:06Donc pourquoi pas ? Et finalement moi sur F3, je recevais des messages de mort.
04:10On me disait dommage que tu ne sois pas morte quand on t'a agressé le 23 septembre 2014.
04:14C'est vrai qu'on a essayé de te brûler.
04:16Eux ils n'ont pas réussi à te tuer, nous on le fera vraiment.
04:20Donc je suis détruite à ce moment-là.
04:23Vous les signalez ces messages ?
04:24Non.
04:26Vous n'avez pas la force ? Vous supprimez du coup F3 ?
04:29Oui, au bout d'un moment oui j'ai supprimé parce que c'était beaucoup trop difficile
04:32de recevoir quotidiennement des messages en ce jour-là.
04:35Mais effectivement, je me demandais toujours qui était derrière ces messages
04:39parce que je me suis dit, étant donné que mon compte n'est pas public,
04:43c'est forcément des personnes qui me connaissent, qui connaissent l'affaire
04:47et qui se sont permises en fait de m'envoyer des tels messages.
04:52Et vous décidez de passer moins de temps sur les réseaux sociaux ?
04:56Non, j'étais une jeune fille, une jeune adolescente, je pense comme tous les autres adolescents.
05:01J'étais accro aux réseaux sociaux.
05:03Donc non, malheureusement, j'étais toujours sur mon téléphone.
05:06Et aussi, je pense que quand on est victime de cyber harcèlement,
05:09on a l'affût du moindre message qui nous concerne, des moindres mentions justement.
05:14Et du coup, moi j'attendais avec patience d'être mentionnée quelque part
05:21pour savoir ce que les gens allaient dire de mal sur moi.
05:23D'accord, donc même si c'était de façon négative, vous lisiez quand même,
05:26vous aviez envie de savoir.
05:28Oui.
05:28Pourquoi ce désir-là ?
05:31Je ne pense pas que c'était forcément un désir, mais c'était plutôt une sorte de...
05:35Je pensais avoir le contrôle sur la situation si j'anticipais mes potentielles réactions.
05:41Avant qu'on me dise Anis, on t'a mentionnée sur un post.
05:44Moi, j'étais déjà sur les réseaux sociaux, donc je savais qu'on m'avait mentionnée
05:47puisque je recevais les mentions.
05:49Donc c'était peut-être une sorte de contrôle selon moi,
05:52mais bon, j'avais 13 ans, donc ce n'était pas la bonne solution.
05:54Est-ce que vous parlez de votre cyber harcèlement à vos profs ?
05:57Non.
05:58Est-ce qu'eux, par exemple, vous ont déjà parlé de ce mot-là, ce mot cyber harcèlement ?
06:03C'est déjà sorti pendant vos années collège ?
06:06On n'a jamais parlé du cyber harcèlement.
06:08Je ne connaissais même pas ce mot avant d'être moi-même victime.
06:11Avant d'avoir porté plainte, je ne connaissais pas ce mot.
06:13Quelles sont les conséquences pour vous ?
06:15Vous parlez quand même de ce qui vous est arrivé aussi physiquement.
06:18Vous avez commencé à avoir des troubles du comportement alimentaire.
06:21Vous êtes mutilée aussi.
06:24Oui, tout à fait.
06:25Je me suis mutilée, j'ai arrêté de manger, ou bien en compteur, je mangeais énormément,
06:29j'ai arrêté de travailler, je n'arrivais plus à dormir
06:32parce que j'en faisais des cauchemars au quotidien.
06:35Donc j'ai commencé à être en échec scolaire,
06:37décrochage scolaire totalement parce que je ne travaillais plus du tout,
06:40je n'arrivais plus à me concentrer et je me blessais beaucoup au sport
06:43parce que mon corps ne suivait pas la cadence des violences au quotidien que je subissais.
06:48Aujourd'hui, vous organisez des interventions dans les établissements scolaires.
06:53Est-ce qu'il y a une prise de conscience sur le cyberharcèlement ?
06:56Vous, c'était, on va dire, il y a 10 ans que ça a débuté,
06:59on est en 2024 aujourd'hui, c'est quand même quelque chose dont on parle.
07:03Est-ce que vous voyez une différence ?
07:04Oui, les jeunes, de la part des jeunes surtout,
07:07les jeunes comprennent plus ce que c'est que le harcèlement, le cyberharcèlement.
07:11Ils arrivent à mettre des mots justement sur leurs mots et ça, c'est merveilleux.
07:15Ce qui me désole, c'est la réaction des adultes, encore une fois,
07:19parce que quand je parle avec les professeurs,
07:22ils me disent « oui mais c'est pas très grave, ce sont des jeux d'enfants, ça va passer,
07:27tout le monde est passé par là, moi aussi j'ai été cyberharcelée, c'est pas un drame ».
07:31Alors que si, en fait, c'est un drame.
07:33Être victime de cyberharcèlement, ça détruit psychiquement, moralement,
07:37physiquement, ça a de lourdes conséquences.
07:40Ça peut avoir des conséquences sur le travail, sur son corps, sur sa tête.
07:43Donc il faut prendre ça au sérieux et pas se dire que tout le monde est passé par là
07:47et que ça va passer en fait.
07:4810 ans plus tard, vous voyez encore les conséquences ?
07:51Je dirais oui et non.
07:53Dans le sens où parfois, à la suite de mes plateaux TV, je suis cyberharcelée.
07:58Encore ?
07:59Oui.
08:00Par là, par des purs inconnus qui me disent « t'es qu'une menteuse,
08:03j'étais avec toi à l'école, il s'est jamais rien passé ».
08:06Ou bien « tu parles de cyberharcèlement, mais t'es qu'une merde, t'es une grosse pute ».
08:10Effectivement, quand on va faire des messages dans ce genre-là,
08:13on se dit « waouh, mais c'est tellement violent, c'est tellement méchant ».
08:17Maintenant, j'ai pris l'habitude, parce que maintenant je connais les réflexes,
08:20je supprime les commentaires quand j'en reçois, je bloque les comptes, je les signale.
08:25Mais effectivement, ça fait toujours beaucoup de peine et psychologiquement, c'est dur.
08:30Et quel est votre rapport aux réseaux sociaux aujourd'hui ?
08:33Je suppose qu'il a changé au fil du temps.
08:36Vous diriez que vous avez un rapport plus sain aujourd'hui ?
08:38Oui, maintenant, je sais faire des pauses quand j'ai besoin de faire des pauses.
08:42Maintenant, j'utilise quand même les réseaux sociaux,
08:44parce que les réseaux sociaux font partie de mon travail.
08:48Pour communiquer sur le cyberharcèlement, sur le harcèlement,
08:50j'utilise beaucoup les réseaux sociaux.
08:52Mais maintenant, je sais que je peux faire de la prévention grâce aux réseaux sociaux.
08:57Donc ça me permet vraiment d'être au contact des victimes de violences,
09:01des parents, des jeunes, des adultes, tout le monde en fait.
09:05Il faut leur expliquer quelles sont les conséquences,
09:06quels sont les signaux d'alerte, comment se reconstruire.
09:10Donc même moi, mon rapport avec les réseaux sociaux est beaucoup plus sain,
09:12parce qu'avant, j'utilisais les réseaux sociaux à outrance
09:16et je prenais personnellement toutes les attaques.
09:19Alors que maintenant, j'arrive à prendre du recul quand je reçois une attaque.
09:22Et à quel moment vous avez quand même trouvé cette force et ce courage de vous dire
09:26« Ok, je vais écrire un livre qui revient sur mon harcèlement scolaire,
09:29sur mon cyberharcèlement, je vais en parler, en faire mon métier. »
09:33Ça a été quoi le déclic ?
09:34Je pense à mes 18 ans.
09:36J'ai beaucoup voulu mourir déjà, il faut le dire,
09:40à cause du harcèlement, du cyberharcèlement.
09:42J'ai eu beaucoup d'idées suicidaires.
09:43J'ai été hospitalisée à trois reprises dans un hôpital psychiatrique.
09:46Et je pense que j'ai eu un déclic, oui, à mes 18 ans, en me disant
09:51soit maintenant je me suicide parce que je souffre trop,
09:54soit je décide de parler, de libérer la parole, d'aller de l'avant, de vivre.
10:00Et c'est ce que j'ai fait progressivement.
10:01Donc j'ai créé mon podcast en 2020.
10:04J'ai commencé à être plus active sur les réseaux sociaux pour faire de la prévention.
10:07J'ai commencé à faire de la prévention dans les écoles en 2021.
10:10Et mon livre, en 2022, j'ai commencé à l'écrire.
10:14J'ai repris mes écrits que j'avais, tous mes écrits de quand j'étais plus jeune.
10:18Et je pense que ce qui m'a vraiment permis d'avoir un déclic,
10:21c'est de me dire que la petite fille de 13 ans que j'étais
10:24est fière de la personne que je suis aujourd'hui, en fait.
10:26Et tout ça, je le fais pour moi avant tout, mais également pour d'autres enfants,
10:29ceux qui se sont suicidés, ceux qui ont été tués, assassinés
10:33et ceux qui seront malheureusement harcelés demain.
10:35Parce que justement, j'allais en parler.
10:38Quand vous voyez, par exemple, ce qui est arrivé à la jeune Lindsay,
10:41qui a mis fin à un séjour à 14 ans après avoir été victime
10:44de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement,
10:46vous-même, en tant que victime, vous me l'avez dit, ça aurait pu être vous, en fait.
10:50Qu'est-ce que vous ressentez quand vous voyez ce genre de nouvelles ?
10:53C'est une tragédie.
10:55Un enfant qui se suicide, c'est inexplicable.
10:59Ce n'est pas possible, ce n'est pas quelque chose qui doit arriver.
11:02Il y a des enfants beaucoup plus jeunes, je pense à Evaelle,
11:05également des enfants de 9 ans, de 11 ans, ce n'est pas possible.
11:08Moi, Lindsay, son histoire m'a fait énormément de peine.
11:11J'ai pu l'échanger avec sa maman, qui est une femme remarquable.
11:16Ça m'a fait beaucoup de peine parce que je me suis dit effectivement, ça aurait pu être moi.
11:19Mais ça a été elle qui a été emportée par la souffrance,
11:24par tous ces démons intérieurs et par malheureusement les coups,
11:29les insultes à répétition, les humiliations à répétition.
11:32Et c'est plus qu'un drame parce qu'un enfant qui se suicide,
11:35c'est toute une nation qui a échoué.
11:37C'est tout un système, tout le système scolaire français qui a échoué.
11:40Et malheureusement, on voit qu'en 2024, ça continue.
11:44Merci beaucoup, Anne-Lise, pour votre témoignage.
11:46Maintenant, on va s'interroger ensemble sur l'attitude des plateformes face à ce cyberharcèlement.
11:51Toutes ont leur part de responsabilité aujourd'hui.
11:55Pour vous, aujourd'hui, est-ce qu'il y a un réseau social plus dangereux qu'un autre ?
12:01Je dirais TikTok, malheureusement.
12:03Moi, je sais, par exemple, je n'ai pas respecté mon âge limite pour aller sur Facebook.
12:09Je suis allée un an plus tôt et c'était pas...
12:11L'âge limite qui est de 13 ans ?
12:13C'est ça, c'était pas bien, mais j'y suis quand même allée plus tôt.
12:17Mais malheureusement, avec TikTok, maintenant, on se retrouve avec des enfants qui ont 7-8 ans.
12:23Ce n'est pas possible.
12:24Sur TikTok, on voit beaucoup d'images trash.
12:29On voit beaucoup de témoignages violents.
12:32On voit beaucoup de violences.
12:34Parfois, il y a des passages à tabac sur TikTok.
12:39Des personnes qui disent beaucoup de gros mots.
12:41Des challenges qui vont mener à pas frapper, frapper, insulter.
12:48Et tout repose sur les plateformes qui laissent passer ce genre de challenge,
12:53qui laissent passer ce genre de vidéo.
12:54On a beaucoup travaillé là-dessus avec Mme Macron, avec l'association e-Enfance,
12:59pour qu'il y ait des modérateurs.
13:03Ce n'est pas encore le cas, malheureusement,
13:05parce qu'on voit encore que toutes les violences qui circulent sur les réseaux sociaux sont toujours présentes.
13:12Il y a les hashtags sur les violences qui sont toujours là.
13:15Les hashtags sur le suicide, sur la dépression.
13:19Bref, dès lors où on va sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok,
13:23et qu'on met un hashtag en particulier, ça va être peut-être le suicide,
13:27on va se retrouver toute la journée et les jours suivants
13:29avec que des vidéos qui ont un rapport avec le hashtag qu'on a consulté.
13:33À cause de l'algorithme.
13:33À cause de l'algorithme, effectivement.
13:35Et ça ne fait qu'amplifier malheureusement les violences,
13:38ce que l'enfant va voir et ce qu'il va retenir.
13:41Est-ce que vous vous dites heureusement qu'il n'y avait pas de TikTok à l'époque où j'étais au collège ?
13:46Oui, mais il y avait Snapchat en fait.
13:47Donc nous, le réseau social où il y avait beaucoup de violences, c'était Snapchat.
13:51Et maintenant, le réseau social où il y a beaucoup de violences, c'est TikTok.
13:53Et aussi où les jeunes sont de plus en plus tôt, c'est TikTok.
13:56Parce que malheureusement, les parents, ils laissent leurs enfants
14:00en faisant que sur TikTok, c'est un réseau social de danse en fait.
14:03Parce que pendant le confinement, il y avait beaucoup de danse.
14:05De challenge marrant.
14:07Effectivement.
14:08Sauf que là, les parents ne se rendent pas compte que TikTok en tant que tel,
14:11ça reste un réseau social comme un autre, avec des adultes,
14:16potentiellement des prédateurs, des personnes qui sont violentes,
14:19qui veulent du mal aux enfants et qui vont être violentes
14:23avec l'intention d'être violentes envers les enfants.
14:27Et c'est très grave et dangereux.
14:28Et pour ça, les parents doivent être très vigilants.
14:31Mais justement, on ne se rend pas compte parce qu'il y a quand même
14:33beaucoup de réseaux, de nouveaux réseaux sociaux aussi,
14:35qui arrivent dans les cours d'école, etc.
14:38Les parents ne sont pas forcément au courant.
14:40Comment, en tant que parents, se mettre à jour avec son enfant ?
14:44Alors justement, l'association e-enfance dispense des formations
14:47sur l'usage du numérique, mais également des ateliers
14:52à destination des enfants dans les écoles,
14:55des ateliers à destination des adultes dans les entreprises
14:59pour justement mettre à jour les parents sur ce qui existe
15:03sur les réseaux sociaux, sur les plateformes de communication en ligne.
15:06Parce que, par exemple, Snapchat,
15:08vous nous parliez tout à l'heure de l'application F3, c'est ça ?
15:11Personne n'en a parlé de ce truc-là.
15:14C'est quelque chose qui est connu, entre guillemets, dans les cours d'école,
15:17qui était connu au moment où vous y étiez.
15:20C'est quand même compliqué aussi de se dire
15:21« Ah ben, je ne comprends pas ce que mon enfant a dans son téléphone.
15:25Je vais aller voir ». Pour vous, en fait, les parents ont une responsabilité
15:28aujourd'hui d'aller dans le téléphone de leurs enfants
15:30et de regarder ce qu'ils y font ?
15:31Je ne pense pas forcément regarder dans le téléphone de son enfant
15:33à partir d'un certain âge, à partir de 13 ans.
15:35Quand on a 13 ans, c'est l'âge légal pour avoir des réseaux sociaux.
15:39C'est trop jeune pour vous ?
15:40Déjà, oui. Malheureusement, c'est beaucoup trop jeune.
15:43Même moi, j'avais des réseaux sociaux, j'en ai eu à 12 ans.
15:47C'était mon choix. Ce n'était pas forcément le bon choix.
15:51Mais d'un autre côté, c'est aussi pour se mettre à jour en tant que jeune.
15:55Parce que je sais que sans réseaux sociaux,
15:57je n'étais pas dans le groupe de la classe, sans réseau social.
16:01Je n'aurais pas pu savoir ce qui se disait sur moi,
16:04ce qui se disait sur les autres personnes, etc.
16:07Donc, on a quand même besoin des réseaux sociaux.
16:09Est-ce que ce n'est pas mieux aussi de ne pas savoir ?
16:11Ça, c'est vrai. Mais d'un autre côté,
16:14c'est aussi mieux, je pense, de savoir soi-même ce qui se passe,
16:17plutôt qu'on vient de te l'apporter dans la cour de récréation.
16:20Parce qu'aujourd'hui, si on n'a pas de réseau social à 13 ans, on est exclu ?
16:25Malheureusement, oui, on est exclu,
16:26parce que tous les groupes de classe se font sur les réseaux sociaux,
16:29sur WhatsApp, sur Snapchat, sur Instagram.
16:32Donc, sans réseau social, effectivement, on est exclu.
16:35Après, effectivement, je pense que c'est toujours mieux de respecter l'âge
16:38et que les parents, même si les enfants veulent absolument
16:41avoir un réseau social à 11 ans, 12 ans,
16:43il faut absolument qu'ils respectent l'âge de 13 ans minimum.
16:45Pour vous, par exemple, mettre des limites de temps
16:48quand on est parent à ses enfants sur les réseaux, c'est une bonne chose ?
16:51Oui, c'est une bonne chose.
16:52Moi, personnellement, j'avais une limite de temps et je trouve que c'est bien.
16:56Même actuellement, je me mets des limites de temps.
16:59Je fais toujours un peu un challenge avec soi-même, en fait,
17:02parce que sinon, l'enfant va devenir accro aux réseaux sociaux, à son téléphone.
17:05Mais ça, ce n'est pas bien.
17:06Donc, effectivement, ça peut être une bonne technique pour parer les violences.
17:10Quand il était ministre de l'Éducation, vous aviez rencontré Gabriel Attal.
17:13Tout à fait.
17:14Pour parler du harcèlement scolaire et du cyberharcèlement.
17:16Il parlait notamment de mettre en place un couvre-feu numérique.
17:19C'est un peu le grand truc qu'on entend,
17:21qui interdirait l'accès à Internet entre 18h et 8h du matin
17:24aux adolescents soupçonnés d'être à l'origine de cyberharcèlement.
17:27C'est quand même à l'étude depuis assez longtemps.
17:30C'est une bonne piste de réflexion pour vous, ce couvre-feu numérique ?
17:34Oui, bien sûr, ça peut être bien.
17:36Mais le cyberharcèlement, ça n'arrête pas à 18h, en fait.
17:40C'est trop facile de penser que l'enfant va rentrer à la maison.
17:44Déjà, il harcèle quelqu'un en physique à l'école.
17:48Il l'insulte, il le pousse, il le frappe.
17:50Il lui dit des mots méchants.
17:52À l'école même, parce que les enfants ont un téléphone à l'école.
17:56C'est interdit, mais ils l'ont quand même.
17:59Au bout d'un moment, on le sait.
18:01Le cyberharcèlement, il n'est pas fini au sein même de l'établissement.
18:05On peut toujours penser qu'à 18h, même s'il y a un couvre-feu,
18:09l'enfant pourra arrêter d'être à l'origine du cyberharcèlement.
18:14Pour autant, il a les défauts de ses parents, de ses frères et ses soeurs,
18:17de ses cousins, de ses amis qui peuvent venir à la maison.
18:20Après, il y a une sanction qui est prévue pour les parents en cas de complicité.
18:22Ça, c'est bien. Pour autant, il y a toujours, je ne sais pas, la peine encourue.
18:27Mais il peut y avoir une peine pour les parents
18:30s'ils donnent un téléphone ou une tablette à leur enfant
18:32pour commettre des faits de cyberharcèlement.
18:34Ça, c'est bien. Après, effectivement, il y a toujours possibilité
18:38d'avoir le téléphone de quelqu'un pour continuer à cyberharceler.
18:41Quand un enfant cyberharcèle, il y a des parents derrière.
18:44Et ça, c'est important de le rappeler,
18:45parce que souvent, on ne va s'en prendre qu'à l'enfant.
18:48Mais en fait, il y a des familles derrière.
18:49Il y a des parents, il y a une maman, il y a un papa, potentiellement les deux,
18:54qui sont souvent au courant.
18:54Parce qu'on ne peut pas dire que les parents ne sont jamais au courant.
18:56Au bout d'un moment, c'est épuisant.
18:58Les parents sont au courant et ils laissent faire.
19:01Donc, au bout d'un moment, si on ne bloque pas l'adresse IP,
19:03c'est-à-dire qu'on bloque l'accès aux réseaux sociaux,
19:07tout simplement à la famille, ça permettrait que l'enfant
19:11ne puisse pas utiliser les réseaux sociaux de ses parents
19:14ou bien utiliser ses réseaux sociaux à lui,
19:15ou bien utiliser tout simplement Internet pour cyberharceler une autre personne.
19:20Après, effectivement, il faut qu'il y ait également des sanctions.
19:23Quel genre de sanctions ?
19:24Moi, je suis toujours pour un soutien psychologique.
19:28Pour moi, ce n'est pas une sanction, ça sert de prévention.
19:32Et effectivement, de sanction, entre guillemets, si on peut le voir comme ça.
19:35Un soutien psychologique, du coup, pour les harceleurs ?
19:37Exactement.
19:38Moi, je me bats pour qu'il y ait justement un soutien psychologique pour les harceleurs.
19:41Je me suis battue pour qu'il y ait un soutien psychologique pour les victimes de violences.
19:44C'est fait, maintenant, c'est dans la loi.
19:46Et maintenant, il faut également qu'il y ait un soutien psychologique pour les harceleurs.
19:49C'est-à-dire, dès lors où un enfant harcèle,
19:51il doit être pris en charge par un psychologue, par un pédopsychiatre.
19:56Parce qu'un enfant qui harcèle, c'est un enfant qui va mal.
19:58Un enfant qui cyberharcèle, c'est un enfant qui va mal.
20:00C'est des parents qui sont potentiellement maltraitants,
20:02des parents qui sont potentiellement absents et qui laissent faire leur enfant.
20:06Donc, les enfants doivent être accompagnés psychologiquement par quelqu'un.
20:09Et les familles aussi doivent être accompagnées.
20:11Parce que les familles, potentiellement, ne savent pas
20:14quelles sont les conséquences du cyberharcèlement.
20:16Donc, il faut les accompagner avant qu'elles s'ajustent de manière obligatoire.
20:20Alors, avec les enfants, on fait des ateliers sur le cyberharcèlement,
20:23sur le harcèlement, à l'aide de plusieurs vidéos.
20:27Donc, « Un jour, une question », ainsi que la vidéo qui est mise en ligne par le gouvernement.
20:32Ça s'appelle « Et toi, que dirais-tu, que ferais-tu sur le cyberharcèlement ? »
20:37Ensuite, nous travaillons par groupe, donc par un petit îlot,
20:42sur la définition du harcèlement scolaire, sur les conséquences du harcèlement scolaire,
20:47sur ce qui est possible de mettre en place en cas de harcèlement scolaire,
20:49si on est témoin, si on est victime ou bien si on est harceleur.
20:52C'est-à-dire, comment prendre conscience qu'on est harceleur
20:54et comment agir si, justement, on a des comportements harcelants.
20:58Et, effectivement, on voit également quels sont les différents lieux
21:01où se produisent les violences, notamment sur les réseaux sociaux.
21:05À la suite de cela, on travaille sur une mise en situation.
21:08Donc, potentiellement, ça va être « J'ai été poursuivi par quatre personnes de ma classe. »
21:12« Je suis insultée sur les réseaux sociaux par quatre personnes de la classe. »
21:15« Comment je suis censée agir, moi, en tant que témoin ? »
21:17« Comment je suis censée agir si je vois une situation pareille ? »
21:20« Si, dans le groupe de la classe, je suis témoin de violences, comment je suis censée agir ? »
21:24Et, enfin, « Comment je suis censée agir si ce sont mes amis qui harcèlent ? »
21:27Donc, on travaille sur ça.
21:29Et, à la fin, on termine sur un de mes exercices de développement personnel.
21:32C'est-à-dire, on travaille sur qu'est-ce que je pourrais me dire de positif à moi-même,
21:37devant toute la classe, pour travailler, justement, sur son désir saloral,
21:40sur sa confiance en soi.
21:42Et qu'est-ce que je pourrais dire de positif à une personne de la classe
21:44pour, justement, l'encourager, elle aussi, à s'aimer et à aller bien.
21:48Et vous faites ça à quelle fréquence ?
21:50Vous le faites quand des établissements vous contactent ?
21:52Effectivement, ce sont les établissements, les associations et les miennes qui me contactent.
21:56Et, de mon côté, je contacte également des organismes pour travailler avec eux.
22:02Et, du coup, ça se fait beaucoup ?
22:03Vous en faites beaucoup, de plus en plus ?
22:04Vous voyez qu'il y a une véritable demande ?
22:07Oui, il y a une véritable demande.
22:08Après, malheureusement, il faut toujours préciser,
22:12moi, c'est ce que je me stresse de dire quand on m'interviewe,
22:17c'est qu'il y a aussi beaucoup d'établissements qui refusent,
22:19beaucoup d'établissements qui me disent « merci, mais non, en fait,
22:22parce qu'il n'y a pas de harcèlement dans mon école,
22:24donc ça ne sert à rien que tu viennes pour sensibiliser les jeunes ».
22:28Et malheureusement, ça, en 2025, ce n'est plus possible.
22:30Moi, ça fait depuis 2021 que je travaille avec les écoles,
22:35qui me disent « potentiellement, je pensais qu'il n'y avait pas de harcèlement dans mon école,
22:38mais à la fin de mes interventions, je donne un questionnaire nominatif cette fois-ci,
22:42parce qu'il faut savoir qui est victime de violence.
22:45Et donc, ça me permet justement de faire un retour aux enseignants,
22:48aux chefs d'établissement, qui me disent « je ne savais pas forcément
22:51qu'il y avait du harcèlement dans mon école, je ne me doutais pas forcément,
22:53mais au moins, maintenant, on le sait, donc merci ».
22:56Et ça, je trouve que c'est humble de leur part de se dire qu'ils ont fait appel à moi
23:01ou j'ai fait appel à eux pour travailler ensemble.
23:03Et finalement, il y a une suite logique, c'est-à-dire des enfants qui osent libérer la parole
23:06parce qu'on leur a donné la possibilité de le faire.
23:09Et malheureusement, je trouve que c'est dommage que d'autres établissements se disent
23:12que non, il n'y a pas de harcèlement, donc on va laisser des enfants souffrir dans le silence, malheureusement.
23:15Comme ça a été le cas pour vous ?
23:16Comme ça a été le cas pour moi, en disant « non, il n'y a pas de harcèlement dans mon école,
23:19donc je laisse les enfants souffrir ».
23:21Et vous êtes retournée dans votre ancien établissement ?
23:23J'ai refusé.
23:25D'accord. Ils vous l'ont proposé, quand même. Vous avez refusé.
23:28Qu'est-ce que vous diriez à un jeune aujourd'hui qui est lui-même victime de cyberharcèlement ?
23:34Moi, j'ai cinq conseils.
23:35Le premier, c'est de prendre conscience qu'il est victime de cyberharcèlement, justement.
23:39Parce que parfois, on est victime de cyberharcèlement, mais on se dit que ce n'est pas très grave.
23:43Ce sont nos amis, ce sont les gens de notre classe, ce sont des personnes que l'on connaît, en fait.
23:47Alors, ce n'est pas très grave.
23:48Alors que si, des insultes, des humiliations, des mises à l'écart, des messages à caractère sexuel,
23:56dans le sens où « couche avec moi tout à l'heure », « suce-moi dans les escaliers, dans les couloirs »,
24:00tout ça, c'est du cyberharcèlement, notamment à caractère sexiste et sexuel.
24:04C'est ce qu'on appelle le cyberharcèlement.
24:05Ensuite, c'est également d'accepter ce que l'on vit.
24:09C'est très difficile d'accepter ce que l'on vit, c'est-à-dire s'accepter à soi-même,
24:13savoir soi-même qu'on est victime de violence, qu'on est victime de cyberharcèlement,
24:16peu importe qui on est.
24:18Parce que quand on est viola, moi, j'étais une personne populaire et solaire,
24:20je me suis dit que c'est impossible qu'on s'en prenne à moi, alors que si.
24:23Donc, en fait, peu importe qui on est, on peut être victime de violence,
24:26on peut être victime de cyberharcèlement.
24:28Le troisième conseil, c'est d'apprendre à extérioriser sainement.
24:32C'est-à-dire écrire, dessiner, pleurer, crier, faire du sport, faire de la danse, faire du théâtre.
24:39Bref, mettre en dehors de soi ce qu'on ressent de manière saine,
24:42c'est-à-dire sans se faire de mal, sans se dénigrer, sans se frapper,
24:45sans se brûler, sans se mutiler, en fait, tout simplement.
24:49Ensuite, c'est vraiment d'oser libérer la parole, d'oser demander de l'aide.
24:52Comme on aura déjà réussi à extérioriser, notamment à travers l'écriture,
24:56on pourra justement donner une lettre à nos parents,
24:59donner une lettre à notre professeur principal, à une personne en qui on a confiance,
25:04ou bien libérer la parole au travers du 3018.
25:06C'est l'association E-Enfants qui s'occupe de ce numéro-là,
25:08le numéro national de lutte contre le harcèlement, le cyberharcèlement.
25:12Ou bien à travers le tchat que l'association nationale, encore une fois, met en place.
25:16Ou bien au travers d'une personne qui lutte contre le cyberharcèlement,
25:19contre le harcèlement sur les réseaux sociaux, comme moi, comme Elian Pochet, comme Nathan Smatial.
25:24On est nous trois ambassadeurs de la lutte contre le harcèlement,
25:26donc on peut répondre à ces demandes.
25:29Effectivement, ça peut être une solution de libérer la parole et oser, encore une fois, être soi.
25:35Parce que quand on est victime de violences,
25:37on pense que malheureusement, on est défini par les violences, par les coups,
25:41par les insultes, par les humiliations, alors que non.
25:43On est défini par qui on est, par la personne que l'on est, qu'on a toujours été.
25:47Et par nos valeurs, par nos qualités, par nos talents, par nos dons, par nos compétences.
25:53Et c'est vraiment ce sur quoi on doit travailler.
25:55Moi, je conseille vraiment aux personnes qui sont victimes de violences,
25:58de cyberharcèlement notamment, de réapprendre justement à s'affirmer,
26:02à dire non, à dire stop, à s'aimer, à qu'on en soit et à se respecter.
26:07Merci beaucoup, Annelise Debbat, de nous avoir livré votre témoignage
26:10et votre vision sur le cyberharcèlement.
26:12Si vous en êtes vous aussi victime, n'hésitez pas justement à contacter le 3018,
26:16le numéro national pour les victimes de violences numériques.

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