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00:00Salut à tous et merci de nous retrouver sur CRTV dans le cadre de PONTUATION.
00:18La pontuation va s'intéresser aujourd'hui à un roman, c'est un peu l'histoire d'un
00:26personnage qui nous aide à observer la ville dans son côté court et son côté jardin,
00:35dans ses traverses et ses revers, parti à la recherche d'un boulot, et bien Joël va
00:43sortir de là, alors qu'il était en quête de travail, avec une enquête bien palpitante
00:49des histoires de la ville, dans un roman baptisé du titre Almoyane, un roman qui est signé
00:55à Anicette Billet-Cimbaud.
00:58Bienvenue madame.
01:01Merci, bonjour.
01:03Alors vous nous sortez cet ouvrage, dans le dos de l'ouvrage on lit quelques éléments
01:09sur votre biographie, vous êtes diplômé de l'école Norma Supérieure de Yaoundé,
01:14professeur des lycées d'enseignement général, vous êtes titulaire d'un doctorat en lettres,
01:20littérature et civilisations françaises, à la Sorbonne, et vous enseignez à Fussel-Coulonge,
01:26à Yaoundé.
01:27Exactement.
01:28C'est tout, tout ce qu'on peut dire ?
01:29C'est tout, j'ai également découvert qu'il était très difficile de parler de
01:34soi-même, donc pour le moment, oui je trouve que non, c'est tout, les autres choses arriveront.
01:40Qu'est-ce qui vous amène au roman ?
01:44Les choses que j'observe, qu'on peut tous observer, c'est tellement intéressant d'observer
01:50la rue, les mouvements des enfants qui reviennent de l'école, voilà, tout, je sais pas, la
01:58vie quotidienne, la société.
02:01Est-ce qu'il y a une différence entre, côté observation, entre l'enseignant, un enseignant,
02:10qui a la compétence, et un artiste qui a juste l'inspiration ? Est-ce que le regard
02:16est encore plus, on va dire quoi, plus expérimenté, plus aguerri quand on est enseignant et auteur
02:24et artiste ?
02:25Probablement, ce qui est sûr, c'est qu'on observe pas, on peut observer les mêmes choses,
02:32mais pas les voir de la même façon, quand moi je lis derrière un taxi, les jaloux vont
02:41sauf que mourir, voyez, c'est une formule qui, moi ça m'éblouit et je me dis ça c'est
02:49de la recherche.
02:50Alors vous croyez que ça vous insupportait ?
02:53Non, ça m'insupporte quand je suis dans le cadre de la correction, mais là quand on
02:59est dans la rue, je suis en train d'aller au marché, je vais au travail, je ne suis
03:02pas dans le cadre de la correction, je suis dans le cadre d'une citoyenne qui vit dans
03:08sa société, qui vit sa société.
03:11En parcourant ce livre de 135 pages, je constate qu'en dehors de l'intrigue, il y a beaucoup
03:16d'humour.
03:17Alors c'est quoi, vous puisez ça dans votre éducation ?
03:21Je pense que c'est ça, et je dis merci à ma famille parce qu'on part toujours sur des
03:26fous rires, on se salue par des fous rires, on se réveille, on fait la prière, voilà,
03:32ça au moins il ne faut pas déroger.
03:33Vous priez avant de rire ?
03:34On ne prie à rien et souvent mes neveux ou petits-fils nous font rire pendant la prière
03:41ou lorsqu'eux ils prient, voilà, le rire chez nous c'est quelque chose.
03:45Quel a été le livre qui vous a le plus donné envie d'écrire ?
03:51Le livre, il y en a beaucoup, tous les livres que j'ai lu, tous les bons livres que j'ai
03:57lu m'ont donné envie d'écrire.
04:00Quel est le livre que vous recommanderiez à un téléspectateur ?
04:05Ouh là, il y en a beaucoup, alors là c'est assez difficile, le livre que je recommanderais
04:14vu ma posture de professeur, d'enseignant de français ou le livre…
04:19Oui, allez-y, on attend que vous proposiez quelque chose.
04:22L'aventure ambiguë, Cheikh Hamidoukane ?
04:25Oui, bien sûr, on ne les cite plus, ça c'est, ça fait partie des classiques.
04:30Le monde s'effondre, Chinua Achebe ?
04:32Le monde s'effondre, Chinua Achebe, oui, oui, bien sûr, c'est des livres qu'on devrait
04:37tous avoir dans nos bibliothèques, surtout pour la jeunesse d'aujourd'hui qui ne lit
04:41plus ou alors qui ne sait plus lire, voilà, et même les livres deviennent rares.
04:47Moi je pense que tous ces classiques qui font partie de notre patrimoine, non seulement
04:52littéraire mais le patrimoine africain mondial puisque avec l'Afrique de l'Ouest qui a
04:59beaucoup inondé notre littérature et notre savoir lors d'une certaine époque, moi je
05:05pense qu'on devrait avoir tous ces livres-là dans nos bibliothèques.
05:08Al Mouyane, le titre de votre roman, pourquoi Al Mouyane ?
05:15Tout bêtement parce que je me suis rendu compte qu'il était très difficile de donner
05:20un titre à une oeuvre.
05:22Vous savez, quand on écrit, on se dit bon, on va trouver le titre après.
05:25Parfois on croit avoir trouvé le titre puis après on dit non, non.
05:28Puis à la fin on se retrouve sans titre.
05:30C'est aussi d'être original ?
05:33Oui, oui, mais en même temps je pense que ça fait aussi partie d'une hésitation qui
05:42habite tout écrivain.
05:44Je ne sais pas, je suis comme un premier roman qui est lu par le grand public mais je pense
05:49que les grands écrivains diraient la même chose.
05:51Enfin, je ne sais pas, je n'ai pas trop avancé mais...
05:53Il y a toujours un peu de vertige, c'est ça ?
05:55Oui, tout à fait et après il faut pouvoir retomber sur ses pieds et se dire non, je pense
06:01que celui-là aurait plus de sens.
06:03Est-ce qu'il y a la même hésitation pour la première de couverture ?
06:07Là on voit pratiquement un immeuble qui est dressé de tout son long et des enfants
06:14qui le regardent.
06:16C'était un peu le tableau de nos vies là.
06:19Exactement, il y a eu de l'hésitation tout le temps et puis je me suis dit que ça ressemble
06:26à peu près à...
06:28Parce que là ce n'est qu'une image.
06:30Je me suis dit que ça représente bien, oui.
06:34Moi j'aime bien le petit garçon avec Fabregas, vous voyez ?
06:44Nous sommes, on doit le dire, ici dans la médiathèque de l'Institut français de Yaouné
06:49et juste derrière vous, c'est donc l'avenue Kennedy où il y a beaucoup d'enfants de la rue
06:57et on va dire que vous avez pris cette photo-là, c'est ça ?
07:00Ça y ressemble.
07:01Ça y ressemble et moi j'aime bien le fait que ça ressemble.
07:05Et il faut que ça ressemble à beaucoup de nos capitales, il faut que ça ressemble à
07:09beaucoup de nos villes que nous connaissons parce que finalement là c'est une ville impersonnelle.
07:14C'est un immeuble, je ne sais pas, personne ne saurait le situer puisqu'il n'existe pas
07:21tel quel en réalité.
07:23Et là je dis bravo à l'infographiste qui a su.
07:27Alors le fin mot quand même que je tire, impression de lecteur de votre ouvrage, c'est
07:32que le vice et la vertu ne sont pas toujours là où on les croit.
07:37C'est-à-dire qu'en fait quand on regarde, on jette un premier regard, on a l'impression
07:44que dans les belles maisons, les bons quartiers, les quartiers huppés, c'est là qu'il y a
07:48la vertu et que dans les squats, les bas fonds, c'est là-bas que se cultive le vice.
07:55Votre roman tend à nous montrer le contraire.
07:58Pourquoi ce choix?
08:00Parce que la vie, pour le peu de temps que j'ai vécu, je pense qu'on a tous pu voir
08:07des situations dans lesquelles on trouve plutôt la solution du côté où on ne l'attendait
08:11pas du tout.
08:12Où quelqu'un va nous surprendre, je dis maintenant je n'aurais jamais pensé que lui
08:16pouvait m'aider.
08:17Ah tel voisin!
08:18Ouh là là!
08:19Mais pour aller chez lui, c'est tellement compliqué d'entrer.
08:21Puis on se rend compte que c'est le voisin le plus gentil.
08:24Le roman s'amorce par notre Joël Dimas, c'est ça?
08:29Oui, Joël Dimas.
08:30Qui va à la recherche du travail, il va croiser une dame qui est dégé, voilà, et lui dit
08:39qu'il est lauréat, journaliste et tout ça et il veut le boulot.
08:44Et vous vous amorcez ça pourquoi?
08:46Parce qu'on a l'impression que le raconteur, le narrateur est figuré en journaliste.
08:53Non, je pense que c'est juste pure coïncidence et si vous vous y êtes reconnu un tout petit
08:59peu, moi ça me donne déjà des bons points parce qu'il faudrait que tout le monde puisse
09:03se reconnaître.
09:04Oui mais le kit qu'il a, il a quand même une caisse là où il y a du matériel de
09:08tournage.
09:09Oui mais il a gagné à son concours.
09:13International.
09:14Ah il est international le concours, ça donne encore plus d'envergure à notre personnage.
09:20Donc lorsqu'il va à la recherche de ce travail, il va avec tout ce qu'il a, avec
09:25tous ses diplômes, tout ce qu'il a pu déjà gagner par son génie et surtout c'est sur
09:31ce matériel là qu'il compte.
09:33Sauf qu'il va avoir un renversement.
09:36En fait lui vient chercher le boulot et vous l'amenez à découvrir, à l'épreuve son
09:43travail, il sortira de ce bureau et fera des rencontres.
09:46Une rencontre importante de trois personnages qui lui donnent l'impression d'être des
09:54gens dangereux.
09:55Mais c'est autour de ça qu'on va se tourner, va se nouer l'histoire, l'intrigue.
10:01Exactement.
10:02Et parmi ces trois personnages, il y a donc Al Moyan.
10:06Le fameux Al Moyan.
10:07Le chef de gang, voilà, le chef de gang dans l'esprit de notre lauréat.
10:14Al Moyan qu'on découvre au troisième chapitre, c'est ça, et vous avez une particularité
10:23dans le style, c'est ce que M.
10:25Le Boum appelle l'écriture chorale.
10:27On découvre chaque personnage avec une immense densité d'informations.
10:37Il y a Al Moyan qui apparaît.
10:39Qui est-il?
10:40Et on découvre qu'il était un étudiant en anthropologie.
10:43La suite, c'est quoi?
10:44Mais la suite, c'est qu'il n'a pas pu arriver au bout de ses études parce qu'il y a eu
10:49des remous dans son université.
10:52Et je pense que ça aussi, ça parle à tous les étudiants d'une certaine époque, quels
10:59que soient les pays.
11:00Voilà, et c'est ce côté dense des aventures qui arrive à chacun de ces personnages-là
11:08qu'on ne peut pas limiter à un lieu précis, à une histoire.
11:13Mais il y a quand même un prétexte parce que moi, je me retrouve, j'étais étudiant
11:16à Goycelles à ce moment, et quand on parle d'Abraham.
11:20Oui, après, il faut des ingrédients pressés pour saupoudrer, vous savez.
11:27Vous assistez sur ces moments conflictuels entre étudiants et puis le gros camion de
11:36la police qui vient déverser ses hôtes.
11:38Tout à fait, et je pense que tous les étudiants au Cameroun des années 90, 91, 92, devraient
11:51se reconnaître s'ils ont vraiment été à l'université.
11:55Donc un moyen est là, il est parti de là et vous nous montrez pourquoi il se retrouve,
12:01enfin le raconteur nous montre comment il se retrouve dans la rue là, en situation.
12:07Il y a une peur bleue quand même chez Joël Lima, c'est qu'il a peur d'être embarqué
12:15par les enfants sans foi ni loi.
12:18Il y a un monsieur de la vingtaine qui entraîne des tout-petits et il a l'impression d'être
12:25embarqué dans un groupe.
12:27Il y a chez vous une technique qui pousse le lecteur à avoir peur à la place même.
12:36Tout à fait, parce que parfois la peur est contagieuse.
12:40Je ne sais pas si vous avez vécu des situations où vous ne savez pas pourquoi vous avez peur,
12:43mais vous avez peur parce que vous avez l'impression que tout le monde a peur.
12:47Parfois on se retrouve à courir sans savoir pourquoi on court.
12:51On court après ceux qui courent.
12:54Donc Joël Lima a devant lui Al Moyan et deux enfants.
12:58Il a l'impression qu'ils vont l'amener vers le lac municipal.
13:04On ne s'est pas dit le lac municipal, mais c'est tout comme pour se faire étrangler,
13:10progressivement ils se posent des questions.
13:14Après Al Moyan, on découvre Jeff et Clark.
13:18Quels sont les gens qui constituent le petit groupe d'Al Moyan, ces deux enfants dont
13:27on va découvrir les histoires personnelles et on comprendra à travers les récits qui
13:33sont faits à longueur de page que parfois les enfants qui font la rue, qui sont enfants
13:40de la rue ou enfants dans la rue, les spécialistes se font ces différences, que l'origine c'est
13:46leur famille.
13:47Commençons par Jeff.
13:49Alors, Jeff lui c'est un enfant des beaux quartiers, le genre d'enfant que les autres
13:58enfants envient, le genre d'enfant que les autres enfants admirent et ils admirent parce
14:05qu'ils ne voient que tout ce qui est extérieur.
14:08Oui, le clinquant.
14:09Le clinquant, tous les, comment on va dire ça.
14:14La bonne vie évidemment.
14:16Voilà, tout à fait, on voit l'opulence, on se dit lui n'a besoin de rien, mais alors
14:22qu'il a besoin de l'essentiel.
14:24Il y a un mal-être chez cet enfant.
14:26Exactement, parce qu'il se sent mal aimé, il déborde de trop d'attention sur des choses
14:33dont il n'a pas vraiment besoin.
14:35Notamment le grand écran.
14:37Exactement, tout est grand, tout est gros chez lui, tout est, à un moment même il
14:42dit que sa mère avait une grosse bague et que peut-être parce que voilà, tout était
14:49gros, voilà.
14:50Donc en fait lui, il est en hyper affection, hyper affectivité, il a tout, mais il n'a
14:58pas l'essentiel.
14:59Il n'a pas l'essentiel, je ne sais pas.
15:01L'essentiel c'est quoi, c'est la présence des parents, la présence chaleureuse.
15:06Une présence, à mon sens, je ne suis pas là pour juger les parents ni rien, vous avez
15:11parlé de l'hyper affectivité, il n'y a pas, moi je dirais de l'hyper, je ne sais pas,
15:16de l'hyper protection, de l'hyper, je ne sais pas.
15:19Ou alors il y a trop de choses, mais il n'y a pas l'amour.
15:21Il y a trop de choses autour de lui que les autres, notamment les parents, et voilà,
15:26les parents jugent utile, nécessaire, mais dont lui n'a pas vraiment besoin.
15:33Enfin les parents transfèrent sur lui leurs goûts, qui ne sont pas les goûts de l'enfant.
15:39Non seulement ce ne sont pas les goûts de l'enfant, mais là je ne veux pas aller comme
15:43un professeur de lettres, ce ne sont pas des goûts de l'enfant, ce ne sont pas non plus
15:48des goûts d'enfant.
15:49Ok, c'est bien, mais je vais vous suivre aussi.
15:53Ce qui est pris pour les parents pour le bonheur de l'enfant, mais va le conduire plutôt
16:01dans les égouts.
16:02Alors lui, il va préférer les égouts, le goût des égouts, parce que tout à coup,
16:07le tout à l'égout a du goût, puisqu'il va partir de la maison.
16:11Voilà, et il part, il dit qu'il en avait, que c'était trop.
16:18Il en avait marre.
16:20Voilà, je ne voulais pas le dire le mot.
16:22Donc il part pour la rue.
16:24Voilà.
16:25Là c'est Jeff.
16:26Ensuite il y a Clark, tout à l'opposé.
16:28Il y a Clark qui est né d'un amour passager, grossesse non désirée, enfant non désiré.
16:38Et puis par contre, lui, il a reçu beaucoup d'amour.
16:42Sa mère, fille seule, a assumé et elle a pu trouver un mari.
16:51Alors lui, il sort plutôt d'une famille très aimante, une famille normale, comme on peut en trouver.
16:59Et lui, il a plutôt peur de faire souffrir ses parents.
17:04Donc lui, il part, on va dire, par amour.
17:08Pour protéger ses parents.
17:10Voilà, exactement.
17:11Parce qu'il serait né, il serait un peu un problème pour d'autres.
17:15Alors il vaut mieux que je parte pour ne pas...
17:17Pour ne pas gêner.
17:18Pour ne pas gêner ses parents qui me donnent tant d'amour.
17:21Ils ne méritent pas.
17:22Et surtout là, apparaît encore l'image de la belle famille qui peut s'introduire dans des foyers et chercher à résoudre des problèmes.
17:34D'une introduction pernicieuse.
17:36Exactement, tout à fait.
17:37Alors, donc on a ici brossé le portrait des trois.
17:41Il se trouve que Joël Nima, qui a son trousseau de journaliste qui est appâté par eux, craint d'être en présence des gens d'un gang.
17:54De vrais bandits.
17:56Oui.
17:57Alors, on va découvrir que le vice est plutôt en ville, dans le crinquant.
18:05Mais là où les enfants s'en vont, dans le squat là, il y a la vice.
18:11Alors comment est-ce que vous construisez ça ?
18:13Décrivez-nous d'ailleurs ce qu'il y a derrière les immeubles.
18:18Là où il va être amené.
18:20Alors, là où il va être amené, ça va d'abord lui paraître tout drôle.
18:24Parce qu'il connaît la ville.
18:28Et on lui parle d'un quartier dont il n'a jamais entendu parler, derrière les collines.
18:33Mais c'est le nom du quartier.
18:35Et ça montre aussi qu'il n'a pas eu un effort de recherche derrière les collines.
18:41Oui, mais aucun lieu ne s'appelle derrière les collines.
18:45Voilà, donc on comprend que ça s'est construit tout seul.
18:48Et que, pour le fait, lui justement n'avait jamais entendu parler de ça.
18:53Donc il y va, avec la même peur, la même hésitation.
18:59Mais en même temps, ce trio cornu a quelque chose de charmant qui l'attire.
19:07Et il se dit, bon, je vais aller voir.
19:11Et ce qui est très surprenant, et qui surprend même le narrateur, tout le monde,
19:16c'est qu'à un moment il dit, je viens avec vous.
19:19Vous êtes de ma famille, vous êtes mes frères.
19:21Qui est rassuré ? Alors qu'est-ce qu'il trouve ?
19:24Il va trouver un endroit propre.
19:28Il va trouver un endroit organisé.
19:32Il va trouver un monsieur d'un certain âge.
19:37Le vieux ?
19:38Le vieux.
19:39Qui joue son rôle de guide, sans chercher à savoir qui est qui, qui vient d'où.
19:48Et pourquoi il vient.
19:49Et pourquoi il vient.
19:50Dispensateur de valeurs. Sacro-sainte.
19:54On peut le dire comme ça ?
19:55Oui. Oui, oui, oui.
19:58C'est-à-dire que c'est derrière, dans l'arrière-cuisine, dans le squat, dans ces milieux abandonnés.
20:03D'ailleurs, c'est un lieu qui était abandonné, non ?
20:05C'est un lieu qui était abandonné, un ancien marché,
20:09où la municipalité a décidé de raser le marché pour aller construire un nouveau marché.
20:18Et il y a eu toute une histoire, parce que le vieux avait payé pour avoir un magasin dans le nouveau marché,
20:26mais le magasin ne lui a pas été restitué selon les termes qui avaient été conclus.
20:32Et puis il y a eu une embrouille, et le vieux n'a jamais déménagé pour aller s'installer dans le nouveau marché.
20:40Et du coup, il a réaménagé l'espace.
20:44Du coup, c'est un squat.
20:46C'est un squat, sauf que ça abonde de vie.
20:50Il y a les valeurs qu'il n'y a pas en ville, dans les endroits qui sont des endroits recommandés.
21:00Le contraire de ces valeurs, ou alors les vraies valeurs, c'est à l'endroit qui est redouté.
21:07Tout à fait. Et ces valeurs sont gardées par le vieux.
21:12C'est un coup de fouet que vous prenez pour dire aux gens,
21:16mais écoutez, le monde a inversé les choses, c'est beaucoup plus l'avoir que l'être.
21:24C'est surtout une sonnette d'alarme, oui, parce qu'on en arrive à des situations aberrantes,
21:36où on se rend compte que c'est plus ce que l'on a, ou ce que les gens croient avoir,
21:43qui va permettre qu'on s'approche de tel ou de tel autre,
21:48ou qu'on exclue tel ou tel autre, parce que lui n'a pas.
21:51Donc l'avoir est en train de nous étouffer.
21:55Alors que nous sommes des personnes bien fréquentables.
21:59Alors que le bonheur peut se trouver, là on ne le croit pas,
22:01c'est-à-dire qu'il y a des endroits qui ne sont peut-être pas fameux,
22:05mais il fait bon vivre là-bas.
22:07Exactement.
22:08Et c'est cette fraîcheur-là que Joël Nima va trouver derrière les collines.
22:12Et pendant qu'ils font le tour des entrepôts,
22:16parce que le vieux est fier de montrer son territoire,
22:21les petits-enfants, Jeff et Clark justement, vont apprêter des chaises,
22:28ils vont improviser quelque chose qui va permettre de s'asseoir et de mener la causerie.
22:33Alors que quand ils étaient dans la grande ville, ils marchaient, ils étaient debout,
22:38ils étaient plutôt menacés par la grande foule,
22:41et puis par le mouvement même de leurs aventures.
22:45Comment on construit un tel roman ?
22:47Alors j'ai l'impression, d'ailleurs j'ai souligné, je ne sais plus à quelle page là,
22:54au niveau de l'écriture, vous avez une manière propre à vous de mélanger,
23:00de donner l'impression que c'est plusieurs histoires qu'on va construire à partir d'un fil conducteur.
23:08L'intérêt d'écriture c'est passé comment ?
23:11Alors, ça s'est passé par plusieurs étapes,
23:17à plusieurs moments, parce que le manuscrit fait partie de mes plus vieux manuscrits
23:23que j'ai transportés à travers des années, au fur et à mesure de mes différents déplacements.
23:29Donc parfois je croyais avoir terminé une partie, je la déconstruisais totalement
23:36parce que j'avais vu autre chose ou parce que je voulais donner une autre allure au roman.
23:42Ce qui est sûr c'est que ça ne s'est pas fait d'un trait.
23:45En page 41, vous pouvez ouvrir la page 41 là, comme ça on va voir le premier paragraphe ou les deux premières phrases.
23:56Vous pouvez lire ?
23:58Almoyan a une manière particulière de raconter les choses.
24:02Il ratisse large et pour le suivre, il faut rester attentif pour faire tous les liens nécessaires.
24:09Ce qui peut paraître comme une digression va bientôt servir à l'unité du récit.
24:16Voilà, alors vous êtes enseignante.
24:19Qu'est-ce que vous êtes en train de nous enseigner ici ?
24:22C'est qu'on peut faire une belle histoire bien troussée de briques et de brocs.
24:31On prend des éléments.
24:33C'est un peu l'art de dire des choses sensées à partir d'un divers.
24:39Exactement. Buffon disait que le style c'est l'homme.
24:43Et ça, je ne sais pas, je ne trouve pas les mots pour l'expliquer.
24:48J'ai envie de dire que ça ne s'explique pas.
24:50C'est votre style.
24:51C'est peut-être mon style.
24:53Les personnages vous sont venus comment ?
24:56Est-ce qu'on a d'abord une petite histoire ?
25:00On a un personnage clé, Almoyan par exemple.
25:03Et puis au fil du temps, la nécessité fait qu'on fasse advenir ou qu'on amène à l'existence Clark et Jeff.
25:12Au départ, moi j'avais Almoyan et Abraham.
25:16Je me disais qu'est-ce que je vais en faire ?
25:19J'ai hésité parce qu'en même temps, il faut rester dans son couloir.
25:22Je me suis dit que je ne vais pas écrire pour témoigner.
25:26Je ne voulais pas que ce soit un témoignage.
25:29Je ne voulais pas non plus marcher sur les plaques-bandes d'autres spécialistes.
25:34Puis je me suis dit que je suis professeure de lettres, tant qu'à faire, allez, on va faire un roman.
25:40C'est quoi votre signe de ponctuation le plus préféré ?
25:44Mon signe de ponctuation préféré, c'est le point d'exclamation.
25:50Pourquoi ?
25:51Parce qu'il permet d'exprimer tout plein d'émotions.
25:56On peut s'exclamer parce qu'on a peur, parce qu'on est content.
26:02Le point d'exclamation, je trouve que la vie est une exclamation.
26:09Merci beaucoup d'être venu partager avec nous quelques instants de lecture.
26:15Parce qu'on ne déflore pas, ce n'est pas le but de tout lire.
26:18Il faut laisser chaque téléspectateur, lecteur, auditeur, à chacun le soin de s'émerveiller ou de s'inquiéter à travers la lecture.
26:28On dit souvent que l'auteur a 50% de lecteurs, 50% d'autres.
26:33Merci d'être venu Madame.
26:35C'est moi qui vous remercie en incitant le grand public.
26:40Je pense que sans prétention aucune, mais je pense que tout le monde peut se reconnaître à travers Al Moya.
26:47Al Moya, merci.
26:49C'était Ponctuation sur la CRTV.
26:52A mardi prochain.