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00:00Nous sommes dans votre dernier rendez-vous. Derrière l'image, on prend le temps de décrypter l'info à partir de photos qui font sens.
00:06Et nous vous parlons aujourd'hui de ces tentatives d'ingérence russe menées en France ces dernières semaines.
00:11Beaucoup de médias ont alerté sur les ingérences numériques de réseaux pro-russe, sur les Jeux olympiques, l'Ukraine,
00:17mais aussi évidemment récemment sur les législatives anticipées françaises.
00:21Mais à quoi ressemblent-elles concrètement et que peut-on dire de leur impact réel sur le vote français ?
00:27On en parle avec vous Nathan Gallo. Bonjour.
00:29Bonjour.
00:29Membre de l'équipe des Observateurs de France 24.
00:32Alors, vous êtes journaliste aux BZOPS, vous avez suivi de très près ces tentatives d'ingérence ces dernières semaines,
00:38ces derniers mois. C'est évidemment pas nouveau.
00:40Vous arrivez une photo en main, un cliché en main. Expliquez-nous de quoi il s'agit exactement.
00:45Oui, bien sûr. Alors juste en amont, peut-être expliquer que nous, aux Observateurs,
00:48on a fait une veille active ces dernières semaines justement pour pouvoir réagir en cas d'opération numérique pro-russe virale, etc.
00:56Et ce qu'on peut dire, c'est qu'on a certes observé une accélération de ces tentatives d'ingérence dans le débat public.
01:02On pense notamment à de faux contenus qui usurpent l'identité de médias ou d'organisations, on va en parler.
01:09Mais ce qui est intéressant de dire dès le départ, c'est qu'il ne semble pas y avoir eu d'impact concret sur ces élections.
01:16Ce que vous voyez ici, c'est une capture d'écran d'un faux site qui a usurpé l'identité du site de la coalition présidentielle Ensemble.
01:23Alors ce site, il est apparu avant le premier tour des législatives et il reprend en tout point les codes visuels du vrai site d'Ensemble.
01:31On y voit même les visages de certains candidats, Stanislas Guérini notamment.
01:36Et le problème, en fait, c'est que c'est un faux site.
01:39Comme on le voit, l'URL du faux site est légèrement différente de celle de la coalition présidentielle.
01:44Donc ici, le faux site Ensemble-2024 et le vrai Ensemble-2024.
01:49Je me suis trompé, Ensemble-24 pour le faux site et Ensemble-2024.
01:52Si vous vous y trompez.
01:53Voilà, exactement. C'est compliqué et il faut s'accrocher.
01:56Et donc, ce qui est intéressant, c'est de voir que dans le corps de ce site se loge une intox.
02:02Et comme on peut le voir à l'écran, cette intox, elle indique « Votez pour nos candidats et recevez la prime de Macron d'un montant de 100 euros ».
02:10Alors cette prime, elle est évidemment fausse et on ne la retrouve pas dans la vraie version du site.
02:15Bon, c'est quand même assez surprenant, cette invitation. Est-ce que cette intox a été vue ?
02:20On imagine que oui, mais est-ce qu'elle a été partagée ?
02:22Alors, c'est en tout cas ce qui a été visiblement espéré.
02:24Ce qui est intéressant, c'est que pour donner de la visibilité et de la crédibilité à ce faux site,
02:30l'opération de désinformation pro-russe, ici, elle a créé un réseau de faux sites d'actualité francophone.
02:36Alors ici, vous allez voir un site qui s'appelle « France en colère » et qui est présenté comme un site d'actualité.
02:43Vous pouvez voir, il a tous les rubriques, etc. On peut se dire que c'est un vrai site d'actualité.
02:48Et en fait, ce qui est intéressant, c'est que ce site, il publie le 26 juin cet article.
02:52« Macron promet aux Français 100 euros en cas de vote pour la majorité présidentielle ».
02:56Alors en fait, ce qui est intéressant, c'est qu'il s'avère que lui aussi est un faux site,
03:00qui est issu d'un réseau de désinformation pro-russe récent et qui s'intitule « Copycop ».
03:04On y reviendra, mais on voit bien ici une complexification de ces opérations.
03:08Mais ce qui est intéressant, c'est surtout de voir que malgré cette tentative de donner du crédit à cette intox,
03:13on voit qu'elle a eu un écho très limité au-delà des sphères pro-russes.
03:17Bon, ça n'a visiblement pas fonctionné pour cette intox.
03:20Ce n'est pas la seule intox poussée par des réseaux pro-russes lors de ces élections, forcément.
03:24Oui, bien sûr. On a assisté quand même à une intensification de ce type d'opérations depuis le printemps 2024,
03:30notamment avec les prises de position d'Emmanuel Macron sur l'Ukraine et avec les législatives.
03:35Ce sont des dizaines d'autres faux contenus qui ont été produits et relayés par ces réseaux de désinformation pro-russes.
03:41Alors le dernier exemple en date, c'est ce week-end, en pleine entre-deux-tours,
03:45plusieurs tweets qui interpellent des médias et des comptes de fact-checking sur X, donc X Twitter,
03:50pour leur demander de vérifier 4 prétendues vidéos qui auraient été diffusées par des médias français.
03:55Alors en fait, ce sont en réalité 4 faux reportages qui reprennent les logos de RFI, de TF1, de France 24, ici, et du Figaro,
04:04alors on peut regarder par exemple celle du Figaro, qui est intéressante pour nous,
04:08c'est une séquence qui reprend les codes visuels du média et son logo.
04:12Et on y lit qu'un couple d'homosexuels aurait tenté, je cite, d'incendier Notre-Dame de Paris
04:16pour protester contre la victoire de Marine Le Pen au premier tour des élections législatives.
04:21Alors cette vidéo, elle n'a jamais été produite ni diffusée par Le Quotidien,
04:25et elle est issue d'une opération pro-russe particulière qui s'appelle Matryoshka.
04:28On y reviendra aussi, mais ce qu'il faut préciser aussi, dès à présent,
04:32c'est que la viralité d'un tel contenu est quasiment nulle.
04:35Alors, CopyCop, Matryoshka, il y a plusieurs noms comme ça qui circulent,
04:39malgré les différents noms, ce sont les opérations des informations aux pratiques assez similaires.
04:43Et bien sûr, ce type d'opération, en fait, il s'appuie souvent sur des mécanismes assez proches, finalement,
04:48à savoir production de fausses informations, généralement de fausses vidéos, de fausses sites, etc.
04:54Et ensuite, tentatives de diffusion, de propagation, sur les réseaux sociaux,
04:58via des chaînes Telegram pro-russes, des relais Influence sur X, ou encore des réseaux de bottes.
05:03Les observateurs utilisent tout de même des noms bien spécifiques pour différencier et caractériser ces différentes opérations.
05:09Oui, exactement. Donc, on a parlé de CopyCop, de Matryoshka, il y a aussi Doppelganger.
05:13Il faut, en effet, quand même un peu distinguer chacune de ces opérations,
05:16parce qu'elles ont des pratiques assez spécifiques et des origines un peu différentes.
05:19Alors, la plus connue et la plus documentée, c'est Doppelganger.
05:23Donc, ça veut dire double maléfique en allemand.
05:26Et depuis 2022, cette opération, qui est dirigée à l'origine par deux entreprises russes proches du Kremlin,
05:32elle a un objectif principal, c'est de pousser un narratif pro-russe, anti-occidental,
05:37en usurpant l'identité de médias français, allemand, etc., grâce à ce qu'on appelle des sites miroirs.
05:43Et donc, cette opération, elle a pris de l'ampleur ces derniers mois, avec la création de sites miroirs
05:47qui reprennent l'identité de médias comme Le Parisien, comme Le Point, par exemple,
05:51et qui ont poussé de faux articles sur la campagne des législatives,
05:55mais aussi, plus globalement, sur le contexte politique en France ou encore sur la situation en Ukraine.
05:59Alors, il y a une autre opération qui est documentée depuis septembre 2023.
06:03J'en ai parlé brièvement, c'est l'opération Matryoshka.
06:06Elle est aussi appelée parfois Overload.
06:08Overload, ça veut dire surcharge en anglais.
06:10Et son but, il est simple, c'est d'interpeller les fact-checkers en ligne pour les pousser à vérifier des intox.
06:15Et en fait, avec l'objectif, finalement, de saturer, de surcharger les services de fact-checking,
06:20de demandes de vérification.
06:22Par exemple, l'organisation Check First a souligné dans un rapport publié en mai
06:26que plus de 800 organisations et médias ont été visées par cette opération.
06:31Alors, ici, de quel type d'intox on parle ?
06:33Concrètement, c'est généralement de fausses vidéos web qui usurpent l'identité de médias français.
06:38Donc, vous vous souvenez, par exemple, de la vidéo du Figaro
06:41et des tweets qui demandaient à des comptes de fact-checking de vérifier ces images.
06:47Eh bien, ici, ce type d'interpellation, il est typique des méthodes de l'opération Matryoshka.
06:51Qu'est-ce qu'on sait aujourd'hui des fausses sites d'actualité comme France Aux Colères qu'on a vu tout à l'heure ?
06:56Alors, ce qui est intéressant, c'est que ce fausse site, il fait partie d'une autre opération qui s'appelle CopyCop.
07:02Donc, l'objectif de CopyCop, j'en ai parlé, parfois, elle s'appelle False Facade.
07:05C'est bien aussi de donner les termes, comme ça, les téléspectateurs peuvent s'y retrouver.
07:09Mais l'objectif, c'est de créer de fausses sites d'actualité destinés à propager de fausses informations.
07:14Alors, plusieurs de ces fausses sites d'actualité francophones,
07:17ils ont été documentés ces dernières semaines par l'entreprise spécialisée en cybersécurité américaine qui s'appelle Recorded Future.
07:24Et donc, ce que Recorded Future a démontré, c'est qu'il y a plusieurs médias, plusieurs fausses sites d'actualité.
07:30On pense à Médias Alternatifs, par exemple, ou à Vérité Cachée, France, qu'on voit ici à l'écran.
07:36Donc, ce qui est intéressant, c'est qu'on voit des articles avec des sujets sur l'actualité politique française, notamment.
07:44Et en fait, pourquoi est-ce qu'on dit que ce sont des faux sites ?
07:47Parce que la plupart de ces articles présents sur le site ne sont là que pour donner un aspect un peu crédible, on va dire, à ce site Vérité Cachée.
07:55Mais en fait, ces articles-là, pour la plupart, ils sont générés par Intelligence Artificielle.
07:59Pour faire simple, ils reprennent et plagient les contenus d'autres médias à partir d'outils conversationnels comme ChatGPT, par exemple.
08:06Et en fait, comment on le sait ? C'est assez simple.
08:08Parce que ces sites, ils sont un peu au design rudimentaire, et ils laissent parfois des traces dans le titre, dans le texte,
08:15de réponses classiques de ces agents conversationnels comme ChatGPT.
08:19Voilà, on peut le lire par exemple avec ce titre.
08:21« Voici un titre court pour le corps de l'article donné. »
08:24Donc voilà, une réponse classique d'un agent conversationnel comme ChatGPT à une requête précise.
08:29Revenons-en à la question majeure qu'on se posait au début de cette chronique.
08:33Est-ce que ces intox ont eu un impact sur le vote de dimanche dernier ?
08:38Alors justement, c'est là qu'il faut faire la différence entre ces tentatives d'ingérence,
08:42qui sont nombreuses, complexes, hétérogènes, et la réception par le public de ces fausses informations.
08:48Ce qui est intéressant, c'est que dans son rapport, qui a été publié quelques jours avant le premier tour,
08:52l'entreprise Recorded Future a précisé que ces opérations d'influence malveillante ont été, je cite,
08:57« très peu susceptibles d'affecter l'élection elle-même ».
09:01Et donc c'est un constat que nous pouvons faire, nous aussi, en tant que journalistes, en tant que fact-checkers,
09:06après la fin du second tour. Cette semaine, nous, comme nos collègues fact-checkers en France,
09:11nous n'avons pas repéré d'intox issu de ces opérations pro-russes qui auraient pu avoir un impact
09:15non négligeable sur les législatives et sur le vote.
09:19Et en fait, ce qui est intéressant, c'est que ce qu'ont rappelé plusieurs spécialistes ces derniers jours,
09:23après l'apparition d'une étude du chercheur du CNRS qui s'appelle David Chavalarias,
09:28qui a publié une étude au lendemain du premier tour.
09:30Ce chercheur est connu pour son livre « Toxic Data, comment les réseaux manipulent nos opinions »
09:35et il a alerté dans un article de recherche sur l'impact de cette désinformation sur la société française.
09:41L'étude, ce qui est intéressant, c'est qu'elle a créé un débat au sein de la communauté scientifique
09:44et plusieurs chercheurs et spécialistes de la désinformation russe ont appelé à ne pas surestimer
09:49l'influence supposée du Kremlin sur les opinions de la société française.
09:54On peut citer notamment Kevin Limonier, quid de l'impact sur l'électorat.
09:58Donc Kevin Limonier qui est chercheur à l'Institut français de géopolitique
10:01ou encore même critique chez Maxime Audinet, chercheur à l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire l'IRSEM,
10:07qui indique « les travaux réalisés depuis 2016 sur l'influence vont plutôt dans le sens d'un effet au mieux très limité
10:14de la plupart de ces opérations ».
10:16Alors ce qui est intéressant, c'est que nous, aux observateurs, on a aussi interrogé un autre chercheur
10:21qui s'appelle Colin Gérard et qui est chercheur à l'Institut français de géopolitique
10:24et il est spécialiste des ingérences russes et il confirme évidemment ce constat.
10:28Ce qu'il nous explique, c'est que la Russie a bien intérêt à ce que des courants populistes en Europe
10:33qui sont plus favorables à ces intérêts stratégiques soient au pouvoir
10:37et que ces opérations d'ingérence numérique s'inscrivent dans cet objectif.
10:42Et là, je cite Colin Gérard, « ce n'est pas pour autant que l'on peut dire que les scores des législatives
10:47ou des européennes sont dus aux ingérences russes ».
10:50Alors ici, le sujet, il n'est pas de sous-estimer l'influence de telles opérations,
10:55mais ce que nous disent ces chercheurs et ce que nous, on observe aussi en tant que journalistes,
10:59c'est qu'il est nécessaire de rester mesuré dans l'impact de ces campagnes sur notre société.
11:03Et ce qu'il faut dire, c'est que ces dernières semaines, nous avons repéré certes des dizaines d'intox
11:07poussées par ces opérations sur les législatives et sur d'autres sujets,
11:10mais aucune d'entre elles n'a eu une viralité pouvant laisser supposer un impact réel sur les résultats des législatives.