Lucie Castets, porte-parole et co-fondatrice du collectif Nos Services Publics, pour le poste de Première ministre. Elle avait été découverte par le grand public après un passage remarqué dans l’émission C ce soir durant un débat dédié au scandale des cabinets de conseil face à l’ancien ministre de la Fonction publique, Stanislas Guérini.
Diplômé de Sciences Po et de la London School of Economics, ancienne élève de l’ENA, elle a décroché son premier poste à la direction générale du Trésor avant de rejoindre Tracfin, la cellule anti-blanchiment de Bercy. Après les échecs Huguette Belo et Laurence Tubiana, Lucie Castets pourrait rassembler la gauche et rejoindre Matignon.
Diplômé de Sciences Po et de la London School of Economics, ancienne élève de l’ENA, elle a décroché son premier poste à la direction générale du Trésor avant de rejoindre Tracfin, la cellule anti-blanchiment de Bercy. Après les échecs Huguette Belo et Laurence Tubiana, Lucie Castets pourrait rassembler la gauche et rejoindre Matignon.
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00:00J'entends le ministre qui dit que ça n'est pas mal, et vous le dites aussi, et je peux être d'accord avec vous, que ça n'est pas mal d'aller chercher des compétences à l'extérieur sur le principe, je suis bien d'accord, lorsqu'elles n'existent pas au sein de l'État.
00:10La question est, d'abord, avant de dire cela, est-ce que c'est normal que cette compétence n'existe pas au sein de l'État ? Parfois oui, parfois non.
00:18Je ne suis pas avec vous.
00:19Souvent, cela n'est pas normal. Et vous, d'ailleurs, on va y revenir, vous avez dit que vous réinternalisiez des compétences.
00:23Pourquoi on en est arrivé là ? On en est arrivé là, je dirais, pour deux raisons principales.
00:27La première, c'est qu'on a gravé dans le marbre des instruments de finances publiques qui ont conduit, petit à petit, à contraindre considérablement l'emploi public et la dépense publique.
00:35Et donc, progressivement, on a perdu des fonctionnaires dans la fonction publique d'État, notamment.
00:40On en a perdu 180 000 entre 2006 et 2018, c'est important, c'est important de le noter.
00:46Et progressivement, à mesure qu'on perdait des fonctionnaires, on a été chercher des cabinets de conseil, donc il y a vraiment un remplacement.
00:52Et d'ailleurs, c'est quand même assez paradoxal de constater que le cabinet de conseil coûte très cher, plus cher que le nombre de fonctionnaires qu'on a supprimés.
00:59Et ensuite, vous dites que vous réinternalisez la compétence.
01:02Je pense que, par ailleurs, vous régulez le recours au cabinet de conseil.
01:05Je pense que la question n'est pas tant la régulation au recours au cabinet de conseil, mais la question de ce qu'on veut pour l'État.
01:13Or, vous dites que vous réinternalisez la compétence dans les domaines qui en ont le plus besoin.
01:17Vous dites qu'on fait appel à des cabinets de conseil sur la transition écologique.
01:20Dans le PLF, aujourd'hui, on propose la création de 27 postes sur la transition écologique, 14 postes sur la transition énergétique.
01:29Comment peut-on parler de réinternalisation de compétences dans ce contexte ?
01:32PLF, j'ai le droit de finance, parce que sinon, on va perdre...
01:34Oui, oui, je ne veux pas...
01:36Stanislas Guenry, je vais vous redonner la parole juste après.
01:38Je voudrais juste qu'on entende Mathieu Courtecuys, puisqu'on parle de cabinet de conseil.
01:41Vous avez fondé un cabinet de conseil, on parle de compétences.
01:44Est-ce que, très concrètement, vous pouvez nous raconter ?
01:48Est-ce que vous, vous conseillez des grandes administrations, des ministères avec votre cabinet ?
01:53Et si oui, sur quelles compétences, quelle est la plus-value que votre cabinet peut apporter par rapport à des agents du public ?
02:00D'abord, on assiste surtout à des entreprises privées, parce que la part du secteur public dans notre industrie est extrêmement faible.
02:07C'est de l'ordre de 10 %. Dans d'autres pays, en Europe ou aux États-Unis, c'est beaucoup plus.
02:13Mais en France, c'est relativement faible. Et dans les 10 %, en plus, ça intègre les collectivités territoriales.
02:18Donc, il n'y a pas que l'État, il y a aussi la fonction publique hospitalière et les collectivités territoriales.
02:23Nous, on intervient sur... Partiellement, il y a un besoin qui est exprimé.
02:27Donc, évidemment, la question, c'est qu'est-ce que l'État veut faire dans sa stratégie, dans son exécution,
02:32parce qu'on intervient et sur la stratégie et sur l'exécution. On intervient bien sur les deux niveaux.
02:37Moi, je note quand même que les effectifs de la haute fonction publique n'ont pas forcément baissé,
02:42parce que nous, on est en substitution théorique par rapport à la haute fonction publique,
02:46ou aux effectifs de catégorie A. Aujourd'hui, on a atteint, en proportion dans la fonction publique,
02:5254 % de catégorie A, si je parle sous votre contrôle.
02:57Donc, d'après les chiffres que j'ai vus aujourd'hui de l'INSEE, on est à 54 %.
03:01Donc, ça représente à peu près 900 000 personnes.
03:03Nous, les cabinets de conseil qui intervenons auprès de l'État, en effectif temps plein,
03:08ça représente entre 3 000 et 3 500 personnes.
03:11Si on intègre les collectivités territoriales et les hôpitaux, ça fait de l'ordre de 4 000 à 5 000.
03:15Si on y ajoute les informaticiens, ça fait 50 000,
03:18qui interviennent dans l'ensemble du spectre de l'État ou de la puissance publique,
03:24à comparer avec les 900 000 personnes dont on parle.
03:28Donc, on parle, nous, de 3 000 à 4 000 personnes sur le domaine de la stratégie,
03:32des ressources humaines et de l'organisation.
03:34Juste un exemple précis, dans quoi, par exemple, actuellement ?
03:37Là, il suffit de regarder le rapport du Sénat, qui a eu la vertu d'éclairer un certain nombre de choses.
03:40Le plus gros contrat qui est indiqué, c'est pour la gestion du parc des radars automatiques.
03:45Ah oui, d'accord.
03:46Donc, après, là, on peut avoir une question.
03:48Est-ce que c'est à l'État ? Est-ce que l'État doit l'externaliser ou le gérer en interne ?
03:54Parce que c'est une mission longue, en réalité.
03:55D'ailleurs, là, on dit appui ponctuel, etc.
03:58Mais c'est des contrats de plusieurs années, en réalité.
04:00Donc, là, la question, c'est les expertises qui sont nécessaires pour le mettre en œuvre.
04:04Et puis, donc, c'est une question dans la durée.
04:07De la même façon, quand l'État a eu besoin d'experts en politique vaccinale,
04:11de retour d'expérience dans d'autres pays,
04:13quand c'est une campagne vaccinale une fois tous les 10 ou 15 ans,
04:17on peut se poser légitimement la question de savoir
04:19est-ce que l'État a besoin, à demeure, de ces experts
04:22ou elle va les chercher le jour où elle en a besoin ?
04:25Mais je vous ai bien compris, M. Courtecuisse.
04:27Est-ce que vous n'êtes pas en train de dire que s'il y a des conseillers extérieurs aux services publics,
04:33c'est parce qu'il n'y a plus assez de fonctionnaires pour faire leur travail ?
04:36Ou est-ce que je vous ai mal compris ?
04:38Je pense qu'abord, l'État a des besoins qui évoluent dans la durée.
04:42Les attaques de cybersécurité dont on parlait juste à l'instant,
04:45il y a 10 ans, ce n'était pas forcément une menace systémique majeure.
04:48Après, la question, c'est l'attractivité de la fonction publique pour ces profils-là.
04:53Nous, dans nos équipes de la cybersécurité, on a des anciens hackers,
04:57on a un certain nombre de personnes.
04:59Évidemment, l'État peut recruter un certain nombre dans un certain nombre de services,
05:02mais pas, par exemple, pour tous les hôpitaux.
05:04Mais juste pour les radars, pourquoi les radars ?
05:07Sur les radars, il y a des sujets de technologie.
05:09Par exemple, vous avez des fraudes à la plaque d'immatriculation,
05:12vous avez des fraudes systématiques qui évoluent,
05:15donc il y a besoin d'experts en reconnaissance d'image.
05:18Il y en a énormément dans l'État, des gens qui savent faire ça.
05:21Écoutez, ça, je ne le sais pas, vous savez peut-être plus que moi,
05:25mais en tout cas, là, il a été décidé de l'externaliser.
05:27Donc, on peut se poser la question par rapport à un besoin.
05:30Mais nous, en fait, ce que je veux juste dire simplement,
05:32c'est que les consultants ne sont pas forcément des gens à soi fait de pouvoir.
05:36Nous, on est juste là…
05:37On ne le pense pas.
05:38Non, non, mais quand on évoque…
05:40C'est de venir vous chercher, c'est différent.
05:42Nous, citoyens, ce que ça veut dire ?
05:44Non, mais il y a un besoin qui est exprimé,
05:46et à l'État de réfléchir qu'est-ce qui est la façon la plus efficace ou efficiente
05:50pour répondre à ce besoin.
05:52Se priver par principe de compétences quand elles existent sur le marché,
05:56ça paraît, c'est une question, mais c'est une question d'ordre politique.
06:00Nous, on ne fait que répondre à des besoins qui sont formulés
06:03par la puissance publique dans l'ensemble de son spectre.
06:06Caroline Michel-Laguerre, vous avez des mots très forts dans votre livre.
06:10Vous parlez de « putsch » rampant, vous parlez de « suicide assisté » de l'État.
06:14Juste pour bien vous comprendre, on parle de quelles sommes dépensées par l'État
06:19et on parle de quels domaines de compétences qui, à vos yeux,
06:23ne nécessiteraient pas le recours ou ne devraient pas nécessiter le recours
06:27à des cabinets de conseil ?
06:28Justement, l'exemple de l'informatique, de la numérisation des services publics
06:32est très intéressant.
06:33Pour donner une enveloppe globale, le chiffre qui a été communiqué
06:39par la commission sénatoriale d'enquête était de 1 milliard d'euros par an,
06:45juste sur le périmètre des ministères.
06:48Donc c'est l'équivalent du budget du ministère de la Culture à peu près ?
06:51Oui, c'est un peu plus.
06:53Enfin, ça dépend si on prend à peu près.
06:56Mais 1 milliard d'euros par an…
06:59En fait, la question n'est pas tant celle du budget,
07:03même si 1 milliard d'euros par an, c'est très important.
07:06La question, c'est celle des compétences et de l'avenir.
07:09Parce qu'à chaque fois qu'on enlève une compétence à l'État,
07:13on ne la récupère pas plus tard.
07:15C'est-à-dire que c'est perdu une fois pour toutes.
07:17Lucie Castet l'a bien expliqué, on ne peut pas embaucher,
07:21on ne peut pas créer de postes au sein de l'État
07:23ou dans des proportions très réduites.
07:26Donc tout ce que vous externalisez comme compétences
07:29que vous confiez au cabinet de conseil, c'est une fois pour toutes.
07:32Et c'est pour ça que l'exemple de la numérisation des services publics
07:35est très intéressant.
07:37Parce qu'aujourd'hui, le nombre d'informaticiens dans la fonction publique,
07:41c'est 0,7%.
07:44C'est-à-dire qu'on a 5...
07:46Vous connaissez mieux les chiffres que moi,
07:48en tout cas c'est les derniers chiffres qu'on avait.
07:50On a 5 millions de fonctionnaires en France
07:52et on a quasiment personne capable de faire la numérisation
07:56des services publics,
07:58alors que c'est évidemment le défi de l'avenir.
08:02Et ça, c'est un choix politique.
08:04Et c'est un choix politique qui a été fait en amont.
08:07C'est-à-dire qu'on a choisi dès le départ
08:10de ne pas faire tous ces projets-là en interne
08:17et de les externaliser
08:19avec des projets qui ont été des fiascos
08:22à des centaines de millions d'euros.
08:25Là, on ne va pas rentrer dans des exemples trop concrets,
08:28mais tous les fonctionnaires de l'éducation nationale
08:31se souviennent de Sirène,
08:33qui a coûté, je crois, 350 millions d'euros.
08:36C'était un logiciel qui devait permettre
08:38de gérer la paie de tous les fonctionnaires
08:41de l'éducation nationale.
08:42Un million, ça n'a jamais marché.
08:44On a eu la même chose.
08:46Scribd, on a eu plein d'exemples.
08:48Pourquoi, quand nous sommes allés interroger
08:51les spécialistes du numérique,
08:53dont l'ancien patron d'Inum,
08:55le responsable du numérique dans l'État,
09:00il nous a dit que le problème, c'est qu'on n'a même pas
09:02les chefs de projet pour piloter.
09:04C'est-à-dire qu'on n'a même pas la compétence minimale
09:07pour piloter ces projets qui sont énormes.
09:12Donc, sur la numérisation en particulier,
09:15on n'a même pas la compétence minimale
09:17pour bien faire travailler les cabinets de conseil.
09:20Et il faut bien voir, juste pour finir...
09:23Je voudrais vous rassurer un peu.
09:25Juste pour finir, imaginez ce que ça veut dire.
09:29Vous vous dites, j'ai pris un cabinet de conseil
09:32pour faire mon logiciel.
09:33Je n'avais pas la compétence.
09:35C'est du one-shot.
09:37J'ai eu raison parce que mes informaticiens
09:39qui ont travaillé pendant quelques années
09:41sur ce logiciel, là, ils vont partir ailleurs, etc.
09:45Mais le problème, c'est que vous n'avez pas
09:47la clé de votre logiciel.
09:49Vous ne pouvez pas faire la maintenance
09:51puisque vous ne savez pas comment il marche,
09:53votre logiciel.
09:54Vous ne pouvez pas l'enrichir.
09:56Vous êtes un peu pied et point liés
09:58pour toute la vie du logiciel
10:00avec le prestataire extérieur.
10:03Donc, c'est des centaines de millions d'euros
10:05tout de suite et des centaines de millions d'euros
10:08après et sans la main sur l'avenir
10:10de votre service public et du service
10:12que vous allez rendre à l'usager.
10:14Je voudrais répondre parce que je pense
10:16que ce sont vraiment des bons sujets
10:18que vous posez là.
10:19En réalité, il y a deux sujets.
10:21Qu'est-ce qu'on fait pour, justement,
10:23mieux piloter le conseil ?
10:25Mieux l'encadrer, mieux le réguler,
10:27mieux capitaliser aussi pour les administrations
10:29pour pouvoir utiliser ce qu'on a fait
10:31quand on fait des dépenses au cabinet de conseil.
10:33Et là-dessus, je voudrais être très concret,
10:35il y a des sujets sur lesquels on progresse
10:37très fortement.
10:38On a mis fin à deux choses.
10:39En interne ?
10:40Non, pas qu'en interne.
10:41Avant, il y avait une règle
10:43où on ne pouvait pas forcément avoir le distinguo
10:45de qui tenait le crayon.
10:46C'est-à-dire, est-ce que c'était une recommandation
10:48d'un cabinet ministériel ou est-ce que c'était
10:50le prestataire de conseil ?
10:52On a mis fin à ça.
10:53Parce que, on peut peut-être expliquer,
10:55c'était anonysé le rapport du conseil.
10:57Qui écrit ?
10:58Est-ce que c'est une prestation
11:00qui vient d'un cabinet de conseil,
11:01qui est un conseil extérieur apporté
11:03à la décision ensuite du politique ?
11:05Ou est-ce que c'est le cabinet ministériel,
11:07un ministre ou quoi, qui prend cette décision-là ?
11:09Je pense que ça, c'est très important.
11:11Deuxième élément, on a justement fait
11:13beaucoup progresser les règles
11:15pour mieux encadrer les données
11:17qui sont issues des prix.
11:18Pour voir ce débat en entier,
11:19rendez-vous sur france.tv
11:21et pour voir d'autres vidéos de l'émission,
11:23il suffit de s'abonner à la chaîne
11:25et d'activer les notifications.
11:27Merci à vous.
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