Les « twin deficits » (déficits jumeaux en français) désignent la coexistence dans une économie d’un déficit public et extérieur. Côté finances publiques, la France est déficitaire depuis le milieu des années 70. Quant au solde commercial, il est dans le rouge depuis aussi longtemps, excepté la parenthèse des années 90 début 2000. Bref, l’économie française cumule les deux déficits de façon intermittente depuis 50 ans et de façon chronique depuis plus de 20 ans. [...]
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00:00Les twins déficits, déficits jumeaux en français, désignent la coexistence dans une économie d'un déficit public et extérieur.
00:18Côté finances publiques, la France est déficitaire depuis le milieu des années 70.
00:23Quant aux soldes commerciaux, il est dans le rouge depuis aussi longtemps excepté la parenthèse des années 90 début 2000.
00:29Bref, l'économie française cumule les deux déficits de façon intermittente depuis 50 ans et de façon chronique depuis plus de 20 ans.
00:37La plupart du temps, le lien de causalité est interprété de la manière suivante.
00:41La relance de l'économie par la dépense publique entraîne un rebond des dépenses des ménages et des entreprises.
00:47En réponse à cette demande accrue, la production domestique ne suffit pas, ce qui conduit à une augmentation des importations.
00:55Le solde du commerce extérieur se dégrade.
00:58Au départ se trouve donc l'excès de dépenses budgétaires, à l'arrivée le déficit commercial.
01:03De cette analyse, il en découle que si l'État réduit suffisamment ses dépenses, le déficit commercial s'abaissera et disparaîtra naturellement.
01:11Mais le lien de causalité peut être inversé.
01:14Pour plus de simplicité, il faut partir de l'hypothèse d'un équilibre général.
01:18Équilibre budgétaire, équilibre de la balance commerciale, la partie épargnée de la production courante correspond à la partie investie.
01:25Dans ce cadre, l'apparition d'un déficit extérieur exprime le fait que la production nationale ne suit plus la demande domestique.
01:32Comment peut-on dépenser plus que ce que l'on produit, c'est-à-dire vivre au-dessus de ses moyens ?
01:37Seule solution, s'endetter à l'extérieur.
01:41L'État émet alors des titres, les vend à l'étranger et récupère des liquidités.
01:44L'argent obtenu est injecté dans l'économie domestique.
01:48La différence entre demande intérieure et production domestique est comblée par les imports payés avec l'argent emprunté,
01:55c'est-à-dire le déficit public.
01:57Dans cette configuration, tant que le déficit commercial restera effectif, nul espoir de résoudre le problème du déficit public et de l'endettement lié.
02:07Notre opinion exercit, l'économie française a glissé du premier lien de causalité vers le second.
02:13La tentative de relance keynésienne en 1981, sous le gouvernement Morrois, en donne une première illustration.
02:20L'État met cette année-là le paquet.
02:221% du PIB est injecté en à peine quelques mois.
02:26Les finances publiques virent au rouge immédiatement.
02:29Les importations s'envolent.
02:31Le déficit commercial se creuse et plonge plus profondément encore que pendant le premier et le second choc pétrolier.
02:36L'expérience sera interrompue dès 1983.
02:39Le tournant de la rigueur est pris, c'est le temps de la désinflation compétitive.
02:44Le déficit public est ensuite contenu entre 2 et 3% du PIB jusqu'au début des années 90, c'est-à-dire la guerre du Golfe et la crise de 1993.
02:52Pour amortir la récession, les gouvernements Bérégovoy puis Balladur laissent alors filer les finances publiques.
02:58S'ouvre ensuite le long épisode de consolidation budgétaire pour se conformer aux critères de Maastricht.
03:04Le déficit public se réduit.
03:06L'amélioration de la conjoncture, la baisse des taux d'intérêt réels soutiennent le mouvement.
03:11Le solde commercial suit et passe au vert avec le retour d'un important excédent industriel.
03:16La France triomphe alors dans l'automobile, l'aérien, la filière agro-industrielle.
03:20Tout bascule en 2000 avec l'explosion de la bulle Internet, mais les prémices de la fragilisation du tissu productif étaient perceptibles avant.
03:28Déstabilisés dans les années 90, le textile, le cuivre et la chaussure deviennent un champ de ruines après avoir subi l'assaut de la Chine.
03:36La filière informatique-électronique chute à son tour sans oublier certains choix de plusieurs grands groupes à délocaliser pour servir les marchés émergents,
03:44mais aussi pour réapporter vers la France.
03:47La discipline budgétaire est relâchée.
03:49Les baisses ciblées de la fiscalité ne sont pas financées par des baisses des dépenses.
03:53Le leitmotiv, soutenir coûte que coûte le consommateur, quitte à sacrifier le producteur.
03:58A chaque crise, la même réponse.
04:00Le sol extérieur reste négatif jusqu'à la crise de la Covid et c'est bien pourquoi, malgré le virage pris en 2014,
04:07le redressement des comptes ne relève plus de l'impôt mais des économies de dépenses, l'amélioration est pussive.
04:13On regarde un alignement des planètes exceptionnellement favorable.
04:17Taux d'intérêt au plus bas, baisse du prix du pétrole, dépréciation de l'euro.
04:22La crise de la Covid, le quoi qu'il en coûte, les conséquences de la guerre en Ukraine rendent compréhensible l'explosion du déficit public.
04:29Mais son maintien sur des sommets historiques ne colle ni avec la conjoncture ni avec la trajectoire prise par les finances publiques des autres pays européens.
04:37Plus d'amélioration décisive possible des comptes publics en France sans redressement des comptes extérieurs.
04:43Le lien de causalité a été inversé.
04:45La politique de l'offre mise en place ces dernières années est trop récente.
04:48Il faudrait que l'essai soit transformé pour revenir vers l'équilibre extérieur, seule voie pour sortir de la malédiction des déficits jumeaux.