Alors que les premières épreuves olympiques débutent, à l'évidence les Jeux sont toujours menacés par des campagnes de déstabilisation. Un homme de nationalité russe a été mis en examen pour "intelligence avec une puissance étrangère en vue de susciter les hostilités en France". Il était dans le viseur de la DGSI depuis un moment et son profil révélé par le journal "Le Monde" est assez atypique. Pour en parler, Serguei Jirnov, expert en relations internationales et renseignement, ancien espion russe et auteur de l'ouvrage "Les pires amis", aux éditions Istya et Cie.
Regardez L'invité de RTL Midi avec Vincent Parizot du 24 juillet 2024.
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00:00Les premières épreuves olympiques débutent donc dans un peu plus de deux heures et à l'évidence les jeux sont toujours menacés par des campagnes de déstabilisation.
00:12On vous le disait, un homme de nationalité russe a été mis en examen hier soir pour intelligence avec une puissance étrangère en vue de susciter des hostilités en France.
00:21Pour en parler avec nous, tout d'abord Cindy Hubert du service Police Justice d'RTL, bonjour.
00:26Bonjour.
00:27Et dans un instant, Sergueï Jernov, bonjour.
00:29Bonjour.
00:30Expert en relations internationales et renseignement, on le rappelle aussi, ancien agent du KGB.
00:37C'est ça, ancien espion.
00:38Bon, vous nous le direz.
00:39Tout d'abord, Cindy, cet homme était dans le viseur de la DGSI depuis un moment et son profil révélé par le journal Le Monde, on va le dire, est assez atypique.
00:48Oui, l'homme a 40 ans et il semble déjà avoir eu plusieurs vies.
00:51Une première en Russie, d'abord comme associé dans un fonds d'investissement à Moscou, puis changement de carrière en 2010.
00:57L'homme arrive en France, le voilà apprenti cuisinier dans un restaurant étoilé à Courchevel.
01:03Depuis, le Russe a participé à plusieurs émissions de télé-réalité et de cuisine et il se filme sur les réseaux sociaux en train de faire des petites vidéos de conseils de recettes.
01:13Bref, il ne semble pas du tout se cacher sur les réseaux sociaux.
01:16Ou bien est-ce une couverture pour son travail d'espion ?
01:19La DGSI a en tout cas jugé utile de faire une visite domiciliaire dans son appartement à Paris.
01:24C'est une sorte de perquisition administrative.
01:27Et selon le journal Le Monde, ces policiers ont trouvé des documents d'intérêt diplomatique ainsi qu'une carte d'une unité d'élite des forces spéciales russes qui agit sous le commandement du FSB.
01:39Que comptait-il faire pendant les JO ? Visit-il précisément la cérémonie d'ouverture comme suggéré dans une conversation téléphonique comme le cite Le Monde ?
01:48L'homme dort en tout cas en prison. Il risque jusqu'à 30 ans de prison.
01:52Merci Cindy Hubert.
01:54Alors, Sergei Zhirnov, c'est vrai que le profil de cet homme nous étonne.
01:57Cuisinier à Courchevel, les réseaux sociaux, la télé-réalité.
02:01Vous, ça vous étonne aussi ?
02:03Pas du tout, pas du tout.
02:05Vous savez, quand j'étais espion, j'étais aussi à la télévision russe.
02:08Soviétique à l'époque.
02:10Et donc, vous savez, la meilleure protection, c'est dans la lumière aussi.
02:14Y compris pour l'espionnage.
02:16Plus c'est gros, plus ça passe en fait.
02:18C'est ça, c'est ça. En fait, vous êtes sous les spots.
02:20Et en fait, quand la lumière vous aveugle.
02:24Et donc, être dans le noir et d'être en pleine lumière, c'est exactement la même chose.
02:31Quel type d'opération pouvait-il envisager de mener ?
02:36Et comment ça se prépare ?
02:38On parle de tentative de déstabilisation.
02:40Qu'est-ce que ça peut regrouper ?
02:42Déjà, vous avez compris, ce n'est pas du sabotage.
02:46C'est pas un attentat.
02:48C'est pas du sabotage.
02:50C'est un attentat, comme c'était le cas il y a quelques semaines
02:53de la personne qui était arrêtée dans un hôtel à côté d'un aéroport de Roissy.
02:58Qui, lui, était pris avec les bombes, avec de l'explosif, etc.
03:02Là, c'est plus une histoire de déstabilisation.
03:06Ça veut dire que c'est plus la guerre hybride.
03:08C'est plus les réseaux sociaux.
03:10C'est plus le recrutement des gens qui pourraient peut-être se déplacer
03:14pour organiser, je sais pas, des petites manifs.
03:16Des manipulations de l'opinion publique.
03:21C'est des choses comme ça.
03:23Mais, bien évidemment, vous avez compris que la DGIC ne vous a pas tout raconté.
03:27Parce que sinon, ce serait pas intéressant.
03:30Et il était certainement dans les radars de la DGIC
03:36qui a cru bon de venir perquisitionner chez lui
03:40en ce qu'ils ont appelé la perquisition administrative.
03:44C'est rare.
03:46Cette procédure n'est pas courante.
03:49Ça veut dire qu'ils avaient des billes
03:51et ça veut dire qu'il y avait peut-être une forme d'urgence à agir ?
03:54C'est exactement ça.
03:56Ils ont compris qu'il s'agissait actuellement
03:59d'un événement extraordinaire qui sont les jeux.
04:04Donc, une certaine urgence.
04:06Donc, une certaine importance.
04:08Et à la limite, la même personne, en temps normal,
04:10on aurait pris peut-être en filature.
04:12On aurait peut-être écouté cette personne.
04:14On aurait passé peut-être des semaines et des mois
04:16à la suivre doucement
04:18avant d'interpeller.
04:19Là, il s'agissait certainement de quelque chose d'assez sérieux pour venir.
04:24Et une fois, lorsqu'ils étaient dans son appartement,
04:27ils ont découvert un certain nombre d'éléments
04:29qu'ils ont présentés à la justice.
04:31Et cette personne dort actuellement en prison
04:33et risque, comme vous avez dit, 30 ans de prison.
04:36Des éléments qui prouvent qu'il est en lien direct
04:40avec Moscou et avec les services de renseignement russes ?
04:43Oui, parce que déjà, il est russe.
04:45Donc, tous les russes ne sont pas forcément en lien avec Moscou.
04:48La preuve, on l'aime.
04:50Vous n'êtes plus en lien avec Moscou.
04:52Disons que moi, j'ai le statut de réfugié.
04:54Donc, ça fait longtemps que je n'ai pas ces liens
04:57avec le gouvernement russe.
04:59Et d'ailleurs, je ne peux pas les avoir.
05:01Je ne peux même pas les mettre les pieds dans le consulat russe
05:04ou à l'ambassade russe à Paris.
05:06Sinon, vous vous souvenez, Khachoggi,
05:08ce qui lui est arrivé en Turquie.
05:10Il a fini dans les tuyaux.
05:11Donc, moi, je n'ai pas envie de faire ça.
05:13Mais cette personne, certainement,
05:15avait le profil qui était assez trouble
05:19pour que les services de renseignement s'en intéressent.
05:21Ou sinon, il y a autre chose.
05:23Il peut y avoir une fuite, une dénonciation
05:28où quelqu'un aurait dit que cette personne
05:31représentait un danger immédiat,
05:33préparait peut-être un projet malveillant,
05:38pas forcément un attentat ou un acte terroriste,
05:41mais malveillant pendant les Jeux.
05:43Et peut-être cette fuite a été prise suffisamment au sérieux
05:47par la DGIC,
05:49qui a décidé d'intervenir en urgence,
05:51et d'où notre émission aujourd'hui.
05:53On peut penser qu'il n'est pas seul,
05:56qu'il n'était pas seul,
05:57qu'il y a d'autres agents de ce type, en ce moment,
06:00chargés aussi, d'une manière ou d'une autre,
06:03de déstabiliser plus ou moins l'organisation des Jeux ?
06:07Absolument.
06:08Mais regardez déjà rien qu'avant.
06:11Donc, on a eu l'histoire des cercueils
06:13déposés devant la tour Eiffel,
06:15on a eu les mains rouges,
06:16on a eu l'étoile de David, etc.
06:18Non, mais le service de renseignement intérieur français,
06:22il travaille en permanence.
06:24Ça veut dire que vous avez aussi des Tchétchènes
06:26qui étaient arrêtés dans le cadre antiterroriste,
06:32vous avez d'autres histoires,
06:34et tout ça, on nous raconte,
06:36on ne nous dit pas tout,
06:37comme on dit communément,
06:39mais on n'a pas à nous dire tout.
06:41Il y a des projets qui étaient là,
06:43il y a le service qui travaille,
06:44qui arrête des gens,
06:46qui neutralise les gens, parfois,
06:48sans nous dire.
06:50Mais là, je crois que la DGSI a préféré aussi communiquer,
06:54parce que hier, vous savez très très bien,
06:56il y a le premier ministre qui s'est déplacé,
06:58avec la coublée,
06:59avec le ministre des Armées,
07:01et je crois qu'il y avait le ministre de l'Intérieur,
07:03il y avait certainement aussi le préfet de police,
07:05il y avait aussi certainement le directeur de la DGSI,
07:08et donc en fait, ils ont regardé tous les projets,
07:12et certainement, cette histoire-là est venue aussi à la discussion,
07:16et ils ont dit, allez, on communique là-dessus,
07:18pour rassurer aussi les gens,
07:19pour dire que la police est là,
07:21c'est juste pas vous emmerder dans la rue,
07:24avec les contrôles à tout moment,
07:26comme le disent certaines personnes un peu ironiques,
07:30ou malveillantes par rapport à ça,
07:32en disant, il y a les grillages partout,
07:34on nous embête,
07:36on nous arrête à tout bout de champ,
07:39c'est difficile de circuler dans Paris,
07:41et donc en fait, à mon avis, c'est ça,
07:43c'est pour prouver qu'il y a quand même des menaces sérieuses,
07:46qui pèsent sur Paris,
07:48et donc, pas forcément sur la cérémonie de voitures,
07:53pas forcément sur les zones rouges,
07:55là où il y a des compétitions,
07:56mais aussi dans la ville,
07:58parce qu'il peut y avoir d'autres choses,
08:01vous savez l'histoire des punaises
08:03qui étaient véhiculées par les services,
08:05par les réseaux sociaux en Russie,
08:07en disant, dans les trains, dans les hôtels,
08:09en France…
08:10– Ça c'était une opération russe ?
08:11– Ah ben oui, certainement,
08:13après, ils n'ont pas mis les punaises,
08:15enfin, j'espère qu'ils n'ont pas mis les punaises,
08:17mais en tout cas, ils ont servi de caisse de résonance,
08:20pour cette information,
08:22bien évidemment, l'insalubrité, ça existe,
08:25ça existe en plusieurs formes.
08:27– Mais quel est l'objectif ?
08:28C'est de ternir l'image de la France ?
08:30– Ben oui.
08:31– C'est ça, c'est la nouvelle diplomatie russe,
08:33elle agit comme ça aujourd'hui ?
08:35La diplomatie au sens…
08:36– C'est l'aigreur, c'est l'aigreur, c'est la vengeance,
08:38parce que les Russes ne viennent pas à Paris,
08:40en fait…
08:41– Il n'y a pas d'athlètes russes,
08:43il y en aura quelques-uns qui seront sous bannière olympique,
08:45mais très peu.
08:46– Normalement, seulement une quinzaine,
08:48et d'ailleurs, même en Russie,
08:50ils disent que ces 15 qui vont venir à Paris,
08:52ce sont les traîtres,
08:53et qu'il ne fallait même pas qu'ils viennent,
08:55et puis après, ils ont essayé d'organiser
08:58les anti-jeux à Tatarstan,
09:01et c'était ridicule, mais d'un ridicule mortel,
09:04parce qu'en fait, il y avait très peu de sportifs,
09:07et par exemple, dans la natation synchronisée,
09:10il y avait un Russe synchronisé,
09:12il fallait quand même avoir plusieurs,
09:14dans la natation synchronisée, il était seul,
09:17sans la compétition, il a obtenu la médaille d'or.
09:20– C'est l'aigreur aussi, effectivement,
09:22d'un pays qui a été exclu
09:24des compétitions internationales olympiques,
09:26voilà ce que vous nous expliquez,
09:28c'était passionnant, merci beaucoup,
09:30Sergei Zhirnov, je rappelle votre livre,
09:32« Les pires amis ».
09:34– Oui, c'est le dernier, oui,
09:35absolument, entre le patriarche de Moscou et Poutine.
09:38– Merci beaucoup d'être venu sur RTL,
09:41et dans un instant, on parle de C8 et d'Energie 12
09:45qui vont disparaître du panorama audiovisuel sur la TNT,
09:48avec Philippe Bailly, spécialiste des médias.
09:51À tout de suite.