Flavien Neuvy, économiste, directeur de l’observatoire CETELEM, François Gemenne, Président de l’Alliance pour la Décarbonation de la Route, auteur principal du dernier rapport du GIEC et Danielle Attias, économiste, professeure à Centrale-Supélec, université Paris-Saclay sont les invités du 8h20.
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00:00On dit les plus chargés de l'année sur les routes. Mais cette migration estivale, vous la faites au volant de quelles voitures ?
00:05A moteur thermique ou électrique ?
00:07Êtes-vous prêt à changer de motorisation pour rouler moins polluant ? Et à quel prix ?
00:12Ces questions, les automobilistes se les posent. Et parce que la réponse n'est pas évidente, le marché de l'électrique est en plein doute.
00:19Est-il en train de caler ou est-ce une crise de croissance ?
00:22Sa part de marché de 18% des véhicules neufs stagne.
00:26Le nombre de voitures électriques immatriculées en juin 2024 était en baisse par rapport à juin de l'année précédente.
00:32Et les constructeurs s'inquiètent pour leur avenir supposé être décarboné.
00:36Alors, pour en parler ce matin, nous sommes en ligne avec Daniel Attias, professeur à Centrale Supélec Paris, spécialiste de l'économie de l'électromobilité.
00:44Bonjour. Bonjour.
00:46Pour bien comprendre le comportement des acheteurs, Flavien Neuville est avec nous. Bonjour. Bonjour.
00:51Directeur de l'Observatoire CTLM et en studio, François Gemenne. Bonjour. Bonjour.
00:56Président de l'Alliance pour la Décarbonation de la Route et aussi l'un des co-auteurs du dernier rapport du GIEC.
01:02Vos questions, évidemment, comme tous les jours, sont les bienvenues. 0145 24 7000 et sur l'appli France Inter, onglet Réagir.
01:11Des ventes qui stagnent, des prix trop élevés. Est-ce que le marché est vraiment en train de patiner, Daniel Attias ?
01:18Oui. Écoutez, on a véritablement... Là, si on compare les 6 premiers mois de 2023-2024, on a une baisse qui n'est pas vraiment spectaculaire
01:28parce que c'est peut-être intéressant de ne pas regarder mois par mois, mais plutôt sur une période. On a baissé véritablement de 1 point.
01:36On était à 14,4 du marché français en vente de véhicules neufs. Neuf, je précise bien, électriques. Par rapport à cette année, on est à 13,8.
01:47Alors, il y a une baisse réellement. Je crois qu'aussi, nous avons connu l'année dernière, en fin d'année, une augmentation spectaculaire
01:55qui avait été saluée tout début 2024 comme très prometteur pour cette nouvelle année. Et là, on a véritablement un palier. On a une stagnation.
02:03Et comment l'expliquez-vous ?
02:06Alors, je pense qu'il y a plusieurs facteurs. Il y a le facteur du prix, le premier, qui fait que véritablement, les véhicules électriques neufs ne baissent pas beaucoup.
02:16On s'attendait à vraiment des prix plus attractifs, ce qui n'est pas le cas. Donc, on a aussi des subventions qui ont baissé aussi. Il ne faut pas l'oublier.
02:26On va y venir. Justement, quel est le prix moyen d'une voiture électrique, Flavien Neuville, aujourd'hui ?
02:31Il y a des nouveaux modèles qui arrivent sur le marché. C'est intéressant qu'ils seront des modèles moins chers. Les Citadines, on pourrait citer la R5 Renault.
02:39Il y a la C3 aussi, possédée par plusieurs constructeurs de chez Citroën qui arrivent, qui seront à des prix plus abordables.
02:43Mais globalement, aujourd'hui, une voiture électrique familiale, on va dire, c'est 40-45 000 euros. Donc, effectivement, ça coûte beaucoup plus cher.
02:49C'est un frein majeur. Pour beaucoup de ménages, c'est complètement inaccessible. C'est-à-dire que les ménages n'ont pas les moyens de mettre autant d'argent sur la table.
02:56Et ceux qui auraient les moyens de le faire aujourd'hui hésitent parce qu'au-delà du prix, au-delà des problèmes de recharge, etc., il y a eu aussi quand même l'ombre d'un doute,
03:05je le dis comme ça, autour de la voiture électrique sur ces dernières années, avec notamment la forte hausse des prix d'électricité,
03:11qui est venue jeter un peu le trouble dans l'esprit des automobilistes qui ont envisagé d'acheter une voiture électrique.
03:15Donc, il y a eu la hausse des prix d'électricité. Puis, je voudrais citer aussi très rapidement un autre point, alors qu'il n'est plus d'actualité sur l'hiver qu'on vient de passer.
03:22Mais l'hiver précédent, quand même, tous les jours ou quasiment tous les jours, on parlait de potentiel coupure d'électricité.
03:27Et ça aussi, les automobilistes ont eu du mal à comprendre qu'on leur disait à côté...
03:31Ça, ça a fait peur, Flavien Neuville, vraiment ?
03:33Oui, oui, très clairement. Ils avaient du mal à comprendre que d'un côté, on leur dise « achetez des voitures électriques »,
03:36et dans le même temps, on leur disait « attention, on risque d'avoir du délestage parce qu'on a des problèmes d'approvisionnement ».
03:41Alors, ces problèmes sont réglés aujourd'hui, parce que c'était un problème qui était bien identifié.
03:45Mais ça, quand même, se met un peu le trouble dans l'esprit des automobilistes qui ont envisagé, finalement, de franchir le pas d'électrique.
03:50Et puis, il y a eu une histoire de leasing social aussi. Ça avait bien marché, mais il y en a eu très peu, finalement.
03:56Alors, ça montre une chose, quand même, le leasing social qui a effectivement très bien marché,
04:00tellement bien marché que le gouvernement a été obligé, finalement, de stopper le dispositif très tôt dans l'année, en début 2024.
04:06Ça montre que la mobilité électrique, pour les classes qui n'ont pas beaucoup d'argent,
04:12en quelque sorte, pour ceux qui n'ont pas beaucoup de moyens financiers, ça peut marcher aussi si financièrement, c'est accessible.
04:17Puisque je rappelle qu'il y avait des conditions de ressources et que le leasing social à 100 euros par mois a extraordinairement bien marché.
04:22Donc, la voiture électrique peut marcher auprès de tout le monde, à condition qu'elle soit accessible financièrement.
04:27Ce qui, aujourd'hui, n'est pas le cas. Quand on regarde ceux qui achètent des voitures électriques, en dehors des dispositifs de type leasing social,
04:32on voit bien que ce sont, en gros, les 20% de gens qui ont les revenus les plus élevés qui achètent des voitures électriques.
04:37Oui, c'est un luxe, en fait. François Gemin, les voitures électriques se déploient-elles trop lentement, à votre goût, par rapport à l'urgence climatique ?
04:45Très clairement, oui. On l'a rappelé, il y a une stagnation du marché pour le moment.
04:50En Europe, c'est même pire, puisque l'an dernier, on a eu un recul de 11% des ventes de véhicules neufs électriques.
04:56Et, effectivement, c'est un problème pour la décarbonation de nos économies.
05:00Il faut rappeler que les émissions liées au transport, c'est le premier poste d'émissions en France, avec plus de 30% des émissions du pays.
05:08Il faut rappeler que, dans le transport, le transport routier représente environ 95% de ces émissions.
05:15Donc, si on ne fait pas baisser les émissions du transport routier, à la fois du transport individuel et du fret, on ne parviendra pas à tenir nos objectifs de décarbonation.
05:24Et quand même, il faut le rappeler, c'est qu'aujourd'hui, le véhicule électrique, c'est la seule solution technologique déployable à grande échelle que nous ayons,
05:34pour faire baisser l'empreinte carbone des déplacements individuels en voiture.
05:38Donc, évidemment, ce n'est pas la panacée ultime.
05:40Bien entendu, il faut aussi développer les transports publics.
05:42Bien entendu, il faut développer les mobilités douces, la marche et le vélo.
05:46Il y a encore un grand nombre de déplacements de courte distance qui se font en voiture.
05:49Mais, aujourd'hui, la voiture électrique, c'est la seule solution technique qu'on ait, qui puisse être déployée à grande échelle.
05:55Donc, il faut absolument que les ventes de voitures électriques repartent à la hausse.
06:00Oui, mais vous entendez bien qu'il y a un vrai problème de pouvoir d'achat, François Germain.
06:03Il y a un vrai problème de pouvoir d'achat, parce qu'il y a non seulement le prix, parfois prohibitif, ou il faut le dire, du véhicule à l'achat.
06:11Il y a aussi un autre problème, c'est l'absence, pour le moment, d'un véritable marché d'occasion pour les voitures électriques.
06:17On sait que beaucoup de Français achètent leur véhicule, non pas neuf, mais d'occasion.
06:21On n'a pas encore vraiment de marché d'occasion sur les véhicules électriques.
06:24Il y a les signaux contradictoires qui sont envoyés sur le marché de l'électricité, sur les aides publiques,
06:30avec toute une série de stop and go, comme on dit, où on annonce des aides publiques massives,
06:34et puis elles sont mal calibrées, mal dimensionnées, on doit revenir en arrière.
06:37Le gouvernement français était dépassé par son dispositif de leasing social.
06:41En Allemagne, ils ont dû arrêter les aides parce qu'ils n'avaient plus d'argent.
06:44Et puis, il y a aussi toute une série de désinformations qui circulent à plein régime sur les réseaux sociaux
06:50concernant l'empreinte écologique de ces voitures, et qui voudraient nous faire croire que le bilan carbone d'une voiture électrique
06:56serait pareil, voire supérieur à celui d'une voiture diesel ou essence.
06:59On va y venir, ça c'est de l'ordre de la désinformation.
07:02Mais vous aviez parlé du marché de l'occasion, et ça je pense que c'est assez essentiel.
07:05Danielle Attias, le problème c'est qu'effectivement, il n'y a pas de second marché.
07:10Or, c'est là qu'on achète les voitures aujourd'hui.
07:13Oui, vous avez parfaitement raison.
07:15L'essentiel des acheteurs, on l'évalue à peu près à 80% des Français, achètent d'abord une voiture d'occasion.
07:24C'est le premier choix.
07:25Le choix de l'achat neuf se fait très tard en fait.
07:28Très souvent d'ailleurs, ça correspond à une situation de pré-retraite ou de retraite.
07:32Là on achète un véhicule neuf, c'est parfois le dernier véhicule.
07:35Voilà, exactement.
07:36Donc là aujourd'hui, malheureusement, ce marché est encore très étroit, pas du tout attractif, il y a peu de volume, il y a peu d'offres,
07:45tout simplement parce que nous vivons le début de l'électrique, du marché du véhicule électrique.
07:50Donc ça c'est un frein, c'est un frein majeur, c'est évident.
07:54En même temps, la question qui peut se poser, je pensais aux constructeurs, c'est qu'on est un peu surpris quand même,
08:00voyant les marges dont certains annoncent exceptionnels des constructeurs européens voire français,
08:05les marges exceptionnelles que font ces constructeurs, qu'il n'y ait pas véritablement de prix beaucoup plus attractifs,
08:10une baisse des prix, une baisse tendancielle des prix, pour pouvoir véritablement attirer le nouvel acheteur de véhicules électriques.
08:17Flavien Devy, vous pensez que les constructeurs ont vraiment les moyens de baisser les prix comme le dit Daniel Attias ?
08:24Ce n'est pas si simple que ça, parce que pour les constructeurs, pour toute la filière automobile,
08:28il faut bien se rendre compte que passer de 1% des ventes en 2020 à 100% en 2035, en 15 ans,
08:35c'est une transition qui se fait dans un laps de temps extraordinairement court pour une industrie lourde.
08:39Ce sont des chaînes d'approvisionnement, ce sont des usines, ce sont des savoir-faire, ce sont des métiers qu'il faut transformer complètement.
08:44Ce ne sera pas sans conséquences sur l'emploi aussi, il faut le dire.
08:46On voit qu'il y a beaucoup d'équipementiers qui annoncent des suppressions de postes.
08:49Si vous avez une petite usine qui fabrique des bougies ou des pièces pour moteurs thermiques,
08:53votre avenir est clairement condamné en quelque sorte.
08:56Donc on voit bien que c'est une transition qui se fait à marche forcée.
08:59Il y a un autre problème aussi, qu'on n'évoque pas souvent, mais qui est un vrai problème pour les constructeurs.
09:02C'est que les constructeurs de taille mondiale, et nous on a de grands constructeurs en France et en Europe,
09:07on a de grands constructeurs qui sont présents sur tous les marchés dans le monde,
09:10ils sont obligés finalement de répondre aux attentes de tous leurs clients dans le monde.
09:14Si l'Europe fait le choix du 100% électrique et si la Chine le fait aussi, ce n'est pas le cas du reste du monde.
09:19Pour le dire plus simplement, les constructeurs doivent continuer à développer des moteurs thermiques
09:22pour les marchés sud-américains, pour le marché nord-américain,
09:25parce qu'avant que les États-Unis passent au 100% électrique pour tout le monde,
09:28il va quand même se passer à mon avis un petit peu de temps,
09:30pour l'Afrique qui est le marché de demain et d'après-demain,
09:33et donc ils sont obligés d'investir beaucoup d'argent pour améliorer les voitures électriques,
09:36et en même temps ils doivent continuer à développer les moteurs thermiques pour le reste du monde.
09:39Donc franchement, pour l'ensemble de la filière, c'est quand même extraordinairement difficile,
09:43et dans un laps de temps très court.
09:45Il y a un monde à deux vitesses effectivement, François Gemmene.
09:49Il y a un monde à deux vitesses, non seulement sur la mobilité,
09:51il faut rappeler que dans beaucoup de pays du sud,
09:53les transports publics par exemple restent encore tout à fait embryonnaires, voire inexistants,
09:58et plus globalement, sur la question de la décarbonation et de la transition énergétique,
10:02il y a effectivement un monde à deux vitesses,
10:04où souvent nous raisonnons uniquement par rapport à nous-mêmes et à nos propres émissions de gaz à effet de serre,
10:08et on a tendance à trop souvent oublier l'enjeu dans les pays émergents demain,
10:12et dans les pays en développement après-demain.
10:14Alors on a pas mal de questions sur l'appli France Inter,
10:17qui concerne les bornes de recharge.
10:20Ça c'est aussi l'un des principaux problèmes, Flavien Neuville ?
10:23Oui, ce qui pose problème, on en a de plus en plus quand même,
10:27il faut rappeler qu'on est parti de zéro il y a peu de temps,
10:30aujourd'hui on a plus de 130 000 dans l'espace public,
10:32donc on va dire que les bornes de recharge se développent.
10:34Le problème c'est que plus le marché s'intensifie, se densifie,
10:38plus on va chercher des clients, des automobilistes,
10:40qui ont une problématique spécifique.
10:43Je vais dire autrement, dans les centres-villes,
10:45si vous habitez dans un appartement où vous n'avez pas de parking dédié,
10:48de garage dédié, vous vous garez votre voiture dans la rue, dans l'espace public,
10:52et c'est pas toujours facile d'avoir une place disponible pour recharger votre voiture.
10:55Les premiers acheteurs d'un véhicule électrique,
10:57quand on était à 5%, 10% du marché,
10:59aujourd'hui on est à peu près à 15%,
11:01on a des gens qui achètent une voiture en toute connaissance de cause,
11:03bien souvent c'est la deuxième voiture du foyer,
11:05bien souvent ils ont une place dédiée, un garage dédié,
11:08ils habitent dans le périurbain,
11:09donc c'est un peu le portrait robot idéal, si vous voulez,
11:11de celui qui peut acheter une voiture électrique.
11:13Et aujourd'hui, effectivement, l'absence de borne de recharge
11:15devient un problème pour ceux qui voudraient passer à l'électrique,
11:18parce qu'ils n'ont pas forcément tous ces critères-là réunis.
11:20Donc oui, il faut continuer à développer le déploiement de ces infrastructures.
11:24Il y a Christophe qui nous dit,
11:26hormis le prix, comment recharger un véhicule électrique
11:28dans les grands ensembles type cité ?
11:30Personne n'aborde le sujet, c'est vrai ?
11:33Il faut le dire, c'est vraiment un gros sujet,
11:35c'est un sujet aussi social,
11:37parce que bien entendu, ce qui va faire baisser le coût de la voiture,
11:41c'est évidemment sur sa durée de vie,
11:42le fait que vous n'allez plus devoir aller faire le plein à la pompe,
11:45que vous allez pouvoir la recharger soit chez vous,
11:47soit sur votre lieu de travail.
11:49Mais lorsque vous évitez un logement social, par exemple,
11:51très souvent il n'y a pas de prise de recharge dans ces immeubles,
11:54et donc il y a un vrai enjeu à pouvoir déployer des outils de recharge
12:00aussi dans les grands immeubles, dans les logements sociaux,
12:03où habitent une bonne partie des classes moyennes et des classes inférieures.
12:06J'en discutais notamment avec la patronne de Uber en France,
12:09qui me disait, voilà, nos chauffeurs,
12:11plus de la moitié des chauffeurs qui opèrent à Paris,
12:14ils habitent en Seine-Saint-Denis, souvent dans de grands immeubles,
12:17où il n'y a pas la possibilité de charger à domicile.
12:20Or, les voitures Uber,
12:22qui ont un taux d'utilisation d'environ 3 ans en tant que voiture taxi,
12:27pourraient constituer un marché de l'occasion tout à fait rentable.
12:31Mais pour ça, il faut équiper les grands immeubles sociaux.
12:34Daniela Thiaz, vous confirmez ?
12:36C'est l'un des angles morts, on peut dire, sur les bornes ?
12:39Tout à fait.
12:40Et puis le fait qu'on n'impose pas, pratiquement dans tous les immeubles,
12:43que les copropriétés s'équipent de bornes électriques collectives.
12:47Je pense que ça, ce n'est pas très compliqué aujourd'hui.
12:49On peut tout à fait, chacun, payer sa propre charge.
12:53C'est extrêmement simple.
12:54On ne sait pas pourquoi ça ne s'impose pas.
12:56Alors effectivement, ceux qui sont pénalisés,
12:58c'est ceux qui vivent dans les grandes métropoles.
13:00Parce que franchement, par exemple, dans des grandes villes, à Paris ou ailleurs,
13:04le nombre de bornes est certes là, mais très largement insuffisante.
13:08Quand vous en avez 3, 4 par rue, vous êtes parfois obligés d'attendre.
13:11Le temps de recharge n'est jamais très court.
13:13Il ne faut jamais oublier que c'est entre 2 heures et 6 heures,
13:16selon la charge que vous choisissez, selon le modèle de voiture que vous avez.
13:19Et moi, je pense que dans les grands centres urbains, c'est compliqué.
13:22De manière paradoxale, dans les campagnes ou dans les périphéries,
13:25les gens qui sont dans des lotissements, qui ont des maisons individuelles,
13:28peuvent, de manière très simple, se charger directement chez eux.
13:32Et donc là, la borne individuelle devient la solution la plus confortable.
13:36Ce qui est un peu plus compliqué dans les grands centres urbains,
13:39c'est l'inconfort dans lequel on est.
13:41C'est-à-dire qu'il faut sans arrêt anticiper,
13:43aurait-je suffisamment de recharge pour aller à tel endroit,
13:47pour faire tel trajet, de tel kilométrage, etc.
13:51Ça, je pense que c'est un inconfort.
13:53Mais c'est un inconfort, c'est surtout ça qui est extrêmement gênant pour les acheteurs.
13:56Oui. Alors, on va prendre des questions des auditeurs,
13:59parce qu'on en a beaucoup au standard.
14:01On a Sylvain qui est en Meurthe-et-Moselle. Bonjour Sylvain.
14:04Bonjour.
14:05Soyez le bienvenu, nous vous écoutons.
14:07Je me posais la question de savoir pourquoi est-ce qu'on ne se dirigeait pas
14:10vers une standardisation des batteries, des voitures électriques,
14:13où on pourrait faire comme dans un jouet quand on change les piles.
14:16On arrive à la station, on enlève sa batterie vide,
14:20et on met une ou deux batteries pleines,
14:22et puis ça prend cinq minutes,
14:24et puis voilà, le problème du temps de charge est plus ou moins résolu.
14:27C'est pas possible de faire comme ça ?
14:29François Gemmene.
14:30Alors, pour le moment, dans l'état actuel des choses,
14:32c'est compliqué parce que les batteries sont vraiment encastrées dans le châssis,
14:35ce qui pose d'ailleurs parfois un problème de réparabilité des véhicules,
14:38parce que les batteries sont tellement encastrées dans le châssis
14:41qu'on ne peut pas aller les retirer comme ça,
14:43et c'est certainement pas l'utilisateur lui-même qui pourrait aller le retirer.
14:46Par contre, effectivement, c'est une possibilité d'avenir.
14:49Qui sait, aujourd'hui, sur des batteries de vélo ou de trottinette,
14:52on peut changer les batteries ?
14:54On ne peut pas le faire pour les voitures.
14:56Ça reste un enjeu majeur, la question du recyclage des batteries.
15:00La réglementation européenne prévoit que la moitié des batteries
15:03en circulation en Europe doivent être recyclées.
15:06En France, on atteint 65%,
15:09mais surtout on réfléchit au développement d'une filière européenne de la batterie,
15:12si vous voulez, une sorte d'airbus de la batterie,
15:14qui permettrait de centraliser, effectivement, la production de batteries,
15:18de l'harmoniser, et surtout de faire des batteries plus économes en métaux rares,
15:23avec de meilleures possibilités de recyclage encore.
15:25Notamment, on parle beaucoup de la batterie métallaire,
15:27qui pourrait demain remplacer la batterie lithium-ion,
15:30qui est aujourd'hui un peu la norme dans les véhicules,
15:33et qui permettrait effectivement d'être plus économe en métaux rares.
15:36Daniel Attia, c'est l'avenir, le recyclage des batteries,
15:39aujourd'hui, comme le dit François Gemmene ?
15:41Oui, absolument.
15:43Et puis, je crois qu'il faut aussi avoir confiance dans l'innovation.
15:46On a beaucoup de nouvelles expérimentations
15:48qui se font pour modifier cette batterie lithium-ion,
15:52parce qu'aujourd'hui, il n'y a pas d'autre choix.
15:53C'est le seul modèle unique qui est utilisé dans toutes les voitures électriques.
15:56Maintenant, le recyclage permettra d'abord de récupérer des matériaux.
16:00Les matières rares que nous avons dans ces batteries
16:04peuvent être récupérées, recyclées.
16:06Donc, le choix que nous avons fait en France,
16:08par exemple dans les Hauts-de-Seine, est extrêmement intéressant.
16:10Nous allons à la fois avoir ces gigafactories de fabrication de batteries,
16:14et en même temps, de recyclage des batteries.
16:16Et ça, pratiquement dans la même région, au même endroit.
16:19Et ça, c'est extrêmement intéressant, parce qu'à la fois,
16:21on va fabriquer et utiliser les matériaux de recyclage que nous avons.
16:24Je pense que ça, c'est l'avenir, véritablement.
16:27Flavien Neuville, est-ce qu'on n'a pas fait un petit peu passer la charrue avant les bœufs ?
16:30C'est-à-dire qu'on nous incite à acheter des voitures électriques,
16:33mais les technologies ne sont finalement pas totalement au point, en fait ?
16:37Disons que le fait de fixer un cap avec des objectifs clairs,
16:40des dates butoirs, permet ou oblige, je ne sais pas comment le dire,
16:43l'ensemble de l'industrie à travailler et à investir massivement.
16:47Et que s'il n'y avait pas eu ce cap, certainement qu'on ne serait pas allé aussi vite,
16:50même si aujourd'hui, ça plafonne un peu.
16:52Le cap est clair, c'est 2035, voitures 100% électriques.
16:55Après, il y a quand même encore des aléas qui sont très importants,
16:58parce que le pari, et ça a été dit tout à l'heure,
17:00c'était de faire en sorte que le prix de la voiture électrique baisse.
17:02Pour moi, c'est l'enjeu principal.
17:03Bien sûr, il y a les bandes de recharge, mais l'enjeu principal,
17:05c'est que la mobilité électrique soit accessible au plus grand nombre.
17:08Sinon, on aura un problème social et économique majeur.
17:10Et on a un aléa qui est le cours des matériaux critiques.
17:14Et on sait que d'ici 2030, avec 50% des volumes,
17:17si on atteint cet objectif, et en 2035 avec 100% des volumes,
17:20la demande mondiale de lithium, de nickel, de cobalt va exploser.
17:24Et que le risque que le cours de ces matières premières s'envole,
17:27ce n'est pas un risque qui est complètement nul.
17:29Et évidemment, ça viendra complexifier, si vous voulez,
17:32l'équation économique de la voiture électrique.
17:34Certainement que ça passera par des voitures moins lourdes,
17:37moins grosses, notamment dans les métropoles,
17:40à condition que les automobilistes veuillent les acheter, bien sûr.
17:43Mais on voit bien quand même qu'on a des aléas sur les prix de ces voitures en 2035.
17:47Encore une fois, si on arrive avec des voitures qui sont hors de prix,
17:51même avec un marché de l'occasion qui se développe,
17:53si le prix du neuf est trop cher, le prix de l'occasion sera très cher aussi.
17:56Et donc, on a cet aléa qui est absolument majeur.
17:59Allez, on prend une nouvelle auditrice au téléphone.
18:02Sylvie qui est dans le Pays Basque, bonjour.
18:04Oui, bonjour.
18:05Nous écoutons.
18:06Voilà, moi j'ai une petite question, peut-être très naïve.
18:10J'aimerais bien que vous parliez du processus total de fabrication,
18:14en partant de ces mines au Congo démocratiques
18:19qui sont visiblement exploitées par des enfants esclaves.
18:23Et ensuite, la fabrication qui visiblement, elle aussi,
18:26est très coûteuse en empreinte carbone.
18:29Alors, je voulais savoir si ce sont des préjugés, des idées reçues,
18:32ou s'il y a quelque chose de vrai dans ce que je dis.
18:35François Gémin vous répond, Sylvie.
18:37Non, Sylvie, il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites.
18:40Il est certain qu'aujourd'hui, les processus d'extraction des métaux
18:44qui sont nécessaires notamment pour les batteries,
18:46on cite le cobalt et le lithium en particulier,
18:49on pourrait citer le manganèse ou le cuivre également,
18:51sont souvent des processus d'extraction qui ont une très lourde empreinte
18:55pour l'environnement et qui parfois violent les droits humains.
18:59On parle beaucoup du travail des enfants, notamment dans les mines de cobalt au Congo.
19:02Donc, ça veut dire qu'il y a un gros enjeu, d'une part, je pense,
19:05et c'est de relocaliser l'extraction de certains de ces métaux et minéraux
19:10en Europe ou en France.
19:11On parle beaucoup de l'ouverture d'une mine de lithium dans l'Allier.
19:14Je pense que c'est effectivement quelque chose qui nous permet
19:16de mieux contrôler les conditions d'extraction
19:18et aussi le cours de ces matières premières.
19:20Il faut aussi des batteries qui soient évidemment moins gourmandes
19:23en métaux et en matériaux, et on y arrive notamment avec le recyclage
19:26qui permet de recycler beaucoup le cobalt et donc de moins dépendre du cobalt.
19:30Il faut évidemment continuer les efforts pour que le droit du travail
19:34et le respect des droits humains s'appliquent dans les activités d'extraction,
19:37non seulement au Congo, mais aussi en Chine ou en Amérique du Sud.
19:41Donc, ça reste de gros enjeux.
19:43Par contre, il faut regarder, sur la question de l'empreinte carbone,
19:46il faut regarder l'ensemble du cycle de vie de la voiture,
19:50donc depuis sa construction jusqu'à sa fin de vie.
19:52Et là, il n'y a pas photo.
19:54Je vous cite les chiffres de l'ONG Transport and Environment,
19:58qui est vraiment l'ONG de référence dans le domaine,
20:00qui montre que dans le pire des cas,
20:02donc si vous avez un gros SUV fabriqué en Chine,
20:05importé en Europe et qui va rouler en Pologne,
20:07dont le mix électrique est encore largement carboné,
20:10on va avoir une empreinte carbone qui sera de 22% inférieure
20:14à une voiture à essence ou diesel.
20:17Si par contre, vous prenez le meilleur scénario possible,
20:19c'est-à-dire par exemple les petites citadines qu'on a citées en début d'émission
20:23et qui sont fabriquées par des constructeurs français,
20:25là, vous avez une empreinte carbone de 80% inférieure
20:28à une voiture à essence ou diesel.
20:30Donc bien entendu, si je résume,
20:32il faut veiller à ce que les conditions d'extraction et de recyclage des métaux
20:36s'améliorent encore et on y travaille,
20:38mais par contre, il n'y a pas photo,
20:40une voiture électrique à une empreinte carbone
20:43qui est nettement inférieure à celle d'une voiture à essence ou diesel.
20:46Alors, en résumé, que doivent faire les futurs acheteurs qui nous écoutent ?
20:50Par exemple, Flavien Nevy, qu'est-ce que vous leur conseillez ce matin ?
20:54Je ne donnerai aucun conseil parce que c'est compliqué.
20:56Vous êtes bien embêté.
20:57Ce qui est intéressant, Sylvie, dans votre question,
20:59c'est que nous, on avait mené une étude où justement,
21:01on avait intitulé l'automobiliste dans le brouillard.
21:03C'est exactement ça.
21:04C'est-à-dire que les gens sont perdus.
21:05Il y a des injonctions de passer à l'électrique,
21:07mais les prix de l'électricité augmentent, etc.
21:08Donc, il y a beaucoup de questions et vos auditeurs aujourd'hui en témoignent.
21:11Il y a beaucoup d'interrogations sur la voiture électrique.
21:13J'ai envie de dire que ça dépend vraiment de vos usages,
21:15mais on sait qu'à terme, de toute façon, la mobilité sera plus électrique
21:18parce que c'est le sens de l'histoire et qu'on a besoin de consommer moins de pétrole.
21:22Merci infiniment.
21:23Merci à vous trois d'avoir été les invités du grand entretien ce matin.
21:27Avec plaisir.
21:28Merci à vous les auditeurs pour tous vos appels et tous vos messages.