Olivia Gay, violoncelliste, va jouer tout l'été sous les arbres pour sensibiliser aux dangers que courent les forêts. Elle l'invitée du 7h50 de France Inter.
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00:00Notre invitée ce matin est une violoncelliste qui, par son instrument, veut nous reconnecter à la nature.
00:11Olivia Gay, bonjour.
00:12Bonjour Simon.
00:13Tout l'été, vous jouez sous les arbres pour sensibiliser aux dangers que courent les forêts,
00:18aux effets du dérèglement climatique et pour collecter des fonds.
00:22Vous le faites en association justement avec l'Office National des Forêts, l'ONF.
00:27Oui, plus précisément son fonds de dotation qui s'appelle ONF Agir pour la forêt,
00:32dont j'ai la grande joie d'être ambassadrice aujourd'hui, effectivement.
00:36Et votre dernier album qui est sorti en 2022,
00:39porte bien son nom puisqu'il s'appelle Whisper me a tree, murmure moi un arbre.
00:44En quoi la musique peut-elle recréer ce lien que beaucoup d'entre nous ont perdu avec la nature ?
00:50Alors, la musique a une sorte de pouvoir magique qui est celui d'être un vecteur émotionnel très puissant.
00:57Et donc, le fait d'emmener le public en immersion dans un écrin forestier avec de la musique qui a été dédiée à la forêt,
01:05inspirée par la forêt et interprétée avec des instruments qui en sont les fruits directs,
01:10tout ça amène un certain sens et effectivement incite chacun à venir pendant deux heures prendre conscience de tout ce qui nous entoure.
01:22Écouter de la musique, écouter les sons de la nature, les chants des oiseaux, le bruit des arbres, c'est la même chose, c'est la même démarche ?
01:29Oui, exactement. La démarche d'écoute est la même et l'un ne doit pas prendre le pas sur l'autre.
01:35C'est pour ça que nous jouons totalement acoustique et que nous laissons volontiers les oiseaux et les arbres se mêler à la musique que nous interprétons.
01:44Avec parfois des bruits qui ne sont pas naturels, des bruits de voiture, des bruits d'avion qui viennent se mêler à tout cela, vous les prenez ?
01:50En effet, c'est un peu effrayant de se dire qu'il est aujourd'hui assez difficile de trouver un vrai silence même au sein d'une forêt
01:59et qu'on est vite envahi par les nuisances liées aux activités humaines.
02:03On disait écouter de la musique, écouter la nature, c'est la même chose ? C'est la même fonction pour l'âme aussi d'après vous ?
02:09Oui, je pense que la notion d'écoute active est très importante et on peut traverser une forêt sans se rendre compte de rien et on peut entendre de la musique sans ne rien ressentir.
02:22Pour moi, l'approche est la même si on veut vraiment vivre la forêt ou écouter de la musique, c'est vraiment similaire.
02:29On va tous fermer les yeux, vous auditeurs d'Inter qui nous écoutez aussi et on va imaginer qu'on est dans la forêt et que vous nous jouez un morceau au violoncelle Olivier Guay. On vous écoute.
02:59Et là le silence revient et vous dites qu'il y a souvent un instant comme suspendu,
03:28les gens écoutent les bruits de la nature avant d'applaudir.
03:31Oui, c'est vrai que je pense que nous musiciens avons un peu cette chance de savoir créer le silence et le silence qui intervient à la fin d'une oeuvre musicale est très intense.
03:44Et c'est dans ces moments-là, je pense que l'écoute active est le plus et que l'écoute des auditeurs va passer de notre musique vraiment à celle de l'environnement.
04:01Que vous disent ces gens qui viennent vous écouter, ça leur donne envie de faire davantage attention à ce qui les entoure ?
04:06Oui, en tout cas, ils font pendant cet instant un peu suspendu, beaucoup plus attention à ce qui les entoure, mais aussi à ce qu'ils ressentent, à leur sens.
04:17Et à la fin du concert, en tout cas, quand ils viennent nous voir de manière très naturelle pour nous parler de ce qu'ils ont vécu, ils ont très bien fait le parallèle entre ce qui se passait sur scène et ce qui les entourait.
04:32Lorsque la musique, justement, va évoquer un oiseau ou lorsqu'elle va évoquer l'eau, par exemple, ils vont tout à fait faire le rapprochement et donc se sentir davantage concernés.
04:41Parce que tous les musiciens, de toute façon, s'inspirent de la nature, que ce soit par ses sons, par les sentiments qu'elle nous inspire.
04:49Toutes les musiques sont inspirées de la nature ?
04:51Absolument, tous les arts et ce depuis le début des arts, en fait.
04:55Et quand on regarde, par exemple, le début de la musique, qui sont en fait des musiques traditionnelles, des chants traditionnels, ils sont pour la plupart inspirés et ils évoquent l'environnement parce que c'est la base, tout simplement.
05:07Et ces musiques-là étaient très souvent jouées en extérieur et dans ces écrins naturels.
05:12Donc, en fait, c'est juste quelque chose de primaire de parler de l'environnement à travers l'art.
05:17Votre relation à la nature, vous l'avez évoquée tout à l'heure, en tant que musicienne, elle est très concrète.
05:24C'est-à-dire que votre instrument, ce violoncelle que vous avez là, dans le studio de France Inter, il date de 1733.
05:31Et il est en bois, évidemment, érable et épicéa, ai-je lu.
05:35Donc, il vous rattache à ces forêts que vous voulez protéger ?
05:39Oui, pour moi, cet instrument que j'ai vraiment beaucoup de chance de jouer, qui ne m'appartient pas mais qui m'est prêté par une grande fondation à Londres,
05:50incarne vraiment cette notion de durabilité, de noblesse de ce matériau bois.
05:57Et donc, j'encourage chacun à se rendre compte que cet instrument, ça fait des centaines d'années qu'il passe de main en main.
06:04Et grâce aussi au travail des luthiers, il est maintenu dans un état remarquable.
06:10Et donc, effectivement, je m'en sers comme incarnation de cette notion de durabilité.
06:16Chacun de vos concerts est précédé d'une visite guidée avec des agents de l'Office national des forêts et d'une conférence de lutherie.
06:24Oui, alors ça, c'est un projet très spécial que l'on mène cette année, main dans la main, avec le fond de dotation ONF Agir pour la forêt.
06:33Et qui consiste en sept journées de sensibilisation dans sept forêts, labellisées forêts d'exception,
06:41durant lesquelles nous irons de la forêt à la musique en passant par l'instrument de musique Fruits de la forêt.
06:48Donc, selon le déroulé suivant, une visite commentée de la forêt, de la dite forêt par un agent ONF,
06:56une conférence sur les bois de lutherie assuré par des luthiers locaux, le tout géré par la CSFI,
07:04qui est la chambre syndicale de la facture instrumentale, et ensuite donc une représentation du silence de la forêt.
07:10On parlait de cet instrument qui est en bois. Est-ce que vous considérez que la musique moderne, la musique électronique, éloigne la musique de la nature ou pas du tout ?
07:19Non, je ne pense pas parce qu'il y a aussi les mots qui sont très importants.
07:24Et aujourd'hui, il y a beaucoup de chanteurs de variété, de chanteurs actuels qui sont engagés et qui, justement, écrivent des textes, à mon avis,
07:35pleins de sens et qui ont également une portée très forte. Et je pense que les mots sont également très importants.
07:42Et c'est ce que j'essaye aussi de faire dans ce que j'appelle ce concert raconté, puisque j'ai tissé une histoire autour du répertoire musical que nous interprétons
07:52et qui permet justement d'égrener certaines des menaces qui pèsent sur les forêts aujourd'hui.
07:57J'avais reçu ici à France Inter Johnny Rass et Jean Boucaud, je ne sais pas si vous les connaissez. Ils se font appeler les chanteurs d'oiseaux.
08:04Eux aussi sont des artistes extraordinaires qui connaissent des milliers de chants d'oiseaux, qui communiquent avec la nature et qui se produisent souvent avec des musiciens classiques,
08:14Jean-François Zijel notamment. C'est une autre façon de recréer ce lien entre l'art et la nature. Eux le font du côté des oiseaux ?
08:23Oui, absolument. Alors, ils sont vraiment extraordinaires. C'est tout à fait bluffant et j'avoue être complètement sous le charme de ce qu'ils font.
08:33Et le fait de mêler ça à la musique classique, je trouve que c'est une idée fantastique. Et c'est leur manière à eux.
08:40C'était beaucoup de travail certainement, beaucoup d'écoute. Des milliers d'heures, des milliers d'heures d'entraînement et surtout une grande passion pour ces oiseaux.
08:53Et vous aimeriez jouer avec eux ?
08:54Oui, avec plaisir. J'ai pensé à les contacter justement.
08:59Le rendez-vous est pris. On peut à France Inter vous mettre en contact avec eux et vous viendrez nous voir pour nous présenter le fruit de votre travail avec grand plaisir.
09:07Vous avez joué également parmi les forêts dont vous parliez à Verdun. On le sait évidemment, champ de bataille de la première guerre mondiale.
09:16La musique peut selon vous être un remède au mal que l'homme fait à la nature. Est-ce qu'il peut être un remède aussi au mal que l'homme se fait à lui-même ?
09:26Alors un remède, je ne sais pas. C'est vrai qu'on dit souvent que la musique adoucit les mœurs. Dans certains cas, c'est vrai.
09:34Par contre, en ce qui concerne les conséquences des actions humaines sur la nature, je pense que la musique et les artistes peuvent être des lanceurs d'alerte.
09:43Un peu comme c'était le cas il y a déjà bien longtemps avec les troubadours, les menestrelles qui utilisaient justement la force de l'art pour passer des messages universels qui concernent tous et chacun.
09:56Un remède, par exemple, vous prenez l'exemple de la forêt de Verdun pour y être passé il y a très peu de temps.
10:04C'est vrai que ce champ de bataille est quand même emprunt de traumatismes en tout genre et je ne suis pas sûre que la musique puisse guérir ça.
10:13Mais en tout cas, alerter, oui.
10:15On va se quitter aux musiques, Olivier Guay.
12:25Merci beaucoup d'être venu nous voir avec votre violoncelle ce matin sur France Inter.
12:34Merci à vous.