Alain Delon - Interview - 2009
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00:00L'événement ce soir sur notre antenne, c'est une soirée en grande part consacrée à Alain Delon.
00:04L'acteur témoigne comme on l'a rarement entendu dans une émission
00:07produite par Dominique Van Luzel et Béatrice Barton et réalisée par Raymond Vuillamot.
00:11Ce sera à 22h55, le début d'une série d'émissions sur le cinéma que vous inaugurez.
00:17Alain Delon, bonsoir.
00:18Bonsoir Darius.
00:19Le principe c'est que l'acteur regarde des images qui l'ont marqué, surtout de ses films.
00:24Il fait un choix de ses films qu'il a tournés et des films qui ont compté dans sa jeunesse,
00:29dans son enfance ou dans sa vie, ou qui l'ont marqué ou bouleversé.
00:33Premier extrait, c'est La Piscine avec Romy Schneider.
00:40Fais attention, je suis sûre que Beneloc ne regarde pas une fenêtre.
00:43Tu es une grande fille.
00:44Non.
00:45Si.
00:46Non.
00:47Si.
00:48Ah ouais.
00:54Ah ça c'est...
00:57Ça va.
00:58Ça c'est quoi ? Ça n'a pas de mot.
01:09Un film que je ne peux jamais revoir.
01:12A cause de Romy, bien sûr.
01:15A cause de Maurice aussi.
01:17Et à cause de Doré, qui n'est plus là non plus.
01:20Mais c'est des images qui me bouleversent.
01:24Je ne peux pas définitivement voir ou revoir La Piscine.
01:27C'est pas possible.
01:29On a beaucoup d'émotions dans ce moment-là.
01:31Il y en a d'autres.
01:32Comment on sort de l'exercice ?
01:34Moi je sors parfaitement satisfait, parfaitement heureux parce que j'ai découvert plein de choses.
01:39Et puis je suis peut-être pour une fois, je me suis laissé aller à parler comme j'en avais envie,
01:44comme je le sentais, exprimer mes sentiments, exprimer mes joies, mes craintes, mes bonheurs
01:48et tout ce qui a fait ma carrière et tout ce qui a fait ma vie.
01:51Vous me disiez tout à l'heure qu'il y a beaucoup de morts.
01:53Et là c'est évidemment quand on voit comme ça sur...
01:55Oui, il y a beaucoup de disparus.
01:56Effectivement, quand on voit tout cela, il y a beaucoup de disparus.
01:59C'est la solitude du courant de fond.
02:03Et puis il y a vous.
02:04Il y a moi qui n'ai pas encore disparu, Darius.
02:06Plein soleil.
02:07Vous avez 24 ans.
02:09Tout le monde dit quand on...
02:10Il était tellement beau.
02:11Et c'est vrai que l'image a quelque chose de saisissant.
02:13Vous, quand vous regardez à l'image ce jeune homme de 24 ans, vous pensez quoi ?
02:18Je pense à René Clément qui n'est plus là et à qui je dois ce film
02:21et à qui je dois tout ce que je suis dans ce film.
02:24Rien d'autre.
02:25Et sur vous-même ?
02:27Sur moi-même, je pense que je suis bien.
02:31Oui, pourquoi ?
02:33Je vous propose un deuxième extrait.
02:34Je vous en prie.
02:35C'est deux hommes dans la ville.
02:36Alors, échange de regard légendaire avec Jean Gabin.
02:38C'est tout à fait différent.
02:39C'est beaucoup plus tard.
02:40C'est beaucoup plus tard dans ma carrière.
02:42C'est beaucoup plus tard.
02:43C'est surtout l'affrontement et la réplique donnée à Jean Gabin,
02:47ce qui était une chose exceptionnelle.
02:49Et le thème de la peine de mort.
02:50On va y revenir.
02:51On regarde l'extrait.
03:14Vous êtes mort mille fois au cinéma.
03:17Il faut que je vous dise d'abord qu'au risque de choquer ou de déplaire,
03:22ce film était fait, cette scène, très peu de temps après l'abolition de la peine de mort.
03:28Et je suis pour la peine de mort.
03:30Je suis pour le réel.
03:32Je suis pour la peine de mort.
03:33Je suis pour l'humilité.
03:35Je suis pour l'humilité.
03:37Je suis pour l'humilité.
03:38Je suis pour l'humilité.
03:39Je suis pour l'humilité.
03:40Et je suis pour la peine de mort, contre l'abolition.
03:44Mais c'est pas incompatible.
03:46Non mais je vous le dis, voilà.
03:49Et je suis, cette scène pour moi représente beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses.
03:54Voilà.
03:57Je vois pas ce que je peux ajouter Darius, tout est dit là.
04:00Alain Delon pour la peine de mort, ça c'est le côté homme de droite.
04:03Et puis en même temps le film était contre la peine de mort, donc c'est plus compliqué que ça.
04:07Non le film était contre la peine de mort, c'était au moment de mettre, comment ça s'appelait, du bas d'un terre, c'est ça.
04:12C'était l'abolition.
04:13Non moi je suis, vous avez dit que je suis pour la peine de mort, contre la peine de mort depuis.
04:16Non je dis pour, c'est vous qui le dites.
04:18Depuis parce que je suis homme de droite, pas du tout, pas du tout.
04:20Je suis contre la peine de mort parce que j'ai été éduqué comme ça.
04:25J'ai été élevé comme ça, bien avant de faire du cinéma, ce qui n'a rien à voir avec l'homme de droite.
04:30Avec ma formation, avec ma famille, avec tout ce que j'ai appris, tout ce que j'ai reçu, tout ce que j'ai compris.
04:35On m'a appris très jeune que la mauvaise herbe ça s'arrache.
04:38Et je crois qu'il y a des choses qu'on ne peut pas excuser, qu'on ne peut pas admettre.
04:45Et qu'il y a des gens, je le dis franchement, qui pour certains actes ne peuvent pas rester sur terre.
04:51C'est mon opinion, ça ne regarde que moi.
04:53Vous savez que ça vous a classé à droite, c'est la question que je vous posais, dans le métier.
04:57Est-ce que ça vous a marginalisé, ça vous marginalise toujours ?
05:01J'ai été marginalisé toute ma vie.
05:04J'étais le seul qui n'ait pas fait partie d'aucun syndicat, d'aucun comité d'acteurs, etc.
05:10Et j'ai toujours été un solitaire, et c'est bien ce qu'au début de ma carrière on ne m'a pas aimé à cause de ça.
05:15Et j'ai toujours été en marge.
05:18Ça ne m'a pas empêché de faire la carrière que j'ai faite.
05:21Comment vous fonctionnez ? L'émission est très saisissante, on va la voir à 22h55.
05:25Vous êtes avec Dominique Verluzel, qui est pour vous un ami, c'est aussi un agent d'affaires pour vous.
05:29Non, il faut dire que Verluzel...
05:32La question est la suivante.
05:34Si on regarde les choses du point de vue positif, vous vous exprimez avec une liberté extraordinaire, beaucoup de sincérité.
05:39Côté négatif, vous êtes un peu clanique.
05:41Un peu ?
05:42Clanique, il faut être de votre clan pour vous faire parler.
05:45Je n'ai pas de clan, vous savez, j'ai le clan hors cinéma.
05:47Le clan est dans ma vie, j'ai les clans hors cinéma dans ma vie, mais il ne faut pas être du clan pour me faire parler.
05:51Je dis ce que je pense quand je le veux, quand j'en ai envie, et on ne m'a jamais empêché de dire quoi que ce soit.
05:57Juste un mot sur Verluzel, que vous avez dit, c'est un ami.
06:00Non, je crois que c'est un brillant avocat, mais je ne sais pas si le brillant avocat n'est pas encore plus brillant que le cinéphile.
06:07Parce que ça, c'est son idée, avec celle de Béatrice Barton, que vous connaissez,
06:10et c'est une idée absolument remarquable, c'est pour ça que je suis là ce soir,
06:13et que j'ai réussi à amener aussi des amis que vous connaissez,
06:16Guy Rydard, Claudia Cardinal, et beaucoup d'autres.
06:19Alain Delon, un mot sur l'actualité.
06:21Elle vous frappait aussi quand on ouvrait le journal, cette espèce de guerre fiscale entre la Suisse et la France.
06:25Vous avez été un des premiers, vous étiez beaucoup attaqué en France, sur le thème « Va cacher son argent en Suisse ».
06:30Aujourd'hui, vous êtes Suisse. Vous avez le cœur français ou suisse, finalement, dans un jour comme aujourd'hui ?
06:35Non, vous savez, j'ai été beaucoup attaqué toute ma vie, sur beaucoup de sujets, et pas seulement parce que je suis Suisse.
06:42Alors, il fut une époque où j'étais attaqué, moi aussi, sur mes supposés comptes bancaires,
06:48ou sur ma fuite fiscale du côté français, mais ce n'est pas une chose qui m'a dérangé.
06:54Alors, je suis aujourd'hui, si vous voulez, sensible à tout ce qui se passe,
06:58parce que je pense qu'il y a des êtres, je veux dire, qui ne méritent pas de souffrir comme ils vont souffrir,
07:02parce que ça va être dramatique et dur pour beaucoup d'entre eux.
07:05Mais pas pour moi, parce que je ne fais pas partie de ceux-là.
07:08Mais si je faisais partie de ceux-là, j'aurais assumé.
07:11Alain Delon, merci. On regardera l'émission « Dans mon cinéma », à 22h55, suivie de ce très beau film « La piscine », avec Romy Schneider.
07:18Merci beaucoup.
07:19Je vous en prie, Darius, merci à vous.