L'interview d'actualité - Michael Jérémiasz

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Michael Jérémiasz, chef de mission de la délégation française pour les jeux paralympiques de Paris 2024 est l'invité de Télématin à quelques jours du lancement des jeux paralympiques. 

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Transcript
00:00C'est l'heure de l'invité d'actualité. L'actualité, vous le savez, ce sont les Jeux Paralympiques de Paris 2024 qui débutent ce mercredi,
00:07à suivre, bien sûr, comme les Jeux Olympiques sur France Télévisions. Et ils sont nombreux, Louise, les commentateurs, à se demander ce matin
00:13comment il faut parler de ces Jeux Paralympiques et de ces athlètes.
00:15Et on va avoir la réponse tout de suite. On est avec Mickaël Girmias. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Bonjour, ça va bien ?
00:21Ça va et vous ?
00:22Super. Vous savez tout faire. Vous êtes ancien champion de tennis fauteuil. Vous avez participé quatre fois aux Jeux Paralympiques,
00:28gagné des médailles de tous les métaux, or, argent, bronze, consultant en France Télévisions pour Roland-Garros.
00:34Et vous êtes, pour Paris 2024, chef de mission de la délégation française pour les Jeux Paralympiques.
00:40Tout d'abord, est-ce que vous partagez notre excitation pour cette douzaine, on peut le dire comme ça, qui nous attend ?
00:47Oui, je la partage. Ça fait neuf ans que j'ai rejoint les équipes de Tony Estanguet au comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques.
00:53Là, ça y est, c'est à deux jours, il y a la cérémonie d'ouverture qui arrive bientôt. Cérémonie incroyable, je le sais, j'ai quelques petites infos.
00:59Ah oui, vous l'aiderez, tout est là, tout à l'heure, bien sûr.
01:02Évidemment, j'ai tout.
01:03Pourquoi pas maintenant ?
01:04Maintenant, si vous voulez. Non, ce sera une cérémonie magnifique, ça c'est sûr, mais engagée, militante.
01:10C'est important pour nous de raconter et de faire comprendre notre parcours, notre histoire.
01:13Mais oui, l'excitation, moi je suis au village depuis quelques jours avec les athlètes qui arrivent tous les jours et c'est assez fou.
01:18On a vécu, nous, l'engouement des Jeux Olympiques. Ça nous a porté. Donc là, on est là, on est prêt.
01:22Bon, Mickaël, on va en parler de ces Jeux, mais on a envie de bien en parler. C'est pour ça que vous êtes là ce matin.
01:27La semaine dernière, Teddy Riner, en voulant valoriser les para-athlètes, a parlé de super-héros, d'Avengers.
01:33Il s'est fait recadrer par un athlète paralympique, un membre de l'équipe de France de basket-fauteuil, Sofiane Meyaou.
01:40Voici ce qu'il a dit.
01:41« Faut vraiment que tu arrêtes de parler », il s'adresse à Teddy Riner.
01:43« De nous, de cette manière, tu ne nous aides pas. On n'est ni à plaindre, ni à valoriser.
01:47On est des personnes en situation de handicap, et nous souhaitons être considérés comme des personnes normales. »
01:52Les propos de Teddy Riner sont-ils maladroits ?
01:54Ce n'est pas de la maladresse, Teddy. On se connaît depuis un paquet d'années.
01:57Il connaît très bien les sportifs de haut niveau, olympiques comme paralympiques.
02:00Sans que personne ne lui ait demandé, il a soutenu, et tant mieux.
02:03Et je le remercie, lui, Marie-Jo Perrec, et plein d'autres, j'espère, bientôt, les athlètes paralympiques.
02:07Ça partait d'une bonne intention.
02:08Ça partait d'une bonne intention, mais en fait, c'est un peu à l'image de la vision que vous avez de nous.
02:12Vous pensez que les personnes handicapées, et à juste titre, parce qu'on doit affronter énormément d'obstacles,
02:17qu'on est entravés au quotidien, qu'on est discriminés parce qu'on est handicapés,
02:20on est des sortes de super-héros.
02:22Mais en fait, non, on n'est pas des super-héros.
02:24On est comme tout le monde.
02:25On a nos victoires, on a nos défaites.
02:28On est des champions quand on performe.
02:30On ne l'est pas quand on ne performe pas.
02:31Et en fait, nous, le traitement qu'on souhaite, c'est exactement le même traitement que pour les athlètes olympiques.
02:35Juste des athlètes de haut niveau.
02:37Des athlètes de haut niveau, évidemment.
02:38Mais parce qu'en fait, on s'entraîne de la même manière.
02:40Avec Teddy, on s'est entraînés pendant six ans à l'INSEP, côte à côte.
02:43Alors, il soulève un peu plus que moi de volépé couché, à peine.
02:45Pas grand-chose.
02:46Je l'éclate à la presse.
02:47Mais le truc, c'est qu'on se retrouve à espérer ça.
02:50Sofiane, sur le fond, il a raison.
02:52Après, Teddy, Marie-Jo, continuez.
02:54Prenez pas mal.
02:55On a plein de choses à vivre ensemble.
02:57Mais ça fait partie du boulot ensemble, de travailler ensemble sur la sémantique,
03:00pour savoir comment justement parler des gens.
03:03Est-ce que ça vous blessait, vous, quand on disait « super-héros »,
03:07quand on utilisait ces termes positifs ?
03:09Parce que ce qu'ils voulaient, à la base, c'est vous valoriser.
03:11Non, mais ça ne me posait aucun problème.
03:13Vous savez, il y a eu un documentaire en 2007 qui s'appelait « Les super-héros »,
03:16qui était édifié sur France Télévisions, et je faisais partie des six super-héros.
03:19Et en 2012, c'est les Anglais, c'est Channel 4 qui a lancé ça, avec Brio,
03:22pour nous mettre en lumière, qui a lancé le concept des super-héros.
03:25« Meet the super-humans ».
03:26Ce qui nous allait très bien, parce qu'on était dans l'ombre.
03:29Maintenant qu'on est de plus en plus mis en lumière, et c'est tant mieux,
03:32l'idée, c'est la normalisation.
03:33Et donc, c'est de valoriser un athlète s'il est performant,
03:35et à l'inverse aussi, de le critiquer s'il est passé à côté de son épreuve,
03:39comme on a dû le faire sur le basket 3-3 féminin, où elles se sont foirées.
03:42Elles se sont foirées, ce n'est pas grave.
03:44Et ça, vous dites, il faut nous critiquer.
03:45Si on n'est pas bon, il faut nous critiquer.
03:47Défoncez-nous.
03:48Alors, avec modération.
03:50Non, mais bien sûr.
03:51En fait, il faut être à l'aise avec ça.
03:53Vous avez le droit.
03:54Vous avez le droit de blaguer, vous avez le droit de critiquer,
03:55vous avez le droit de valoriser.
03:56Soyez à l'aise avec ça.
03:57Nous, on vous le dit.
03:58Vous avez une carte blanche pour ça.
03:59Mais on ne sait pas comment réagir parfois, pour être tout à fait honnête.
04:03C'est-à-dire que nous, journalistes dans les médias,
04:06il y a certains qui se posent la question,
04:07est-ce que j'ai le droit de faire des blagues ?
04:09Et jusqu'à quel point ?
04:11Quel est votre conseil ?
04:12Prenez les cours avec Arthus.
04:14Arthus, il l'a bien compris.
04:15C'est un des premiers supporters de l'équipe de France paralympique.
04:17Depuis très longtemps, c'est un de ceux qui blaguent le plus,
04:20qui charrie le plus les personnes écapées et les athlètes paralympiques.
04:23Mais nous, on est les premiers à le faire.
04:24Venez passer une journée avec nous.
04:25Venez dans un vestiaire.
04:26Dans un vestiaire d'athlètes paralympiques.
04:27Ça chambre.
04:28Non, mais ce n'est pas que ça chambre.
04:29Vous ne pourriez pas le faire, ça, par contre.
04:30Nous, il n'y a pas de filtre, il n'y a pas de limite.
04:32Nous, on est très hardcore, vraiment.
04:33Et en plus, nous, sur les handicaps de chacun.
04:35Donc, en fait, allez-y de la même manière, avec le même enthousiasme.
04:38Vous disiez en introduction comment nous, journalistes, allons nous positionner.
04:42Mais avec la même folie, la même ferveur, le même enthousiasme.
04:50Moi, ça fait 25 ans bientôt que je suis en fauteuil roulant.
04:52Donc, j'ai eu le temps d'apprendre, de comprendre.
04:54Travailler la sémantique, le combat, l'histoire.
04:56Il y en a pour certains qui découvrent et qui arrivent.
04:58La seule chose sur laquelle on n'a pas le droit de se tromper, c'est sur son travail.
05:01C'est-à-dire, c'est de savoir, c'est d'avoir préparé qui sont ces athlètes,
05:04quelles sont leurs performances, les résultats.
05:05Mais si un jour, vous passez à côté d'un Olympique au lieu de Paralympique,
05:08voilà, ça peut arriver.
05:10Mais ça, on s'en fout.
05:11On n'en est pas là aujourd'hui.
05:12Vous le disiez, on a le droit de blaguer.
05:19Le compte officiel des Jeux Paralympiques le fait très bien.
05:22Je ne sais pas si vous avez vu les vidéos TikTok.
05:24Fanny Veil nous en parlera tout à l'heure en détail à 6h40.
05:27Des vidéos courtes avec des légendes en général qui font la parbelle à l'humour noir.
05:31Est-ce que ce ne sont pas finalement les personnes valides
05:34qui sont le plus gênées par ce genre d'humour ?
05:37Si, forcément.
05:38Forcément, nous, encore une fois, on le vit au quotidien.
05:40C'est le nerf de la guerre.
05:41Pour se reconstruire, pour rebondir quand on est victime d'un accident de la vie,
05:44l'humour, c'est à mon sens, au-delà de l'entourage familial, l'outil le plus puissant.
05:48Moi, c'est ce qui m'a sauvé, c'est ce qui m'a accompagné,
05:50avec mes frères notamment.
05:51La manière dont on s'est charrié très vite.
05:53Et le fauteuil et le handicap étaient source de blague.
05:56Et donc, nous, on est les premiers à le faire.
05:58Mais c'est aussi une façon de désacraliser, un petit peu dédramatiser
06:01le rapport qu'on a au handicap.
06:02Oui, on est la minorité la plus discriminée dans notre pays.
06:04Oui, on a un combat à mener quotidien pour nos droits.
06:07Mais là, on parle des Jeux paralympiques, de cette tribune qu'on a pendant 12 jours
06:11pour montrer au grand public qu'on est capable aussi de faire des choses extraordinaires.
06:14Pas de super-héros, extraordinaires, parce que pas banales.
06:18Parlons de l'humour en quelques mots.
06:20C'est vrai que ça va très loin sur TikTok, sur les réseaux sociaux,
06:24parce que c'est fait par des gens qui ont l'habitude, en quelque sorte.
06:29Nous, je veux bien faire preuve d'humour.
06:31Comment je fais ?
06:33Moi, je ne suis pas coach en humour.
06:35Ce que je veux dire, c'est qu'en fait, c'est d'être à l'aise.
06:38C'est-à-dire que si vous arrivez avec vos gros sabots
06:40et que vous commencez à blaguer sur le moignon d'un athlète amputé,
06:43c'est risqué.
06:44Mais il faut être drôle.
06:45L'humour, c'est que ça.
06:47Il faut être drôle.
06:48Vous savez, quand j'étais revenu des Jeux de Pékin,
06:49il y avait une chronique de Stéphane Guillon à l'époque.
06:52On m'avait appelé.
06:53C'était Canal+, à l'époque, qui avait diffusé la chronique.
06:57Il me dit qu'il y a eu un gros, gros bas de buzz
06:59parce qu'il s'est foutu de la gueule les athlètes paralympiques.
07:01Non, il a fait son travail, simplement.
07:03Effectivement, la chronique n'était pas ultra ouf.
07:05Elle n'était pas super drôle.
07:06Mais en soi, il n'y a pas de problème, allez-y.
07:08Mais il faut être drôle.
07:09Et pas plus avec les andiers qu'avec les valides.
07:11Avec n'importe qui, quand on fait de l'humour, il faut être bon.
07:13Mais comme dans tout, il faut essayer de faire ça bien.
07:16Merci d'être venu nous éclairer ce matin.
07:18Avec plaisir.
07:19On vous retrouvera sur France Télévisions de temps en temps ?
07:22Bien sûr, je viendrai vous voir.
07:23Avec grand plaisir.

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