Ce film est une fable employant un ton décalé, informel et caustique sur le génie déployé depuis 50 ans à Gardanne par l’industrie d’alumine pour faire accepter tant aux autorités politiques, scientifiques et sanitaires qu’aux populations, l’innocuité prétendue des boues toxiques, résidus de la transformation de la bauxite en alumine et faire accepter leur rejet en Méditerranée.
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00:00Musique
00:29Vous êtes au cœur du parc des Calanques, près de Marseille.
00:33Un des plus beaux sites naturels de la Méditerranée.
00:37Ici, nous sommes censés conserver, protéger, respecter une faune et une flore uniques au monde.
00:55C'est drôle, mais j'ai pensé à ça souvent.
00:58Vous invitez à plonger avec moi.
01:01Vous invitez à une plongée au cœur de ces eaux troubles.
01:05Au cœur d'une manipulation.
01:07D'une désinformation toxique.
01:18Que savez-vous de l'usine d'alumine de Gardanne ?
01:21Savez-vous qu'elle déverse ses déchets, ses bouts rouges, à terre et en mer ?
01:27Des déchets chargés en métaux lourds et en radioactivité.
01:31Vous avez peut-être entendu la ministre de l'écologie dire que c'était un scandale et qu'il fallait que ça cesse.
01:38La terre est devenue rouge sur les hauteurs de Gardanne.
01:42Les mêmes déchets gisent au fond de la mer, mais le périmètre concerné est sans commune mesure.
01:48Rien n'est visible, en surface du moins.
01:52Et cela a commencé il y a bien des années.
02:02Nous sommes dans les années 60.
02:05Et Péchinet, qui est alors le propriétaire de l'usine, veut obtenir l'autorisation de déverser ses déchets dans la Méditerranée.
02:13L'usine de Gardanne fonctionne depuis la fin du XIXe siècle.
02:16On y fabrique de l'alumine à partir de la bauxite grâce au procédé Bayer,
02:22lors duquel on utilise de grandes quantités de soude.
02:26Ce procédé génère des bouts rouges, déchets industriels composés d'eau, de minéraux, de soude, d'arsenic et de métaux lourds
02:36tels que le mercure, le plomb, le chrome, le vanadium et le titane.
02:414 à 5 tonnes de bauxite sont nécessaires pour obtenir 2 tonnes d'alumine.
02:46Une alumine qui sert, à cette époque, à fabriquer de l'aluminium, des céramiques et des matières abrasives.
02:54Dans les années 60, les bouts rouges sont stockés à terre dans les vallons de Manche-Garry, au-dessus de Gardanne.
03:02La capacité de stockage est presque atteinte.
03:06L'idée de jeter les déchets en mer s'impose.
03:09Parce que ce n'est pas cher, cela permet d'évacuer de grandes quantités et de diluer la toxicité du produit.
03:20Pour aller de l'usine à la mer, Péchinet propose de construire une canalisation de 45 km
03:27qui déboucherait dans la calanque de Portmieu, puis qui s'enfoncerait dans la mer jusqu'au canyon de Cassidègne, à 320 mètres de profondeur.
03:39Comme les vallons de Manche-Garry, la fosse sous-marine de Cassidègne est potentiellement une décharge à portée de l'industriel.
03:49Nous sommes en 1962-1963, les études sont achevées, les enquêtes publiques, rendues nécessaires par la loi, commencent.
03:59Et Péchinet, il s'agit à cette époque-là du grand champion national, la grande entreprise de l'aluminium français,
04:10est très surpris car elle est confrontée assez rapidement à une mobilisation hostile au projet de conduite à la mer.
04:22Pour vous donner un chiffre sur l'ampleur de la mobilisation, il y a une manifestation à Cassis,
04:27pas une grande ville alors, et elle réunit 1000 personnes dans les rues, c'est tout à fait considérable.
04:33Cette mobilisation a été fomentée par des associations, mais aussi soutenue par des personnalités médiatiques.
04:43Cette pollution sera incontrôlable, même si ceux qui la font affirment et croient que le produit qu'ils rejeteront dans la mer sera constant et ne changera jamais,
04:53nous n'en avons aucune certitude, il s'agit d'un précédent.
04:57D'un grave précédent, la porte s'ouvre à toutes les pollutions industrielles massives, car enfin,
05:04qui viendra interdire à une société de rejeter à la mer son déchet alors qu'une autre société vient d'avoir l'autorisation de faire ce rejet qui est pour elle une économie ?
05:14Dans cette histoire, il y a Bombard, et il y a Cousteau.
05:19Le commandant Cousteau, à l'époque, c'est une véritable star.
05:22Personne ne s'aventure à remettre en cause sa parole, surtout quand il s'agit de la Méditerranée.
05:28Dans certaines zones côtières, elle est très malade.
05:32La maladie s'étend, non seulement avec l'augmentation de la population, mais avec le développement inconsidéré de l'industrie.
05:42Quand je dis le développement inconsidéré de l'industrie, je ne suis pas contre le développement de l'industrie, je voudrais qu'on le fasse proprement au lieu de le faire n'importe comment.
05:49Mais contre toute attente, c'est Péchinay que Cousteau décide de défendre.
05:54Il déclare que les rejets sont inoffensifs pour l'environnement.
06:00Le grand public ne le sait pas, mais Cousteau travaille pour l'industriel.
06:06Sur ses plans de Péchinay, on voit bien que c'est la Calypso qui a sondé la baie de Cassis pour préparer la pose de la conduite.
06:13Mélange des genres et conflits d'intérêts.
06:15J'ai appris plus tard que Cousteau avait une société en commun avec Péchinay.
06:20On comprend mieux dès lors ce qui l'a poussé à devenir une carte maîtresse dans la communication de l'industriel.
06:27Péchinay va jouer aussi, comme le font toutes les entreprises confrontées à ce genre de situation, sur des agents de communication.
06:38Là, c'est Arras, qui va donc prendre en main la communication de Péchinay dans l'affaire de la conduite à la mer
06:47pour développer une pédagogie de ce que représente l'envoi des bourrouges dans la mer.
06:55Nous avons figuré sur ce carton les possibilités d'utilisation arbitraire pour une centaine d'années.
07:02Ainsi que vous le voyez, nous occupons extrêmement peu de place dans cette immense fosse.
07:09Ce travail de désinformation s'est fait à plusieurs niveaux.
07:13Le premier niveau, c'est ce niveau du langage.
07:16C'est frappant. C'est la manière dont les mots de bourrouges ou boutoxiques ont été en quelque sorte neutralisés.
07:23Non pas, par exemple, en faisant un discours en disant que les bourrouges ne sont pas toxiques,
07:28ce qui aurait été une façon naïve de communiquer,
07:30mais en disant que ces bourrouges ne sont pas des bouts, ce sont des résidus, pas des déchets, des résidus,
07:38et ces résidus ne sont pas toxiques.
07:41Mais au lieu de dire « ne sont pas toxiques », on a cherché un adjectif qui exprimait,
07:49représentait de la manière la plus simple, l'inocuité de ces résidus.
07:55Et donc, c'est le mot « inerte » qui sort.
07:56Arriver à maîtriser le vocabulaire, c'est tout à fait fondamental,
08:00puisque des grandes polémiques ou discussions ou inquiétudes publiques se fixent sur des termes
08:06qui deviennent importants, qui sont chargés d'affect ensuite.
08:10Par exemple, si on parle de cancer, ce n'est pas la même chose que si on parle d'activité biologique,
08:15d'hyperplasie ou d'autres termes encore moins connus du grand public.
08:19Et donc, vous allez arriver effectivement à éviter ces affects forts.
08:26Et donc, le jeu sur les termes est extrêmement important,
08:31parce qu'il permet de choisir sur quel terrain va se placer la discussion
08:36et à court-circuiter des réactions ou des attentes du public qu'on cherche à éviter.
08:44Toujours est-il qu'en 1966, Péchiné arrive à ses fins.
08:49Les autorités lui délivrent un permis pour la construction de la conduite.
08:53Elle est même déclarée d'utilité publique.
08:57Péchiné obtient un permis de polluer pour 30 ans.
09:0130 ans à l'issue desquels les rejets devront s'arrêter.
09:10Alain Bombard avait vu juste.
09:13L'affaire de Gardanne crée un précédent.
09:16Cette fois-ci, c'est au large du Cap-Corse que l'industriel italien Montelison
09:21déverse des tonnes de boue rouge toxique.
09:23Regardez cette tâche sinueuse sur la mer.
09:26C'est la marée rouge qui s'étend au large du Cap-Corse.
09:30Elle a plus de 20 km de long et 5 km de large.
09:34Si vous avez un post-couleur, vous constatez que cette tâche est verte,
09:38car si les déchets déversés par l'usine italienne Montelison sont rouges,
09:43les résidus de ces déchets qui surnagent à la surface sont verts.
09:47Tous les jours, à 11 heures du matin,
09:49ce petit pétrolier quitte le port italien de Scarlino.
09:53Deux heures plus tard, il déverse 1500 tonnes de déchets
09:57entre le Cap-Corse et l'île italienne de Capraia.
10:01Cela dure depuis le 7 mai dernier.
10:04A la fin de l'année, plus de 350 000 tonnes de ces boues seront déversées là.
10:11La colère des Corses est immédiate.
10:14Manifestation, grève générale.
10:16Attentats, procès.
10:18Ici, l'affaire prend une toute autre tournure,
10:21car elle est vécue comme une agression par tous les Corses,
10:24à l'heure où le nationalisme se réveille.
10:29Au Cap, j'ai retrouvé Jean-Pierre Susini,
10:32militant de la première heure, une figure du nationalisme corse.
10:36Le dossier des boues rouges, il l'a connu de près.
10:41Moi, je suis agriculteur.
10:43La pêche et l'agriculture sont dans le même syndicat.
10:46C'est évident qu'on en discute.
10:48Et les pêcheurs, puisqu'ils nous alertent,
10:51on doit les soutenir, donc on doit les défendre.
10:54Mais on se pose déjà la question,
10:57si à travers des manifestations dans le calme,
11:00oui, on peut le résoudre, oui, ça va.
11:03S'il faut passer à des manifestations plus violentes,
11:07on ira, on l'a fait.
11:10Mais si ça ne suffit pas,
11:11eh bien, il faudra voir d'autres méthodes.
11:14On va y mettre un terme.
11:16Est-ce que c'est un danger ? Oui.
11:18Est-ce qu'il y a une nécessité de mettre un terme à cette pollution ?
11:21Oui. Donc, la solution, c'est laquelle ?
11:24C'est celle-là. Il n'y en a plus d'autre.
11:26Maintenant, qui est capable d'y aller ?
11:28Les gens capables pour y aller, ils y étaient.
11:31Ce n'était pas évident d'aller jusqu'en pleine mer.
11:34Parce que le bateau, je crois qu'il a été dynamité en pleine mer.
11:38Donc, il devait peut-être vider la nuit, on ne sait pas.
11:41Mais il a été dynamité en pleine mer.
11:43Et là, je pense que les dirigeants de la montée d'Eason
11:46en arrivaient déterminés jusqu'à ce point-là,
11:49ce qui n'est pas évident.
11:51Et ils se sont dit, bon, ce n'est pas la peine,
11:54on arrête tout parce que là, la prochaine fois, on est morts.
11:57Tout le monde était averti, je parle officiellement, en lieu.
12:00Personne ne disait rien.
12:02Tout le monde savait les dégâts que ça allait occasionner
12:05dans ce détroit-là.
12:07La violence a mis un terme.
12:08Et c'est sûr qu'après, cette violence-là,
12:11qui a mis un terme à cette pollution internationale, je dirais,
12:14elle en a appelé d'autres.
12:18Ce qui a mis un terme, ce n'est pas seulement la bombe.
12:22C'est aussi le procès intenté à la montée d'Eason.
12:25Un procès fleuve de dix ans.
12:28À l'époque, c'est un jeune avocat parisien,
12:31Christian Huglot, qui défie le géant de la chimie
12:34au nom de la Corse.
12:35Au point de vue juriste, je ne peux pas cautionner
12:39une situation explosive.
12:42Je le considère comme un fait.
12:44Je le considère comme un élément de révolte.
12:46Seulement, qu'est-ce qui s'est passé derrière ça ?
12:48Ce qui était formidable, c'était la mobilisation populaire.
12:51Et les élus locaux ont très vite compris.
12:54Le sénateur Jacobi, le maire de Bastia aussi.
12:57Enfin, tous les élus étaient tout de suite derrière nous,
13:00pratiquement, pour essayer de trouver une solution.
13:02Et on l'a rapporté.
13:03Je leur ai rapporté la solution juridique.
13:05Et au bout de plusieurs années,
13:0776 jugements sur la compétence,
13:09le juge et compétence sur les déversements en haute mer,
13:12confirmés par la Cour de cassation en 1978,
13:15et ensuite en 1985,
13:17dommage écologique pour les marins-pêcheurs.
13:19Une grande révolution.
13:21Dommage à l'image de marque des départements Corses.
13:24C'est quand même une révolution
13:26qui a, si vous trouvez là,
13:28la naissance du droit de l'environnement.
13:34Le coup de génie de l'avocat
13:36a été d'attaquer au pénal
13:38et de demander au juge
13:40de faire les expertises nécessaires
13:42pour connaître la toxicité de ces rejets.
13:45Comment j'ai fait la preuve
13:47dans l'affaire de la montée d'Issonne ?
13:49En prenant les cadavres de poissons
13:51et en prenant les cadavres de cétacés.
13:53On est passé à la micro-sonde électronique de Castin,
13:55à la faculté des sciences,
13:57et on a fait la preuve de la pollution.
13:59C'est ça qui compte.
14:01C'est la preuve en direct,
14:03de l'administration.
14:05Je vais vous dire quelque chose de très méchant.
14:07Moi, je n'ai jamais considéré, personnellement,
14:09que l'État était très passionné
14:11à la réparation du préjudice écologique.
14:13Je vais vous le dire de façon simple et précise,
14:15dans l'affaire de l'ERICA,
14:17l'État a refusé de demander
14:19des dommages à l'intérêt à total.
14:21Et lui, il avait compétence pour le faire.
14:23Nous, on ne fait pas,
14:25parce que ça fait de la peine,
14:27vous voyez ce que je veux dire.
14:29La montée d'Issonne décide d'immerger
14:31les déchets hautement toxiques
14:33et, en plus, la violence et le droit
14:35ont eu raison de la pollution.
14:37Entre Gardanne et Cassis,
14:39c'est une autre histoire qui suit son cours.
14:41Une histoire où le préjudice écologique
14:43n'a pas sa place.
14:53Entre 1966, début des rejets en mer,
14:56et 1993,
14:58il ne s'est rien passé à Gardanne.
15:00Calme plat.
15:03Jusqu'à ce que la première expertise indépendante
15:06soit réalisée.
15:08C'est l'étude du Créocéan,
15:10un laboratoire qui dépend, à l'époque,
15:12de l'Ifremer.
15:14Péchiné impose une clause de confidentialité
15:16aux chercheurs,
15:18mais des informations filtrent.
15:20Je retourne voir Edith,
15:22la femme d'Yves Lancelot.
15:24Yves était un océanographe
15:26de renommée internationale
15:28et, dans les années 90,
15:30il a repris le flambeau de la lutte
15:31contre les rejets.
15:33Il a été contacté plusieurs fois
15:36par Péchiné
15:42pour donner son expertise,
15:44mais en fait,
15:46il a toujours refusé
15:48parce qu'il vaut mieux
15:50que les expertises
15:52ne soient pas financées
15:54par les industriels.
15:56Donc, lui, il avait un regard extérieur.
15:58Au cours d'une conversation,
15:59Yves Lancelot m'avait expliqué
16:01ce que révélait cette étude.
16:03J'ai gardé cet archive précieusement.
16:10Une pollution que l'on ne voit pas
16:12est une pollution difficile à estimer.
16:14Donc, ce que vous ne voyez pas
16:16ne peut pas vous faire de mal, en gros.
16:18Et la toxicité
16:20ne peut se mesurer, en fait,
16:22que par de l'expérience.
16:24C'est-à-dire que si vous regardez sur place,
16:26dans le lit du Caillon de la Cassidègne,
16:27en particulier,
16:29il n'y a pas de toxicité visible.
16:31On voit des faunes, d'ailleurs.
16:33Tout le monde se réjouit de voir
16:35des poissons qui nagent, etc.
16:37Vous voyez bien que c'est totalement innocent, ce rejet.
16:39Or, en fait,
16:41ce n'est pas ça qui fera
16:43une pollution dangereuse.
16:45La toxicité est sur certains organismes
16:47à long terme
16:49et donc doit être mesurée
16:51sur des espèces bien choisies
16:53et en expérimentation
16:55dans un laboratoire.
16:57Et ce qui a été fait,
16:59on portait, en gros,
17:01sur trois espèces d'oursins
17:03et sur une espèce d'huîtres.
17:05Et dans ces espèces d'oursins,
17:07on a vu qu'effectivement,
17:09il y avait des anomalies,
17:11en particulier sur la spermiogénèse
17:13et des anomalies
17:15qui sont transmissibles
17:17d'une génération à l'autre
17:19puisqu'elles touchent la génétique.
17:21Et sur les huîtres,
17:2394 % n'atteignent pas
17:25le stade coquillé,
17:27le stade préoccupant.
17:29Ce qui veut dire aussi
17:31que tout ça a été fait très rapidement,
17:33des tests sur quelques mois,
17:358 à 10 mois en général.
17:37Mais sur le long terme,
17:39vous imaginez bien
17:41que si les oursins sont touchés,
17:43lui et les huîtres sont touchés,
17:45sur le long terme,
17:47ça peut être quelque chose
17:49de vraiment catastrophique
17:51pour les écosystèmes méditerranéens.
17:58Qui avait-il exactement
18:00dans cette étude du Créocéan ?
18:04Pour la première fois,
18:06il est établi que la concentration
18:08en métaux lourds
18:10a un impact toxique
18:12sur la faune et la flore.
18:15Les prélèvements ont été effectués
18:17dans une zone très large
18:19correspondant à la zone
18:21réellement affectée par ces rejets.
18:23Contrairement aux hypothèses
18:25des ingénieurs de Péchiné
18:27dans les années 60,
18:29au lieu de s'entasser au fond du canyon
18:31à plus de 2 000 m de profondeur,
18:33les bouts s'étalent sur les fonds marins.
18:36Cette étude est un coup dur
18:38pour l'industriel
18:40qui met tout en œuvre
18:42pour la passer sous silence.
18:44Péchiné riposte
18:46et organise son propre comité d'experts
18:48dont les études concluent
18:50à l'innocuité des rejets.
18:53Depuis,
18:55ce comité dont les membres
18:57ont été très peu renouvelés
18:59a produit plus de 200 études
19:01allant toutes dans le même sens.
19:03La machine a créé du doute
19:05ces mises en marche.
19:07Il y a plusieurs stratégies
19:09qui peuvent se superposer
19:11si vous cherchez à retarder
19:13une réglementation par exemple
19:15ou une politique publique
19:17qui concerne le produit
19:19que vous écoulez sur le marché.
19:20C'est-à-dire votre science maison
19:22en finançant de la recherche,
19:24que ce soit de la recherche interne
19:26que vous tentez ensuite
19:28de faire publier,
19:30soit en finançant
19:32des laboratoires de recherche.
19:34Ensuite, vous pourrez vous prévaloir
19:36de cette science
19:38si elle va à l'encontre
19:40des conclusions des pouvoirs publics
19:42ou des instances réglementaires
19:44pour dire qu'il y a controverse,
19:46que le dossier n'est pas clos
19:48et qu'il est encore trop tôt
19:50pour arrêter une politique publique
19:52ou pour arrêter une réglementation.
19:54Tant qu'il y a controverse,
19:56il y a doute
19:58et le doute bénéficie toujours
20:00à l'accusé.
20:02Donc ça permet
20:04de continuer en disant
20:06qu'il n'y a pas de certitude
20:08sur les aspects négatifs.
20:10Donc continuer
20:12de nous laisser travailler
20:14et n'intervenir que si véritablement
20:16les aspects négatifs du problème
20:18sont mis en exergue.
20:211996,
20:23c'est une date butoir pour Pechinet.
20:26Les rejets avaient été autorisés
20:28pour 30 ans
20:30et normalement, ils doivent cesser.
20:32D'autant que la Convention de Barcelone,
20:34ratifiée par la France,
20:36interdit tout rejet industriel
20:38en mer méditerranée.
20:42C'est Corinne Lepage,
20:44ministre de l'Environnement,
20:46qui gère le dossier.
20:48Un dossier qui lui tient à cœur
20:50c'est l'élection hugglot
20:52qui a mené la bataille
20:54contre la Montéguissonne.
20:56Comme en Corse,
20:58elle pense qu'il faut interdire ces rejets.
21:00Je savais très bien
21:02quelle était la toxicité de ces bouts
21:04et par voie de conséquence,
21:06j'estimais que c'était mon devoir
21:08de ministre de l'Environnement
21:10d'y mettre un terme.
21:12Ça me rappelle un bras de fer
21:14avec Pechinet,
21:16puisque à l'époque c'était Pechinet
21:18qui rejetait ces bouts rouges.
21:20C'était dans un gouvernement
21:22de centre droit
21:24où à l'époque
21:26ni le président Chirac
21:28ni Alain Juppé
21:30n'avaient encore fait leur conversion
21:32vers l'écologie.
21:34Le fait que l'usine,
21:36les exploitants nous ont dit
21:38qu'ils n'avaient pas à l'époque
21:40les moyens permettant
21:42de mettre un terme à ces bouts
21:44sans fermer l'usine,
21:46et c'est la raison pour laquelle
21:48on leur a donné un délai
21:50de trouver les moyens technologiques.
21:52J'estimais qu'en 20 ans
21:54ils avaient largement le temps de faire
21:56et la preuve est apportée aujourd'hui
21:58qu'il existe au moins
22:00une solution technologique
22:02qu'ils n'ont pas mise en place
22:04parce qu'ils trouvaient
22:06qu'elle coûtait trop cher,
22:08mais ça c'est pas le problème.
22:10Ils auraient parfaitement
22:12pu la mettre en place.
22:14Une fois de plus,
22:16Pechinet obtient une dérogation
22:18pour 20 ans supplémentaires.
22:20Il cherche bien de dire
22:22que 24 millions de tonnes
22:24de bouts toxiques
22:26ont déjà été déversés
22:28comme l'indique ce document interne
22:30de l'époque.
22:32Sur ce point, silence.
22:34Sur l'arrêté préfectoral
22:36autorisant les rejets,
22:38les métaux lourds sont détaillés
22:40et doivent diminuer d'ici 2015,
22:42date à laquelle les rejets
22:44doivent cesser.
22:512007.
22:53Le groupe canadien Rio Tinto Alcan
22:55devient propriétaire de l'usine.
23:00L'usine de Gardanne
23:02entre dans un groupe minier
23:04et industriel planétaire,
23:06mais elle entre aussi
23:08dans l'ère du storytelling.
23:10Rio Tinto Alcan
23:12construit sa légende
23:14en mettant en scène
23:16la fierté d'appartenir
23:18à un groupe puissant,
23:20mais aussi à l'environnement.
23:22Le greenwashing
23:24est au cœur de cette communication.
23:26Ce qui nous permet également
23:28de relever les défis
23:30liés aux préoccupations
23:32environnementales.
23:34Si vous voulez que Apple
23:36fasse du storytelling,
23:38ça ne nous surprend pas,
23:40mais qu'une entreprise
23:42qui est pour une part
23:44appartient à un processus
23:46de production qui pour une part
23:48appartient à un âge
23:50un effet d'illusion
23:52beaucoup plus grand.
23:54C'est-à-dire que le fossé
23:56entre la réalité et la fiction
23:58est encore plus abyssal
24:00dans le cadre
24:02de cette entreprise de Gardanne.
24:112012 est marqué
24:13par deux événements majeurs.
24:15La création du Parc national
24:17des Calanques,
24:18précisément où s'effectuent
24:20les rejets.
24:22Et l'usine change encore de main.
24:24Cette fois, c'est Alteo
24:26qui devient propriétaire.
24:29La fin des rejets en mer approche.
24:31Pour s'y préparer,
24:33l'usine assèche une partie
24:35des bouts grâce à des machines.
24:37Les filtres pressent
24:39et stockent ces déchets
24:41dans les collines de Mangegari.
24:43Le principe en est simple.
24:45Les bouts entrent dans
24:46une sorte d'accordéon géant.
24:48Lorsque le soufflet se resserre,
24:50l'eau est exprimée.
24:52Les déchets de bauxite
24:54tombent alors sous forme
24:56de galettes friables,
24:58la bauxaline.
25:00Grâce à ce filtre presse,
25:02on va pouvoir traiter
25:04à peu près 120 000 tonnes
25:06de bauxaline,
25:08donc de résidus
25:10que l'on va pouvoir
25:12soit stocker,
25:14soit commercialiser
25:16ces bouts en bauxaline.
25:18Au passage,
25:20on peut noter que c'est l'agence de l'eau
25:22qui finance ces installations
25:24à hauteur de 15 millions,
25:26de l'argent public provenant
25:28à 85 % du contribuable.
25:30120 000 tonnes de résidus
25:32correspondent à peu près
25:34au tiers de la production
25:36de résidus de bauxite que l'on fait.
25:38On génère
25:40350 000 tonnes de résidus
25:42pour 600 000 tonnes
25:44de production d'alumine,
25:46de l'aluminium,
25:48de l'oxygène,
25:50de l'oxygène
25:52et de l'oxygène.
25:54C'est l'alumine du bois.
25:56Les résidus d'alumine
25:58sont emporpolis
26:00par l'eau
26:02et sont stockés
26:04en bauxaline.
26:06Les résidus
26:08de bauxaline
26:10sont stockés
26:12dans des baux
26:14qui sont stockés
26:16Elles s'envolent sur tout le territoire.
26:21Je rejoins Yves Noac sur un sentier qui longe les lieux de stockage en pleine nature.
26:26Sous l'œil vigilant du gardien, il m'explique en quoi le site pose problème.
26:32Là, vous voyez le barrage et les anciennes conduites. Vous voyez les nuages de poussière
26:36qui s'envolent là-bas, je ne sais pas si vous voyez, entre les arbres. Ils sont dus en fait aux engins de terrassement qui sont sur le site
26:41et qui préparent, qui bougent l'état
26:45de résidus qui sont là et qui provoquent ces envols de poussière. On voit ensuite la trace sur les arbres, vous voyez
26:52qu'il y a certains arbres, ça se voit bien là-bas, qui ont une couleur rouge
26:57rouge-oranger et puis c'est celle que éventuellement les gens qui habitent autour peuvent respirer.
27:03Donc c'est ça que nous on essaye de
27:06mesurer pour voir derrière les effets éventuellement, les effets sanitaires que ça pourrait éventuellement avoir.
27:12S'il y a une toxicité ou s'il n'y en a pas, et ce qui n'est pas fait jusqu'à présent dans la réglementation actuelle qui est appliquée à l'usine.
27:27Pour le moment, seul le CNRS finance les études, c'est-à-dire que c'est financé uniquement avec de l'argent public.
27:33C'est-à-dire qu'en fait on est dans la situation un petit peu, que je trouve quand même
27:37étonnante, c'est que l'argent public, ça veut dire que c'est le contribuable,
27:41donc on n'est pas dans le principe du pollueur-payeur, mais dans le principe du pollué-payeur, ce qui n'est quand même pas tout à fait normal.
27:56Voilà les systèmes de prélèvement qu'on a mis en place ici.
28:01C'est l'équivalent d'un aspirateur en quelque sorte, c'est-à-dire que vous avez un système de pompe qui aspire les poussières qui viennent se déposer sur un filtre.
28:10Ce filtre reste en place pendant 24 heures, et ça nous donne des choses de ce type.
28:17Vous voyez que la surface du filtre ici est grise, donc ce sont les poussières qui sont déposées dessus.
28:22Sur cet appareil-là, on ne prend que les poussières qui sont inférieures à 2,5 microns, c'est-à-dire les poussières vraiment inhalables et qui pénètrent dans le filtre.
28:30Ils pénètrent assez profondément dans vos poumons.
28:34Une machine comme celle qu'on a là, ça coûte environ 15 000 euros.
28:38L'idéal, ce serait d'en installer plusieurs autour du site, mais nous, on n'en a pas les moyens.
28:46Donc là, ce système-là, c'est ce qu'on appelle une jauge, qui permet en fait, via l'entonnoir, de récupérer les poussières qui tombent naturellement.
28:53C'est un peu équivalent à ce qui se fait sur la petite plaquette que vous voyez là derrière, qui est le système officiel actuellement de surveillance qui est autour de ce site.
29:03La même chose d'ailleurs est autour de l'usine.
29:05Un des avantages quand même de ce système, c'est que ça coûte très peu cher.
29:08Une petite plaque de métal, ça ne coûte trois fois rien.
29:11Actuellement, et réglementairement, il ne mesure que les quantités de poussières qui tombent dessus.
29:16Ça peut être des poussières de sol qui ont été remises en suspension par le vent.
29:19Ça peut être des poussières qui viennent du site industriel.
29:22Mais ça peut être surtout en cette saison des pollens.
29:24Ça peut être des pattes de mouches, des ailes de papillons.
29:26Ça peut être tout ce qu'on veut.
29:28Mais voilà, la réglementation n'oblige pas actuellement, en tout cas, la réglementation appliquée à LTO, ne les oblige pas actuellement à aller plus loin que ça.
29:37Ce qui est totalement insuffisant pour définir un risque dans un site comme celui-là.
29:50C'est dans le jardin de M. Kaldi qu'Yves Noac a installé ses machines.
29:55M. Kaldi et Mme Mpato représentent les riverains affectés par la décharge.
30:01Ils sont peu nombreux à oser se mettre en travers du chemin de l'industriel.
30:05La toxicité des déchets pour eux, ce n'est pas une question.
30:08C'est une certitude.
30:10On nous disait que ces poussières sont inertes.
30:14Elles ne sont pas identifiées comme dangereuses pour la santé.
30:17Or, on sait depuis deux ans maintenant que ces poussières sont chargées de métaux lourds, qu'elles sont radioactives.
30:30Elles sont éminemment dangereuses pour la santé.
30:33La preuve, c'est que moi-même, j'ai eu des pathologies.
30:36Un cancer du cœur, ce qui est très rare.
30:39Et récemment, un cancer du poumon.
30:42Et moi, j'ai des problèmes de thyroïde.
30:44Et quelqu'un qui est proche de moi a eu un cancer dans la fosse du cerveau.
30:51Dans le voisinage, en 2012, un journaliste a identifié huit cancers sur vingt familles.
31:06Mais, quoi qu'il en soit, quand on est allé pour la première fois à Timon avec mon mari, pour sa maladie, on lui a demandé s'il avait travaillé dans une industrie lourde.
31:17Alors que ce n'est pas le cas.
31:19Donc, il y a quand même bien quelque chose.
31:22Maintenant, quand vous demandez au docteur de vous faire un papier, personne ne veut faire quoi que ce soit.
31:26Alors, un docteur, il ne va pas vous faire une attestation qui est liée avec ça, sachant qu'il peut avoir d'énormes problèmes pour 23 euros.
31:35Non.
31:38Voilà des périodes où il y avait beaucoup de poussière et juste après, il n'y a plus.
31:45Vous le voyez, la terrasse, elle est rouge.
31:50Ici, on voit que le ciel, c'est la vue que vous voyez là-bas, on voit que le ciel est rouge.
31:57On dirait qu'il y a du feu.
31:59Ils autorisent sur un site classé au PLU, zone naturelle, pas zone industrielle, de stocker des bouts toxiques.
32:09Mais c'est inadmissible.
32:11Et en plus de construire les filtres presse.
32:14Et de construire, ils ont construit près de 2000 mètres de filtres presse avec des permis.
32:23Mais ça paraît aberrant.
32:26Ça paraît aberrant.
32:29Alors, toutes ces dérogations, on en a marre, nous.
32:422014.
32:44Voilà des mois que je tourne autour de l'usine, de son histoire et de ses silences.
32:52L'usine, c'est une forteresse au cœur de la ville.
32:57Cette année-là, elle fête ses 120 ans.
33:00Et exceptionnellement, elle ouvre ses portes.
33:03Je vais enfin voir à quoi elle ressemble.
33:06J'embarque pour une visite guidée.
33:26Les décorades ont autorisé un certain nombre de tonnes de rejets en mer.
33:32Cette quantité de rejets diminue de façon régulière pour arriver à zéro à la suite de l'année 2018.
33:39Pour traiter ces bouts, on a installé dans l'usine un filtre presse.
33:44Qui permet d'enlever l'eau qui se trouve dans les bouts pour avoir de la terre humide.
33:49Pour pouvoir ensuite la stocker à plat.
33:51Au niveau soit de notre site de Mangegari, soit faire de la revalorisation.
33:57Devant de donner cette boxaline pour d'autres résolus.
34:01Et on est en train de construire le filtre presse numéro 3 qui va démarrer au mois de juillet.
34:06Pour traiter 100% de la production de l'usine.
34:09Et pour garantir que d'ici la fin de l'année, on ne renvoie plus de résidus en mer.
34:16Le guide nous rassure.
34:18L'usine se prépare à stopper les rejets en mer.
34:22Il parle de valorisation des bouts rouges.
34:25En temps de commercialisation.
34:27Des bouts rouges rebaptisés boxaline.
34:31Voilà, en 50 ans, on sera passé de bouts rouges à résidus inertes.
34:37Puis à boxaline.
34:39Marque déposée.
34:41Qu'est-ce qui fait qu'on va pouvoir requalifier un déchet industriel en ressources ?
34:47Qu'est-ce qui fait qu'on va pouvoir obtenir une autorisation de mise sur le marché
34:51pour quelque chose qui auparavant était considéré comme un déchet toxique
34:55devant faire l'objet d'un traitement spécial ?
34:58Ça, c'est de la politique.
34:59Ça, c'est du lobbying.
35:03Et ça tombe bien.
35:05Puisqu'en France, l'Institut de l'économie circulaire fait du lobbying
35:09pour réduire la consommation de matières premières
35:11et faire rentrer les déchets dans un nouveau cycle de production.
35:14Un cycle qui se veut vertueux.
35:18Plus de 200 entreprises et lobbies sont membres de cet institut,
35:21dont le groupe Alteo, qui a été un des premiers à adhérer.
35:26Pas étonnant, François-Michel Lambert est à la tête de cet institut.
35:31C'est aussi le député de Gardanne.
35:34L'acteur industriel avait sa propre stratégie.
35:39Nous nous sommes rapprochés.
35:40Est-ce que c'est eux qui sont venus vers moi, moi vers eux, je ne me souviens plus.
35:43Mais ce qui est intéressant, comme avec d'autres acteurs industriels,
35:47c'est de voir ensemble ce qui peut se faire.
35:50Mais moi, je ne fais que les stimuler à aller plus loin.
35:55Ils ont une stratégie.
35:57Est-elle suffisante ?
35:58Bat-elle assez vite ?
35:59Je pense que non.
36:00Mais ils ont une stratégie en la matière.
36:02Ils sont passés d'un modèle de production de masse
36:06à un modèle de production de niche.
36:08Ils ont diminué quasiment par deux leurs besoins de matières premières.
36:12C'est de l'économie circulaire.
36:14On prend moins de matières premières et on intensifie l'usage de ce que l'on en retient.
36:19Les alumines de spécialité sont rares, uniques et extrêmement importantes pour notre modèle de vie.
36:26De l'autre côté, les résidus, les déchets, on doit complètement repenser leur approche.
36:34Ce n'est plus à rejeter en mer, ce n'est plus à stocker à terre comme si de rien n'était.
36:39L'alumine, c'est de la matière qui peut être une opportunité.
36:44Mais ce n'est pas facile comme opportunité quand vous avez un pH élevé,
36:48quand vous avez un tout petit peu de radioactivité qui reste dans les normes,
36:52quand vous avez des dépassements sur des métaux lourds ou sur de l'arsenic.
36:57Vous devez repenser tout votre modèle.
37:02Repenser son modèle, c'est faire d'un déchet une ressource.
37:05Entendez, gagner de l'argent avec.
37:09La production des sols, matériaux de construction, tuiles, ciment.
37:14Alteo et le fonds d'investissement HIG qui le possèdent ont beaucoup d'idées pour commercialiser la boxaline.
37:21La question du contrôle public des produits de l'industrie,
37:26la question des moyens scientifiques apportés,
37:29la question des méthodologies développées de façon indépendante, etc.
37:33C'est quelque chose qui est un vrai problème.
37:36Dans la plupart des secteurs économiques, dans la plupart des produits réglementés,
37:40ce sont les industriels eux-mêmes qui font ou qui font faire
37:43les études de toxicité ou d'inocuité sur leurs propres produits.
37:46Ensuite, ils envoient ces études aux agences de régulation publique.
37:50Évidemment, il n'y a jamais aucune étude qui dit qu'il y a un problème majeur
37:54qui arrive aux oreilles des agences de régulation publique par ce biais.
37:57On en est réduit au moyen du bord, on en est réduit aux citoyens experts,
38:01typiquement les voisins qui vivent à côté de la décharge,
38:04que leurs enfants tombent malades et qui, quelque part, sont obligés de se former sur le tas.
38:08On en est réduit aux héros, quelque part.
38:11Il y a des gens comme ça, il y en a peu, mais il y en a,
38:13des scientifiques publics qui ont un petit peu de moyens,
38:16qui ont un labo et qui, malgré les pressions qui, en général,
38:20arrivent à sa vie par leur hiérarchie,
38:23essayent d'apporter la preuve de la toxicité à tel ou tel produit.
38:28L'histoire se répète encore et encore et encore et encore pour tous les domaines.
38:35Et c'est ce qui se passe dans cette affaire,
38:38où finalement des expertises indépendantes se font à l'initiative de citoyens,
38:42soutenus par les députés européens Michel Rivasi et José Bové.
38:47Car personne ne sait de quoi se compose la boxaline.
38:52On s'est dit, il faut qu'on soit en capacité de répondre de manière très claire et formelle
39:00à la fois à l'OMERTA qui était organisée et en même temps à une espèce d'expertise officielle
39:07qui avait pour but de camoufler la réalité et les dangers.
39:11Et donc c'est comme ça qu'on démarre sur cette question d'expertise
39:14et qu'en même temps on rentre dans l'architecture juridique des autorisations
39:21pour essayer de trouver le levier pour casser la continuation des rejets.
39:31Les citoyens parviennent à se procurer de la boxaline et à l'analyser.
39:36Il ressort de cette étude que les taux en chrome, titane et vanadium sont largement au-dessus des normes.
39:42Idem pour la radioactivité.
39:44Le rapport de la CRIRAD met en avant une radioactivité 4 à 8 fois supérieure à la normale.
39:52Ces expertises relancent la controverse.
39:57La puissance publique bouge en fin et coup sur coup,
40:00L'IFREMER et l'ANCES publient des analyses de la radioactivité
40:03et de la radioactivité à l'échelle mondiale.
40:07La puissance publique bouge en fin et coup sur coup,
40:09L'IFREMER et l'ANCES publient des analyses sur la toxicité des rejets en mer.
40:15Celles de l'ANCES prouvent que les taux en arsenique, plomb et mercure dans les poissons
40:20sont 10 à 1000 fois supérieurs aux taux présentés dans le rapport d'ALTEO.
40:25Un consensus semble se dégager contre les rejets en mer,
40:28mais aussi contre le stockage de la boxaline sans aucune précaution.
40:32La vérité n'a pas été dite sur ce sujet.
40:35Il faut savoir qu'il y a des rejets de mercure et d'arsenique,
40:38ce qui n'a jamais été clairement dit.
40:40Et voilà maintenant un système qui n'est plus durable,
40:43ce laxisme en direction d'entreprises qui ont le droit de polluer
40:47et donc qui s'approprient des profits privés contre une pollution qu'elles ne payent pas
40:52et qui sans doute détruisent davantage d'emplois qu'elles n'en créent.
41:03Comme dans les années 60, un vent de contestation souffle sur Gardanne.
41:09Et les pêcheurs ne sont pas en reste.
41:14Tout près de la calanque où se déversent les déchets de l'usine,
41:17je retrouve Gérard Carodano, porte-parole des pêcheurs dans ce combat.
41:24Il pêche pour approvisionner les aquariums du monde entier.
41:33Alors voilà un petit souvenir des cadeaux de l'industriel.
41:41Voilà une raie qui a traversé une nappe de bourrouges
41:46qui a été pêchée à la palangle
41:48et que j'ai gardé un souvenir pour faire revoir moi très bien là, tu vois.
41:54C'est la bauxite de Guinée.
41:57Alors pour tous ceux qui disent les bourrouges c'est terminé,
42:00les bourrouges ça sera terminé quand ça ne nous arrivera plus
42:03d'accrocher sur nos lignes de palangre les poissons qui sont englués.
42:06Ces poissons ils n'ont rien demandé que de traverser des nappes de bourrouges.
42:10Alors ça c'est dans les zones périphériques
42:12qui prouvent bien que la boue elle est mouvante, elle bouge
42:16et à un endroit où tu prends de la boue un jour,
42:19tu peux ne pas en prendre le lendemain et vice-versa.
42:21Voilà, tout dépend de l'environnement.
42:24Je suis allé pêcher spécialement en zone périphérique
42:28pour faire revoir qu'on prenait des poissons qui étaient englués.
42:33Là il devait y avoir 160 ou 165 mètres.
42:36Alors qu'on nous a dit pendant des années, ça sort à 350 mètres
42:40et puis ça va glisser à 1000 mètres, il n'y a aucun risque et compagnie.
42:43Sauf qu'au bout d'un moment là,
42:46il y a eu un coup d'éclat,
42:49il a glissé à 1000 mètres, il n'y a aucun risque et compagnie.
42:52Sauf qu'il y a des jours à 120 mètres,
42:55on a le matériel qui monte rouge.
42:57Tu vois, j'ai touché le poisson pendant 5 minutes et je suis pourri.
43:01Et là dedans, il y a tout ce qu'on veut,
43:04il y a de l'arsenic, du titane, du mercure, de la radioactivité,
43:07tout ce qu'il ne faut pas mettre dans la Méditerranée.
43:20Mais il faut voir que c'est X fois la catastrophe de l'Éricasse.
43:24En volume, c'est quelque chose de colossal.
43:28Le seul truc, c'est que ça ne se voit pas.
43:30Si on avait la possibilité pendant une heure d'enlever la mer
43:33et de faire voir que la tâche de boue,
43:35elle part de dehors martigues d'un côté et qu'elle va dehors poulonne de l'autre,
43:38il est grand l'angle là.
43:40Mais là, comme il ne t'a enlevé que la tâche de boue,
43:43il n'y a aucun risque.
43:46Il est grand l'angle là.
43:47Mais là, comme il ne t'a enlevé que la tâche de boue,
43:50mais c'est impossible.
43:52La pleine abyssale, elle est stérilisée.
43:55Il faut quoi ? Il faut quoi pour qu'on arrête ?
43:58Et on gagne du temps, on gagne du temps,
44:00parce que la politique dit que
44:02« Ouh là là, moi je ne veux surtout pas de chômeurs pendant mon mandat et tout ».
44:05Mais quand le chantier Naval a fermé à La Ciotat,
44:07ce n'est pas 386 personnes qu'il y avait qui sont parties au chômage,
44:11c'est 7000.
44:12Et on n'a pas fait tant de détails.
44:14Alors entre la santé publique et la Méditerranée
44:18et le chantage à l'emploi, ça ne tient pas.
44:20Ça ne tient pas la route.
44:21Mon choix, il est fait.
44:28Moi, ce que je voudrais, c'est que les grandes colonies de corail blanc
44:31qu'il y a dans le canyon de Cassidègne
44:33ou de corail rouge qu'il y avait en bordure du canyon,
44:35un jour, elles se redéveloppent.
44:37Parce que la mer, elle reprend toujours ses droits.
44:40Combien de temps il faudra ? Je n'en sais rien.
44:43Mais au plus vite on arrête,
44:45au plus vite la mer reprend ses droits.
44:57Décembre 2015.
44:59C'est le moment de vérité.
45:02Le délai de 20 ans arrive à expiration.
45:05Les rejets doivent cesser.
45:08Ségolène Royal est confiante.
45:10Elle a le droit et la science de son côté.
45:14En leur temps, Delphine Bateau et Corinne Lepage
45:16pensaient elles aussi gagner la bataille.
45:19On fait pression sur les élus locaux,
45:21sur les représentants de l'État au niveau local
45:23pour obtenir une nouvelle dérogation.
45:25Parce qu'en fait, c'est de ça dont il s'agit.
45:28Et ce qui m'a frappée, moi, quand je suis entrée dans ce dossier en 2012,
45:33donc avant que la décision soit officialisée,
45:39c'est qu'ils présentaient les choses comme s'il était évident
45:44qu'une nouvelle dérogation allait être donnée.
45:47J'ai été aussi loin que je pouvais aller
45:50avec ce que je pouvais faire dans le gouvernement auquel j'appartenais.
45:58Il y a quand même une question de solidarité gouvernementale
46:00et un ministre peut tirer un peu la corde.
46:02Enfin, pas plus loin que ce qu'acceptent
46:04le président de la République et le Premier ministre.
46:08Ségolène Royal a tiré sur la corde, mais ne l'a pas cassée.
46:13En 2016, comme en 1996 avec Corine Lepage,
46:17c'est l'exécutif qui tranche en faveur de l'industriel.
46:24Le Premier ministre autorise une prolongation des rejets pour six ans
46:28au motif que les rejets sont débarrassés de la partie solide
46:32et que cet effluent serait inoffensif pour l'environnement.
46:36L'arrêté a été pris par le préfet sur ordre du Premier ministre.
46:40Aujourd'hui, Valls est en train de faire des choses contre la logique
46:45même des institutions de la Ve République.
46:48Alors ça, au moment où ils nous racontent qu'ils veulent changer la Constitution,
46:52ils ne respectent même pas celle qui existe déjà.
46:57Comme on a pollué les calans, on est en train de polluer aussi le sol
47:01de là où les déchets ont été posés.
47:03Il faut agir sur les deux tableaux.
47:06On peut le faire, on peut gagner ce combat et on va gagner ce combat.
47:14Citoyens et associations ne désarment pas et demandent par voie de justice
47:19à avoir le compte rendu de la réunion interministérielle
47:22lors de laquelle la décision de poursuivre les rejets a été prise.
47:26Et voilà ce qui leur a été transmis.
47:29Une lettre expurgée.
47:34Plus rien ou presque sur les motivations.
47:37On peut lire que les rejets seraient moins polluants,
47:40donc ils l'étaient, et fortement.
47:44Et qu'il faut les diminuer.
47:46Et c'est un peu le problème depuis 50 ans.
47:50En fait, la seule chose que révèle ce document,
47:54c'est qu'une fois de plus, la désinformation est à la manœuvre.
48:04Je dirais que là, on est très clairement dans le pouvoir à la fois des lobbys,
48:09qui eux veulent pousser leur intérêt économique au maximum.
48:12C'est la seule usine au monde qui continue à rejeter de cette façon-là.
48:16Donc c'est quand même assez singulier.
48:18Et on a un pouvoir d'État qui est complice de ce lobby,
48:23en permanence, en construisant chaque fois qu'il y a un rapport de force
48:28qui se fait contre ces rejets,
48:31l'État se met en protection de l'industrie.
48:34Ça serait intéressant d'analyser à postériorité les raisons
48:38qui font que l'État aujourd'hui soutient et a toujours soutenu ces rejets.
48:49Le discours qui est tenu officiellement,
48:52c'est le discours de la promotion de l'emploi.
48:55Mais en vérité, la motivation est autre,
48:58c'est-à-dire que cette production est indispensable
49:02pour des motifs de type stratégique.
49:05Donc on peut envisager ça sous l'angle militaire,
49:08sous l'angle de la défense de la nation.
49:11On peut aussi y penser en termes de circuit de production,
49:16c'est-à-dire que pour permettre d'autres types de production,
49:20on a impérativement besoin de ce qui va être fabriqué à Gardanne.
49:31L'histoire de l'usine d'alumine de Gardanne navigue toujours en eau trouble.
49:36L'ironie du sort, cette année pour la première fois,
49:40la notion de préjudice écologique a été inscrite dans la loi française.
49:45A trop se focaliser sur les déchets toxiques de Gardanne,
49:49j'en ai presque oublié ce qui se fabrique dans cette usine.
49:53Des alumines de spécialité,
49:56une production très spécifique, nécessaire à l'industrie pharmaceutique,
50:00mais aussi indispensable dans la composition d'aliages,
50:04utilisées dans l'aviation, l'industrie nucléaire et l'armement.
50:08On est loin de l'alumine des années 60,
50:12en fait, c'est par là que j'aurais dû commencer.
51:12© SETTE inc.