Les Orphelins de Duplessis - Le Documentaire (La honte du Québec)

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Les orphelins de Duplessis est le nom donné à des milliers d'enfants orphelins qui ont faussement été déclarés malades mentaux par le gouvernement du Québec et confinés dans des institutions psychiatriques, des orphelinats et des crèches entre les années 1930 et 1960,

On considère que c'est le cas le plus important de maltraitance d'enfants dans l'histoire du Canada mis à part les écoles résidentielles autochtones. Tous ces orphelins seront baptisés orphelins de Duplessis, car c'est à l'issue de décisions du gouvernement de Maurice Duplessis, premier ministre du Québec, que ces abus se sont perpétrés. À plusieurs reprises, ces enfants ont été battus, torturés et agressés sexuellement.
Transcript
00:30Vous êtes à peu près tous des enfants illégitimes qui avez fréquenté des crèches.
00:36Vous n'avez pas été adoptés, vous avez fait des institutions.
00:41Vous avez été exclu de l'éducation.
00:44Vous n'avez pas eu d'éducation.
00:46Vous avez eu des sévices, des agressions sexuelles, etc., des violences physiques,
00:50puis vous avez eu une exploitation économique.
00:52On vous a fait travailler pour rien.
00:55On continue, on continue le portrait, on continue le portrait.
00:59La marginalisation sociale, la pauvreté, le désordre psychologique,
01:03en résumé, vous avez eu une vie extrêmement difficile, gâchée pour certains,
01:07comme les orphelins de Duplessis.
01:11Dans les années 50, des centaines d'enfants sains d'esprit ont été placés dans des hôpitaux psychiatriques.
01:19Il aura fallu dix ans de lutte au comité des orphelins de Duplessis
01:23pour faire reconnaître au gouvernement du Québec sa responsabilité dans cette affaire.
01:28Le premier ministre Landry, qui est à l'origine de ces propositions dites finales,
01:32parle d'un dénouement digne et honorable.
01:35Je pense que l'ensemble de notre société doit se réjouir de voir que nous allons mettre,
01:41dans la dignité et l'honneur, un terme à un épisode de notre histoire qui n'est pas le plus glorieux.
01:49En 2003, le gouvernement a finalement indemnisé 1300 orphelins
01:54pour un montant moyen de 25 000 dollars canadiens par personne, soit 15 600 euros.
02:01400 orphelins ont été refusés et plus de 3000 autres ont disparu.
02:09Après la dernière guerre mondiale, le Québec était dirigé par l'ultra conservateur Maurice Duplessis.
02:17Présidé par le cardinal Léger, l'Église étendait son pouvoir sur la santé,
02:22l'éducation et les services sociaux.
02:28Les communautés religieuses recevaient des subventions de l'État
02:31pour les crèches, les orphelinats, les écoles, les hôpitaux dont elles étaient propriétaires.
02:39Il faudra attendre 1965, avec la Révolution tranquille,
02:42pour que l'État prenne en charge totalement l'éducation et la santé
02:46et que l'influence politique et sociale de l'Église diminue.
02:50Cette époque restera celle de la Grande Noirceur.
02:56Dans ce temps-là, les crèches accueillaient beaucoup d'enfants illégitimes.
03:00La société québécoise était fondée sur la morale religieuse
03:03et les femmes célibataires subissaient de fortes pressions pour abandonner leurs enfants.
03:09Vous avez ici la salle de préparation.
03:11Il y avait jusqu'à trois filles-mères qui assistaient en même temps, avant l'accouchement.
03:19Et ici, vous avez la fameuse salle d'accouchement.
03:26Le crucifix est abandonné aussi, avec la salle de préparation.
03:31De 1873 à 1945, il y a eu près de 42 000 bébés qui sont nés dans cette pièce.
03:38Aussitôt que la fille-mère avait accouché de son enfant, elle était séparée immédiatement de son bébé.
03:43Et le bébé, lui, était descendu dans un mont de charge jusqu'au rez-de-chaussée pour être bébé.
03:49C'était un moment très difficile pour lui.
03:51Il a dû s'occuper de son bébé.
03:53Elle était séparée immédiatement de son bébé.
03:55Et le bébé, lui, était descendu dans un mont de charge jusqu'au rez-de-chaussée pour être baptisé.
04:02La fille-mère ne voyait jamais son enfant.
04:24Je suis né, moi, donc, en 1943.
04:27Et il y avait un tabou dans la société qui était très, très, très fort,
04:32qui était celui des enfants illégitimes, qu'on considérait comme des enfants du péché.
04:36Et, par conséquent, nos mères étaient le produit, nous étions le produit du péché de nos mères.
04:42Et ça entraînait, sur le plan social, une exclusion.
04:46Les crèches, à l'époque, c'étaient des chrétiens.
04:49Les crèches, à l'époque, dans les années 40 et 50, étaient également surpeuplées.
04:54De sorte que ça a eu comme effet que les enfants qui étaient là
04:57étaient maintenus dans une espèce de sous-développement,
05:00à tous les niveaux, intellectuels, au niveau moteur, au niveau psychologique,
05:04au niveau des connaissances usuelles, etc.
05:07Et ça fait de nous des enfants qui étions en retard par rapport à une normalité au même âge.
05:15On va trouver, par exemple, dans un dossier, que cet enfant est un arriéré mental.
05:19Mais tout de suite, on va préciser.
05:21On va préciser, mais si cet enfant était dans une situation d'apprentissage normale,
05:27il pourrait se développer.
05:29Et ces enfants grandissaient à la crèche,
05:31lorsqu'ils arrivaient à 10 ans, 12 ans, 13 ans,
05:34qu'ils devenaient turbulents, difficiles,
05:37dans leur conduite ou dans leur apprentissage,
05:40le peu d'apprentissage scolaire qui existait.
05:43Il n'y en existait pas beaucoup.
05:45À ce moment-là, les religieuses communiquaient avec l'hôpital psychiatrique,
05:50qui était ici à Saint-Jean-de-Dieu,
05:52où il pourrait être La Fontaine maintenant.
05:54Et le jeune ou la jeune était dirigé vers un hôpital psychiatrique.
06:00Et pour que le sujet soit admis,
06:03le médecin inscrivait un faux diagnostic d'arriération mentale,
06:09de déficience mentale,
06:11ou de maladie mentale.
06:19En 1950, les Sœurs de la Providence inaugurent un institut
06:23pour les enfants retardés mais éducables,
06:26ceux qui croupissent dans les crèches, les orphelinats et les hôpitaux psychiatriques.
06:42Chaque enfant rapportera ainsi 2,40 $ par jour au lieu de 70 cents.
06:48L'arrêté ministériel prévoyait de donner 3 millions de dollars aux Sœurs,
06:53soit près de 2 millions d'euros.
06:55En échange, elles s'engageaient à accueillir Milidio et Sénile
07:00et à ne plus les accueillir.
07:02Les Sœurs de la Providence,
07:04qui étaient les premières à accueillir Milidio et Sénile,
07:08Les religieuses, au début, ont beaucoup résisté
07:11parce qu'on dit que vont devenir ces enfants,
07:14qui sont quelque part des enfants normaux.
07:16Et c'est là qu'elles se rendent à l'évidence
07:19qu'elles n'auraient pas l'argent
07:21si elles refusent de changer la vocation de l'institution.
07:24Et là, elles cèdent.
07:26Elles cèdent aux pressions du cardinalisme.
07:29Les Sœurs de la Providence,
07:31qui étaient les premières à accueillir Milidio et Sénile,
07:34elles cèdent.
07:35Elles cèdent aux pressions du cardinal léger
07:38et elles acceptent de changer la vocation du Mont-Providence.
07:43C'était un drame pour elles, il faut bien comprendre.
07:46C'était un drame.
07:48Mais cela dit, elles ont quand même fait le choix de l'argent.
07:53Le 12 août 54,
07:55l'école du Mont-Providence est devenue un hôpital psychiatrique.
07:59Et les 370 écoliers qui s'y trouvaient
08:02sont officiellement devenus des malades mentaux.
08:10Le drame qui s'est véritablement produit,
08:12qui est inacceptable de la part d'un gouvernement ou de l'État,
08:16c'est que pour des raisons strictement financières,
08:20on a converti du jour au lendemain
08:22des gens qui étaient tout à fait normaux en personnes
08:26éprouvant des maladies mentales,
08:29donc en déficience intellectuelle.
08:51Nous étions dans la cour
08:53et nous avions vu arriver trois autobus.
08:59Les gens qui débarquent sont presque en pyjama.
09:04Et je me souviens très bien
09:06de cette sensation d'anormalité, si je peux dire,
09:10quand on a regardé ces gens-là.
09:12Ils avaient un comportement auquel on n'était pas habitué.
09:15Ils avaient un regard, mais un regard fermé.
09:19Et entre nous, on se disait, mais c'est des fous,
09:21c'est des malades mentaux.
09:26Les religieuses du Mont-Providence,
09:28vêtues de noir en tant qu'éducatrices,
09:30s'habilleront désormais en blanc pour soigner les malades.
09:35La religieuse qui est tout de blanc vêtue
09:38et qui tente de nous expliquer la situation
09:40n'y arrive pas clairement
09:42parce qu'elle n'ose pas dire qu'on est devenus des fous,
09:46mais nous sommes considérés comme tels
09:49de par le mandat que le Mont-Providence
09:52venait de se donner comme optel psychiatrique.
09:54Donc, au lieu d'aller à l'école,
09:56c'est que tous les jours, on travaillait.
09:58Et là, il y avait des fonctions différentes.
10:00Moi, ma fonction, c'était d'aller dans des dortoirs
10:03où il y avait des fous et de les laver eux.
10:06C'est-à-dire que moi, je lavais des vieillards.
10:08J'avais 12 ans.
10:10J'ai même lavé...
10:12Le souvenir que j'ai, c'est que je lavais des scotums de vieillards.
10:15Nous, on a calculé de 1940 à 1960
10:18combien ça représentait de sommes additionnelles
10:20pour les communautés religieuses.
10:22Le fait de placer des enfants qui étaient autrefois...
10:25en orphelinat, de les déplacer en institut psychiatrique,
10:27les communautés religieuses ont reçu un montant additionnel
10:30de 70 millions de dollars en dollars d'aujourd'hui.
10:33Il faut comprendre que c'est vraiment un minimum
10:35parce qu'on ne tient pas compte du travail des enfants,
10:37parce que les enfants travaillaient en institut psychiatrique,
10:39contrairement aux orphelinats où les enfants étudiaient.
10:42Les communautés religieuses n'avaient pas
10:44à donner d'éducation aux enfants,
10:46donc économisaient beaucoup en salaire à ce niveau-là.
10:48Donc, 70 millions de dollars, c'est vraiment un minimum.
10:52Une génération de personnes qui viennent de milieux défavorisés
10:56se sont retrouvées, du jour au lendemain,
10:59complètement transformées dans leur identité,
11:02avec perte de droits.
11:04Parce qu'à partir du moment où vous êtes catalogués
11:06par un médecin, un médecin,
11:08ce sont des médecins qui ont accepté
11:10de poser des diagnostics erronés,
11:12eh bien, vous perdez tous vos droits de citoyen.
11:15Du fait d'être orphelin, c'était déjà
11:17privation de beaucoup de droits,
11:19mais le fait d'être catalogués en plus
11:21comme malades mentales,
11:23ça, ça enlevait absolument tous les droits.
11:25Donc, on se retrouvait à peu près comme des légumes.
11:27Et c'est ce qui est arrivé d'une certaine manière.
11:29Et il y en a encore qui sont vivants aujourd'hui.
11:32La moyenne d'âge doit être autour de 58 ans.
11:35Il y en a encore aujourd'hui qui...
11:37On voit très bien, ils ont subi des séquelles terribles
11:39pour avoir vécu dans des conditions comme ça.
11:42On les a décrétés fous, on les a traités comme des fous.
11:46Eh bien, ils sont devenus fous.
12:09Il pourrait sortir de l'hôpital.
12:11Il est assez bien pour sortir de l'hôpital.
12:13Mais il refuse pour le moment de sortir
12:15parce qu'il me dit-il,
12:17c'est ma vie, c'est mon milieu,
12:19c'est ma famille, j'ai pas d'autre famille.
12:4658?
12:51Il craint de sortir de l'hôpital.
12:53Peut-être sortira-t-il un jour.
12:55Mais il veut voyager.
12:59Mais là, tu voudrais aller où, maintenant?
13:01Moi, j'ai l'impression d'aller...
13:04J'ai compris que c'est des...
13:06Qu'est-ce qu'il m'a dit?
13:07Non, il m'a dit, rentre à côté.
13:09Il a vu qu'il y avait toutes les voyages.
13:11Il a voyagé.
13:13C'est l'un de ses copains à l'en-côté qui a voyagé beaucoup.
13:15Il a eu son montant, lui aussi?
13:17Il a eu son montant aussi.
13:19C'est un autre orphelin du pays qui a eu son montant.
13:21Combien qu'il a eu, lui?
13:23Lui, il a eu 26 000 quelque chose.
13:25Minimum, c'était 25 000.
13:27Toi, t'as eu combien?
13:2932 250.
13:33Lui, son diagnostic,
13:35c'était débile mental.
13:39Mais t'es intelligent, toi.
13:41Oui.
13:43T'es capable de compter jusqu'à combien?
13:45J'compte jusqu'à...
13:47100 200.
13:49Oui.
13:51J'compte...
13:53Oui.
13:55Mais donc lui, c'est clair qu'il a un faux diagnostic.
13:57C'est évident.
14:11C'est clair qu'il a été adopté.
14:13Oui.
14:37Malheureusement,
14:39Et puis, ils ont refusé. Puis, je n'étais même pas adopté.
14:42Et puis, ma mère, elle m'a mis au monde.
14:44Un an et demi après, elle s'est mariée avec mon père biologique.
14:47Puis, mon père a dit, on va aller chercher notre gars.
14:49Puis, ils n'ont jamais voulu me remettre.
14:51Puis, j'étais justement ici quand ça s'est passé.
15:00Ici, c'était la cuisine, ici.
15:03Ça fait longtemps. C'est vieux.
15:10J'ai de très mauvais souvenirs.
15:13Ça, ici, c'était la salle où on se tenait, tout le monde ensemble.
15:19Moi, j'étais toujours à côté d'une porte.
15:21Puis, on ne faisait pas grand-chose.
15:23Moi, j'étais... on n'avait pas de jouets, on n'avait pas de jeux, on n'avait pas de sport.
15:26On n'avait absolument rien, rien, rien, rien.
15:29On passait nos journées ici.
15:32J'ai passé... je ne sais pas combien de jours j'ai passé ici.
15:37J'ai passé de 1946 en septembre 1950.
15:43J'ai quitté ici en 1950.
15:46On était très contents.
15:49Parce qu'on s'en allait dans une autre institution.
15:51Mais, il y avait... là, on nous disait qu'il était pour avoir des cours, l'école, et puis tout ça.
15:57Puis, ça a duré à peu près un an.
15:59Puis, après ça, ça a tourné comme un centre pour les fous.
16:03Là, il y en a un qui commence à transporter des patients de Dieu là-bas.
16:07Ils ont commencé à mettre des grillages, des châssis, puis tout.
16:10Nous, on était déçus.
16:12Là, on avait peur.
16:13On s'est dit, on va-tu mourir ici ou bien non?
16:15Qu'est-ce qu'ils vont faire avec nous autres?
16:17Et puis, toujours dans l'angoisse.
16:19On ne savait jamais où on s'en allait avec les communautés, avec l'Église.
16:25Puis, c'est à eux autres qu'il y a tout ça.
16:28Croyez-moi que quand je suis rentré ici pour la première fois, j'ai été estomaqué.
16:32J'ai dû... je voyais les patients.
16:35Je me dis, mon Dieu, qu'est-ce que je fais ici?
16:37Puis, j'ai été vraiment marqué par ça.
16:40Puis, je ne l'oublierai jamais.
16:42Jamais.
16:43Ça m'a suivi toute ma vie.
16:52Les tests qu'on m'a passés ici pour déclarer débilementaux,
16:55c'était de me faire compter sur les doigts en envers, jusqu'à 8.
16:59Et puis, je n'étais pas capable.
17:02Parce que je n'avais pas appris à compter.
17:04Je n'étais vraiment pas capable.
17:06Et puis là, à un moment donné, ils se sont réunis,
17:08parce que ce que je vous compte là, c'est écrit dans mon dossier.
17:11Ils se sont réunis, puis ils ont décidé que j'étais débilementaux.
17:14Puis là, j'étais condamné à rester ici pour une petite escousse.
17:17C'était la seule et unique raison qu'ils m'ont déclaré débilementaux ici.
17:25J'ai regardé mes dossiers, puis je n'en revenais pas en disant à mes dossiers
17:28que comment est-ce qu'on pouvait nous manipuler comme ça.
17:32C'est criminel, ce qu'ils nous ont fait.
17:35Moi, en disant mes dossiers, c'est criminel, ils m'ont gaspillé une vie.
17:38Ça ne se peut pas revivre, ça.
17:53Les agressions sexuelles étaient très répandues au Mont-Providence,
17:57mais tout le monde, c'était le silence, c'était le secret,
18:01c'était les seules personnes qui étaient vraiment au courant,
18:05c'était les prêtres qui étaient là au Mont-Providence.
18:09Mais il y avait plusieurs éducateurs qui étaient là-dedans.
18:13Au moins trois, c'est sûr, qui agressaient des enfants.
18:17Mais on ne pouvait pas parler, parce qu'on avait peur.
18:21On les voyait toujours, ces agresseurs-là, on ne pouvait pas, ils travaillaient là.
18:25On en parlait juste au confessionnal, c'était la seule place où on pouvait en parler,
18:29parce qu'on savait que tout ce qui se disait là, ça ne sortait pas de là.
18:34Donc, on avait besoin d'en parler, mais ça restait là.
18:40Mais au Mont-Providence, il devait y avoir à peu près 150 enfants qui étaient abusés,
18:44et ça, je le crois facilement.
18:50J'ai dit au juge, je l'ai dit encore une fois, je ne reviendrai pas sur ma décision,
18:55ce type-là, il m'a violé, il m'a entraîné dans le mal,
18:59puis j'ai dit, avec des moyens, pas trop catholiques.
19:03Quand la soeur me disait, M. Séranze allait avoir une voilée, c'est lui qui donnait la voilée,
19:07mais lui, pour qu'on n'accepte de se faire violer, il m'a frappé sur le mur,
19:11puis il dit, ça ne paraîtra pas, puis il dit le même.
19:13C'était comme ça qu'il nous avait.
19:15Puis il nous avait assis avec des regards.
19:17Ce gars-là, quand il nous regardait d'une façon, on comprenait ce que ça voulait dire.
19:21On avait peur, moi j'avais peur, j'avais peur.
19:27Quand je suis retourné dans le monde du travail, que je découvrais le monde,
19:30il fallait toujours jouer un rôle, il fallait toujours démontrer qu'on n'était pas des fous.
19:34On jouait un rôle, tu sais, l'artificiel.
19:37Comme si on était des gens bien normaux, on faisait attention,
19:40on observait beaucoup comment les autres fonctionnaient,
19:43comment ils discutaient, comment ils parlaient,
19:45puis c'était avec ça qu'on se servait, nous, pour pouvoir s'exprimer avec le monde extérieur.
19:49On se servait des autres pour pouvoir...
19:51On prenait un peu la personnalité de l'autre,
19:53parce qu'on n'en avait pas de personnalité, on n'en avait pas développé.
19:57C'est ça, c'est ça.
20:28T'étais à rien, t'avais pas de parents, t'étais à rien.
20:32C'est comme ça qu'on était, les orphelines de Duplessis, comme moi.
20:44Je passe un test, et puis j'ai un test,
20:48puis j'ai un test, puis j'ai un test, puis j'ai un test,
20:51puis j'ai un test, puis j'ai un test.
20:55Je passe un test, et puis...
20:58On m'avait dit de faire un bonhomme.
21:00Bon, ben moi, le bonhomme, c'était à qui? Je connais pas ça, les bonhommes.
21:03Mais je connais les petites filles, moi.
21:05Ben, j'aurais fait un bonhomme, c'était une petite fille que j'aurais faite.
21:08Avec une petite jupe...
21:10Je sais pas parce que je suis bonne en dessin, loin d'être là, mais ce point-là...
21:14Puis un mois après, au mois de novembre,
21:18on a décidé de me placer à la société de réhabilitation,
21:24qui s'appelait le Pavillon Perrault, à Chebrooke.
21:30Aujourd'hui, entre parenthèses,
21:33je sais pourquoi j'ai été placée à la réhabilitation au Pavillon Perrault.
21:37Dans mon dossier, c'est bien inscrit « arriérée mentale ».
21:40Ben, j'avais 10 ans.
21:43J'étais pas une arriérée mentale. Pas vrai, ça. Non, non.
21:47Puis dans un autre document, c'est marqué « apparence générale médiocre ».
21:52Imagine, pendant 10 ans, médiocre.
21:58Moi, quand j'ai eu mon dossier en 1994,
22:01puis que je l'ai lu,
22:03j'ai pleuré, j'ai pleuré, j'ai pleuré,
22:05j'ai fait des cauchemars, les rêves que je faisais, c'était terrible.
22:11C'est venu me chercher, c'est venu me chercher,
22:13c'est venu me chercher au plus profond de mon être.
22:17De tout ce que j'ai enduré, ce que j'ai subi.
22:22C'est vrai que le psycho-conscient, il capte tout.
22:25Il capte tout, tout, tout, tout, tout.
22:28Puis tout m'est revenu à pleine face.
22:34Et on dit dans mon dossier,
22:37pourquoi qu'elle a doublé sa deuxième année.
22:40Puis la réponse en bas, c'est marqué « elle ne comprenait rien ».
22:43Comment vous voulez qu'un enfant puisse comprendre,
22:46alors de 7 ans ou 8 ans,
22:48se faire maltraiter à coups de barreau de chaise sur le dos,
22:53parce que je faisais des fautes ou parce que j'écrivais de côté.
22:57Il fallait que ça se maintienne comme ça, la ligne droite.
23:05C'est un après-midi bien ordinaire.
23:10La soeur, je ne sais pas ce qu'elle avait mangé ce jour-là.
23:13Ils m'ont dit que la vache arrangée.
23:18On faisait une dictée.
23:20Puis c'est vrai, je faisais beaucoup de fautes.
23:23Elle avait une raie qu'elle avait dû faire dessus de la raie.
23:28Puis elle m'en a donné un coup sur la main.
23:31« Aïe, ça fait mal. Ma mère, ça fait mal. »
23:36Elle est allée à son pupitre.
23:40Puis elle est revenue avec un bâton.
23:42Aujourd'hui, on peut appeler ça un barreau de chaise.
23:47Là, elle m'en a donné.
23:49Je mettais ma main comme ça, pas ma main, les bras, comme ça.
23:57Puis là, elle m'en a donné sur la tête, sur le corps.
24:00J'ai tombé en bas de ma chaise du pupitre.
24:05Puis là, elle continuait à varger sur moi.
24:08Elle me donnait des coups par terre.
24:10Même, j'ai fait pipi dans ma culotte.
24:15Là, j'avais une peur.
24:17Mon Dieu, je pleurais. Je pleure encore, malheureusement.
24:23Elle m'a dit d'arrêter de pleurer.
24:25Mais plus qu'elle me disait d'arrêter de pleurer, plus que je pleurais.
24:30Une manière de défense. C'était la seule défense que je pouvais avoir.
24:34Une vraie tortionnaire. C'est une vraie tortionnaire.
24:44On m'a mis la camisole de force.
24:48On m'a jeté des chaudières d'eau fortes sur la tête pour me calmer quand ça remplirait mon corps.
24:53Ça n'aide pas, ça.
24:56J'ai mangé. Elle m'a donné un coup de support en bois, ici, sur le bas.
25:00J'ai encore la cicatrice.
25:02Je n'avais pas de désir. Je n'avais pas de rêve.
25:06Je n'avais même pas d'illusion.
25:08J'étais comme un zombie.
25:10Toi, Jocelyne, tu t'assis là, puis tu restes là.
25:13Toi, Jocelyne, tu n'as pas affaire à parler.
25:16Toi, Jocelyne, c'était une discipline exagérée.
25:22Écoutez, il y a 50 ans, c'était bien différent comme sensibilité.
25:28Je ne veux pas excuser pour autant, mais je pense qu'il faut situer les méthodes d'éducation des années 40-50 dans le contexte de ce temps-là.
25:38Ça ne veut pas dire que les professeurs étaient des tortionnaires,
25:41mais il ne reste qu'on donne une table dans le chignon d'un enfant, à un moment donné.
25:46Ce n'était pas une chose qui était...
25:49Moi, j'ai déjà reçu une volée de mon père, puis bon, ça m'a fait du bien.
25:56Mais c'était la méthode du temps.
26:00Aujourd'hui, c'est sûr que les sensibilités sont différentes.
26:04Alors, il y a eu énormément de sévices sexuels.
26:09Il y a eu beaucoup d'abus de violence physique.
26:14Et ça, il faut bien comprendre que même si on remonte aux années 40-50,
26:20il faut penser que c'était déjà des infractions ou des atteintes au code pénal.
26:27Il faut penser aussi que la Déclaration universelle des droits de l'homme
26:32qui dénonce les mauvais traitements existait depuis les années 50.
26:36Elle s'appliquait au Québec, comme elle s'appliquait dans tous les pays qui avaient adhéré à cette déclaration-là.
26:43Donc, sur le plan légal, les choses étaient tout à fait non conformes,
26:51non seulement à des pratiques, mais à des lois, à des textes, des textes obligatoires, des textes qui s'appliquaient.
27:06Je vous présente ma femme.
27:08On est conjoint de fête, mais c'est comme un gars marié.
27:1218 ans que ça dure.
27:14Je suis marié.
27:16Je suis marié.
27:18Je suis marié.
27:20Je suis marié.
27:22Je suis marié.
27:24Je suis marié.
27:26Je suis marié.
27:28Je suis marié.
27:30Je suis marié.
27:32Je suis marié.
27:34Depuis 18 ans que cette femme-là est avec moi, elle m'a toujours encouragé.
27:40Ça a été dur, les débuts.
27:42J'ai été un petit peu découragée des fois, parce que cet homme-là, à 44 ans, il était comme un petit garçon de 13 ans.
27:50Puis moi, je n'avais pas été habituée que les gens disent n'importe quoi, à n'importe quelles circonstances, n'importe où, à n'importe qui.
27:58Mon but, c'était de trouver ma mère.
28:00Je me disais, c'est qui ça, ma mère? C'est qui ça, ma mère?
28:02Personne ne me l'expliquait.
28:04Personne ne me l'expliquait.
28:06Puis là, j'ai vu une sorte de bon pasteur de Québec.
28:08Elle s'appelait Sœur Saint-Sylvestre.
28:10Moi, je m'appelle Sylvestre.
28:12Je lui ai dit, vous ne seriez pas ma mère, par hasard.
28:18Ils m'ont envoyé à Saint-Michel-à-Trente de Québec.
28:20Je ne sais pas si vous avez connu ça.
28:22C'est un hôpital psychiatrique.
28:24Je ne sais pas si vous avez connu ça.
28:26C'est un hôpital psychiatrique.
28:28Moi, je ne connaissais pas Saint-Michel-à-Trente.
28:30Je sais-tu.
28:32J'ai vu des messieurs qui partent ça.
28:34Des gars qui font des gestes.
28:36Là, il y a marqué dans mon dossier, un peu débile.
28:38Ça se fait que deux jours après,
28:40il m'a refermencé,
28:42demande le conseil des médecins.
28:44C'était tous des gangs de pigeons.
28:46Ils sont aussi fous que les malades que là-bas.
28:48Ça se fait que là, ils ont dit,
28:50ils commencent à lire mon dossier.
28:52C'est un petit gars qui était dérangeant.
28:54Tout ça d'affaires de même pour que je sois interné.
28:56Tout ça d'affaires de même pour que je sois interné.
28:58Comme de fait, le docteur,
29:00il a bien marqué la deuxième fois que j'ai passé.
29:02C'est vraiment un débile profond.
29:04C'est vraiment un débile profond.
29:06Là-dedans, j'ai commencé à avoir des traitements.
29:08J'ai eu la première pilule.
29:10La première pilule que j'ai eue, c'était une argatine.
29:12Prenez jamais ça, ça passe sa fesse.
29:14On est comme zombies.
29:16On est comme zombies.
29:18Là, il y a un gardien qui est arrivé devant moi.
29:20Il a essayé de me dégourdir un peu.
29:22Il a dit, « Rends-nous des services, Joseph. »
29:24« Hé, j'ai su que tu servais des messes. »
29:26« Hé, j'ai su que tu servais des messes. »
29:28Mais pour un débile mental, servir la messe,
29:30j'avais dit ça à ma soeur.
29:32Elle me disait, « Est-ce que t'es un débile mental,
29:34tu vas servir les messes ? »
29:36J'avais mes médicaments, c'était fort.
29:38Ça a donné que j'ai jeté un médicament.
29:40J'en pouvais plus.
29:42J'ai été deux jours dans une cellule.
29:44J'ai eu du l'argatine, du nauséam,
29:46puis gardonade.
29:48Au 5D, il y avait un dortoir.
29:50C'était des handicapés.
29:52Ils faisaient dans leur lit.
29:54Mais c'est nous autres, les malades, qui changeaient les malades.
29:56Les gardiens étaient assis,
29:58puis nous autres, ils venaient qu'à l'entrée voir ce qu'on faisait.
30:00Parce que nous autres, ils voulaient pas se beurrer.
30:02Les malades, des fois, quand ils font dans le lit,
30:04c'est... je sais pas si vous me comprenez,
30:06c'est des cacas, puis des pipis.
30:08On se lavait les mains après,
30:10puis on avait de l'aqua, puis on est en train de se coucher.
30:12Ça, c'est au 5D, ça.
30:14Puis là, je m'ennuyais de qui.
30:16Puis là, je pouvais pas écrire de lettres.
30:18J'avais de la misère à écrire.
30:20Puis je me disais, à part de ça,
30:22je me disais, à qui je pouvais me fier?
30:24Je parlais avec un malade qui était là,
30:26qui était à moitié fou. Je ris pas d'eux autres,
30:28parce que je connais pas la psychiatrie.
30:30Pourquoi il était là, lui?
30:32Je me rappelle aussi que la nuit, je me levais.
30:34Des gardiens nous faisaient des sévices.
30:38Puis on avait peur d'en parler.
30:40On avait peur.
30:42Là, il y a un prêtre qui m'a vu
30:44quand j'arrivais ce matin, puis ça me faisait mal.
30:46J'étais assis, puis je me faisais toujours me lever.
30:48Puis là, aujourd'hui, je réalise
30:50ce qu'ils m'ont fait.
30:52J'ai appris les mots, c'est sodomie.
30:58Elle s'appelle Thérèse Delacroix.
31:00Ça, c'est la soeur,
31:02la soeur qui m'a fait la plus souffrir
31:04à Saint-Michel.
31:06J'avais jamais raison. C'est nous autres qui mènent.
31:08Puis t'es ici pour te faire soigner.
31:10Puis s'il faut, tu vas mourir ici.
31:12C'est la seule soeur que je critiquais.
31:14Parce que les autres soeurs ne m'ont pas gagné.
31:16Là, elle donnait l'ordre aux gardiens
31:18de me punir.
31:20La punition, pour un moment, c'était
31:22l'humiliation.
31:24Ils nous déshabillaient.
31:26Puis après nous déshabiller,
31:28j'ai vu des gardiens
31:30qui ont fait des drôles
31:32de touchements. Ils m'ont serré
31:34comme les parties.
31:36Puis j'ai eu un coup de pied là.
31:38J'ai tombé à terre, puis j'ai eu la camisole de force
31:40parce que j'hésitais.
31:42Puis là, j'ai été attaché sur un lit.
31:50J'ai voulu savoir,
31:52puis c'est de même que j'ai su que Joseph
31:54venait de là,
31:56puis qu'il m'a emmené là. J'ai vu la soeur.
31:58Et la soeur,
32:00elle m'a dit...
32:02J'ai dit pourquoi. J'ai dit que
32:04vous le mettiez dans des cages,
32:06que vous le mettiez avec la camisole
32:08de force et tout ça.
32:10Joseph, tu as failli ça.
32:12Elle a dit oui, mais madame, il s'évadait.
32:14J'ai dit pardon?
32:16Elle a dit qu'il s'évadait. J'ai dit donc,
32:18vous dites
32:20que c'est un prisonnier?
32:22Elle a dit non. J'ai dit que les prisonniers
32:24s'évadent, ma soeur.
32:26Puis lui, il voulait savoir. J'ai dit pourquoi
32:28il n'y a plus une dent dans la bouche, cet homme-là?
32:30Elle a dit qu'il comptait assez de mensonges.
32:32J'ai dit qu'il fallait bien le punir
32:34d'une certaine façon. Puis chaque mensonge,
32:36j'ai dit qu'il fallait bien le punir.
32:38Une journée, j'ai posé la question.
32:40J'ai dit, Joseph,
32:42réponds franchement à ma question.
32:44As-tu peur
32:46d'eux autres?
32:48Il m'a répondu oui.
32:50J'ai dit, n'aie pas peur, Joseph.
32:52Ils peuvent rien contre toi.
32:54Absolument rien.
32:56Je pense qu'aujourd'hui,
32:58tu me crois-tu qu'ils peuvent rien contre toi?
33:00J'aurais toujours
33:02une certaine peur
33:04des communautés encore.
33:06Il y a des mots qui nous disaient
33:08quand on sortait de l'institution,
33:10vous allez retourner à l'osier.
33:12J'ai toujours eu peur de ça.
33:14Aujourd'hui, il ne concerne plus les malades.
33:16Ils l'ont anéanti.
33:18Cet homme-là,
33:20quand je l'ai eu,
33:22il était un être humain,
33:24point,
33:26avec rien d'autre.
33:28Dans sa tête, c'était l'Église.
33:30Alors, les petits hommes noirs,
33:32les grands hommes noirs,
33:34les grands en rouge,
33:36le tournaient comme ça.
33:38Lui avait tellement confiance en eux autres.
33:40C'était la parole d'évangile.
33:52On pourrait dire qu'il y a eu
33:54centaines de préjudices,
33:56mais parlons des préjudices graves.
33:58C'est le fait d'avoir subi des traitements
34:00qui ont changé non seulement
34:02leur comportement,
34:04mais sont devenus inadaptés,
34:06désadaptés sociaux.
34:08Des gens qui, une fois sortis
34:10de leur établissement,
34:12étaient absolument incapables
34:14de pouvoir se mêler à la population
34:16et avoir des comportements normaux.
34:18C'est toute une vie
34:20qui a été détruite.
34:24Joseph a 27 ans
34:26quand il quitte l'hôpital
34:28Il continue pendant 17 ans
34:30à vivre dans des hospices et des orphelinats
34:32où il travaille bénévolement pour l'Église.
34:34Il accompagne, comme homme à tout faire,
34:36des prêtres et des évêques
34:38dans leurs voyages à travers le monde.
34:42Ici, c'est ma demeure,
34:44mon musée, c'est ça qu'il faut dire.
34:46C'est tous mes souvenirs d'enfance
34:48et tout ce que j'ai eu comme cadeau.
34:50Je les ai gardés.
34:52Ici, c'est le cardinal Turcotte
34:54avec le pape Jean-Paul II
34:56Il m'a envoyé sa photo.
34:58Je les ai tous gardés.
35:02Ici, c'est mon musée.
35:04Tout mon musée est là.
35:06Il y a différentes communautés des sœurs.
35:08Ici, j'ai un petit portrait de moi
35:10quand j'ai servi la messe.
35:12J'étais habillé en prêtre.
35:14Je ne sais pas si vous voyez.
35:16Moi, j'ai fait beaucoup de bénévoles.
35:18Je n'ai jamais été payé pour ça.
35:20C'est des merci beaucoup,
35:22que le Seigneur est bon.
35:24Je rendais service.
35:26À chaque fois qu'il y avait des réunions épiscopales,
35:28qui préparait les salles? C'est Josette.
35:30Qui s'occupait de préparer les ordonnances?
35:32C'est Josette.
35:34Qui lavait les boblettes des monseigneurs et des bas?
35:36C'est Josette.
35:38En voyage, c'est ça que je faisais.
35:40Je m'occupais des bas.
35:42Les prêtres font des affaires dans leurs sous-vêtements.
35:44C'est moi qui suis là.
35:46Vous savez ce que je veux dire.
35:48M. Debrun passe là.
35:50On faisait Mme Blancheville.
35:54C'est pas mal.
36:12Quand j'étais au Mont-Providence,
36:14j'ai développé
36:16une relation privilégiée avec une religieuse.
36:18J'étais son chouchou.
36:20Je pouvais par exemple
36:22c'est le souvenir que j'en ai, un livre de géographie.
36:26Donc cette relation privilégiée a fait que j'ai comme été protégé quelque part
36:31et j'ai pas subi ce que d'autres ont subi de façon beaucoup plus violente
36:35par rapport au moniteur, par rapport à un certain nombre de sévices.
36:39Cette religieuse, c'est grâce à cette religieuse que moi, à 16 ans, je quitte.
36:44C'est grâce à son intervention.
36:48Bruno parviendra à rattraper son retard scolaire.
36:51Devenu professeur d'université et écrivain connu,
36:55le comité des orphelins de Duplessis lui a demandé il y a dix ans de devenir son porte-parole.
37:02J'avais jamais réalisé combien ces gens avaient été détruits,
37:06comment ces gens avaient été détruits.
37:08Moi je pensais que chacun avait fait son petit bout de chemin, comme moi je l'avais fait.
37:12Mais quand j'ai vu ce regroupement ce soir-là,
37:15j'ai vu des enfants, des visages, mais complètement brisés.
37:18Et moi, 30 ans avant, je les avais connus comme enfants, comme adolescents.
37:25Et j'ai compris la mesure de ce à quoi moi j'avais échappé.
37:29Et c'est là que j'ai décidé de m'engager et de dire,
37:33peut-être que c'est ma responsabilité de parler en leur nom.
37:45L'Église et les médecins
38:04Pour toucher leur indemnisation, les orphelins ont dû signer, à contre-coeur,
38:08une quittance les obligeant à renoncer à toute poursuite contre l'État, l'Église et les médecins.
38:14Le gouvernement n'était pas d'accord pour laisser entendre
38:18que les hommes et les femmes qui travaillaient dans ces institutions,
38:21pour des motifs humanitaires ou religieux, étaient à blâmer au moindre degré.
38:27Je l'ai déjà dit, moi j'ai une de mes tantes qui était sœur de la Providence,
38:32pour laquelle j'ai la plus grande admiration.
38:34Elle a donné sa vie au service des démunis, dans des conditions qu'elle n'a pas choisies.
38:40Est-ce qu'au moindre degré, je vais salir sa vie et blâmer sa vie?
38:45Elle n'a rien fait de mal, elle n'a fait que du bien.
38:47Et puis elle est octogénaire aujourd'hui et qu'on lui laisse la paix.
38:51L'impression que nous avions, c'est que le gouvernement préservait le silence de l'Église
38:59en nous imposant à nous une quittance.
39:03Et si on ne signait pas la quittance, on ne touchait pas le montant.
39:09Et après dix ans de lutte, je pense que les gens ont compris que c'est une lutte difficile
39:14et il fallait donc prendre acte de la réalité.
39:17Et que s'il n'y avait pas de quittance, il n'y avait pas d'indemnisation.
39:38Moi, j'ai signé cette quittance-là par obligation et non par choix.
39:42Moi, c'est par obligation que j'ai signé cette maudite quittance
39:47parce que je vivais dans la totale pauvreté totale. Je la vivais.
39:54En exigeant des victimes qui reçoivent une indemnité de renoncer à d'éventuelles poursuites judiciaires,
40:02c'est un véritable abus de droit.
40:04C'est un déni de justice de demander ça.
40:07Et je pense que, d'une certaine manière, je dis même si on ne l'a pas fait internationalement,
40:15on en profite d'un groupe de personnes qui sont déjà faibles,
40:20qui sont déjà, d'une certaine manière, démunis,
40:25pour leur soutirer un papier qui empêche les poursuites.
40:31Il y a un déséquilibre incroyable.
40:33Quand on regarde ça comme ça, ça me paraît un peu gros comme situation.
40:38L'Église refuse de s'excuser au moment où on se parle,
40:41même si nous avons signé pour l'ensemble une quittance.
40:45L'Église ne veut même pas reconnaître les faits.
40:47Notre position demeure celle où on dit, on peut déplorer une situation,
40:52mais demander d'excuses, ce serait à jeter un blâme sur un ensemble,
40:57d'autant plus qu'au plan de poursuite judiciaire,
41:04il n'y a pas eu, effectivement, de démonstration de la culpabilité des communes religieuses.
41:17Un crime contre l'humanité.
41:20Prévent un enfant de son évolution, de son éducation, d'une vie normale.
41:29Un jour, j'ai surpris un employé à abuser sexuellement d'un enfant.
41:38Et puis, moi, comme un homme très doux, j'ai cassé la gueule.
41:43Alors, tout de suite, ça a été tout un émoi, un scandale.
41:48Mais moi, je voulais ouvrir les yeux des gens.
41:52J'aurais parlé, mais les paroles, ça s'envole.
41:57Tandis que là, c'était un acte.
42:00Il fallait qu'ils jugent.
42:02J'ai eu une promotion. Ils m'ont mis dehors.
42:06L'Église catholique du Québec, par la voix de ses porte-paroles il y a quelques années,
42:11a avoué que si on ne présentait pas d'excuses publiques,
42:16c'est parce qu'on avait peur qu'il y ait obligation pour l'Église de compenser financièrement.
42:22Et qu'en faisant ça, on allait priver des prêtres retraités de leur rente.
42:29Alors, c'est assez mesquin de la part de l'Église catholique du Québec.
42:33Et moi, comme bien d'autres, on pense que
42:38et l'Église catholique et le Collège de médecins devraient suivre l'exemple du gouvernement du Québec.
42:43Et pour que cette tâche importante soit effacée une fois pour toutes,
42:49il faudrait que les deux autres partenaires, médecins et médecins,
42:53La responsabilité des médecins dans l'internement des orphelins est incontestable.
42:58Le Collège des médecins était prêt, il y a quelques années, à faire des excuses publiques.
43:03Il s'est ensuite rétracté, de peur d'avoir à indemniser les victimes.
43:08Le collège des médecins était prêt, il y a quelques années, à faire des excuses publiques.
43:13Il s'est ensuite rétracté, de peur d'avoir à indemniser les victimes.
43:18Il y a eu la réconciliation, et depuis ce temps-là, pour nous, le dossier est clos concernant les orphelins displacés.
43:25Ce dossier n'est pas clos pour moi.
43:29Bien sûr que 85% du groupe se trouvent à avoir été indemnisés.
43:36Et tant mieux pour eux.
43:40Vous avez eu des agressions sexuelles, des violences physiques, comme les orphelins displacés.
43:45La seule différence ici, c'est au niveau de l'internement.
43:48Ce que moi j'appelle un internement de fait, et un internement illégal.
43:53Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
43:57Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:00Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:05Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:08Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:11Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:14Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:17Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:20Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:23Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:26Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:29Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:32Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:35Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:38Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:41Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:44Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:47Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:50Le fait, c'est qu'il n'y a pas d'internement illégal.
44:53["Ave, Ave... Ave Maria...]
45:03["Ave, Ave, Ave Maria..."
45:09...]
45:18Il y a un autre recours, il y a le patron d'église, son bureau est juste à côté,
45:30on va lui demander s'il va nous permettre de prier dans son église, vous êtes d'accord?
45:33Oui.
45:34Allons-y.
45:35On dénonce les abus sexuels dans l'église catholique, surtout à travers certaines communautés
45:54religieuses.
45:55Tantôt on a une conférence de presse au palais de justice, dont on ne traînera pas
45:58ici bien longtemps, mais ce sera un geste, et beaucoup de ces enfants-là ont été élevés
46:03dans votre église, avec toutes des valeurs très chrétiennes, et ils aimeraient aller
46:05allumer un lampion, et c'est très sincère, il n'y aura aucun grabuge, pas un lampion,
46:09mais plusieurs lampions, il n'y aura aucun grabuge, on sera là cinq minutes et on sortira
46:13de l'église.
46:14Puis on vous promet, la promesse de tout le monde ici qui est des gens honorables et valables,
46:18qu'il n'y aura aucun, vous n'allez pas avoir aucune inquiétude pour le patrimoine québécois.
46:23Alors je me fie à la parole de monsieur, et à votre parole, on est d'accord avec ça?
46:28Oui.
46:29Moi je suis en faveur de la prière, je ne peux pas être contre, hein?
46:31C'est ce qu'on pense.
46:32Bon, alors écoutez, puis je vais vous accompagner, ça vous va ça?
46:35Merci.
46:36Alors, puis, comme vous dites, on fait une petite prière, et puis...
46:42Ah oui, c'est un petit abassage, les croix, on peut les laisser à la porte.
46:46Oui, d'accord?
46:47Oui.
46:50Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nos pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort.
47:00Amen.
47:02Et que le Seigneur, Dieu puissant, vous bénisse.
47:04Le Père, le Sœur et le Saint, l'Esprit.
47:06Amen.
47:10Je t'aime.
47:24Mon nom est Martin Lécuyer, je suis âgé de 65 ans.
47:27Je suis un orphelin du Plessis, tout particulièrement du Bordeaux.
47:31Je n'ai pu bénéficier du programme de réconciliation avec le gouvernement, étant donné que je n'ai pas été en institution psychiatrique.
47:37On n'a absolument rien reçu.
47:39Et puis ce qu'on veut qu'on recevoit, c'est surtout la reconnaissance,
47:43qu'on reconnaisse les abus physiques et sexuels du temps passé.
47:49Je m'appelle Huguette, j'ai 62 ans.
47:52J'ai été en institution à plusieurs reprises depuis l'âge de 3 ans,
47:56au Hospice du Sacré-Coeur de Sherbrooke.
48:00Et puis après, ils m'ont envoyé à Saint-Michel.
48:02Là, quand je travaillais, après ça, au Mont-Providence.
48:05Et aujourd'hui, je leur demande qu'ils s'excusent
48:09et qu'ils me demandent pardon parce qu'ils ne veulent rien entendre
48:12de tout ce que j'ai subi dans mon enfance, mon adolescence.
48:17Alors, je veux qu'ils comprennent vraiment pourquoi je suis ici en ce moment.
48:22Aujourd'hui, j'ai 65 ans.
48:25Le Québec, ils ont volé notre enfance
48:28et là, ils sont en train de voler notre vieillesse.
48:30À lutter pour avoir une justice.
48:33Le Québec, c'est un pays qui est en train d'évoluer.
48:36C'est un pays qui est en train d'évoluer.
48:39C'est un pays qui est en train d'évoluer.
48:42C'est un pays qui est en train d'évoluer.
48:45C'est un pays qui est en train d'évoluer.
48:48C'est un pays qui est en train d'évoluer.
48:51C'est un pays qui est en train d'évoluer.
48:54C'est un pays qui est en train d'évoluer.
48:57C'est un pays qui est en train d'évoluer.
49:00Mais j'ai été chanceux.
49:03Grâce à cette femme héroïne, forte, bonne.
49:06Grâce à cette femme héroïne, forte, bonne.
49:09Je ne sais pas comment le dire,
49:12mais je l'ai aimée, cette femme-là,
49:15parce qu'elle n'a pas été sauvage envers moi.
49:18Elle m'a fait découvrir des choses.
49:21La plus belle chose qu'elle m'a fait découvrir en elle,
49:24c'est l'amour, le partage.
49:27Tu m'as donné un amour merveilleux.
49:30Tu m'as donné un amour merveilleux.
49:33Tu m'as donné ce qu'il y avait de mieux.
49:36Tu m'as donné ce qu'il y avait de mieux.
49:42À 19 ans, Jacqueline devient danseuse
49:45dans des clubs de Montréal.
49:48Obligée de se prostituer,
49:51elle ne parvient pas à élever ses 4 enfants
49:54Parce que je vous en remercie infiniment de m'avoir écouté.
50:03C'est en espérant que l'être léger va tenir par faire quelque chose.
50:07Juste pour qu'on ait un petit bonheur avant de s'en aller dans l'eau de l'eau.
50:12Parce que l'eau de l'eau, ça doit pas être plus méchant qu'ici.
50:15Ça peut pas être plus méchant que ça, j'y crois pas.
50:18C'est peut-être pour ça que ce tient-elle à me suicider,
50:21en m'allant dans l'eau de l'eau.
50:25Alors, il faut se battre contre les communautés religieuses,
50:29contre l'Église et contre le gouvernement.
50:31Ça, c'est une bataille qui aura peut-être pas de fin,
50:35qui est inégale pour que ces gens se diminuent là.
50:38Puis c'est très malheureux.

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