Situé à l’extrême sud de l’Italie, Pentedattilo est un village fantôme. Il y a 40 ans, Rossella Aquilanti a décidé de vivre dans ce paradis abandonné. Elle en a été la seule habitante jusqu’à l’installation d’un jeune Malien, Maka Tounkara, arrivé dans la péninsule italienne il y a deux ans sur une embarcation de fortune. Ensemble, ils veulent sauver Pentedattilo.
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00:00Tout au sud de l'Italie, nichée dans les montagnes calabraises, se trouve un village
00:10abandonné par ses habitants depuis une cinquantaine d'années.
00:13Pente d'Attilo, un village fantôme peut-être trop beau pour être oublié.
00:20« Les maisons tombent en ruines, forcément personne n'y habite, et le village a été
00:34touché par trois incendies dévastateurs.
00:36Des toits se sont effondrés, et dans ces cas-là, les murs suivent.
00:42»
00:43Au cœur des ruines, vit un tandem inhabituel formé par Rossella et Maka.
00:57« Pour moi, c'est impensable de quitter Rossella.
01:03Je ne l'abandonnerai jamais.
01:08Je ne sais pas ce que la vie me réserve, mais ce que je sais, c'est que je resterai
01:15auprès d'elle.
01:16»
01:17Rossella Aquilanti et Maka Tunkara, une rencontre improbable en cette contrée désertée.
01:41Les reliefs arides de la calabre sont la terre d'adoption de Rossella depuis près
01:51de quarante ans.
01:52Elle continue à aller voir ses chèvres tous les matins, mais depuis deux ans, elle n'est
02:13plus seule.
02:14Désormais, Maka est de la partie.
02:16« On vole ! »
02:22Maka vient d'un petit village du sud-ouest du Mali.
02:26Il y travaillait comme berger et comme fermier, avant de fuir pour venir se réfugier en Europe.
02:31« C'est bon, Maka, tu peux commencer.
02:40Mes jolies biquettes !
02:43Vous êtes belles, belles, belles, belles, belles, belles ! »
02:52« Quand on habite à la campagne, on ne peut pas vivre sans animaux, surtout si on vise
02:58l'autosuffisance.
02:59Les animaux sont importants pour nous comme pour la terre, parce qu'ils apportent des
03:05nutriments.
03:06Ils prennent un peu, mais ils donnent beaucoup.
03:08»
03:09S'occuper seule d'une vingtaine de chèvres, passé 60 ans, cela devenait difficile.
03:15Maka est arrivée à Poin-Nomé.
03:21Rossella l'a rencontrée il y a deux ans dans un centre d'accueil pour réfugiés.
03:25Cela faisait déjà quelques temps qu'elle cherchait quelqu'un qui accepte de vivre
03:29et de travailler avec elle en ces lieux reculés, sans succès.
03:32« Maka est formidable.
03:37C'est quelqu'un de très doux, de très respectueux et il ne rechigne pas à travailler
03:41dur.
03:42Il connaît le métier, il l'exerçait déjà dans son pays et il aime bien faire pareil
03:48ici.
03:49On forme une très bonne équipe tous les deux.
03:53»
03:54Depuis quelques jours, Kevin pose problème.
03:57Il est en rute et il a essayé d'attaquer Rossella et Maka.
04:05« Maka, aujourd'hui Kevin est de mauvais poil.
04:09»
04:10« Il est où ? »
04:11« Il faut le mater, hein Maka ? »
04:18Maka fait comprendre au bouc qui commande ici.
04:24« Stop ! »
04:25« Il ne se rend pas compte qu'il nous fait mal.
04:31»
04:32« Je resterai toujours près de Mme Rossella pour l'aider parce que maintenant elle est
04:50vieille.
04:51»
04:52« Comment ça vieille ? »
04:53« Elle a besoin de quelqu'un auprès d'elle pour l'aider dans son travail.
04:59»
05:00« Moins vieille ? Non ! Moins forte ? »
05:06Voilà des mois qu'il n'a pas plus en calabre.
05:23Maka passe la moitié de ses journées à chercher de la nourriture pour les chèvres.
05:27Marcher, travailler dur, ça le connaît.
05:37Quand il a quitté le Mali à la recherche d'un avenir meilleur, Maka s'en est sorti
05:42en faisant des petits boulots.
05:43D'abord en Algérie, puis au Niger, puis en Libye.
05:47Mais il visait l'Europe.
05:48Il y est parvenu au bout de six ans, à bord d'un bateau de réfugiés à destination
05:53de la Sicile.
05:54« J'aime cet endroit, c'est beau.
06:07Mais le problème, c'est qu'il n'y a personne.
06:09Nous sommes les deux seuls habitants de Pentidatilo.
06:13Vivre comme ça tout seul, c'est pas facile.
06:19»
06:20Les emplois sont rares et les perspectives bien maigres en calabre, où le chômage touche
06:2537% des jeunes.
06:26C'est le taux le plus élevé de toute l'Italie.
06:31Beaucoup veulent donc partir.
06:33Mais pour Maka, c'est justement ici que démarre l'avenir.
06:36Rossella rapporte le lait fraîchement récolté à la maison, dans ce village où personne
06:55d'autre ne vit que Maka et elle.
06:56La calabre compte une vingtaine de villages fantômes tels que Pentidatilo.
07:03Nulle part ailleurs en Italie, on ne trouve une telle concentration de communes abandonnées.
07:08Quand Rossella arrive à Pentidatilo, en 1983, le village est déjà déserté depuis une
07:16dizaine d'années.
07:17Elle a à peine plus de vingt ans et elle est en quête de liberté et d'indépendance.
07:22« Cette maison va bientôt s'écrouler, le toit est déjà parti.
07:33Quand je suis arrivée, tout était encore en place.
07:38Cette maison tenait debout, celle-ci aussi.
07:40»
07:41L'histoire de Pentidatilo remonte à l'Antiquité.
07:46Après une série de glissements de terrain, le village a été complètement abandonné
07:50au début des années 1970.
07:52Tous ses habitants ont dû quitter leur maison.
07:54Dix ans plus tard, Rossella décide de s'y installer.
08:02Elle démissionne de son emploi de factrice dans les abords de Milan et tourne le dos
08:05à son ancienne vie.
08:06« Beaucoup de gens sont sidérés qu'on puisse choisir de vivre dans un village abandonné.
08:16La solitude, le silence font peur.
08:20Certains m'admirent de continuer à vivre comme on vivait autrefois.
08:25Et d'une certaine façon, je maintiens en vie un village qui, sinon, serait véritablement
08:33un village fantôme.
08:34»
08:35Sur les pentes du village, Rossella récolte des herbes sauvages.
08:40Elle appelle cela son jardin secret.
08:43« J'ignore ce qui m'a poussée à choisir cette vie.
08:48Il y a des choses dont on se demande encore 40 ans plus tard pourquoi on les a faites.
08:55Ce qui me plaît tellement, c'est cette nature incroyable, où chaque moment est un moment
09:03d'extase devant tant de beauté et de méditation.
09:06Et peut-être aussi que je me suis installée ici pour inciter les jeunes à redécouvrir
09:11la fatigue physique.
09:13J'ai toujours aimé transpirer, accomplir un travail physique qui fatigue mais qui apporte
09:22une vraie satisfaction. »
09:23Malheureusement, la sécheresse de ces dernières années la touche de plein fouet.
09:30Un potager qu'il faut arroser régulièrement, Rossella ne peut pas se le permettre.
09:35Elle a donc appris à vivre avec le peu que lui offre la nature.
09:40Voilà sa maison, Casa Rossella.
09:52A l'époque, elle a obtenu de son propriétaire qu'il la lui vende à un prix très abordable.
09:57C'est l'heure du repas de midi.
10:03De l'ail, de la roquette, un peu de pissenlit.
10:05Rossella n'a guère besoin de plus.
10:07« Maintenant, je vais faire cuire les pâtes et avec ces quelques misérables petites feuilles
10:21cueillies dans notre petit désert, je vais agrémenter des pommes de terre.
10:26»
10:27La chambre de Maka, juste à côté, est pourvue d'un petit coin cuisine à Lossie.
10:38Il se prépare un peu de viande et de foie de chèvre, mijoté avec des épices africaines
10:43qu'il va savourer avec de la semoule.
10:44Il ne s'est pas encore fait à la cuisine italienne.
10:48« J'aime cuisiner et la cuisine malienne est la meilleure de toutes.
10:55»
10:56Maka voue un véritable culte à la cuisine.
11:05Je lui dis toujours « toi, tu es un vrai cuisinier ». Pour lui, la cuisine est une
11:10forme de méditation, une façon de se reconnecter avec sa terre natale et ses saveurs.
11:15« Maka, moi je suis prête, et toi ? »
11:20« Ok, c'est parti.
11:25»
11:26Ils mangent des plats différents, mais ensemble.
11:29« Bon appétit ! »
11:33« Merci. »
11:34Ils ne parlent pas beaucoup non plus, l'italien de Maka n'est pas encore assez bon.
11:40« Tu veux goûter ? »
11:42« Non, non. »
11:49« On n'est pas toujours sur la même longueur d'onde, loin de là.
11:56Maka veut faire les choses à son idée et moi à la mienne, c'est la jeunesse contre
12:02la vieillesse.
12:03La vie, ça a toujours été comme ça, les anciens doivent faire place aux jeunes.
12:10« Lesquels reprennent aujourd'hui ? »
12:13Même s'ils ne partagent pas leur nourriture, Rossella et Maka ont décidé d'être là
12:19l'un pour l'autre.
12:20« Rossella sait que je me sens chez moi ici, c'est pour ça que je ne me ménage pas.
12:32Travailler pour elle, c'est comme travailler pour ma propre mère.
12:35Je donne le meilleur de moi-même.
12:39»
12:40Un pacte dont ils profitent tous les deux.
12:50Grâce à Rossella, Maka a un contrat de travail, un salaire et une maison où il se sent chez
12:56lui.
12:57Et grâce à Maka, Rossella peut continuer à vivre dans son village presque fantôme.
13:02Deux fois par semaine, Maka se rend à bicyclette dans une des villes des environs pour apprendre
13:11l'italien.
13:12Au Mali, il n'est jamais allé à l'école.
13:15« C'est parti ! »
13:19D'abord, il lui faut arriver jusqu'à la route.
13:23« Je suis content d'aller à l'école.
13:36Étudier, c'est la voie vers la liberté, l'indépendance.
13:39Et puis ici, parfois je me sens seul, surtout que je parle mal la langue, alors c'est dur
13:48de communiquer.
13:49J'espère qu'apprendre l'italien m'aidera.
13:53Déjà, je comprendrai mieux, ça changera pas mal de choses. »
13:55Quand Maka est arrivé en Sicile, en 2018, il est passé d'un centre pour réfugiés
14:02à l'autre pendant deux ans.
14:03Aujourd'hui encore, son statut de résident reste incertain.
14:07Mais ici, en Calabre, il a enfin la sensation de retrouver un peu de liberté.
14:12« On ne sait jamais ce qui nous attend quand on arrive dans un nouvel endroit.
14:26Ce serait la même chose pour un Européen qui débarquerait au Mali avec une idée floue
14:31de ce qu'est la vie là-bas.
14:32Ce qu'on découvre est souvent différent de ce qu'on imaginait.
14:35C'est ce qui s'est passé pour moi ici.
14:37»
14:39Ses cours du soir sont dispensés à titre gracieux.
14:42Une chance pour Maka, qui en plus d'un emploi stable, a besoin de savoir parler
14:47italien pour obtenir un visa.
14:48« Il doit absolument apprendre à parler italien et passer son permis.
15:11Après, c'est lui qui décidera de ce qu'il voudra faire de sa vie.
15:17Mais dans un premier temps, le plus important, c'est la langue et le permis de conduire.
15:20Ce sont les deux choses dont il a fondamentalement besoin.
15:24Ensuite, pour le reste, ce sera à lui de voir.
15:27»
15:28C'est le début du mois d'octobre.
15:31Rossella prépare les conserves pour l'hiver.
15:34« On n'a pas besoin d'acheter grand-chose parce qu'on réussit à faire quasiment tout
15:41nous-mêmes.
15:42Avec les chèvres, on a un peu de viande, et aussi du lait, du fromage.
15:47J'essaie de me rapprocher au plus près de l'autosuffisance parce que je n'aime vraiment
15:52pas aller au supermarché.
15:53Je ne sais absolument pas quoi acheter.
15:56Quand je vois des légumes super brillants, sous cellophane, je suis vraiment mal à l'aise.
16:01»
16:02Au lieu de cela, Rossella met les légumes de l'été en bocaux.
16:06Pour cela, elle les fait fermenter.
16:10Après deux semaines dans la saumure, aubergines, carottes, poivrons sont mélangées à des
16:14herbes fraîches et beaucoup d'huile d'olive.
16:16« Ah, l'huile ! Quelle bénédiction ! L'huile, c'est la vie ! Et maintenant, je touille.
16:32J'aime faire ça avec les mains.
16:34Là-dedans, il y a le soleil de l'été, l'énergie de l'été, la vie, en somme.
16:44La vie et la chaleur de l'été pour nous réchauffer pendant l'hiver.
16:47C'est beau, non ? »
16:48Rossella et son art de vivre fascinent.
16:52Mais s'ils ont été nombreux à vouloir venir vivre avec elle dans son village presque
16:56fantôme, aucun n'a tenu très longtemps.
16:59« Je n'aurais pas voulu vivre autrement.
17:08Et c'est une chance pour moi d'avoir rencontré ma care qui me permet de continuer à vivre
17:15comme ça.
17:16Quand j'étais jeune, j'avais beaucoup d'amis qui disaient « Oui, allons vivre à la campagne,
17:24on formera notre propre communauté.
17:26Allez, on va le faire ! »
17:28Au bout du compte, je me suis retrouvée toute seule.
17:31La plupart n'ont eu ni l'envie ni le courage de me suivre.
17:33»
17:34Juste derrière Pente d'Atilo, s'étend une ancienne oliveraie.
17:40Rossella en a racheté une partie il y a des années de cela.
17:44« Prends les filets, Maca ! »
17:51Rossella et Maca n'ont pas beaucoup d'olives à récolter cette année, à cause de la
17:57sécheresse.
17:58Et pour ne rien arranger, les chèvres grignotent volontiers les jeunes pousses et se sont déjà
18:05servies.
18:06Mais il en faut plus pour mettre Rossella de mauvaise humeur.
18:10« On est tellement bien ici ! On respire un air pur.
18:17Avec le vent, même s'il est parfois agaçant quand il souffle fort, on se sent vivant.
18:21Tout ça, c'est la nature et je ne m'en lasse pas.
18:26C'est bon comme ça, non ? »
18:28Le filet est bien tendu.
18:33Maca peut commencer à ratisser les branches de l'arbre pour faire tomber les olives.
18:37Ce travail, il le connaît pour l'avoir pratiqué en Libye.
18:42Il fallait amasser assez d'argent pour payer le passeur et la traverser vers l'Europe.
18:48« Ma fiancée m'attend au Mali.
18:52Ça coûterait très cher de la faire venir en Italie.
18:56Je n'ai pas assez d'argent pour ça.
18:57»
18:58La plus grande partie de l'argent qu'il gagne auprès de Rossella, Maca l'envoie
19:04au pays pour aider sa mère et permettre à sa fiancée de faire des études au Mali.
19:10« C'est important qu'elle étudie.
19:14Moi, je n'ai pas pu.
19:17C'est une bonne chose pour nous deux.
19:19Là, je l'aide à étudier, et après, c'est elle qui m'aidera. »
19:23Maca est ambitieux, travailleur et consciencieux.
19:29Il ne veut pas laisser une seule olive sur l'arbre.
19:32« Maca est rapide, moi je suis beaucoup plus lente.
19:41Et il grimpe comme il respire.
19:44C'est le mode de récolte idéal.
19:47Un travail propre, sans fumée, sans bruit, comme autrefois.
19:51»
19:52Au total, Maca et Rossella récoltent quelques 100 kg d'olives, de quoi faire 10 litres
20:00d'huile.
20:01« On peut s'estimer heureux si on arrive à produire de quoi subvenir à nos besoins.
20:07Les arbres ont tellement peu donné.
20:09»
20:10C'est l'heure des devoirs.
20:38Maca, qui n'a jamais appris à lire et à écrire, est décidé à y remédier.
20:43Rossella l'y aide volontiers.
20:51« Qu'est-ce que c'est, des objets ? Ça, qu'est-ce que c'est ? Un crayon ? Oui,
21:19et un crayon, c'est un objet.
21:20C'était très émouvant quand il a commencé à lire.
21:25Je pense que j'ai ressenti à peu près ce que ressent une mère devant son enfant qui
21:32commence à épeler petit à petit.
21:34Ça m'a fait pareil quand j'ai vu Maca se mettre à lire tout doucement.
21:40Rossella m'aide depuis que je suis arrivé ici, y compris pour l'école.
21:58Grâce à elle, je sais maintenant un peu lire et écrire.
22:04J'arrive même à écrire mon nom.
22:07» Une fois par an, Pente Datilo s'anime.
22:18C'est Emmanuele Milazi qui le sort de sa léthargie.
22:22Il a grandi à quelques kilomètres de là et connaît le village fantôme depuis l'enfance.
22:27Ses copains et lui y venaient secrètement pour se raconter des histoires à faire frissonner.
22:32« Qui est là ? Quoi de neuf ? Ça fait un bail ! Ah oui, trop longtemps ! Tu as encore
22:51grandi ou quoi ? Grossi tu veux dire, c'est à cause de ma fille ! Non, j'avais oublié
22:55que tu étais si grand ! Ouais, le soleil brille, c'est l'essentiel ! Il vaudrait
23:00mieux qu'il pleuve ! Ah non, pas pour le festival ! Alors dans deux jours ! Trois ! »
23:07Emmanuele travaille comme scénariste à Milan.
23:11Il a quitté la Calabre pour étudier et réaliser son rêve.
23:14Mais il n'a jamais oublié ses racines et chaque année, il organise un festival international
23:20de courts-métrages dans les rues de Pente Datilo.
23:26« Le monde entier vient sur cette terrasse, et avec ce festival de cinéma encore plus.
23:31Le village revit, des voix résonnent à nouveau, les fenêtres s'ouvrent, les lumières
23:38s'allument dans les ruelles. »
23:44En réalité, la Calabre tout entière se dévitalise.
23:47300 000 jeunes ont quitté la région ces dix dernières années.
23:52Emmanuele, pourtant bien placé pour les comprendre, déplore cet exode, qui pose un vrai problème.
24:02« Pente Datilo, c'est le monde d'avant.
24:04Un monde perdu, qu'on recherche tous, qu'on a en nous.
24:09On voudrait tous travailler dans les lieux où sont ancrées nos racines, notre âme.
24:13Mais on ne le fait jamais.
24:15Le Pente Datilo Film Festival est une façon de dire « retournons-y ».
24:22»
24:25Et pendant quelques jours, les gens y retournent en quelque sorte.
24:28Même si on ne peut plus aller jusqu'à Pente Datilo en voiture,
24:31et qu'il faut venir à bout d'une belle montée à pied.
24:41Il y a des touristes, des curieux, et des cinéastes du monde entier.
24:45Durant trois jours, des centaines de visiteurs peuplent le village.
24:52« Tenez les jeunes, en voilà d'autres.
24:59L'équipe de ces films sera là, alors mettez-les bien en évidence. »
25:04Rossella est elle aussi bien occupée ces jours-là.
25:11« Aujourd'hui, il y a de la vie dans Pente Datilo. »
25:16Elle cuisine à la maison.
25:19Elle cuisine pour les festivaliers, aidée par Manuello.
25:23Le cuisinier est calabret lui aussi, mais il vit et travaille à Berlin.
25:34« Quand je viens au Calabre, j'essaie toujours de passer quelques jours avec Rossella.
25:41On est un peu taillés dans le même bois, alors je viens lui donner un coup de main.
25:48On travaille en plaisantant.
25:53Oui, c'est plus drôle à deux. »
25:57Il y a de l'ambiance à la cuisine et dans Pente Datilo.
26:01Et c'est un petit revenu supplémentaire pour Rossella.
26:07« En temps normal, on mène une vie assez paisible.
26:10Mais pendant ces événements, on s'invente des amis.
26:13Les gens viennent et on fait un échange avec eux.
26:16Nous, on cuisine pour les nourrir et eux, ils nous laissent une offrande. »
26:23Rossella et Manuello nourrissent jusqu'à 40 personnes par jour pendant le festival,
26:27qui a lieu au mois d'août.
26:29Et le reste de l'été, Rossella cuisine pour les touristes qui louent sa chambre d'hôte
26:33et viennent profiter un peu de l'atmosphère magique des lieux.
26:39« Je suis quelqu'un de simple et j'aime ce que je fais.
26:44Par exemple, là, cuisiner pour tous ces gens, c'est un peu stressant, mais ça me plaît.
26:52Quand je les vois se régaler et s'extasier,
26:55c'est comme s'ils me renvoyaient toute l'énergie que j'ai dépensée pour eux. »
27:01Sa terrasse est grouillante de vie.
27:04« Tout le monde veut de la viande de chèvre ?
27:08Un peu pour goûter ?
27:11D'accord. »
27:20Enfin, un peu d'animation dans les rues de Pente d'Attilo.
27:24Ce festival de courts-métrages,
27:26c'est l'un des plus importants de l'année.
27:29Enfin, un peu d'animation dans les rues de Pente d'Attilo.
27:33Ce festival de courts-métrages donne de l'espoir.
27:36Et si le village avait encore de beaux jours devant lui ?
27:39L'art et la culture auraient-ils le pouvoir de lui réinsuffler de la vie plus durablement ?
27:47« Le Pente d'Attilo Film Festival est un geste, un geste de guerre.
27:53On ne peut pas, à nous seuls, changer le destin du village
27:57ni changer le cours des choses et les gens en général.
28:03On a apporté notre contribution, mais il reste tant à faire.
28:07Et à nous seuls, on n'y arrivera pas. »
28:13Ces journées pleines de vie sont précieuses pour Maka aussi.
28:17C'est son premier festival de cinéma.
28:20Un ami à lui, Khalifa, est venu.
28:23Il est aussi originaire du Mali, mais il se sent connu ici, en Calabre.
28:31« La présence de mon ami me fait très plaisir.
28:36Aujourd'hui, je suis très heureux.
28:38Il y a beaucoup de gens dans les rues qui viennent voir des films.
28:41C'est joyeux. »
28:44Au Mali, Maka n'est jamais allé au cinéma.
28:47Tout à coup, un festival a lieu juste devant sa porte et les gens affluent.
28:52L'espace de quelques jours, ils savourent ce petit miracle.
29:11Pour Rossella, ces journées ont été longues, mais elle aussi les a savourées.
29:17Maintenant que les festivaliers sont partis,
29:20Pente Datilo redevient un village fantôme.
29:23Celui dont Rossella s'était prise autrefois et qu'elle aime toujours autant.
29:28« J'ai besoin de silence.
29:30Quand il y a trop d'agitation, je viens ici.
29:35Ma mission est peut-être de faire comprendre au monde
29:39qu'on peut vivre de peu de choses.
29:42L'envie d'en avoir toujours plus est malsaine.
29:46Ça n'a jamais rendu personne heureux. »
29:56La vie simple qu'elle a trouvée ici est le secret du bonheur de Rossella.
30:10Si les villages abandonnés de Calabre ont un avenir,
30:13ce sera grâce à des gens comme elle et Maca.
30:16Des gens qui voient les choses autrement,
30:18qui n'ont pas peur de se retrousser les manches
30:21et sont prêts à se contenter de peu.
30:24Rossella est convaincue qu'il y a davantage de gens comme elle qu'on ne le croit.
30:33« Je suis confiante dans l'avenir de Pente Datilo.
30:36Beaucoup de jeunes s'intéressent au village,
30:39parce qu'une fois qu'on y est venu, on ne l'oublie pas.
30:42Ils restent présents dans les cœurs.
30:45Tellement de personnes voudraient faire quelque chose à porter,
30:48ne serait-ce qu'une petite contribution.
30:51Et ça, c'est positif, ça veut dire que les choses peuvent changer. »
30:56Rossella et Maca ne reçoivent aucune aide des autorités pour prendre soin du village.
31:00Ils le font de leurs propres chefs, avec leurs propres moyens.
31:04Pente Datilo peut compter sur eux,
31:07de même qu'ils peuvent compter l'un sur l'autre.
31:12« Pour moi, c'est impensable de quitter Rossella.
31:15Je ne l'abandonnerai jamais.
31:18Je ne sais pas ce que la vie me réserve,
31:21mais ce que je sais, c'est que je resterai auprès d'elle. »
31:42Sous-titrage Société Radio-Canada
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