• il y a 3 mois

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Transcription
00:00C'est un procès complètement hors norme qui s'est ouvert ce matin, on en parlait dans les journaux d'RTL.
00:06Celui d'un homme, un septuagénaire, qui a donc drogué sa femme avec des anxiolytiques
00:12dans le but de la faire violer par des inconnus.
00:15Et aux côtés de ce mari, il sont donc 50 à comparaitre pour avoir violé cette femme
00:20alors qu'elle était inconsciente, une affaire qui a mis en lumière la question de la soumission chimique,
00:25le fait de droguer une personne avec des produits psychotropes pour ensuite abuser d'elle.
00:29Pour en parler avec nous, docteur Leïla Chaouchi, bonjour.
00:32Bonjour.
00:33Vous êtes pharmacienne au Centre d'Addictologie de Paris,
00:35experte nationale de l'enquête soumission chimique auprès de l'Agence du Médicament.
00:39D'abord, rappelons peut-être ce qu'est la soumission chimique,
00:42parce que j'imagine qu'une grande partie de nos auditeurs découvrent cette expression avec ce procès.
00:47Alors, c'est ce que vous venez de dire.
00:49En réalité, la soumission chimique, c'est le fait de droguer une personne à son insu ou sous la menace,
00:53c'est-à-dire sans son consentement, pour commettre un crime ou un délit.
00:57Ça peut concerner, bien sûr, les crimes sexuels, c'est ce qu'on retrouve majoritairement,
01:00mais ça peut être aussi des enlèvements, des séquestrations, etc.
01:04Donc, c'est toutes sortes de types de crimes et de délits qu'on peut retrouver dans ces affaires.
01:08Est-ce qu'on a une idée du nombre de personnes qui, chaque année, sont victimes de ce procédé en France ?
01:13Alors, c'est extrêmement compliqué de chiffrer pour une raison toute simple,
01:17c'est que la soumission chimique, c'est technique.
01:19Il faut pouvoir identifier la substance administrée à l'insu ou sous la menace,
01:24ça demande des techniques de pointe dont seuls les experts ont le secret.
01:28Donc, c'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, c'est compliqué d'évaluer ce nombre,
01:32puisqu'aujourd'hui, en France, l'accès aux analyses toxicologiques est conditionné par le dépôt de plainte.
01:37Et vous le savez, moins de 10% des victimes de violences sexuelles déposent plainte,
01:41comme les agresseurs sont au connu.
01:43Il y a tous les phénomènes d'emprise, la crainte des répercussions socioprofessionnelles qui sont présentes.
01:48Les victimes ont pu consommer des substances de façon volontaire, ça les culpabilise.
01:52Ça n'a rien à faire là, mais c'est toujours présent.
01:54Et comme la mémoire est altérée, on a aussi cette difficulté à prendre conscience de son statut de victime.
01:59Qu'est-ce que je vais dire aux enquêteurs ? Je ne connais même pas moi-même mon propre récit.
02:02Et donc, ça, c'est déjà des premiers obstacles.
02:04Et quand, bien même, on aurait dépassé ces obstacles, sous quel délai ?
02:07On va déposer plainte ? Est-ce qu'on sera prélevés ?
02:09Est-ce que des réquisitions pour des analyses toxicologiques vont être réalisées ?
02:12Vous comprenez que par effet d'entonnoir, on ne peut voir que le sommet de l'iceberg.
02:15Oui, et là, dans cette affaire dont on parle, d'ailleurs, la femme n'était pas consciente,
02:20donc n'aurait jamais porté plainte puisqu'elle ne savait pas qu'elle était victime.
02:23Jusque-là, on parlait surtout du GHB, la drogue du violeur, c'est comme ça qu'on la surnomme,
02:29avec la recommandation toujours de bien surveiller son verre quand on va dans un bar, dans une boîte de nuit.
02:34Mais donc, ça ne se limite pas du tout à ça ?
02:36Absolument pas. Le GHB peut être utilisé en affaire criminelle, je ne veux pas laisser entendre le contraire.
02:41En revanche, ce qu'on retrouve majoritairement dans nos données, et tous les ans,
02:44ce sont des médicaments sédatifs, donc des médicaments qui endorment, qui fatiguent,
02:48qui fragilisent justement et qui facilitent ce passage à l'acte.
02:51Et on retrouve bien sûr également, et de plus en plus depuis 2021,
02:54les drogues qui arrivent au coude à coude avec les médicaments, qui peuvent être stimulantes,
02:58donc désinhiber, euphoriser, altérer le comportement, et les drogues dissociatives
03:02qui vont faire perdre la notion de la réalité par des hallucinations,
03:05et qui vont également faciliter le passage à l'acte.
03:08Donc effectivement, ce n'est pas uniquement du GHB.
03:10Et je rebondirai sur la remarque que vous avez faite sur toute cette affaire de prudence,
03:15il n'y a qu'à faut que, il faut juste surveiller son verre, c'est un peu plus compliqué que ça.
03:18Très souvent, les victimes laissent leur verre, ou acceptent leur verre,
03:21d'une personne de confiance, qui va trahir cette confiance.
03:24Donc la soumission chimique, c'est une affaire d'une confiance trahie, dans la majorité des cas.
03:28Il y a même eu, je vous le rappelle, il y a quelques mois, une affaire qui a touché des parlementaires,
03:32qui est en cours et que nous ne commenterons pas, mais c'est pour vous dire que ça touche
03:35de nombreuses personnes et beaucoup de catégories sociales.
03:38La femme, dans ce cas, victime donc de son mari et de ces dizaines d'hommes
03:42qui l'ont violée alors qu'elle était inconsciente et avait été droguée avec des anxiolytiques.
03:46La question qui se pose, c'est est-ce que ces anxiolytiques, ces produits-là,
03:50est-ce qu'ils sont si faciles que cela à obtenir ?
03:53Alors, pas dans l'affaire en particulier, puisque j'ignore de quels produits on est en train de discuter,
03:58mais de façon générale, sur les médicaments, le médicament par essence,
04:01il a été pensé pour être accessible, mais j'ai envie de dire, c'est normal.
04:04Encore heureux, puisque le but est de traiter des personnes,
04:06le but est de prendre en charge des pathologies chroniques chez des patients.
04:09Il existe, en revanche, une batterie de mesures réglementaires
04:12pour limiter le risque de détournement, puisqu'il faut bien comprendre
04:15que c'est très compliqué de faire barrage à une intention criminelle.
04:18Je parle d'une intention.
04:19Donc, le médicament, il y a toute une batterie réglementaire
04:22pour, par exemple, restreindre sa prescription sur ordonnance sécurisée,
04:25restreindre à certains prescripteurs spécialisés en primo-prescription,
04:28restreindre la taille des conditionnements, la durée des livrances,
04:31et j'en passe et j'en passe, mais le médicament reste tout de même
04:34à portée de main, à portée de rue, à portée de clic,
04:37et je passe outre aussi tous les médicaments, toutes les drogues
04:40qui sont carrément illégales et qu'on peut se procurer pour commettre
04:43ces crimes ou ces délits.
04:44Donc, la question est plus complexe que l'accès.
04:46L'accès joue, puisque lorsque l'agence a pris des mesures
04:49sur des médicaments identifiés comme étant des agents
04:52de soumission chimique notables, je pense au rivotril, je pense au rohypnol,
04:55effectivement, on a vu les courbes décroître de ces détournements,
04:58mais il faut bien comprendre qu'on est dans des mesures de réduction des risques
05:00et que la lutte contre l'usage criminel n'est pas strictement
05:03une affaire réglementaire.
05:05Merci beaucoup, docteur Leïla Chaouchi.

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