50 ans de la loi Veil, procès des viols de Mazan, loi sur la fin de vie... Écoutez l'interview de Elisabeth Badinter.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 17 janvier 2025.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 17 janvier 2025.
Category
🗞
NewsTranscription
00:0034, tout de suite l'invidenté de Hertel Matin, et sa parole est rare mais toujours directe.
00:07Thomas, vous recevez aujourd'hui la philosophe Elisabeth Badinter.
00:10Bonjour et bienvenue sur RTL, Elisabeth Badinter.
00:13Bonjour Thomas Soto.
00:14Nous sommes le 17 janvier 2025. Il y a 50 ans, jour pour jour, la loi Veil autorisant l'interruption volontaire de grossesse en France entrait en vigueur.
00:23Vous aviez une trentaine d'années à l'époque. Est-ce qu'avoir 20 ou 30 ans en 2025 est vraiment plus simple qu'en 1975 ?
00:31Ah oui, vraiment plus simple, vraiment plus libératoire pour les jeunes filles, pour les jeunes femmes, pour tout le monde.
00:40Et je pense que cette journée du 17 janvier a été le grand jour de la révolution pour les femmes.
00:49Ça veut dire que la loi sur l'IVG a eu des conséquences bien au-delà de la question de l'IVG pour les femmes ?
00:54Bien au-delà.
00:55Est-ce que les femmes sont vraiment devenues maîtresses de leur corps aujourd'hui ?
01:00Je dirais d'une façon générale, oui. En tous les cas, dans les pays occidentaux et notamment en Europe. Oui, oui.
01:08Je pense que c'est un élément essentiel de la liberté féminine.
01:13On a tous été stupéfaits, choqués par le procès des viols de Mazan, Elisabeth Badinter, par le courage et la dignité de Gisèle Pellicot.
01:21Est-ce qu'on a raison d'en faire une icône aujourd'hui de Gisèle Pellicot ?
01:25Écoutez, une icône... On fait des icônes de beaucoup de personnes qui, à mon avis, n'ont pas vraiment le statut d'icône.
01:33Cette femme a montré un tel courage pour ne rien cacher et rester toujours d'un calme, je trouve, remarquable.
01:46Oui, elle mérite vraiment d'être une icône, moins évidemment par ce qui est arrivé, par l'horreur de ce qui lui est arrivé.
01:55Mais je dirais par sa personnalité, j'ai été, comme je crois beaucoup de Français, impressionnée par cette femme.
02:03Et au fond, il me semble que beaucoup de femmes, peut-être toutes, se sont posées la question,
02:09si ça m'était arrivé à moi, est-ce que j'aurais eu le courage de dire, je montre tout, et devant le public ?
02:17Et de renoncer à l'anonymat.
02:18Et de renoncer à l'anonymat.
02:20Vous pensez vraiment qu'il y aura un avant et un après Mazan ou pas ?
02:23La question qui se pose pour moi, c'est est-ce un fait divers atroce, ou bien un fait de société ?
02:32C'est-à-dire qu'il y aurait aujourd'hui une appréhension de la sexualité des femmes chez certains,
02:39chez certains hommes, qui pourrait faire que nous retrouvions un jour ou l'autre ce genre de violence sexuelle.
02:47Vous avez la réponse à cette question ?
02:49Non, je n'ai pas la réponse pour tout vous dire.
02:51Je ne sais pas, j'attends de voir.
02:52J'espère que ça restera un fait divers, atroce, certes, mais que ça n'est pas révélateur d'un changement radical de violence sexuelle.
03:05Ce qui est sûr, Elisabeth Badinter, c'est que la société, et notamment la société américaine,
03:09semble reculer sur la place des femmes aujourd'hui, avec Donald Trump, avec Elon Musk.
03:13Tiens, d'ailleurs, est-ce que vous faites partie de ceux qui sont de plus en plus nombreux, visiblement,
03:17à dire, finalement, il est peut-être bien Trump ?
03:19Non. La réponse est non. Je suis très inquiète à écouter les propos, comme tout le monde, de Donald Trump,
03:27de ce qu'il veut faire, de comment il voit la société. J'ose parler de régression. J'ai l'impression de régression d'une civilisation.
03:37C'est le symbole de la régression de la civilisation, aujourd'hui, Donald Trump ?
03:42Il y en a d'autres, des symboles. Il y en a d'autres.
03:44Le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, contrairement à vous, a viré Trumpiste.
03:48Il s'insurge d'un monde de l'entreprise culturellement émasculée, dit-il.
03:52Il salue l'énergie masculine comme étant positive, et il dit croire au mérite d'une culture qui valorise un peu plus l'agressivité.
04:00Et là, on se dit qu'on est bien loin de l'égalité prônée par Elisabeth Badinter, par Gisèle Halimi, par Simone Veil et par tant d'autres, non ?
04:09Écoutez, j'ai du mal à comprendre, effectivement, les propos de Zuckerberg.
04:15Je pense qu'il se rallie, pour des raisons peut-être d'intérêt personnel, ou en tous les cas professionnel, à la puissance de Donald Trump.
04:26J'avoue que c'est une grande déception pour moi, parce que je portais à son égard pas mal de sympathie.
04:32On va revenir en France avec un problème de société qui est de plus en plus présent.
04:37Et Bruno Retailleau, qui était dans ce studio il y a quelques jours, nous a rappelé que nos compatriotes juifs représentent moins de 1% de la population, mais 57% des agressions anti-religieuses.
04:48La France, notre pays, est-il en train de devenir antisémite ?
04:53Je répondrais, je ne crois pas.
04:56On a le sentiment, j'ai aussi un peu ce sentiment, qu'on assiste à une libération, chez certains, de leur antisémitisme dissimulé, ou en tous les cas non revendiqué.
05:11Mais en même temps, c'est une minorité.
05:15Mais malheureusement, j'ai le sentiment aussi que la majorité n'est pas très sensible à tout ça, et c'est le dernier de leurs soucis.
05:26On évoquait Simone Veil au début de cette interview, sur la loi IVG.
05:31Simone Veil, qui était aussi une rescapée des camps de la mort, dans quelques jours on se souviendra des 80 ans de la libération des camps d'Auschwitz-Birkenau.
05:39Est-ce que le pire est de nouveau possible ? Quel est votre degré d'inquiétude en 2025 sur la folie humaine ?
05:45Écoutez, je suis tellement pessimiste que je ne voudrais pas rendre plus pessimiste encore vos auditeurs.
05:52À ce point-là ?
05:53À ce point-là.
05:54Ce qu'on a connu ? Vous pensez que l'homme, la femme, n'apprennent pas du passé, n'apprennent pas de l'histoire, ou oublient ?
06:01Oublient. J'ai l'impression que tant de nos valeurs, de nos principes politiques s'envolent en éclats, que je ne sais pas trop à quoi nous allons nous raccrocher.
06:13Il y a un autre débat de société qui se développe en ce moment, ça concerne la fin de vie, Elisabeth Banninter.
06:18La présidente de l'Assemblée nationale, Yael Broun-Pivet, est furieuse car François Bayrou, le Premier ministre, ne semble pas vouloir s'engager sur ce projet de loi.
06:26Est-ce que pour vous il faut légiférer sur ce sujet ? Est-ce que vous voyez là une urgence ?
06:31Oui, pour ceux qui en ce moment sont dans une situation telle qu'ils voudraient bien pouvoir mettre légalement fin à leur vie.
06:40D'une certaine façon, c'est un peu comme l'avortement. Je crois que c'est de la liberté des êtres humains de décider si on peut l'aider à mourir.
06:50Pour moi, c'est une liberté fondamentale. Que ce soit l'avortement ou que ce soit les lois qu'on voudrait sur la fin de vie, dans les deux cas, les grands obstacles sont les religions.
07:02C'est la même chose, c'est les religions.
07:04Elisabeth Banninter, je vais vous poser une dernière question à la Michèle Sardou, vous savez, qui râle tout le temps, qui n'est jamais content.
07:11Est-ce que vous, malgré tout, vous l'aimez, notre époque ?
07:14D'une certaine façon, oui. Et pour des raisons personnelles aussi, parce que j'ai pu bénéficier de la grande loi de Simone Veil, quand même de beaucoup de progrès pour les femmes.
07:26En plus, je suis une personne privilégiée et j'aurais mauvaise grâce, si vous voulez, à me plaindre de ma propre vie. Pas du tout.
07:37Sauf que maintenant, je suis très inquiète.
07:39Vous avez dit que vous avez bénéficié de la loi de Simone Veil. Vous avez eu recours à l'avortement ?
07:43Oui.
07:44Et vous avez mis combien d'années à pouvoir le dire et à pouvoir le dire publiquement que vous aviez eu recours ?
07:50Je n'ai jamais dit publiquement, je crois que c'est la première fois. Vous me le demandez, je vous réponds la vérité.
07:55Et aujourd'hui, on peut le dire sans avoir peur d'être jugé, sans avoir peur d'être regardé de travers ?
08:01Oui, en tous les cas, en France et dans d'autres pays d'Europe, mais en Italie, ce n'est pas aussi simple de le dire.
08:08Et dans d'autres pays aussi. En Irlande, ce n'est pas aussi simple de le dire.
08:12Et je ne vous parle pas de Malte, où c'est le pire du pire de l'Europe.
08:16Merci beaucoup Elisabeth Bledinter d'avoir accepté l'invitation d'RTL ce matin et bonne journée à vous.
08:20Bonne journée.
08:21Et on se demandera quel a été le premier pays à légaliser l'IVG ? Ce sera la question pas si bête de Florian Gazan, vous verrez la réponse.