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00:00Bonjour Sarah Amir, vous êtes une actrice classée superstar, vous êtes née à Téhéran en Iran, vous avez reçu le prix d'interprétation à Cannes en 2022 pour votre rôle dans le film Les Nuits de Machad d'Ali Abbasi.
00:12Depuis 2008, vous vous êtes exilée en France après avoir été condamnée à la prison et à 100 coups de fouet en Iran à la suite du vol d'une vidéo intime vous concernant.
00:21Vous exiler était un acte de résistance, de survie, une solution pour continuer à vivre comme vous l'entendiez, de continuer à créer, à dénoncer pour montrer au monde entier votre pays l'Iran tel qu'il est et pas comme les autorités souhaitent le montrer depuis des années.
00:37Depuis le 4 septembre, vous êtes devant et derrière la caméra, donc depuis aujourd'hui vous êtes devant et derrière la caméra dans Tatami que vous avez co-réalisé avec le réalisateur israélien Guy Natif.
00:48C'est un film coup de poing, sublime, douloureux, un cri du cœur et d'espoir.
00:53L'histoire d'une judocate et de sa coach participant au championnat du monde.
00:56Leila, l'athlète et Mariam, le coach, sont invités sous la menace à quitter la compétition pour ne pas avoir à affronter une adversaire israélienne.
01:06Ce film, il frappe très, très fort.
01:08C'est un regard qui est violent, qui est réaliste sur les conditions des femmes iraniennes dans le cadre de compétitions sportives.
01:15Vous l'avez réalisé avec un réalisateur israélien.
01:18Grosse prise de risque déjà pour commencer.
01:21Je pense que par rapport au gouvernement iranien, j'ai dépassé toutes les limites.
01:28Mais encore risqué dans le monde où on vit aujourd'hui aussi.
01:35Mais c'était plutôt vraiment une belle collaboration.
01:40Comment vous avez eu envie justement de collaborer ensemble et de proposer cette image qui est tirée de plusieurs histoires vraies ?
01:50L'idée originale vient de la part de Guy.
01:54En fait, j'étais attachée à ce projet en tant qu'actrice pour interpréter le rôle de coach Mariam.
02:03Donc on était assez proches, on est devenus assez proches.
02:07Tout ce qui était authentique, moi j'avais milliers de questions, j'avais des idées et tout.
02:14Et un soir, il m'appelle et il me propose, il m'offre cette collaboration.
02:20Et c'est là où j'ai pris mon temps pour réfléchir.
02:24Parce que là, c'était plutôt juste une actrice dans un film iranien-israélien.
02:28Et c'était plutôt une collaboration.
02:30Comment deux réalisateurs avec leur ego, leur vision et tout ça peuvent travailler.
02:34Mais en plus, un iranien, un israélien.
02:38C'était plutôt une collaboration historique.
02:42Et je ne connaissais pas vraiment Guy autant, ses pensées derrière tout ça.
02:46On était bien assez proches sur tout ce qui était artistique, esthétique.
02:52Mais aussi notre vision sur la politique du monde, sur tout le Moyen-Orient et tout ce qu'on vit nous deux.
02:58Comment vous vous êtes retrouvée dans ce film qui traite des femmes iraniennes ?
03:02Vous êtes née à Téhéran, vous venez de l'Iran.
03:06Vous avez dû quitter votre pays, vous exiler.
03:09Mais que représente justement l'Iran aujourd'hui ?
03:12Et quelle est votre vision des femmes et de l'empêchement qu'elles ont au quotidien ?
03:19C'est intéressant.
03:21Je pense que depuis 17 ans presque que j'habite en France,
03:26plus en plus je me sens française, je me sens iranienne aussi.
03:32Je commence à être assez fière aussi de cette génération des jeunes.
03:39Je ne veux pas qu'on parle des femmes.
03:41Mais les femmes, surtout, je pense qu'elles ont tellement subi l'oppression
03:47et cette pression de la part de ce gouvernement
03:50qu'aujourd'hui elles sont toute une source d'inspiration pour le monde entier et pour moi aussi.
03:56Ça me donne l'espoir.
04:00Je pense qu'elles sont capables de changer leur vie.
04:04Elles sont déterminées.
04:06On voit bien avec cette révolution Femmes et Libertés à quel point elles étaient déterminées.
04:11Cette révolution, on n'en parle plus aujourd'hui, mais ça existe.
04:15Il y a des femmes qui sont en train de souffrir en prison.
04:20Elles se battent toujours pour leur liberté.
04:24Je suis assez fière.
04:27Ça m'inspire beaucoup.
04:29Quand vous êtes arrivée en France, c'était en 2008.
04:32On vous a volé une vidéo intime qui vous a valu d'être condamnée à une peine de prison, à 100 coups de fouet.
04:38C'était un acte fort ça de venir en France.
04:41C'était aussi une façon de lutter contre ça.
04:44Oui, la réalité est que je ne voulais pas du tout partir.
04:47Je pourrais partir le premier soir quand j'ai eu cette nouvelle.
04:52Mais j'ai décidé de rester et de me battre pour ma vie et ma carrière là-bas.
04:56Pour mes amis aussi, pour mes collègues, pour mes parents, pour tout le monde.
05:00Mais au bout d'un an, j'ai bien compris que soit il faut être complice et balancer pas mal de choses, pas mal de gens.
05:12Soit je pars, je continue ma vie.
05:15Je vois très bien que je ne peux plus travailler avec le tribunal et tout ce que je savais avant.
05:21Je vais quand même finir par la prison, coup de fouet, coup de fouet.
05:24Je comprends, c'est vraiment tellement moyen âge.
05:27Je ne pourrais même pas m'imaginer dans cette condition.
05:31Je suis partie avant le tribunal.
05:33Je ne pourrais même pas être face à ce tribunal avec tous ces hommes-là qui me regardent et qui fuient dans ma vie privée.
05:43Mais je pense que pour tous les gens exilés et qui sont partis pour avoir cette liberté de se battre et s'exprimer,
05:58en fait, je crois qu'il y a toujours une sorte de regret aussi, parce qu'on se dit toujours qu'il fallait rester, qu'il fallait essayer là-bas.
06:06Mais surtout pour certains gens, je pense que c'est impossible.
06:10Si tu finis dans la prison, ça ne sert à rien. Il faut sortir.
06:14Je pense que c'est ce que moi et pas mal d'autres gens, surtout dans mon milieu de cinéaste,
06:20qu'on fait, qu'on a au moins la voix des gens qui sont là-bas.
06:25C'est une solution, ça, justement, que ce soit le sport d'ailleurs ou le cinéma, pour transmettre, pour essayer de faire tomber ça, pour faire avancer les choses.
06:33Oui, moi, je pense qu'il faut être plutôt main dans la main, les bras dans les bras et essayer de ne pas être manipulé par ce pouvoir.
06:46Je pense que s'il n'y a pas ce conflit entre nous, s'il n'y avait pas ce conflit dans mon film Tatami entre Mariam et Leila,
06:53comment ce pouvoir pourrait exister, en fait?
06:57Et c'est ça l'histoire, plutôt pour moi, en Moyen-Orient, je ne suis pas politicienne, mais avec tout ce que j'ai vécu à 40 ans,
07:05je peux dire que ce conflit, ils ont besoin de ce conflit pour exister, les deux.
07:09Tout ce pouvoir, tout ce tueur.
07:12Et nous, il faut qu'on soit sages. Il faut qu'on soit ensemble.
07:18C'est ça le message. Moi, je déteste passer le message avec mes films.
07:23Mais s'il y a un message dans cette collaboration avec Cognitive, qui habite aujourd'hui aux États-Unis,
07:29il paraît qu'au moins on est critique envers nos gouvernements.
07:33Il faut être dans la paix, il faut être amis, il faut se comprendre, il faut se découvrir, il faut laisser cet espace.