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00:00Bonsoir à toutes et à tous, qui de Donald Trump ou de Kamala Harris sortira vainqueur
00:08de l'élection américaine ? Nous aurons tous les yeux rivés vers les Etats-Unis cette
00:13nuit, notamment parce que cette élection présidentielle, celle de la première puissance
00:17économique du monde, avec sa monnaie étalon le dollar, elle aura forcément des répercussions
00:23sur la nôtre d'économie.
00:24Bonsoir Sébastien Jean, vous êtes professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers,
00:28directeur associé à l'IFRI, l'Institut français des relations internationales.
00:33Alors déjà, si vous le voulez bien, on va mettre nos lunettes à bannières étoilées
00:37et on va essayer de voir quelles peuvent être concrètement les conséquences pour les Américains
00:41de l'élection de Kamala Harris ou de Donald Trump.
00:45La démocrate Kamala Harris serait plutôt dans la continuité de Joe Biden, non ? Il
00:49n'y aura pas trop de changements à attendre si elle est élue ?
00:52Oui absolument, on peut attendre une continuité, peut-être un redissement, un approfondissement
00:57sur certains aspects.
00:58Par exemple, elle doit donner des incitations fiscales ciblées dans des secteurs liés
01:03par exemple à la décarbonation de l'économie, liés à des éléments stratégiques comme
01:08les semi-conducteurs.
01:09Ce n'est pas défini de manière complètement claire, mais ce projet-là est bien sur la
01:15table.
01:16Et ce qui est clair d'une façon générale, c'est qu'elle se situe quand même dans la
01:18continuité de ce qu'a pu faire l'administration Biden jusqu'ici, y compris d'ailleurs quand
01:22même, il faut le souligner, avec une politique budgétaire très ambitieuse, il y a un déficit
01:26élevé aux Etats-Unis, c'est-à-dire qu'on utilise le déficit pour stimuler l'économie
01:30et ça elle va probablement continuer à le faire.
01:32Alors si c'est Donald Trump, en revanche, on imagine une politique de rupture ?
01:36Oui, plus d'éléments de rupture, pas mal d'incertitudes aussi, une volonté affichée
01:43de dérégulation, dérégulation financière, dérégulation environnementale aussi, y compris
01:50avec l'ouverture de nouveaux droits à Forêt.
01:52On va y revenir.
01:53Voilà, c'est un de ses slogans.
01:55Et puis, une politique budgétaire, alors là, pour le coup, très ambitieuse, voire
02:02même un peu débridée, qui ouvre pas mal d'incertitudes sur la cohérence.
02:05La question qu'on peut se poser, c'est quel est l'équilibre entre les annonces fracassantes
02:10de Trump et puis derrière les gens qui essaient de gérer, de recoller les morceaux et de gérer
02:14les choses de façon cohérente, parce qu'on a vu que c'était un peu comme ça que ça
02:17se passait pendant son premier mandat.
02:18Alors parmi les plus gros changements qu'a des élections de Donald Trump, il y a, vous
02:22avez commencé à le dire, la politique énergétique.
02:25Alors que l'administration démocrate a déversé des centaines de millions de dollars pour
02:30soutenir l'industrie verte, la fameuse IRA, Donald Trump, lui, veut reprendre la fracturation
02:36hydraulique à fond pour produire du gaz et du pétrole de schiste.
02:41Quel impact pour nous, notamment pour l'Europe ?
02:44C'est une partie importante de la dimension tragique, j'allais dire, de cette élection.
02:49Oui, tragique, parce que le côté climato-sceptique de Donald Trump est tragique, étant donné
02:57la situation, étant donné le besoin de coordination internationale qu'on a là-dessus.
03:00Son approche, elle consiste à nier le problème, d'une part, et d'autre part, à nier toute
03:07nécessité ou utilité d'une coordination sur les questions climatiques ou énergétiques.
03:12Donc, de ce point de vue-là, je trouve potentiellement tragique.
03:15Est-ce que ça risque tout de même de favoriser le prix de l'énergie aux Etats-Unis ? Vous
03:20avez vu que pas plus tard qu'aujourd'hui, Michelin annonce des suppressions de postes
03:24en masse en France, 1250 emplois, et dit qu'on est plus compétitif en termes d'énergie.
03:29Oui, probablement qu'il y a une volonté décomplexée de tirer le mieux possible avantage économique
03:37d'une énergie peu chère aux Etats-Unis, sans s'encombrer d'aucune régulation.
03:43Donc, effectivement, à court terme, il peut y avoir un bénéfice économique pour les
03:46Etats-Unis.
03:47Ils l'ont déjà, parce qu'aujourd'hui, le prix du gaz ou de l'électricité aux
03:52Etats-Unis est très sensiblement moins cher qu'en Europe, mais ça pourrait bien s'accentuer,
03:56en effet.
03:57Et ça, est-ce que vous voyez une inquiétude de la part des industriels en France, en Europe,
04:03quand on regarde le prix de l'énergie aux Etats-Unis, qui est effectivement de plus
04:06en plus compétitif ?
04:07C'est vrai, mais elle existe déjà, notamment depuis cette fameuse loi Inflation Reduction
04:12Act, qui date déjà de presque deux ans, et qui, plus de deux ans, pardon, et qui non
04:21seulement permettait aux Etats-Unis de profiter de leur énergie peu chère, mais en plus
04:28s'accompagner de crédits d'impôt très importants pour développer un certain nombre
04:32de secteurs liés à l'énergie, et notamment à l'énergie propre, pour le coup, dans
04:36le cas de l'IRA.
04:37Donc, en tout cas, cette inquiétude, elle existe, elle va peut-être changer un petit
04:41peu de direction et s'aggraver avec crainte.
04:42En fait, finalement, ça ne change pas grand-chose, c'est-à-dire que, que ce soit Kamala Harris
04:45ou Donald Trump, les Etats-Unis risquent de continuer à avoir une énergie peu chère.
04:49Le problème principal, c'est plutôt le risque de dérégulation.
04:53C'est le risque de dérégulation, en effet, et puis le risque de casser tout effort de
04:57coordination autour des questions énergétiques et des questions liées aux changements de
05:02politique climatique, finalement, et donc d'efforts pour réduire nos émissions et
05:06pour maîtriser ensemble le changement climatique.
05:08Alors, l'autre grande priorité de Donald Trump, c'est de renforcer les droits de douane,
05:14plus 10 à 20%, et même plus 60% sur les produits importés de Chine.
05:20Alors là, finalement, est-ce que c'est une rupture ou est-ce que ce n'est pas une rupture
05:24vis-à-vis de la politique actuelle, celle qui est menée par Joe Biden ?
05:26Ce serait une rupture, clairement.
05:28Autant l'administration Biden s'est placée dans la continuité de la première administration
05:33Trump, et on peut supposer qu'une administration Harris serait dans cette continuité-là, avec
05:37ses désinflexions.
05:38Autant une deuxième administration Trump serait, en tout cas selon les déclarations
05:43qui ont été faites, mais la première fois il a fait plus ou moins ce qu'il avait déclaré,
05:47cette deuxième administration Trump pourrait bien être en véritable rupture avec ce qui
05:51a été fait précédemment, et placer de fait les États-Unis dans des politiques qui les
05:57mettraient en dehors du cadre commercial multilatéral et des règles de l'OMC.
06:01Et ça pour vous, Sébastien Jean, c'est dangereux, c'est un des risques principaux de l'élection
06:06de Donald Trump ?
06:07Oui, parce que c'est une façon de désorganiser complètement ce qui existe comme architecture
06:13de coordination, et potentiellement de provoquer un peu une gestion chaotique des relations
06:21commerciales internationales, sans avoir de stratégie suffisamment bien affirmée et
06:26établie.
06:27C'est quand même américaphore, c'est favoriser tout ce qui est produit aux États-Unis,
06:31et donc par conséquent l'emploi américain également.
06:34C'est vrai, mais quand je parle de manque de stratégie bien établie et cohérente,
06:38je fais référence notamment à ce qu'on a vu dans sa première administration, c'est-à-dire
06:41que la guerre commerciale à la Chine, puis tout d'un coup un accord, un accord qui quand
06:45on le regardait n'avait pas vraiment de cohérence pour répondre aux problèmes qui étaient
06:48posés.
06:49Donc c'est beaucoup d'incertitude, beaucoup de désorganisation, c'est ça qui est problématique.
06:56Pas forcément tellement le fait de se sentir, de mettre la concurrence stratégique avec
07:01la Chine au cœur de l'agenda, parce que ça de toute façon, l'administration Harris,
07:04le fera aussi, mais d'une façon probablement plus cohérente et plus respectueuse d'une
07:08certaine coordination.
07:09Sauf que Donald Trump, il attaque Kamala Harris, notamment sur le bilan en termes d'inflation.
07:15En gros, les prix sont trop élevés aujourd'hui aux États-Unis, l'administration Biden n'a
07:20pas réussi à rétablir des prix à un niveau raisonnable, et c'est pour cette raison-là
07:25qu'il le fait.
07:26Quelles conséquences ces hausses de droits de douane, notamment vis-à-vis des produits
07:30importés de Chine, peuvent avoir sur l'inflation ?
07:33Il y a un double paradoxe ici.
07:34D'une part, c'est que l'administration Biden a fait assez bien, l'économie américaine
07:40a réussi à maîtriser l'inflation relativement bien, mais les électeurs ont du mal à le
07:44reconnaître en tant que tel.
07:45Ça, c'est la première chose.
07:46La deuxième chose, c'est que, comme vous le dites, Trump dénonce l'inflation, mais
07:49en fait, il annonce un certain nombre de mesures qui risquent d'être inflationnistes.
07:52Les droits de douane, à commencer par là, parce que c'est une taxe sur la consommation.
07:55La façon de gérer les relations avec la banque centrale américaine aussi, parce
07:59qu'illégitimement, il risque de mettre des poussées inflationnistes.
08:03Et puis, y compris la politique budgétaire, des dépenses à tout va, ça peut avoir des
08:07conséquences inflationnistes.
08:08Et même les expulsions massives d'immigrés illégaux, parce que ça, ça peut provoquer
08:13des pénuries de main d'œuvre dans certains secteurs et donc des pressions inflationnistes.
08:17Merci beaucoup Sébastien Jean, professeur au Conservatoire national des arts et métiers,
08:22directeur associé à l'IFRI, l'Institut français des relations internationales.
08:27Invité Echo de France Info ce soir.

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