Votre santé mentale c'est leur URGENCE

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Votre santé mentale c'est leur URGENCE

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00:00C'était la 1re fois que vous étiez hospitalisée en psychiatrie ?
00:03Oui.
00:05Je me suis cramé les mains avec ma cigarette
00:07dans la nuit de samedi à dimanche avant mon hospitalisation.
00:10Et dans la nuit de mardi à mercredi, j'ai refait une crise d'angoisse.
00:15Je me suis pas fait mal. Ce soir-là, j'ai cassé des verres.
00:18Mais je me suis dit que ça suffisait pas
00:20que j'allais faire un truc plus gros.
00:23Je savais que j'allais faire une connerie.
00:24Il fallait que j'aille quelque part où je puisse pas faire de conneries, quoi.
00:28Ou on me surveille, ou on m'empêche de faire ça.
00:32Parce que je me disais, tu t'habilles mes mains avec tes ciseaux,
00:36tu te brûles, qu'est-ce que ça va être après ?
00:38Dans un service d'urgence psychiatrique, tout peut se voir.
00:41Il y a un gradient continu des choses les plus légères,
00:46qui sont à la limite de la demande du conseil psychologique,
00:51jusqu'aux malades mentaux les plus graves,
00:54souvent d'ailleurs déjà soignés,
00:56et qui arrivent ici en urgence quand ils sont en rupture de soins.
01:04Crise de délire, agitation, suicide, violence conjugale, ivresse,
01:09adolescents désorientés, vieillards en pleine confusion.
01:12Les situations d'urgence psychiatrique
01:14représentent au moins 10 % de l'ensemble des admissions
01:16dans les services d'urgence des hôpitaux généraux.
01:19Ces urgences sont souvent trompeuses et difficiles à évaluer.
01:22Des problèmes médicaux aigus peuvent prendre l'allure
01:25d'une crise psychiatrique avec de l'angoisse, de l'agitation
01:28et parfois même un délire.
01:30A l'inverse, la souffrance psychique peut s'exprimer à travers le corps
01:34et prendre l'aspect d'une intense douleur abdominale
01:36ou d'une attaque de paralysie.
01:38Il s'agit d'être prudent, et la collaboration étroite
01:41entre psychiatre et médecin somaticien est toujours indispensable.
01:44...
01:49Je suis arrivée ici jeudi dernier
01:51parce que mon psy a pensé judicieux
01:55de me mettre à l'abri pendant quelques temps,
01:58une dizaine de jours,
02:01parce que je me suis fait mal, au moins, avec ma cigarette.
02:04J'avais besoin d'être violente,
02:08et comme je pouvais pas le faire sur quelqu'un d'autre,
02:10je l'ai fait sur moi.
02:11Dans la pratique, la psychiatrie d'urgence
02:13concerne trois grands types de situations.
02:15D'une part, les urgences psychiatriques pures.
02:18Ce sont des manifestations aiguës d'une maladie psychiatrique.
02:21Il peut s'agir d'une bouffée délirante, d'une mélancolie
02:23ou d'une crise brutale dans le cadre d'une maladie mentale chronique.
02:27D'autre part, certaines urgences sont mêlées à des problèmes médicaux.
02:30C'est le cas des tentatives de suicide
02:32ou des problèmes aigus liés à l'alcool ou aux drogues.
02:35Enfin, au-delà de toute maladie,
02:37chaque crise affective ou sociale, un deuil, une séparation,
02:41un licenciement, peuvent entraîner une réaction émotionnelle intense
02:45nécessitant une intervention spécialisée.
02:52Le patient qui arrive ici est immédiatement accueilli
02:55par l'équipe infirmière.
02:57Et puis, ensuite de ça, il y a donc une consultation psychiatrique
03:00ou une consultation médicale
03:02s'il apparaît que c'est une souffrance davantage médicale.
03:08Ensuite de ça, il y a un temps d'observation
03:10qui est absolument incontournable
03:12et qui peut aller ici jusqu'à 24 heures.
03:1724 heures pendant lesquelles on ne sait pas,
03:20il faut qu'on attende que la famille vienne,
03:22il faut qu'on attende de joindre le médecin généraliste,
03:24c'est-à-dire que l'ensemble de l'entourage doit être concerné.
03:28Et ça, c'est très important dans le traitement de l'urgence.
03:31En effet, le plus difficile est d'établir un diagnostic
03:35et surtout d'évaluer les risques liés à cette situation
03:37pour le patient comme pour son entourage.
03:40Évaluer un risque suicidaire, par exemple, n'est pas toujours aisé
03:43et la responsabilité des équipes médicales est grandement engagée.
03:47De nombreux tableaux cliniques différents
03:48peuvent correspondre à une situation d'urgence psychiatrique.
03:51Il peut s'agir d'une personne très agitée et agressive
03:54ou, au contraire, repliée sur elle-même et refusant tout contact.
03:58Il peut s'agir de crises de larmes et d'évocations suicidaires.
04:01Les sujets peuvent être confus ou paniqués,
04:03parfois délirants ou incompréhensibles.
04:07Prenons l'exemple de Patrick, âgé de 35 ans.
04:10Il présente un état d'agitation inquiétant.
04:12Il crie, insulte sa compagne,
04:14puis il se montre prostré et menace de se suicider.
04:18À d'autres moments, il est confus et semble ne pas reconnaître un voisin
04:22venu lui apporter de l'aide.
04:24Patrick a tendance à boire trop.
04:26En outre, il prend des tranquillisants et des antidépresseurs
04:29depuis le décès de son père, trois semaines auparavant.
04:33Enfin, il a été victime dans la journée d'un accident de moto
04:36apparemment sans gravité.
04:38Il refuse énergiquement d'aller à l'hôpital.
04:42Sa compagne appelle les pompiers, qui arrivent à le convaincre
04:45de se rendre avec eux au centre psychiatrique d'orientation et d'accueil.
04:50La première tâche des psychiatres va être d'établir un diagnostic.
04:54S'agit-il des effets d'un traumatisme crânien,
04:56d'un excès d'alcool ou de médicaments ?
04:59Ou bien Patrick présente-t-il un état dépressif aigu
05:02lié au deuil de son père ?
05:04Une fois le diagnostic établi, il faudra sans doute calmer
05:07l'agitation de Patrick avec des médicaments injectables
05:11et proposer une hospitalisation d'observation de 24 ou 48 heures.
05:17Si le malade n'est pas consentant et que les médecins pensent
05:19qu'il existe un risque de suicide ou d'agression de sa compagne,
05:23une mesure d'internement dans un hôpital psychiatrique spécialisé
05:27peut s'avérer nécessaire.
05:29Il peut alors s'agir d'une hospitalisation à la demande d'un tiers
05:33signé par sa compagne et par deux médecins
05:36ou d'une hospitalisation d'office signée par un médecin
05:39et par le préfet de police.
05:46Ce qui est sûr, c'est que les urgences psychiatriques
05:48se sont démultipliées.
05:50C'est-à-dire que tout autant un endroit comme ici
05:53était le seul lieu d'urgence il y a 33 ans,
05:56quand il a été créé,
05:58autant maintenant il y a des urgences psychiatriques
06:01dans les hôpitaux généraux, dans les centres de crise,
06:05voire même dans les dispensaires, les centres médicaux psychologiques.
06:09Donc c'est quelque chose qui est plus banalisé.
06:12Puis il y a aussi l'urgence psychiatrique
06:14qui arrive chez le médecin généraliste
06:16et qui s'en débrouille dans un certain nombre de cas
06:20et dans d'autres cas les envoie dans un service comme ici, par exemple.
06:24En effet, face à une souffrance psychique aiguë,
06:27il existe différentes formes de réponses.
06:29Le SAMU, très accessible téléphoniquement par le 15,
06:32les services d'urgence des hôpitaux généraux,
06:34les services de police et les pompiers,
06:37qui sont souvent les seuls intervenants de terrain
06:39pouvant maîtriser un malade agité, menaçant ou suicidaire.
06:43Mais il faut aussi savoir qu'il existe des réponses plus spécialisées,
06:46comme les services du secteur psychiatrique
06:48qui organisent les accueils d'urgence.
06:51Ils disposent parfois de centres d'accueil et de crise
06:53ouverts 24 heures sur 24.
06:55À Paris, le centre psychiatrique d'orientation et d'accueil
06:59reçoit et hospitalise en permanence les personnes qui en ont besoin.
07:03Enfin, des psychiatres libéraux peuvent être regroupés
07:06dans des structures du type SOS psychiatrie.
07:13Parmi les nombreuses réponses à l'urgence psychiatrique
07:15mise en place à Paris, nous nous sommes rendus à l'Hôtel Dieu,
07:18qui reçoit en permanence un grand nombre de personnes
07:21en situation de détresse.
07:23Comment ça va ?
07:25Comment vous vous sentez ?
07:27D'accord. Bon, vous allez me raconter alors un peu ce qui vous arrive.
07:31Sur la centaine de personnes qui arrivent chaque jour
07:34aux urgences médicales de l'Hôtel Dieu,
07:36une quinzaine présente des troubles du comportement plus ou moins aigus.
07:40Ces patients, qui nécessitent une prise en charge immédiate,
07:43sont vus par un psychiatre présent aux urgences 24 heures sur 24.
07:48Le docteur Dantchev, responsable de l'unité de psychiatrie,
07:51vient d'être appelé aux urgences par l'interne de garde.
07:54Une patiente insiste pour être hospitalisée.
07:56Depuis une semaine, elle ne va vraiment pas du tout,
07:59avec une aggravation de sa souffrance morale.
08:02Des suicidaires plutôt impulsifs et caractériels
08:05plutôt que sur un fond mélancolique.
08:06Elle est d'accord pour être hospitalisée ?
08:08Elle est venue d'elle-même demander ça, elle a fait le voyage pour ça.
08:10Pour avoir un avis ?
08:12Pour avoir un psychiatre en urgence et pour être hospitalisée en urgence à l'Hôtel Dieu.
08:15Ah, d'accord.
08:16La mission du psychiatre dans le cadre de l'urgence,
08:18c'est d'une part d'identifier les maladies psychiatriques
08:21pour lesquelles il y aurait besoin d'une hospitalisation
08:24ou de soins très spécifiques.
08:27Et d'autre part, d'essayer de servir de médiateur
08:31dans des situations de crise moins graves,
08:34qui ne nécessiteraient pas d'hospitalisation
08:36et pour lesquelles un suivi en consultation peut suffire.
08:43C'était la première fois que vous étiez hospitalisée en psychiatrie ?
08:47Oui.
08:49Je me suis cramé les mains avec ma cigarette
08:51dans la nuit de samedi à dimanche avant mon hospitalisation.
08:54Et dans la nuit de mardi à mercredi,
08:56j'ai refait une crise d'angoisse.
08:59Je ne me suis pas fait mal ce soir-là, j'ai cassé des verres.
09:02Mais je me suis dit que ça ne suffisait pas,
09:04que j'allais faire un truc plus gros.
09:07Je savais que j'allais faire une connerie.
09:09Donc l'idée, c'était de venir à l'hôpital pour vous mettre à l'abri
09:12à un moment où vous vous sentiez incapable de totalement vous contrôler
09:17et où vous vous sentiez en danger ?
09:19Oui.
09:20Lorsque l'hospitalisation est jugée nécessaire,
09:22les patients sont accueillis dans l'unité de psychiatrie de l'Hôtel-Dieu.
09:26Parmi eux, beaucoup ont fait une tentative de suicide.
09:29Les psychiatres d'urgence interviennent
09:33pour évaluer le geste suicidaire,
09:37pour évaluer le risque de récidive
09:40et surtout pour proposer une prise en charge et un suivi au décours.
09:48Bonjour, madame.
09:49Cette patiente dépressive a été amenée aux urgences
09:52par une amie.
09:53Oui, comment vous vous sentez aujourd'hui ?
09:56Comme d'habitude, j'ai mal nulle part.
09:59J'ai envie de rien.
10:00Ils me laissent aller.
10:01Actuellement, vous êtes...
10:03C'est une personne malheureuse et qui souffre, c'est tout.
10:07Vous, les médecins, pensez que ma tête n'allait pas.
10:13C'est possible qu'elle ne va pas sous un certain angle.
10:17Je suis déprimée, ça, je l'avoue.
10:19Si je suis là, c'est bien pour quelque chose.
10:22Mais je voudrais surtout pas qu'on croit que je suis folle.
10:28Le patient qui vient consulter de lui-même
10:30et qui se présente aux urgences parce qu'il est particulièrement anxieux
10:33est plutôt soulagé d'avoir enfin un interlocuteur
10:37et que sa détresse puisse enfin être prise en considération.
10:42Par contre, c'est vrai que certains patients
10:45qui sont amenés un peu de force, on pourrait dire,
10:50par l'entourage ou bien par la police,
10:52ne sont pas toujours tout à fait d'accord
10:56pour reconnaître qu'ils sont atteints d'une maladie
11:01ou d'un trouble psychiatrique.
11:04Et parfois, il y a tout un travail de persuasion,
11:07d'information qu'il faut faire
11:09pour que le patient accepte l'idée qu'il souffre
11:14et qu'il y a peut-être un traitement à lui proposer.
11:20J'ai pas eu de crise d'angoisse depuis que je suis là.
11:23J'ai récupéré l'état d'angoisse latent que j'ai toujours eu.
11:27Donc si, on est protégé de soi, on est protégé de l'extérieur.
11:32Le travail de l'urgence, c'est quand même essentiellement
11:35d'arriver à écouter, et écouter, c'est polymorphe.
11:39C'est écouter ce que dit le patient, ce que dit son entourage,
11:42ce que dit son allure, son corps, son habillement.
11:47Donc c'est une véritable écoute, au sens même
11:51où les psychanalystes en ont parlé.
11:53Et on a pu décrire, même dans les ouvrages les plus classiques,
11:57un entretien d'une ou deux heures
11:59ouvrant sur une perspective pour la personne durable.
12:06Chaque année, 9 millions de personnes
12:08sont reçues aux urgences d'un hôpital.
12:10Si 1 sur 10 présente un tableau psychiatrique évident,
12:13une proportion beaucoup plus importante est en état de détresse psychique,
12:16réclamant une aide et un réconfort.
12:19De plus, avec l'augmentation de la précarité,
12:22des difficultés économiques et sociales,
12:24les urgences sont progressivement devenues le refuge
12:26de toute une population dont la prise en charge sanitaire est insuffisante.
12:30Ces services ont ainsi à résoudre et à orienter
12:33des situations médico-psycho-sociales extrêmement complexes,
12:36ce qui réclame une coordination de qualité
12:39avec l'ensemble des partenaires de terrain.
12:41Et la nécessité pour la psychiatrie publique
12:43d'assurer en amont un travail de prévention.
12:46Les gens nous appellent
12:48quand ils n'ont plus aucune possibilité de contact.
12:51On n'a aucun contact parce qu'on est absolument seul.
12:54On n'a aucun contact
12:57quand on est complètement dépressif, complètement déprimé
12:59et qu'on est tellement au fond du trou
13:01qu'on ne pense qu'à une seule chose, c'est à se supprimer.
13:04Accompagner, ça veut dire soutenir, cheminer avec,
13:08de façon à ce que les personnes puissent identifier
13:11les difficultés qu'elles rencontrent
13:13et percevoir des solutions, soit concrètes,
13:16soit le fait d'en parler,
13:18de trouver peut-être ces difficultés moins insupportables
13:22et continuer à vivre.
13:28Si vous avez envie de vous suicider, appelez MAN90.
13:33Le pionnier qui lança cette annonce dans les années 50
13:35ne prévoyait sans doute pas l'importance
13:37de prendre l'aide psychologique par téléphone
13:40et l'explosion des lignes d'information et de soutien
13:43aux personnes en difficulté.
13:45En recevant plus de 3 millions d'appels chaque année,
13:47ces lignes d'écoute répondent à un besoin
13:50qui s'explique en partie par les rapides transformations
13:52des sociétés occidentales.
13:54L'urbanisation, les phénomènes migratoires,
13:57la rapidité des mutations provoquent des mots
13:59qui soulignent l'isolement d'une importante fraction de la population.
14:03Quelle que soit l'intitulé de la ligne de soutien,
14:06ceux qui répondent aux appels, les écoutants, savent une chose,
14:09répondre ne se réduit jamais à fournir un simple renseignement.
14:14La plupart des questions recouvrent une demande non formulée,
14:17une angoisse ou un isolement qui ne cherche qu'à s'exprimer.
14:24Les personnes qui nous appellent, nous appellent à certains moments,
14:29ça peut être au moment de l'annonce de leur séropositivité
14:33ou bien si leur médecin leur propose de prendre des traitements
14:38ou encore à des moments où ils doivent changer de traitement,
14:42arrêter de traitement, ou ils tombent malades.
14:45Mais encore quand ils prennent des traitements d'urgence,
14:48ils peuvent avoir besoin d'un accompagnement, un soutien
14:51autour de ces difficultés-là.
14:53Comme la ligne de vie de Sida Infoservices ou Travail Aurore,
14:56il existe à présent un nombre considérable de services téléphoniques.
15:00Certains se focalisent sur des problèmes précis,
15:02allô enfance maltraitée, drogue infoservices,
15:05SOS écoute gay ou écoute cancer.
15:07D'autres, comme SOS Amitié, Inter Service Parent ou Croix-Rouge Écoute,
15:11offrent une aide psychologique généraliste.
15:15SOS Psy propose quant à lui une aide psychologique professionnelle.
15:18Certaines lignes, enfin, vont se focaliser sur des problématiques
15:21psychologiques particulières.
15:23C'est le cas de SOS Dépression ou de SOS Suicide.
15:26Il y a des personnes qui sont dans une solitude absolue,
15:29qui ne voient personne, qui ne parlent à personne.
15:33Ensuite, il y a les grands déprimés, les grands dépressifs,
15:36qui sont souvent derrière des suicidaires.
15:38Et la troisième sorte d'appel, ce sont ce que nous appelons, nous,
15:42les appels des tiers.
15:44C'est-à-dire quelqu'un, Mme Dupont, qui va appeler
15:48et qui va dire je vous téléphone pour le fils d'une amie
15:51qui a envie de se suicider.
15:53Plusieurs types de motivations amènent à appeler.
15:55Les situations de crise autour d'un événement précis,
15:57la recherche d'un partenaire pour une conversation et un soutien,
16:00la recherche d'une écoute pour déverser un long monologue
16:04qui n'attend pas de réponse ou le besoin de s'affronter à quelqu'un
16:07pour se soulager émotionnellement.
16:09Il faut ajouter à cela les innombrables appels muets, les blagues,
16:12les appels obscènes et les appels répétitifs
16:15qui correspondent certainement pour la plupart à une souffrance psychique
16:19qui ne peut s'exprimer autrement.
16:21...
16:25Notre rôle n'est absolument pas un rôle de conseil.
16:28Ca, c'est net et clair parce que la personne
16:31qui appelle dans un moment de détresse,
16:34les paroles de l'écoutant,
16:38elles s'en fichent complètement.
16:40Ca n'a aucun intérêt pour elle.
16:42Ce qu'elle veut, c'est quelqu'un qui soit là et qui l'écoute.
16:45Et quelquefois, on me dit je vous dérange, madame ?
16:49Et je réponds toujours mais non, madame, vous ne me dérangez absolument pas.
16:52Je suis là à votre écoute et la seule personne qui m'intéresse
16:56pour le moment, c'est vous.
16:58Service d'écoute, de soutien, d'urgence,
17:01il existe de multiples façons de dénommer ces permanences téléphoniques.
17:04L'aide psychologique par téléphone n'est pas une thérapie
17:07dans la mesure où l'appelant cherche une réponse immédiate et ponctuelle
17:11ou simplement la possibilité de s'exprimer en étant écouté.
17:14Il existe toutefois des services
17:17qui donnent la possibilité aux appelants de téléphoner à nouveau
17:20ou qui leur proposent même un suivi, telle la ligne de vie.
17:23Le fait d'être toujours avec la même personne au téléphone,
17:26ça leur permet de pouvoir se poser dans une relation,
17:30de parler de leur histoire,
17:33d'être connu de quelqu'un qui va pouvoir les suivre
17:36sans avoir besoin, pour cet appelant,
17:39de reprendre à chaque fois son histoire.
17:42Si l'anonymat favorise l'expression de l'appelant
17:46la dimension fondamentale du transfert du patient sur la personne du thérapeute
17:49ne peut pas se faire au téléphone
17:52en raison de l'instabilité de cette relation.
17:55Elle peut en effet être interrompue à tout moment par l'appelant
17:59qui reste complètement libre vis-à-vis de l'écoutant.
18:02La plupart des techniques d'écoute
18:05dérivent d'un vaste courant de thérapie humaniste
18:08inspirée par le psychologue américain Carl Rogers.
18:11Cette forme d'écoute se fonde sur un certain nombre de principes.
18:14L'écoutant laisse l'appelant choisir ses thèmes,
18:18ne donne jamais de conseils directs,
18:21ne lui dit jamais comment il doit penser.
18:24L'acceptation inconditionnelle et l'absence de jugement.
18:27L'écoutant est prié de laisser ses a priori au vestiaire.
18:30Quel que soit le mode de vie, la sexualité, les opinions de l'autre,
18:34il est en devoir de les accueillir et, dans la mesure du possible, les soutenir.
18:37L'empathie. C'est une attitude qui consiste à s'immerger
18:40dans le monde subjectif de l'autre
18:43et à montrer le mieux possible son expérience.
18:46Pour cela, l'écoutant va puiser dans ses propres ressources
18:49et ses propres expériences.
18:53Par exemple, une expérience de deuil ou de séparation
18:56pour entrer en résonance émotionnelle avec son interlocuteur.
18:59Cette empathie permet la reformulation.
19:02En reformulant la demande du patient,
19:05l'écoutant lui confirme qu'il a bien compris ce qu'il exprimait
19:09et lui permet d'avancer dans sa pensée.
19:14C'est souvent un secret qui est gardé,
19:17qui, là, est partagé sur un service d'écoute
19:20qui va pouvoir recevoir ce secret
19:23sans pour autant que la personne ait l'impression
19:26de pouvoir être identifiée.
19:30En effet, selon la terminologie de Carl Rogers,
19:33l'appelant transmet à son interlocuteur une partie de son fardeau
19:36et, ainsi libéré de ce poids, peut reprendre son chemin.
19:39L'écoute téléphonique a tout d'abord été fondée
19:42sur les écoutants. Elle s'inscrit dans un idéal communautaire
19:45pour lequel chacun a la responsabilité d'aider son prochain.
19:49Aujourd'hui encore, plus de la moitié des écoutants
19:52s'engagent avec le désir d'aider les autres.
19:55Un grand nombre vient du milieu socio-éducatif ou psychologique.
19:58Certains sont bénévoles, d'autres sont salariés.
20:01Ils reçoivent tous une formation à la technique d'écoute.
20:05Pour la plupart, le chemin de l'aide passe par la découverte
20:08et l'approfondissement de soi. Cancer, sida,
20:11certains écoutants peuvent être particulièrement concernés
20:14par la problématique qu'ils ont à traiter au téléphone.
20:21Créée au début de l'épidémie de sida, Sida Info Service
20:24a, au fil des ans, développé des lignes d'écoute plus spécifiques
20:27en direction, par exemple, des détenus ou des jeunes homosexuels.
20:30Parmi elles, la ligne de vie propose un suivi
20:34aux personnes en situation de détresse.
20:38Allô ?
20:39Bonsoir, Catherine.
20:45Oui ?
20:51Pourquoi est-ce qu'on ne dit pas qu'on est séropositive ?
20:57Vous parlez d'où ?
21:01Et quand vous y pensez, vous imaginez quoi ?
21:07Ligne de vie, bonsoir.
21:08Oui, bonsoir.
21:10La ligne d'écoute téléphonique ligne de vie
21:13est à la disposition des personnes atteintes d'hépatite
21:16ou du virus du sida.
21:17A raison d'un rendez-vous par semaine,
21:19cette ligne leur propose, ainsi qu'à leurs proches,
21:23un suivi, un accompagnement dans les doutes ou les périodes de crise
21:26avec des écoutants salariés, et ce, 4 jours par semaine en soirée.
21:30Il y a plusieurs choses qu'un écoutant met en oeuvre
21:33dans un suivi.
21:34C'est-à-dire, d'une part, une capacité à accueillir les gens,
21:37c'est-à-dire à les écouter, à laisser dérouler leurs discours,
21:42ce qu'ils pensent à important, leurs souffrances, leurs peurs.
21:47Et puis, il va essayer, en même temps, de soutenir les désirs
21:50qui lui semblent participer d'une construction
21:53et d'une amélioration possible de sa vie, de sa situation.
21:56Le fait d'être contaminé, c'était le fait de détenir un secret
22:01et de ne pas pouvoir le partager avec votre famille.
22:05On n'a pas toujours la bonne réponse.
22:07On n'a pas toujours, en tout cas, la bonne réponse au moment T.
22:12Mais là, je crois que, comme nous sommes dans une dynamique
22:15de suivi, on a le temps de trouver la bonne réponse.
22:18On peut vous proposer le jeudi 15.
22:22A quelle heure ? Comme aujourd'hui, 18h30 ?
22:25Même si le suivi se fait toujours avec le même écoutant,
22:28l'anonymat de l'appelant est préservé,
22:31un principe fondamental de cette relation d'écoute.
22:34Le fait qu'il n'y ait pas de regard, pour bien des appelants,
22:37peut permettre une parole
22:41que, dans leur regard,
22:44elle deviendrait plus difficile, en fait, je pense.
22:47Puis, l'outil téléphone confère une liberté absolue
22:50aux personnes qui nous appellent.
22:53A tout moment, elles peuvent décider de raccrocher
22:56pas vu, pas pris, en quelque sorte.
23:00Une formation médicale, juridique et sociale
23:03est dispensée aux écoutants de ligne de vie.
23:06Mais savoir écouter, ça ne s'apprend pas.
23:09Pour être écoutant, il faut avoir des qualités humaines,
23:12des qualités de contact, des qualités d'écoute,
23:16c'est-à-dire la possibilité de faire de la place à l'autre,
23:19suspendre aussi son jugement.
23:22C'est d'avoir aussi une capacité de recul et d'analyse
23:25des situations qui fassent la part des choses.
23:28Pour garder ce recul, une réunion de régulation
23:31a lieu tous les 15 jours avec une psychanalyste.
23:35Le moment pour les écoutants d'exprimer leurs propres doutes,
23:38leurs questionnements.
23:40...
23:43Ce suivi téléphonique peut conduire
23:46à une démarche psychothérapeutique,
23:50c'est-à-dire que la personne peut être amenée
23:53pour suivre une psychothérapie
23:56ou conjointement au suivi qu'elle a sur ligne de vie.
23:59En effet, les services d'aide psychologique par téléphone
24:02ne peuvent en aucun cas remplacer l'action sociale
24:06ou le suivi psychologique.
24:08Mais les permanences téléphoniques sont un révélateur
24:11des mutations de la société contemporaine.
24:14Elles mettent en lumière une détresse qui ne trouvait pas ailleurs
24:17de moyens d'expression. Ce n'est pas seulement de drogue,
24:20mais aussi d'une volonté existentielle bien plus diffuse,
24:24de mal-être et d'impossibilité à communiquer avec son entourage.
24:27En général, les gens nous appellent dans leur parcours
24:30quand ils sont absolument désespérés,
24:33quand il n'y a plus rien d'autre. Imaginez quelqu'un
24:36enfermé dans un tonneau avec juste une petite lumière
24:40en haut du tonneau, la personne va presque étouffer.
24:43Mais si elle va vers la petite lumière, vers le trou,
24:46elle va arriver à respirer. Nous, c'est un peu ce rôle-là
24:49de petite lumière pour quelqu'un qui ne croit plus
24:52en rien ni en personne.
24:54A travers ces services se pose bien sûr la question du lien social.
24:58Hier, la communauté se retrouvait sur la place du village,
25:01les familles restaient proches. Aujourd'hui, la sociabilité
25:04se joue dans de nouveaux espaces. Ce sont les nouvelles technologies
25:07comme le téléphone, le Minitel ou Internet qui pourraient
25:10devenir de nouveaux outils de solidarité.
25:14J'étais amené à faire un débriefing après une séquestration
25:17selon les termes de la police, une nuit d'été 98.
25:21J'étais avec ma sœur chez moi, on avait fait un barbecue,
25:24mes amis étaient partis, et en entrant dans ma chambre,
25:27j'ai vu une silhouette, puis deux, puis trois, puis quatre,
25:30qui étaient des cambrioleurs qui sont rentrés dans ma chambre
25:33et qui m'ont sauté dessus, enfin l'un d'eux m'a sauté dessus,
25:37m'a mis la main sur la bouche, le pistolet sur la tempe
25:40et m'a demandé de l'argent. C'est un enlèvement
25:43que j'ai subi en Indonésie, alors que j'avais
25:46été géologue d'exploration pour chercher de l'or et du cuivre.
25:49Ils m'ont enlevé, ils m'ont d'abord gardé deux heures
25:52sur le camp, et ensuite ils m'ont emmené
25:56dans la jungle pendant à peu près une vingtaine d'heures.
26:07À la suite d'un terrible attentat, d'un accident de train meurtrier,
26:10d'un hold-up sanglant ou d'une prise d'otage, nous entendons
26:13souvent dire que les victimes et leurs proches ont été prises
26:16en charge psychologiquement par des équipes spécialisées.
26:19Ceux qui interviennent pratiquent le plus souvent ce que l'on appelle
26:23débriefing. C'est une technique visant à prévenir et à soigner
26:26les différentes formes de stress qui surgissent à la suite
26:29d'un événement grave, violent ou brutal, au cours duquel
26:32la vie des victimes a souvent été mise en danger.
26:35Les réactions à un incident traumatique sont normales
26:39et non la marque d'une faiblesse de caractère.
26:42Les réactions émotionnelles fortes ne sont absolument pas
26:45considérées comme des cas psychiatriques.
26:48Mais il faut intervenir rapidement pour éviter qu'un événement
26:51terrible ne conduise à un véritable état de stress permanent
26:54qui risque de les envahir pendant des années ou tout au long
26:58de leur vie.
27:01Le lundi matin, je me retrouve tout seul chez moi,
27:04ma sœur au travail. Et alors là, tout seul dans la maison
27:07avec à peine ma mère qui était revenue de vacances à pas très vite
27:10dans une maison très silencieuse. Et là, ça ne m'a pas rappelé
27:13particulièrement les conditions de la séquestration, mais le fait
27:17de se retrouver seul a été extrêmement traumatisant.
27:20En effet, à la suite d'un événement catastrophique dont on a été
27:23le témoin ou la victime, il est parfaitement normal de se sentir
27:26envahi par la tension émotionnelle, les crises de larmes, l'angoisse,
27:29l'agitation ou la sidération. Alors que les proches ont spontanément
27:33tendance à tenter de faire oublier ce qui vient de se produire,
27:36les personnes concernées éprouvent un tout autre besoin,
27:39celui de raconter inlassablement, seconde par seconde,
27:42l'expérience qu'ils ont traversée. Les gens revoient la scène
27:45comme s'ils y étaient, et le souvenir des cris, des odeurs
27:48et des images semblent plus vrais que la mémoire ordinaire.
27:52C'est toujours un peu le même style de réaction.
27:55C'est le décalage entre ce qui a été vécu par quelqu'un
27:58de très fort et les autres, en fait, qui n'ont pas vécu l'événement
28:03et qui ont un sentiment de... un petit peu de rejet.
28:08Parce que forcément, quand on a vécu un événement comme ça,
28:11on a un passé qui fait qu'on n'est plus exactement comme le...
28:15entre guillemets, le commun des mortels.
28:18Alors, bon, on est le commun des mortels,
28:21mais on n'est plus tout à fait pareil.
28:24Face à cela, le débriefing doit être proposé dans les 72 premières heures
28:27qui suivent l'événement traumatisant. En fait, plus l'intervention
28:31est précoce, meilleures sont les chances de prévenir ou d'atténuer
28:34l'apparition de ce que l'on appelle le stress post-traumatique.
28:38Pour ce qui concerne les professions à risque, intervenants humanitaires,
28:41pompiers, militaires, dont le quotidien est marqué
28:44par la violence et le traumatisme, la mise en place de débriefings
28:47réguliers est de plus en plus fréquente.
28:54Avec le psychologue, il a donc été davantage question
28:58de mes sentiments pendant l'agression,
29:01de ce que j'ai ressenti quasiment minute par minute,
29:04ce qui était extrêmement différent d'avec le récit de mes amis,
29:07puisque là, il y a un peu de pudeur toujours,
29:10on n'ose pas trop dire qu'on a eu très peur,
29:14qu'à ce moment-là, on s'est vu mourir, ce qu'on a ressenti,
29:17qu'on a eu peur à tel instant précis, alors qu'avec le psychologue,
29:20la psychologue en l'occurrence, là par contre, c'est quelque chose
29:23qui est attendu par elle, elle relance là-dessus,
29:26et du coup, il y a un récit qui est davantage intérieur peut-être.
29:30Le principe est effectivement de permettre à chacun
29:33de se remémorer le plus précisément le traumatisme pénible
29:37qu'il vient de traverser.
29:40C'est l'événement lui-même qui est au centre de l'entretien.
29:43Il sera minutieusement reparcouru au niveau des faits,
29:46des émotions et des pensées.
29:49Les préoccupations du sujet au moment où le traumatisme
29:53l'a surpris doivent être retrouvées.
29:56Les heures qui ont suivi feront l'objet d'une investigation précise.
29:59Le débriefing se pratique individuellement ou en groupe
30:02pour éviter d'être à l'événement étant exclus.
30:05Ce travail thérapeutique permet ce que l'on appelle l'abréaction,
30:08c'est-à-dire une décharge des émotions,
30:12puis la verbalisation de ces émotions, ce qui permet
30:15de se libérer de l'événement responsable.
30:18La technique du débriefing s'appuie sur la connaissance
30:21des mécanismes du traumatisme psychique.
30:24Le traumatisme est une effraction, une pénétration à l'intérieur
30:28de l'appareil psychique d'une image qui ne devrait pas s'y trouver,
30:31Cette effraction provoque un état d'hébétude et de sidération
30:35et surtout une dissociation de la pensée.
30:38Une partie des pensées continue de circuler librement,
30:41permettant en apparence de s'adapter à la réalité présente.
30:44Il se produit une hypervigilance qui permet de rester en alerte,
30:47un émoussement des émotions et une amnésie partielle
30:51qui permettent de gérer le stress.
30:54Mais une autre partie se fige autour de cette image traumatique
30:57entraînant des perturbations connues par le traumatisme.
31:00Des perturbations connues sous la dénomination
31:03de syndrome de répétition traumatique.
31:06Le sujet revit la scène indéfiniment comme un film
31:10qui serait monté en boucle.
31:13L'angoisse n'apparaît ainsi que dans l'après-coup.
31:16Elle accompagne le syndrome de répétition ou la menace
31:19de l'apparition de ces images.
31:22C'est cette angoisse, responsable de l'état de stress aigu
31:26qui peut s'installer, qui suit le trauma.
31:29Le syndrome de répétition peut survenir des années plus tard
31:32avec la même intensité.
31:35Le sentiment de revivre le traumatisme ancien
31:38est responsable de ce que l'on appelle
31:41syndrome de stress post-traumatique.
31:45Le débriefing vise donc à détruire cette image
31:48le plus rapidement possible.
31:51C'est ce qu'on appelle le débriefing.
31:54Le débriefing, c'est le débriefement de l'image
31:57le plus rapidement possible ou plus tard si elle réapparaît.
32:05J'ai commencé une psychothérapie
32:09dans ce centre de victimologie à Paris.
32:12D'une part, il y a des spécialistes
32:15en stress post-traumatique
32:18qui m'ont permis de préciser
32:21ce que j'avais eu
32:25et de mettre un nom officiel.
32:28De plus en plus fréquemment, les équipes de secours
32:31qui interviennent sur les lieux des catastrophes
32:34sont formées au débriefing.
32:38Par ailleurs, des équipes médico-psychologiques
32:41sont diligentées sur les lieux du drame
32:44et organisent la prise en charge immédiate des victimes.
32:47Si l'événement traumatique est une atteinte plus personnelle
32:50comme un viol, une agression, un accident de la circulation,
32:54il est important pour l'hôpital de se faire aider
32:57car il n'y pensera pas spontanément.
33:00Il existe des consultations de débriefing
33:03assurées par des psychiatres et des psychologues
33:06dans certains sites hospitaliers
33:10ainsi que des lieux de consultation spécialisés en victimologie
33:13dans certaines grandes villes.
33:16À Paris, l'Institut français de l'anxiété et du stress
33:19peut fournir tous les renseignements nécessaires.
33:22Des équipes spécialisées dans le débriefing
33:25prennent en charge les difficultés des employés victimes d'agressions.
33:29Nous avons suivi une séance dans une agence pour l'emploi.
33:32Réunion pour les agents de la NPE
33:35dans le 20e arrondissement de Paris.
33:38Ici, il y a 2 ans, 2 agressions à quelques jours d'intervalle
33:41ont laissé le personnel en état de choc.
33:45À la demande de la directrice du centre,
33:48Martine Feltrin, psychosociologue, est intervenue
33:51pour faire un débriefing collectif.
33:54Aujourd'hui, elle fait le point avec le groupe.
33:57La séance de réunion a permis de faire des déblocages
34:00pour que chacun se sente un peu plus à l'aise
34:04après ce qui s'était passé.
34:07C'est l'objectif du débriefing, de pouvoir exprimer toutes les émotions.
34:10Et le fait de pouvoir exprimer toutes ces émotions,
34:13toute la manière dont on a vécu l'événement,
34:16va permettre de mieux le comprendre
34:19et de mieux décompresser.
34:23Je suis, pour ma part,
34:26très attachée au débriefing collectif
34:29pour, essentiellement,
34:32cette vertu propre
34:35de recréer du lien social dans le collectif.
34:39À un moment donné, le collectif est bouleversé.
34:42Le collectif peut voler en éclats.
34:45Le collectif va poursuivre sa route ensemble,
34:48mais peut-être à travers énormément de non-dits,
34:51voire énormément de ressentiments.
34:54Dans un débriefing collectif,
34:58on va pouvoir mettre tout ça à plat
35:01et, pour le groupe, refaire jouer la solidarité.
35:04Qui est-ce qui aurait encore envie de préciser ?
35:07Je ne peux pas m'enlever cette image.
35:10Je l'ai toujours.
35:14Je vois toujours Patrick avec ce gant.
35:17J'ai une photo. Je l'ai toujours.
35:20Et c'est vrai que, sur le coup,
35:23c'était vraiment irréel.
35:26Les collègues étaient choqués.
35:29Souvent, on peut dire que les débriefings
35:33dans l'entreprise, c'est du luxe.
35:36On pense que ce n'est que des événements extrêmement lourds,
35:39comme des attentats, comme des guerres,
35:42comme des explosions,
35:45ou des crashs d'avions qui vont justifier cela.
35:48Je dis que non.
35:52À partir du moment où on est confronté à la mort,
35:55les gens sont en état de choc.
35:58C'est tout aussi grave parce que ça renvoie à notre propre mort,
36:01parce que l'entreprise n'est pas un lieu
36:04où on a à être confronté à la mort.
36:08Et depuis deux ans environ,
36:11les entreprises se sont rendues compte
36:15que des agressions, agressions violentes, un suicide,
36:18une mort subite d'un des salariés,
36:21pouvaient tout à fait choquer le collectif.
36:24Le fait de pouvoir être reconnu
36:27comme personne en souffrance
36:31à un moment donné est fondamental.
36:34...
36:37...
36:40Je ne pouvais pas arriver seul à régler ce problème
36:43dans le sens où c'est un problème qui est trop gros.
36:46Et de vouloir essayer de le résoudre tout seul,
36:50c'est de se mentir, de se mentir à soi-même.
36:53En ça, je pense qu'effectivement, le débriefing a pu être utile.
36:56Mais je pense aussi que la personne débriefée
36:59a aussi son rôle à jouer.
37:02J'ai l'impression que le débriefing,
37:06c'est à la fois le travail du psychologue, mais aussi de la victime.
37:09Un traumatisme est toujours, au moins dans les premiers temps,
37:12un risque d'être toujours là,
37:15surgissant de manière imprévisible.
37:19Le débriefing consiste à en parler, à parler de soi-même dans l'événement.
37:22Il permet ainsi à l'image traumatique de se fragmenter
37:25et de s'intégrer à l'ensemble des représentations psychiques.
37:28Son effet immédiat est souvent spectaculaire.
37:31Retour du sommeil, atténuation des phobies,
37:35reprise du dialogue avec l'entourage.
37:38Parfois, il y aura réapparition de la souffrance
37:41terme car un traumatisme présent peut aussi en réveiller d'autres plus anciens
37:45enfouis profondément au creux de notre mémoire.
37:48D'enlever cette merde là, disons, de mon fonctionnement, donc j'ai pris la décision de rentrer en post-structure
37:55avec grand espoir de ne plus... d'ignorer ce produit, quoi, carrément, c'est-à-dire que j'ai le
38:03coutume de dire, en faisant allusion en informatique, d'enlever ça dans mon logiciel.
38:07Il n'y a pas nécessairement de prise en charge psychothérapeutique spécifique pour les usagers de drogues,
38:12spécifique au sens, un rendez-vous avec le psychologue ou le psychiatre, il peut y avoir, mais pas nécessairement.
38:23En France, ce sont des psychiatres et des psychologues qui ont mis en place le système de soins spécialisé en toxicomanie
38:29afin que la souffrance psychique des sujets dépendants soit prise en compte
38:33dans ses liens avec les conséquences physiques et sociales de l'usage de drogue.
38:37Être dépendant d'une drogue recouvre à la fois une réalité physique, car le corps finit par avoir besoin du produit sinon il souffre,
38:44une réalité psychique, l'univers mental s'est peu à peu reconstruit au travers des effets des substances,
38:50et des conséquences sociales. L'interdiction et le prix élevé de la plupart des produits peuvent conduire à une marginalisation.
38:58Soigner tout à la fois ces trois dimensions est un parcours long et difficile, souvent émaillé de rechutes.
39:03On dit ainsi volontiers qu'il faudra compter autant d'années de traitement que l'on a vécu d'années d'intoxication.
39:13Le milieu toxicomaniaque c'est un milieu déjà assez égocentrique, assez personnel, chaque toxicomane est une personne à part entière.
39:22D'ailleurs c'est bien pour cela qu'ils sont toxicomanes, que nous sommes toxicomanes.
39:25Et puis nous prenons des produits quels qu'on peut, peu importe le produit, mais c'est souvent pour affirmer cette personnalité-là.
39:33Toute l'existence de l'usager peut tourner autour du produit et il est impossible de forcer quelqu'un à arrêter.
39:38Donc inutile d'imaginer un sevrage de force à l'hôpital, cela ne marchera pas.
39:42La toxicomanie est une trajectoire et c'est souvent à l'occasion d'un moment particulier, une rencontre, un deuil, une naissance,
39:49que l'envie de s'en sortir amène à demander de l'aide.
39:52Il n'y a pas de moment privilégié au sens où dès qu'un usager demande de l'aide, il faudrait pouvoir le lui proposer.
39:59Même s'il n'est pas encore en état, il n'est pas encore en capacité de changer vraiment de mode de vie ou de changer de mode de fonctionnement psychique.
40:08Le soutien doit arriver le plus tôt possible.
40:10Le plus tôt on crée une relation et le plus tôt on peut penser qu'il y a un processus de changement, de reprise en main de soi-même qui peut se faire.
40:19Et donc le seul critère c'est que l'usager le souhaite.
40:23La drogue n'a pas systématiquement pour fonction de colmater une dépression ou une souffrance.
40:28Bien souvent l'usage concerne la recherche de plaisir ou de dépassement personnel.
40:32Mais au bout de quelque temps, l'effet de la plupart des drogues court-circuite l'ensemble des activités mentales et intellectuelles.
40:38C'est un rythme quasi biologique de plaisir-déplaisir, de manque et de bien-être qui se met en place.
40:44Ceci donne volontiers l'impression que tous les usagers se ressemblent et donc souffrent des mêmes problèmes psychologiques, alors qu'il n'en est rien.
40:55Les éducateurs sont là pour encadrer, c'est-à-dire chaque résident est un référent, un éducateur qui le suit de manière personnalisée, je pourrais dire.
41:06Pour toutes les démarches professionnelles, sociales, c'est lui qui guide le résident, c'est l'éducateur qui ventile selon vers la psy, selon vers le psychiatre, selon vers le médecin, pour toutes les démarches sociales, médicales.
41:25C'est un soutien psychologique qui doit être assumé par toutes les personnes qui comptent apporter de l'aide aux usagers de drogue.
41:31Ça se fait à l'occasion des échanges, si c'est un infirmier ou un médecin ou une assistante sociale, ça se fait à l'occasion du travail qu'ils font dans leur profession.
41:42Qui prend en compte la dimension psychologique, ça veut dire qu'à un moment donné, choisi par l'usager, malgré tout, les souffrances psychiques de la personne sont prises en compte, sont écoutées.
41:52À chaque étape du parcours de la toxicodépendance, il existe des réponses adaptées.
41:56On ne proposera pas la même prise en charge à un fumeur de crack qui vit dans la rue, à un dirigeant d'entreprise devenu psychiquement dépendant de la cocaïne,
42:03à un adolescent qui va trop loin dans ses prises de hachiches ou à un alcoolique qui abuse depuis plus de 20 ans.
42:09Essayons d'illustrer la trajectoire de soins de Kevin, patient de 30 ans, dépendant de l'héroïne et du crack, qui vit dans un squat dans le nord de Paris.
42:18Kevin a tenté plusieurs cures de sevrage en milieu hospitalier qui se sont soldées par des rechutes.
42:24Il fréquente dans son quartier une boutique, lieu d'accueil de première ligne, où il peut se doucher et laver son linge.
42:31Peu à peu, l'équipe le met en contact avec le centre spécialisé en toxicomanie du quartier,
42:37dans lequel il s'inscrit au programme Métadone, traitement de substitution qui lui permet d'abandonner l'héroïne.
42:43Lorsque son traitement est stabilisé, le relais est pris par un médecin généraliste inscrit dans un réseau ville-hôpital.
42:51Kevin continue de consulter le psychologue et l'assistante sociale du centre spécialisé.
42:57Celle-ci l'oriente vers un centre de post-cure pour le mettre à l'écart du milieu qu'il fréquente et de la tentation des prises de crack et stabiliser son état.
43:06A son retour de post-cure, 6 mois plus tard, Kevin a diminué la dose de son traitement de substitution et il souhaite l'arrêter.
43:15Il s'inscrit dans un groupe d'autosupports pour rencontrer d'autres usagers et échanger sur leurs expériences communes.
43:22Il renoue avec sa famille avec qui il avait rencontré de grandes difficultés.
43:27Avec l'aide d'un centre de thérapie familiale spécialisé, il va s'inscrire dans un stage de réinsertion.
43:33Celui qui assume le rôle de soutien psychologique, c'est celui que l'usager choisit comme référent.
43:38C'est-à-dire c'est la personne que l'usager choisit pour être un peu témoin de son histoire, pour être témoin de son évolution.
43:46En effet, comme on l'a vu, la psychothérapie des toxicodépendances ne se résume pas à des entretiens en face-à-face dans le bureau d'un psychologue ou d'un psychiatre.
43:54Elle peut se décliner dans tous les lieux spécialisés qui jalonnent la trajectoire de l'usager.
43:58Dans les hôpitaux généraux, des équipes psychologiques mobiles de coordination facilitent l'hospitalisation et les soins destinés aux toxicomanes.
44:05Dans les centres spécialisés en toxicomanie, des psys coordonnent la prise en charge médico-sociale.
44:10Dans les établissements pénitentiaires, des équipes de psychiatres et de psychologues spécialisés sont à l'écoute des usagers de drogue.
44:17Dans les centres de post-cure, des psys participent souvent aux activités de réinsertion.
44:22Les usagers peuvent également consulter des psychothérapeutes libéraux ou institutionnels, surtout s'ils participent à des dynamiques de réseau vie l'hôpital.
44:34Dans l'ensemble du dispositif de soins, les centres de post-cure permettent une rupture avec la vie habituelle de l'usager et le réapprentissage de la vie sociale.
44:42Le trait d'une épidémie de toxicomanie, c'est le trait d'une maladie.
44:46Le trait d'union est un centre d'hébergement thérapeutique installé dans un pavillon en banlieue parisienne.
44:52Il accueille pour un séjour de quelques semaines à un an des hommes et des femmes qui se sont récemment libérés de la drogue.
44:59Après un parcours difficile, ils retrouvent en post-cure la vie en communauté.
45:05Ils sont sept à partager avec leurs éducateurs les tâches de la vie quotidienne.
45:10On leur propose ici de faire l'expérience de l'abstinence d'abord.
45:14On leur propose de passer un moment sans prendre de drogue.
45:17On leur propose aussi de travailler à une insertion ou une réinsertion socio-professionnelle.
45:23Ici, pas de psychologues ni de psychiatres.
45:26La prise en charge psychothérapique passe par un réapprentissage des bases de la vie sociale.
45:31On apprend à faire plein de trucs tous les jours.
45:35La prison, la cam'…
45:38On apprend à bouffer, à débarrasser.
45:41Le samedi, on fait le ménage.
45:44On apprend à cohabiter avec les gens, à respecter les gens.
45:48On apprend à vivre.
45:51On apprend à vivre.
45:54On apprend à vivre.
45:57On apprend à vivre.
46:00On apprend à vivre.
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48:09On apprend à vivre.
48:12On apprend à vivre.
48:15On apprend à vivre.
48:18C'est très très rare.
48:21C'est arrivé 3 ou 4 fois en 10 ans que je travaille ici.
48:24Il y a très très peu de violence physique.
48:27Ils ont très vite compris que l'intérêt de tout le monde
48:30c'était que les choses se disent.
48:33Même si ça fait souffrir de dire.
48:36Je retrouve une vie saine.
48:39Je réapprends à vivre avec les autres.
48:42C'est ce dont je recherche.
48:45Je réapprends à écouter les autres.
48:48Je réapprends à fonctionner avec les autres.
48:51Je réapprends à fonctionner avec les repères de la société.
48:54Je verrais deux dimensions importantes dans l'aide.
48:57Il y en a sans doute d'autres,
49:00mais il y en a deux auxquelles je pense en ce moment.
49:03La première, c'est d'aider l'usager à retrouver
49:06le sens de son histoire, le fil de son histoire.
49:09Et la deuxième, c'est d'aider à mobiliser ses propres ressources.
49:12L'aider à retrouver sur quoi il va s'appuyer pour évoluer.
49:15Et c'est ces deux fonctions-là qui sont essentielles
49:18dans la dimension d'aide psychologique.
49:21L'usage de drogue est devenu un phénomène omniprésent
49:24inscrit dans l'évolution de nos sociétés,
49:27une question sociale et politique des plus sensibles
49:30et un défi aux soignants pour enrayer le processus
49:33lorsque cet usage se transforme en dépendance
49:36ou en autodestruction.
49:39Pour les psys, répondre à ce défi,
49:42c'est avant tout s'inscrire dans une démarche
49:45qui doit être pluridisciplinaire pour prétendre à un début d'efficacité.
49:48Et c'est surtout intégrer la dimension psychique
49:51au cœur même du dispositif de soin et de la réflexion sociopolitique.

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