Un monde en doc - « La France et le train : amour et désamour »

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La France a une histoire particulière avec le train… Les grandes étapes de notre histoire ferroviaire entraînent des conséquences sur nos paysages, sur l’organisation de notre territoire entre villes et campagnes… De l’âge d’or des petites lignes et du train de nuit à leurs déclins au profit de la voiture, puis l’ère du « tout TGV » et enfin l’ouverture à la concurrence, comment la politique ferroviaire française impacte nos vies ?Miser sur le TGV a-t-il par exemple trop métropolisé le pays ? La disparition des petites lignes a-t-elle enclavé des territoires et mis de côté des milliers de Français ? Un vote de colère a-t-il pu naître de ce sentiment d’oubli et d’abandon ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :

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00:00Train, la nouvelle bataille du rail de Marie-Laurent, un film très riche qui pose de nombreuses questions sur l'évolution de l'histoire du rail en France
00:09et sur les conséquences humaines, sociales et politiques qu'elle a pu avoir.
00:13Le sous-investissement dans certaines lignes y a-t-il par exemple enclavé des pans entiers de notre territoire ?
00:20Cela fait partie des questions qu'on va se poser avec nos invités que je vous présente tout de suite.
00:23Philippe Tabarro, bienvenue à vous. Merci d'être ici.
00:25Vous êtes sénateur LR des Alpes-Maritimes, secrétaire du Sénat, membre de la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable,
00:31auteur de nombreuses propositions de loi et de rapports autour des transports, notamment sur les services express régionaux métropolitains et sur la sûreté dans les transports.
00:39Dominique Bussereau, bienvenue à vous également, ancien ministre et secrétaire d'État des Transports notamment.
00:44Vous êtes président honoraire du Conseil départemental de la Charente-Maritime et je précise que vous avez été président de l'Assemblée des départements de France entre 2015 et 2021.
00:53Patricia Perrenne, bienvenue. Vous êtes économiste, spécialiste du transport ferroviaire, consultante auprès des collectivités pour le cabinet de transmission.
01:00Vous avez travaillé pour la SNCF, pour l'Association des régions de France et pour la région Centre-Val-de-Loire entre autres.
01:06Vous avez notamment publié la politique ferroviaire européenne, construire l'Europe du rail par la concurrence, point d'interrogation.
01:13Je précise enfin que vous êtes trésorière de l'association Rail et Histoire.
01:17François Delétrase, bienvenue. Vous êtes président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports et c'est important qu'elles soient représentées ici.
01:25Vous êtes ancien journaliste et vous êtes spécialiste reconnu des transports ferroviaires et aériens.
01:30Merci à tous les quatre d'être ici.
01:32Voilà un film qui dit beaucoup de choses sur l'histoire du train.
01:35C'est pourquoi j'aimerais qu'on reste encore quelques minutes, si vous le voulez bien, sur cette partie historique du train.
01:41Est-ce que je vois juste, quand je parle d'une histoire intime, presque intime, entre les Français et le train, une histoire d'amour et de désamour ?
01:48On a dans ce film Nicolas Sarkozy qui nous dit que le train, c'est la France. Est-ce qu'il voit juste, Philippe Tabarro ?
01:53Oui, tout à fait. On le voit à travers ces images, on le voit à travers ce reportage, on le voit à travers la parole politique de Président de la République, qui est en général assez rare.
02:03On regrette très souvent que dans les débats entre les deux tours des présidentielles, on ne parle jamais de transport, de mobilité.
02:09Là, on a des paroles fortes de Président de la République qui montrent leur attachement au train, parce qu'ils savent que le train, c'est la vie des Français, à la fois le quotidien, mais également les ramener à un passé,
02:20et un passé qui est en général beaucoup plus glorieux que la période actuelle.
02:25Mais une histoire houleuse aussi, Dominique Bussereau, entre la France et le train. On l'a un peu bichonnée.
02:30Oui, il a failli d'abord le financer. Le financement au XIXe siècle des réseaux était très compliqué.
02:35À partir de l'entre-deux-guerres, on a commencé déjà à diminuer le réseau, le réseau national de la SNCF naissante, comme les réseaux des chemins de fer départementaux, dont les derniers ont disparu dans les années 60 dans notre territoire.
02:49Et en même temps, la SNCF, c'est aussi une entreprise que tous les Français connaissent.
02:53Chacun a un... Moi, j'ai un papa, une maman et un grand-père qui étaient cheminots.
02:57Mais chaque Français a un cousin, un copain, un voisin, un ami de régiment qui était à la SNCF.
03:03Donc la SNCF, c'est aussi la vie quotidienne des Français.
03:06Et je vois aussi aujourd'hui un nouvel attrait dans le tourisme, parce que je m'occupe de l'UNECTO, qui est la Fédération des chemins de fer touristiques.
03:14Ce sont maintenant quasiment une centaine de chemins de fer touristiques en France qui viennent de connaître un été formidable en termes de fréquentation.
03:20Donc on peut vraiment parler d'une histoire intime.
03:22Ah, c'est une histoire intime. Mais aussi, si vous voulez une bagarre dans un dîner, vous lancez le sujet sur les retards.
03:29C'est vrai.
03:30Les retards, les avantages des cheminots, etc. Là, vous êtes sûr, vous en prenez pour une heure.
03:38Tout le monde s'est approprié l'histoire du train, Patricia Perrenne.
03:40Ce que je trouve aussi intéressant dans votre reportage, c'est qu'on voit des gens dans les différents territoires qui disent « avant, c'était comme ça ».
03:46Et comme l'a dit M. Bussereau, en gros, avant la Seconde Guerre mondiale, c'est là où on a atteint le maximum du réseau.
03:51Et alors que ça fait, bon, quand même plusieurs dizaines d'années maintenant, il y a toujours cette référence « avant, c'était comme ça ».
03:55Il y avait tant de locomotives sur le triage. Et c'est intéressant, cet attachement vraiment populaire et assez large.
04:00Des gens qui se souviennent, même des décennies après, d'où en étaient les chemins de fer.
04:05D'ailleurs, il y a ce chiffre qui est donné dans le film, sur le réseau ferroviaire français, qui aurait été divisé par deux en un siècle.
04:1220 000 km de lignes abandonnées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
04:15Ce qui semble énorme et qui explique peut-être la nostalgie dont vous parlez, des gens qui parlent dans le film.
04:20Oui, c'est un chiffre en effet qui est correct, conforme à la réalité. Après, il y a des raisons objectives.
04:24Le développement de l'automobile, du camion. Mais est-ce qu'on n'est pas allé trop loin ?
04:28En tout cas, il y a clairement une réaction de la population qui dit qu'on voudrait que les chemins de fer reviennent.
04:33Et ça, c'est intéressant parce que ça ne marche pas pour toutes les industries qui ont disparu.
04:37Les usagers aiment-ils leurs trains, François Delétrave ? C'est une histoire complexe.
04:42Ils font beaucoup de bashing.
04:45Quand la SNCF était encore une mère de famille, il y avait moins de bashing.
04:49Depuis qu'elle est devenue une entreprise commerciale, il y a beaucoup plus de bashing,
04:53à savoir que le TGV doit être une entreprise rentable et se comporte en manière marketing
04:58comme se comporterait une compagnie aérienne.
05:00Alors qu'autrefois, la SNCF, c'était le quotidien, on lui passait des choses.
05:05On montait dans un train, on était debout, ce n'était pas trop grave, etc.
05:10Aujourd'hui, le niveau d'exigence a beaucoup monté, mais ça vient aussi du changement de statut de l'entreprise
05:17qui est très important dans l'esprit des gens.
05:19Ce n'est pas une entreprise comme une autre, la SNCF, Philippe Tabarro ?
05:22Non, c'est une entreprise, comme le disait très justement Dominique Bussereau, qui ne connaît pas la SNCF.
05:27S'il y a une entreprise nationale qui est connue, c'est la SNCF.
05:33Et je crois qu'il y avait un récent sondage dans le journal du dimanche
05:38qui montrait que c'était, comme ça a été dit par le président, une entreprise qu'on a adorée,
05:45mais quelque part aussi qu'on déteste aujourd'hui parce qu'on considère qu'elle n'est pas à la hauteur des attentes.
05:50C'est des fois très injuste, on le voit très bien dans le reportage,
05:53notamment ce débat sur la grande vitesse ou contre la grande vitesse
05:57qui, d'après certains, fait qu'aujourd'hui on se retrouve dans des situations quasi d'abandon sur le TER et sur le train d'équilibre du territoire.
06:06Ce qui, à titre personnel, je ne pense pas, mais en tout cas c'est le ressenti d'un certain nombre de nos compatriotes.
06:11On va y venir à cette question de l'abandon parce qu'elle est essentielle, elle est cruciale dans ce débat.
06:15Mais sur cette histoire non linéaire entre les Français et le train,
06:20il y a eu des étapes aussi marquantes, des étapes symboliques.
06:22Je pense à l'abandon du train de nuit par exemple.
06:24Est-ce que ça fait partie des étapes qui ont pu...
06:26L'étape symbolique c'est que surtout dans les années 70,
06:28si la SNCF, soutenue par le président Pompidou, le président Giscard d'Estaing, le président Mitterrand, etc.,
06:34n'avait pas lancé les lignes à grande vitesse,
06:36on voyait à l'époque la France couverte de lignes d'aérotrains.
06:40On voit maintenant ce qu'il en reste, un mur au nord d'Orléans, couverte de lignes aériennes.
06:45C'était la grande époque du développement d'air inter.
06:47Et donc c'est par les LGV, par l'arrivée des TGV, que le train a été sauvé et a donné une nouvelle image en France.
06:55Et parallèlement, les Allemands ont commencé à s'y mettre.
06:59Les Italiens, qui avaient un peu d'avance sur nous, mais après avec beaucoup de retard.
07:02Et aujourd'hui, le premier réseau, il n'est plus en France.
07:05Il est dans un pays dont on se moquait beaucoup dans ces années-là.
07:08C'est en Espagne, qui après la Chine, est le deuxième réseau de lignes à grande vitesse au monde.
07:12Et nous, nous n'arrivons que derrière.
07:14Vous savez, dans l'évolution de la perception de la SNCF,
07:17il y a un point qui est très important, c'est la réservation obligatoire.
07:21Et ce point-là, on n'y pense pas.
07:24Mais c'est à ce moment-là qu'a lieu le basculement entre SNCF, maire de tous les Français,
07:29et le système aérien qui fait qu'on achète un billet dont le prix varie, il faut réserver une place, etc.
07:36Donc dans la perception de la SNCF, il y a un basculement à ce moment-là.
07:40Ça a été un point crucial.
07:41Un crucial, oui.
07:42Intéressant.
07:43C'est pour ça qu'aujourd'hui, il y a d'ailleurs un débat que François anime avec l'AFNOT,
07:47qui est est-ce qu'il faut que dans les TER, comme certaines régions le pensent,
07:52ou dans certains trains intercités que citait Philippe tout à l'heure,
07:55faut-il réserver ?
07:56Déjà, la région de Normandie a pris le sentiment,
08:00elle exploite elle-même les trains intercités,
08:02alors ce n'est pas des TER, c'est des trains intermédiaires,
08:04avec une réservation obligatoire.
08:05On n'imagine pas que ça puisse avoir un tel impact sur le...
08:08Pour répondre à votre question sur la France d'un pays du train,
08:10c'est sûr qu'en matière de TGV, on est vraiment à la pointe.
08:13Les régions françaises ont investi depuis les années 2000,
08:16et donc il s'est passé quelque chose,
08:17mais c'est vrai qu'il y a un peu un trou dans la raquette,
08:19qui est les trains intercités, notamment les trains de nuit dont vous parliez.
08:22Le TER, depuis la sortie du Covid, rencontre un succès fou,
08:25on a plus de 20% de fréquentation,
08:27et les régions ont du mal à gérer ce retour des voyageurs,
08:31il faut le rappeler, il y a un retour des voyageurs,
08:33que ce soit dans le TGV ou dans les TER,
08:35et c'est suite à ça qu'ils ont commencé,
08:37SNCF qui l'a fortement conseillé aux régions qui ont mis en place,
08:41de la réserve obligatoire sur certaines lignes.
08:43Parce qu'avant, on pouvait monter comme on voulait dans un train,
08:46sans forcément avoir cette réservation qui était un frein.
08:48Et du coup, je rejoins ce qui a été dit,
08:49c'est-à-dire que c'est quand même compliqué pour un usager,
08:51on lui dit qu'il n'y avait pas besoin de réserver,
08:53maintenant il y a besoin de réserver,
08:54les TER, est-ce qu'on réserve, est-ce qu'on ne réserve pas ?
08:56C'est un petit peu compliqué.
08:57Obscur.
08:58Et du coup, ça ne participe pas à l'accessibilité au sens-là.
09:01Et puis il y a l'arrivée de nouvelles entreprises,
09:03c'est-à-dire que déjà depuis les années 2000,
09:05le fret est à moitié à 50% fait par des entreprises européennes,
09:09filiales de la SNCF, parfois, mais qui ne sont pas la SNCF.
09:13Et on va voir arriver, par exemple, chez Philippe,
09:15en Provence-Côte d'Azur, Transdev.
09:17Alors Transdev, ce n'est pas le méchant vilain privé,
09:19c'est une filiale de la Caisse des dépôts et consignations.
09:22Mais on voit arriver, et puis des nouveaux projets,
09:24Kevin Speed, le train, etc.
09:27Tout cela lié à l'ouverture à la concurrence, on va en bas.
09:29On voit, le paysage, il est en train de changer sous nos yeux.
09:32Cette histoire rouleuse entre la France et le train
09:34n'a pas été sans conséquences,
09:36au gré des grandes étapes de la politique ferroviaire française.
09:39Le pays s'est structuré différemment,
09:40et c'est bien expliqué dans le film.
09:42Et bien sûr, des villages entiers, parfois des villes entières,
09:45se sont senties abandonnées.
09:46C'est le terme que vous avez employé tout à l'heure.
09:48Il y a quelques témoignages marquants,
09:50de ce point de vue-là, dans le film.
09:51J'en ai repéré quelques-uns, je voudrais qu'on les réécoute.
09:53Ils sont assez forts, écoutez.
09:57Il faut penser que si on ne se bat pas pour ici,
09:59on va rester en clavé.
10:01On restera au territoire du sud de l'Inde,
10:04qui pourra aller là où il pourra,
10:06mais pas à Paris, pas dans les grandes villes,
10:08et on restera dans notre petit cou du cul du monde, on va dire.
10:11Parce que c'est un peu ça qu'ils pensent.
10:13Le mépris du gouvernement, le mépris qu'on vit,
10:16il est parce que les bouseux, c'est bon,
10:18on ne va pas s'en occuper.
10:19On parle de déclassement, justement, tout le temps,
10:22c'est les mots qui reviennent.
10:23Il y en a assez.
10:24Ce n'est même pas l'abandon, c'est qu'on se sent...
10:26Quand je dis oublié, c'est vraiment rayé de la carte.
10:29C'est comme si on n'existait pas.
10:32On se sent rayé de la carte.
10:34Ce n'est pas rien comme expression, François de Laitras.
10:36C'est en partie l'effet TGV.
10:39Si vous prenez la ligne de l'Est, par exemple,
10:41qu'ils sont en train de réouvrir,
10:42parce que c'est un bon exemple,
10:43de Paris à Strasbourg et de Paris à Mulhouse,
10:46c'était des...
10:48L'ancien corail traversait ces villes
10:50et il y avait dix trains par jour.
10:52Avec l'arrivée du TGV qui va directement
10:54à Metz, à Luxembourg, à Nancy, à Strasbourg,
10:57il y a des pans entiers de la province française
11:01Le TGV a métropolisé le pays ?
11:02Exactement.
11:03Et donc, du coup, on a des territoires
11:05qui sont très très mal desservis.
11:07Alors les régions ont essayé un peu
11:09de compenser avec du TER,
11:11mais elles se substituent à l'État.
11:13Le Paris-Strasbourg, le Paris-Mulhouse,
11:15ils devraient être faits par l'État,
11:16pas par la région.
11:17Ça ne devrait pas être du TER,
11:18on est dans la grande ligne,
11:19on n'est pas dans du train express régional.
11:22Donc l'avenue du TGV a eu une incidence
11:26de paupérisation en termes d'offres
11:28dans un certain nombre de régions.
11:29On est enclavé, on est des bouseux,
11:31disent-ils. Le ressenti est fort ?
11:33Il y a un ressenti qui est fort,
11:35mais je crois que c'est un ressenti
11:37qui ne dépend pas que des mobilités.
11:39Les mobilités, c'est un vrai sujet,
11:41mais ce sont des territoires
11:42où bien souvent ce sont tous les services publics
11:44qui sont partis, ou en tout cas
11:45une partie des services publics.
11:47La Poste.
11:48La Poste, et que quelque part,
11:51le train est ou était le dernier service
11:54considéré comme public,
11:57et la possibilité aussi d'avoir accès
11:59à d'autres territoires,
12:00et c'est pour ça qu'il y a ce réflexe aussi,
12:02et ces mots qui sont forts
12:05et qui sont quelquefois justifiés,
12:07et d'autres qui...
12:09On fait porter le chapeau au train
12:11et à la SNCF.
12:13Je pense en partie.
12:14Et puis pour revenir sur ce qui a été dit
12:16par le président de la FNOT,
12:18la question du TGV a probablement
12:22pénalisé un certain nombre de territoires,
12:24mais a permis une expansion
12:25pour d'autres territoires
12:26assez exceptionnelle aussi.
12:28Bien sûr que les métropoles en ont profité,
12:30mais tous les territoires autour de ces métropoles.
12:33Il y a des endroits qui se sont développés
12:36très fortement,
12:37et puis on en parlera peut-être,
12:38parce qu'on va peut-être parler gros sous,
12:40c'est une partie du problème également,
12:42et les financements,
12:43l'état du réseau aujourd'hui,
12:45le fait qu'on ait un réseau
12:47de grande vitesse développé,
12:49que SNCF Voyageurs soit une des seules filiales
12:53à pouvoir gagner de l'argent,
12:55comme on dit, de manière très primaire,
12:57ce qui permet de réinvestir aujourd'hui
12:59sur des lignes,
13:00comme les lignes d'équilibre du territoire
13:02sont considérées comme abandonnées,
13:04d'investir sur le réseau,
13:06là où quelquefois l'État ne le fait plus
13:09et compte sur la SNCF pour le faire.
13:12Et si la SNCF peut le faire,
13:14c'est parce que la grande vitesse
13:16est relativement très rentable.
13:18C'est beaucoup une question de rentabilité.
13:20Oui, parce que là, ce qui est intéressant,
13:22c'est Argenton-sur-Creuse,
13:23l'exemple qui est donné,
13:24donc ça se trouve dans le centre de la France,
13:25donc il n'y a pas de ligne à grande vitesse,
13:26il n'y a pas de TGV qui passe.
13:28Et en plus, c'est une ville
13:29qui est sur de l'intercité,
13:30pas vraiment servi par du TER,
13:31et comme vous l'avez dit,
13:32c'est un territoire qui est en décroissance.
13:34Moi, je le connais bien,
13:35j'habite dans le Berry également.
13:36Et du coup, c'est vrai qu'on a un peu
13:38tous les éléments dans ce territoire-là,
13:40Argenton-sur-Creuse,
13:41c'est-à-dire pas de TGV,
13:43c'est-à-dire un sous-investissement,
13:44parce que l'argent est parti
13:45dans la ligne à grande vitesse
13:46et du coup, ils sont sur le Paris-Limoges,
13:48qui n'est pas le train le plus fiable,
13:51ils ont un problème de fiabilité,
13:52et au-delà de ça, c'est une petite ville,
13:54une ville moyenne,
13:55et du coup, même sur la desserte de l'intercité,
13:58ils n'ont pas d'arrêt systématique,
13:59et ce qu'ils demandent,
14:00c'est des arrêts plus systématiques.
14:01Mais ce sentiment d'abandon,
14:02il faut en tenir compte, Dominique Bussereau ?
14:04Oui, il faut en tenir compte.
14:05Il n'est pas lié simplement
14:07à la SNCF et au trafic régional
14:09géré par les régions.
14:10C'est un manque.
14:11On a supprimé la data il y a 20 ans
14:13et on n'a plus une politique
14:15d'aménagement du territoire.
14:16Et donc, parfois, on demande à la SNCF
14:18ou aux régions, par les TER,
14:20de faire ce que l'État n'a pas fait
14:22ou n'a pas su faire.
14:23Mais il y a quand même un problème,
14:24c'est l'espèce de pomme de terre.
14:26Vous voyez, quand vous prenez la ligne
14:28qui part de Paris-Montparnasse
14:29qui va à Bordeaux,
14:30de l'autre côté, la ligne Paris-Lyon,
14:31une espèce de pomme de terre
14:32qui passe par la région Centre,
14:34la région Limousin,
14:35qui est maintenant en Nouvelle-Aquitaine,
14:37et qui va jusqu'au nord de Toulouse.
14:40C'est une très mauvaise desserte,
14:42un creux historique.
14:43Argenton-sur-Creuse,
14:44qui est sur la ligne Paris-Toulouse classique,
14:45en est un exemple.
14:46Et je pense qu'il faudra, un jour,
14:48envisager une nouvelle ligne à grande vitesse
14:50qui partira de la gare d'Austerlitz,
14:52qui est en train d'être rénovée
14:53de manière magnifique,
14:54mais il y a très peu de trafic,
14:55qui ira jusque vers Châteauroux,
14:58qui fera un arc de cercle
15:00qui desservira l'Auvergne
15:01et qui rejoindra Lyon.
15:02Les trains Lyon-Paris
15:04pourront faire toujours deux heures,
15:05comme cela,
15:06et ça désaturera la ligne
15:07entre Paris-Dijon et Lyon,
15:09qui est saturée
15:10par tous les trafics nationaux et européens,
15:12et ça permettra d'améliorer
15:14cette espèce de pomme de terre.
15:16C'est à l'étude, en ce moment ?
15:18Nous l'avions mis avec Jean-Louis Borloo
15:20dans les grandes décisions
15:21d'aménagement du territoire
15:22à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
15:25Depuis, ça a été oublié.
15:26Je pense qu'il manque là
15:28un chaînon majeur
15:30de notre desserte ferroviaire française.
15:32Dans le discours de ces personnes,
15:33on entend aussi une défiance
15:34vis-à-vis de Paris,
15:35comme si tout avait été décidé
15:36un peu de Paris,
15:37qu'eux étaient des citoyens
15:38de seconde zone.
15:39C'est vraiment un sentiment
15:40qu'ils expriment fortement.
15:41Est-ce que c'est vrai ?
15:42Est-ce qu'il y a eu un peu
15:43de décisions prises
15:44aux mauvais endroits ?
15:45Il suffit de regarder
15:46la carte du réseau ferroviaire
15:47et vous avez la réponse.
15:48Contrairement à l'Allemagne,
15:49où il va dans tous les sens,
15:50en France,
15:51il part de Paris,
15:52il va ailleurs.
15:53Donc, les dessertes transversales
15:55en train ont toujours été mauvaises,
15:57en France.
15:58C'est d'ailleurs bien pour ça
15:59qu'aujourd'hui,
16:00l'aérien est en perte de vitesse
16:02sur les dessertes
16:03entre Paris et les grandes villes.
16:05Il est en très forte augmentation
16:07dans les dessertes transversales.
16:09Ça prouve bien que le train
16:10n'est pas là pour le faire.
16:11Donc, ce sentiment,
16:12il est très important.
16:13Mais, dans le sentiment
16:15des Français,
16:17il y a aussi le fait
16:18qu'il n'est pas normal
16:20que le TGV devienne
16:22un train de riches.
16:24À savoir,
16:25l'État se repose sur le TGV
16:27pour faire des bénéfices
16:28et financer le réseau.
16:29Le train n'est plus
16:30un train populaire
16:31comme il était autrefois,
16:32où on avait des billets
16:33de très bon marché
16:34pour aller d'un point à un autre.
16:35Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
16:36C'est très cher.
16:37Et donc, ça,
16:38c'est un vrai problème
16:39dans la perception
16:40qu'on a du train.
16:41L'État a décidé que le TGV
16:43était un train pour les CSP+,
16:45il se dit que les CSP+, payent,
16:47peu m'importe.
16:48Il y a quand même François Ouigo
16:50qui est quand même
16:52à des tarifs très abordables.
16:54Qui est la ligne low cost.
16:55Ils sont maintenant quasiment
16:56sur toutes les grandes destinations.
16:57Alors, Ouigo,
16:58le prix moyen du Ouigo
17:00est passé de 23 euros en 2019
17:02à 34 euros en 2023,
17:04soit 45% d'augmentation.
17:06Donc, le gap...
17:07Lui aussi a augmenté.
17:08Le gap entre le Ouigo
17:10et le train normal,
17:11le TGV,
17:12il est à 44 euros en moyenne.
17:14Donc, vous voyez que le gap
17:15entre le Ouigo et le TGV
17:16se réduit de plus en plus.
17:17Philippe Tabaron ?
17:18Oui, on a déjà
17:20un transport ferroviaire
17:22en France qui est largement
17:23subventionné.
17:24Pas les TGV.
17:25Non, mais on sait
17:27qu'à travers les péages ferroviaires,
17:30ça représente un coût important
17:33à hauteur de 40% du billet.
17:36C'est pour ça que les tarifs
17:37sont élevés.
17:38Je suis d'accord.
17:39C'est dit dans le chiffre, d'ailleurs.
17:40En Italie, c'est 15%.
17:41Tout à fait.
17:42En Suède, c'est 8%.
17:43Donc, vous voyez le gap qu'on a.
17:44Mais tout part du manque
17:46d'investissement sur le réseau.
17:48On parlait des autres pays européens.
17:50On sait qu'en France,
17:52certes, on aime le train.
17:53Pour autant,
17:54les investissements sur le réseau
17:56sont deux fois moins importants
17:58qu'en Italie, en Espagne et en Allemagne.
18:00Je ne parle même pas de la Suisse
18:01où on est d'un rapport
18:03de trois à quatre fois plus important.
18:05Donc, bien sûr qu'il y a cet investissement
18:07qui est indispensable.
18:09Et qui justifie le prix des billets aujourd'hui.
18:11Il faut trouver quelque part cet argent,
18:12soit dans la poche du contribuable,
18:14soit dans la poche de l'usager.
18:15C'est la question des transports en public.
18:17En général, est-ce qu'on doit faire reposer
18:20uniquement sur le contribuable
18:22des tarifs intéressants
18:24ou est-ce qu'on va sur les usagers
18:25qui en profitent ?
18:26C'est une vraie question.
18:27Je voudrais aller un petit peu plus loin
18:28sur cette colère qu'on entend
18:29de la part de ces usagers
18:30sur ce sentiment, je le répète,
18:32d'abandon, d'être rayé de la carte.
18:34Quelles conséquences cela a politiquement ?
18:37Vous les avez vues, les conséquences.
18:39Lesquelles ? Dites-moi.
18:40Les gilets jaunes.
18:41Le vote des gilets jaunes, d'abord.
18:43Le vote RN aux Européennes.
18:45Pour vous, le lien est très clair ?
18:47Ça se voit.
18:48Alors, la carte.
18:49Vous prenez la carte des territoires.
18:51Vous écoutez les principaux sociologues,
18:53historiens, géographes.
18:54Et le vote RN, il suit.
18:56Il suit le déménagement du territoire
18:58ou il suit les poches de pauvreté.
19:00Moi, je suis en Charente-Maritime,
19:01c'est une très jolie côte, arroyante.
19:03En face, il y a le Médoc.
19:04Alors, tout le monde dit le Médoc,
19:05c'est extraordinaire,
19:06c'est les grands vins et tout,
19:07sauf que c'est une poche de pauvreté
19:09et qu'au fil des années,
19:10le Rassemblement national y a pris le pouvoir.
19:12Je veux retirer un mot sur la tarification.
19:14Moi, je suis pour que...
19:16D'abord, je ne parle pas des usagers,
19:17je parle des clients,
19:18parce qu'on est toujours un client,
19:20même quand on prend le métro à Paris,
19:21on est un client.
19:23Quand vous prenez un TER...
19:24Vous voulez que je change le nom de l'AFNO ?
19:26Non, j'adore l'AFNO.
19:28Fédération nationale des clients.
19:29J'adore l'AFNO, vous le savez, François.
19:31Depuis 20 ans.
19:32Mais quand les pouvoirs publics
19:33subventionnent 70 % du billet,
19:36on peut se poser la question...
19:37Non, pour l'UGV.
19:38Non, pour le TER.
19:39Quand on est dans un TER,
19:42on est contribuable,
19:43puisqu'on paye la majorité.
19:44Bien sûr.
19:45C'est le contribuable qui est passager
19:47qui paye 80 % du coût réel de la prestation.
19:50Quand vous êtes dans un TGV,
19:52en effet, comme dans un avion,
19:53à vous payer,
19:54il va y avoir demain
19:55de nouvelles compagnies de TGV en France.
19:57Il va y avoir une guerre tarifaire,
19:58comme on a connu dans l'aérien.
20:00Qui sera le gagnant de la guerre tarifaire ?
20:02Le client.
20:03Il y a 20 ans ou 30 ans...
20:05Monsieur Bussereau, regardez...
20:06Il y a 20 ans ou 30 ans, François,
20:08personne ne prenait l'avion en France
20:09sauf les catégories riches.
20:11Aujourd'hui, grâce aux low-cost
20:13et à toutes les compagnies aériennes
20:14qui se sont créées,
20:15on peut aller pour quelques centaines d'euros
20:17à l'autre bout du monde,
20:18alors qu'avant, on n'allait même pas à Marseille
20:20pour quelques centaines de francs.
20:21Donc, je pense que la concurrence
20:23en matière de voyageurs,
20:24y compris dans les régions,
20:25va permettre de baisser les coûts
20:27et d'améliorer encore la fréquentation.
20:29En attendant, on a cet enclavement ressenti.
20:31Peut-être, Patricia Perrin,
20:32un mot sur ce lien qu'on peut faire
20:33entre, effectivement, un vote de colère
20:34et cet enclavement de certains territoires.
20:36Moi, ça se trouve,
20:37pour reprendre sur la tarification,
20:38je suis d'accord que les gens
20:40se sentent exclus du train
20:41et que la question de baisser globalement
20:43le prix des TGV poserait souci
20:44parce qu'il faudrait financer.
20:46Il faut réfléchir à une lisibilité,
20:48je pense que la FNOT en parlera très bien,
20:50plus qu'une baisse en niveau
20:51parce qu'on est, en effet,
20:52à 70 % de prise en charge par les collectifs.
20:54La FNOT, vous employez beaucoup
20:55le mot FNOT,
20:56Fédération nationale des usagers de transport.
20:58Dans cette maison,
20:59on a beaucoup défendu la TVA 5.5
21:01pour le train et notamment pour le TER
21:03parce que je considère
21:04que c'est un produit de première nécessité.
21:06On a réussi à le faire voter bien souvent.
21:08Malheureusement, nos collègues
21:09de l'Assemblée ou les gouvernements
21:11ne l'ont pas retenu.
21:14Ça, c'était après, bien sûr,
21:16le passage au ministère des Transports
21:18de Dominique Bussereau.
21:19Mais depuis, c'est vrai
21:20que les choses n'ont pas beaucoup avancé.
21:22C'est fort, produit de première nécessité.
21:24C'était à la fois sur l'aspect financier,
21:26bien sûr, pour donner de l'oxygène
21:28aux autorités organisatrices
21:29de transport dans le pays
21:31et passer une symbolique particulière,
21:33dire que le train est un produit
21:34de première nécessité,
21:35donc 5.5 au niveau de la TVA,
21:37ce qui était le taux précédemment.
21:39Ceci dit, il y a une chose très importante,
21:41c'est que les déplacements
21:44sont de forts émetteurs
21:46de gaz à effet de serre.
21:48La seule manière de réduire drastiquement cela,
21:52c'est le ferroviaire.
21:54Jusqu'à 500 km, 80 % des déplacements
21:57se font en voiture,
21:58dont la moitié en autosolisme,
22:00avec des personnes seules dans leur voiture.
22:02Donc le train, qui fait 15 % des déplacements
22:04et l'avion, qui fait 1 %,
22:06le train, il a une marge de progression
22:08devant lui qui est colossale.
22:09Mais pour ça, il faut de l'offre.
22:12Et sans offre, les gens n'iront pas au train.
22:14Et le deuxième critère,
22:15c'est qu'il faut de la facilité d'usage.
22:17C'est-à-dire que ce ne soient pas
22:19des usines à gaz tarifaires
22:20pour changer de billet,
22:21le donner à quelqu'un, etc.
22:23Et le prix vient en dernier.
22:25Mais tant qu'on n'aura pas d'offre,
22:26le problème sera là.
22:28La question est, est-ce qu'il y a
22:29une prise de conscience politique
22:30face à toutes les difficultés ?
22:32Pas, merci.
22:33Justement, on va se poser la question.
22:35Que fait-on au plus haut niveau de l'État
22:36sur cette question ?
22:37Je vous propose d'écouter,
22:38de réécouter ce qu'en dit
22:39l'adjoint au maire d'Argenton-sur-Creuse,
22:41justement, dans le Chine.
22:43Emmanuel Macron a annoncé tout récemment
22:45vouloir faire des RER dans les métropoles
22:49avec un grand coût et un grand renfort
22:51de milliards d'euros,
22:52en se disant ça, j'ai la bonne idée
22:53écologique de demain et de transport
22:55et de mobilité durable, propre et douce.
22:58Et nous, face à ça, on se dit, d'accord,
23:00mais avant, défendez ce maillage ferroviaire
23:02qu'il y a dans notre territoire français
23:04et n'oubliez pas les territoires ruraux
23:06et dont on sent vraiment un désintérêt total
23:09de la part du président de la République
23:10et du gouvernement.
23:11Et pour rappel, ça représente quand même
23:1330% de la population française,
23:15les personnes qui vivent
23:16dans les territoires ruraux.
23:18Là encore, des gens qui se sentent
23:20mis de côté et pas du tout
23:21dans les priorités, en tout cas,
23:23d'Emmanuel Macron.
23:24Patricia Perrin.
23:25Ce qui est paradoxal,
23:26on le voit dans votre reportage,
23:27c'est qu'on voit tous les présidents
23:28qui en font...
23:29Oui, ils font tous une priorité.
23:30Tout à fait.
23:31Mais il est exact qu'il y a eu
23:32beaucoup d'annonces,
23:33que ce soit pour les RER métropolitains,
23:35les CERM,
23:36ou même pour le financement
23:37de l'infrastructure
23:38du réseau ferroviaire
23:39qui se dégrade.
23:40Et si on regarde concrètement
23:41et factuellement,
23:42les annonces,
23:43il n'y a pas pour l'instant
23:44de financement derrière
23:45et donc l'absence de gouvernement
23:46a plutôt retardé les annonces,
23:48s'il y en a, quoi.
23:49C'est-à-dire,
23:50la situation politique instable
23:51qu'on vit aujourd'hui,
23:52vous voulez dire ?
23:53C'est ça, exactement.
23:54C'est retard de tout ça ?
23:55Notamment pour les RER métropolitains,
23:56il devait avoir une réunion
23:57pour comment on peut financer
23:58ces projets-là,
23:59qui devaient avoir lieu
24:00au début de l'été, en juin.
24:01C'est un préalable
24:02que j'avais souhaité
24:03puisque j'étais rapporteur de la loi
24:05dans cette maison du Sénat.
24:07C'était de dire,
24:08sur le principe, bien sûr,
24:10et c'est quelque chose
24:11qui paraît pertinent,
24:12notamment si ça augmente l'offre,
24:14et de penser aux territoires
24:15qui ne sont pas directement concernés
24:17avec des politiques
24:18de rabattement intelligente et autres.
24:20Donc c'est un projet
24:21que globalement,
24:22on a soutenu.
24:23On a essayé d'améliorer
24:24par rapport à la question financière,
24:26de dire soit,
24:27c'est pour se faire un coup de pub
24:29et on ne vous accompagne pas là-dessus,
24:32soit on dit clairement
24:34comment on va financer ça demain.
24:36Et nous avions fait voter
24:37et demandé une conférence de financement
24:39qui devait se tenir au mois de juin
24:41et qui, allée de part
24:43les événements politiques
24:45et la dissolution,
24:46ne s'est pas tenue.
24:47Mais de toute manière,
24:48on sent que c'est compliqué
24:49par rapport à une volonté qui existe,
24:51mais des financements à trouver
24:53et puis des choix politiques.
24:54On parlait tout à l'heure
24:55des régions.
24:58Le budget transport
24:59est le premier budget des régions
25:02et notamment le train à travers le TER.
25:05C'est le premier budget quasiment également
25:08des métropoles avec le tram
25:11ou les bus à haut niveau de service.
25:13On s'aperçoit qu'au niveau de l'État,
25:15on est très en retard.
25:17On a pourtant l'habitude
25:20de taxer beaucoup
25:21les transports dans ce pays.
25:22Ça a été calculé
25:23à hauteur de 55 milliards.
25:26Qu'est-ce qui revient ensuite
25:27dans les caisses du transport,
25:29du monde du transport ?
25:31À peu près 20 % de cette somme.
25:33Donc, il y a un décalage.
25:34Ce qu'on demande depuis des années,
25:36et je sais que Dominique Bussereau
25:37s'était battu pour ça aussi,
25:38c'est d'avoir un fléchage
25:40sur ces dépenses
25:42et de pouvoir avoir
25:43des lois de programmation
25:44qui font que,
25:45quels que soient les aléas politiques,
25:47on puisse continuer
25:48à investir massivement
25:50et ne pas avoir cette politique
25:51de stop and go.
25:53Et puis, ces promesses n'ont tenu.
25:54Les 100 milliards du plan Borne,
25:56on l'a tous entendu,
25:58on était tous autour de la table.
26:00Quand on voit aujourd'hui
26:01la situation,
26:02on se dit qu'il y a
26:03une légère amélioration,
26:04mais qu'on est encore
26:05très loin du compte.
26:06La continuité politique
26:07est indispensable,
26:08notamment en matière
26:09de politique ferroviaire ?
26:10La période actuelle
26:11ne facilite pas les choses.
26:12C'est vrai que sur les réseaux
26:13express régionaux,
26:14il y avait une volonté politique,
26:15une volonté de suivre.
26:16Les autorités organisatrices,
26:17on perd quatre mois
26:18en ce moment,
26:19on est en train
26:20de continuer de les perdre.
26:21Les grands travaux
26:22d'infrastructures
26:23ou leurs préparations
26:24comme la ligne LGV
26:25entre Bordeaux et Toulouse,
26:26tout ça, ça se poursuit.
26:28L'erreur fondamentale,
26:30elle date d'il y a dix ans.
26:32C'est quand on a renoncé
26:33à l'éco-tax.
26:34L'éco-tax, aujourd'hui,
26:36ça serait 5 milliards.
26:385 milliards,
26:39ou peut-être un peu plus
26:40si on avait augmenté
26:41légèrement les taux.
26:42L'éco-tax dont on parle
26:43beaucoup dans le film.
26:44Le reportage
26:45avec les Bonheurs Rouges.
26:46En faveur des transports publics.
26:47Il y a eu de la démagogie
26:48à l'époque.
26:49Le recul de Ségolène Royal ?
26:50Le recul de Ségolène Royal,
26:51le recul du gouvernement.
26:52Moi, j'avais négocié
26:53avec les transporteurs routiers.
26:54J'ai dit, on vous autorise
26:55les 35 tonnes
26:56à condition que vous ne démolissiez
26:57pas les routes
26:58et vous acceptez l'éco-tax.
27:00Ils ont pris les 35 tonnes,
27:01ils n'ont pas accepté l'éco-tax.
27:02On avait regardé
27:03que Jean-Louis Borloo
27:04et Nathalie Cossu
27:05se commorisaient
27:06sur une boîte de choux-fleurs
27:07qui arrivait de Bretagne
27:09à Rungis.
27:10Ça rajoutait 5 centimes
27:11à l'époque.
27:12On avait pris un taux de taxation
27:13beaucoup plus bas
27:14que les Allemands
27:15qui l'ont créé
27:16il y a quelques années
27:17ou que les Belges
27:18ou les Autrichiens
27:19ou les Slovaques, etc.
27:21Et aujourd'hui,
27:22on aurait à la fois
27:23quelque chose
27:24en faveur du report modal
27:25et on aurait un financement.
27:26Et moi, je trouve
27:27que dans cette période actuelle,
27:28on va vers des accords politiques
27:30peut-être un peu différents
27:31du passé.
27:32On peut remettre
27:33ça sur le marché
27:34parce que ça serait
27:35la seule solution
27:36sinon on va toujours bricoler.
27:37On va demander plus...
27:38Avec quelle réaction,
27:39l'opinion et quelle réaction ?
27:40On va commander plus
27:41aux contribuables régionales.
27:42On va demander...
27:43On va être obligés
27:44d'augmenter les tarifs
27:45des TGV, etc.
27:46On va continuer de bricoler
27:47et les 100 milliards
27:48promis par Elisabeth Borne
27:49auxquels faisait allusion Philippe,
27:50malheureusement,
27:51on ne les verra pas
27:52et pourtant,
27:53c'était une très belle
27:54décision politique.
27:55François Delétrasse ?
27:56La problématique,
27:57c'est que Bercy,
27:58ce que je vous disais tout à l'heure,
28:00est très content
28:01que le passager paye très cher.
28:03Ça l'arrange,
28:04soyons clairs.
28:05Oui, alors peut-être
28:06à court terme,
28:07mais on voit qu'à moyen terme
28:08et à long terme,
28:09ça crée tellement de colère
28:10et de sentiments d'abandon
28:11que finalement,
28:12le vote se retourne contre eux.
28:13Oui, non,
28:14ils économisent
28:15autant d'argent
28:16qu'il n'y a pas
28:17dans le réseau ferroviaire
28:18et qui est payé par le passager.
28:19Est-ce le bon calcul politique ?
28:20Non, ce n'est pas
28:21un bon calcul politique,
28:22mais surtout,
28:23ce n'est pas un bon calcul
28:24politique écologique.
28:25La problématique,
28:26on ne peut pas sauter
28:27comme des cabris
28:28en disant,
28:29Jean, prenez le train,
28:30prenez le train
28:31et puis d'un autre côté,
28:32rien faire pour le train.
28:33Il faut savoir ce qu'on veut.
28:34Et puis,
28:35la deuxième problématique,
28:36c'est que la société nationale
28:37n'aime pas
28:38ce qu'on appelle
28:39le cabotage.
28:40C'est-à-dire ?
28:41Le cabotage,
28:42c'est un train
28:43qui s'arrête en route
28:44et vous avez des gens
28:45qui montent et qui descendent.
28:46Elle,
28:47elle préfère avoir des gens
28:48qui font Paris-Bordeaux
28:49d'un coup,
28:50Paris-Marseille d'un coup,
28:51etc.
28:52Et ça,
28:53les territoires,
28:54ils en pâtissent
28:55de cette politique-là,
28:56très avion
28:57du TGV d'aujourd'hui.
28:58C'est d'ailleurs
28:59le lien un peu
29:00de notre démographie
29:01parce que quand vous prenez
29:02le TGV en Allemagne
29:03qui s'appelle l'ICE,
29:04vous arrêtez
29:05tous les 40 kilomètres
29:06parce que la démographie allemande
29:07étant beaucoup plus urbaine
29:08que la nôtre,
29:09vous passez d'une ville
29:10de 200 000 habitants
29:11à 40 kilomètres plus loin
29:12d'une autre ville
29:13de 200 000 habitants.
29:14Des fois,
29:15même 15 kilomètres.
29:16Dans la roue,
29:17vous vous arrêtez
29:18tous les 20 kilomètres.
29:19D'où le sentiment
29:20qu'on a vu
29:21de révolte des personnes.
29:22Quand on voit pas le train,
29:23c'est une chose
29:24mais quand on le voit passer
29:25et qu'il ne s'arrête pas,
29:26c'est encore pire.
29:27En préparant cette émission,
29:28je me suis rendu compte
29:29que finalement,
29:30les régions
29:31essayaient un peu
29:32de se débrouiller
29:33sans l'État,
29:34sans la SNCF
29:35et faisaient appel
29:36à des acteurs privés.
29:37Dans les Hauts-de-France,
29:38les ferroviaires régionales
29:39vont être ouvertes
29:40par des opérateurs privés.
29:41Un exemple,
29:42la petite ligne Nancy
29:43contre Aix-et-Ville
29:44via Mircourt et Vittel,
29:45qui était fermée
29:46depuis huit ans,
29:47elle va rouvrir
29:48et sera exploitée
29:49par un concurrent de la SNCF,
29:50donc Transdev.
29:51C'est vraiment
29:52quelque chose de courant.
29:53On a l'impression
29:54que dans le ferroviaire,
29:55il y a de la concurrence,
29:56c'est atroce,
29:57alors que dans les régions,
29:58le transport scolaire,
29:59tous les jours,
30:00il est fait par des opérateurs privés
30:01sans que personne dire
30:02que c'est l'atroce concurrence.
30:03Il faudrait que ce soit
30:04un fonctionnaire
30:06Dans d'autres pays,
30:07ça a pu aider,
30:08notamment en Suède
30:09et en Allemagne,
30:10ça a pu permettre,
30:11on a constaté,
30:1220-30 % de baisse des coûts
30:13pour la collectivité
30:14et la collectivité,
30:15cet argent-là,
30:16elle ne le met pas sous un matelas,
30:17elle réinvestit
30:18pour acheter plus de trains.
30:19Je parlais de la région
30:20de Provence-Alpes-Côte d'Azur,
30:21Marseille-Nice,
30:22vous avez parlé de Transdev,
30:23mais ce que vous avez oublié
30:24de dire,
30:25c'est que ce qui doit être prévu
30:26à partir de l'année prochaine,
30:27c'est deux fois plus de trains
30:28pour le même prix,
30:29donc est-ce que les usagers
30:30ou les clients...
30:31Oui, mais malgré tout,
30:32ce n'est quand même
30:33pas la même chose.
30:34Avec une offre qui double
30:35pour le même prix
30:36pour le contribuable
30:37et avec un matériel neuf
30:38et un centre de maintenance.
30:39Alors attendez,
30:40qu'on y voit clair,
30:41oui ou non au fait
30:42d'en appeler
30:43à des acteurs privés
30:44ou finalement...
30:45Après, SNCF,
30:46vous avez parlé de la Haute-France
30:47ou de Pays de la Noire,
30:48SNCF sortir très bien
30:49et gagne également
30:50beaucoup d'appels d'offres
30:51et si vous allez en Allemagne,
30:52aujourd'hui la Deutsche Bank
30:53qui est dans la même situation
30:54mais depuis 20 ans,
30:55elle fait plus de trains aujourd'hui
30:56que quand on a ouvert
30:57à la concurrence
30:59qu'elle s'y retrouve.
31:00Donc voilà, moi je pense
31:01qu'il faut dédramatiser.
31:02Il y a des pays qui arrivent
31:03à faire 100,
31:04la Suisse,
31:05il y a des pays auxquels
31:06ça a aidé.
31:07Est-ce que nous,
31:08on peut y arriver
31:09sans concurrence ?
31:10Quand je vois l'exemple
31:11de Provençal-Côte d'Azur,
31:12je me dis qu'il y a
31:13peut-être des bonnes idées
31:14et si ça permet
31:15de rouvrir des lignes
31:16comme en Grand Est,
31:17je veux dire,
31:18qui va se plaindre
31:19qu'on rouvre des lignes
31:20aujourd'hui ?
31:21Oui, et de calmer la colère
31:22et le sentiment d'abandon.
31:23Pour le passager,
31:25il s'en fout.
31:26Pour le passager,
31:27c'est totalement transparent.
31:28C'est comme dans nos villes,
31:29nos agglomérations.
31:30Vous avez des réseaux
31:31gérés en régie
31:32par Marseille,
31:33gérés par Keolis
31:34qui est lié à la SNCF,
31:35par Transdev,
31:36nous nous avons déjà parlé,
31:37par les RATP maintenant
31:38qui gagnent des marchés
31:39dans les villes moyennes
31:40françaises, etc.,
31:41par des opérateurs étrangers
31:42et puis vous avez la France
31:43avec ses opérateurs
31:44qui exploite des lignes
31:45en Australie,
31:46en Chine,
31:47aux Etats-Unis.
31:48La SNCF,
31:49qui est un des premiers
31:50transporteurs,
31:51qui a été un des premiers
31:52transporteurs en Allemagne
31:53ou Transdev,
31:54donc c'est un marché mondial
31:55parce qu'à chaque fois,
31:56comme le dit François,
31:57c'est des offres,
31:58c'est une offre,
31:59on essaie de prendre
32:00le moins dix ans
32:01et le mieux dix ans
32:02et j'espère que c'est
32:03le passager à la fin
32:04qui gagne.
32:05Alors une dernière question,
32:06pour conclure,
32:07à vous tous,
32:08faut-il investir massivement
32:09dans la politique ferroviaire
32:10française aujourd'hui ?
32:11Moi j'y crois,
32:12j'y crois parce que
32:13je pense qu'on en a parlé,
32:15il y a cette appétence
32:16pour le train,
32:17on voit qu'on retrouve,
32:18ça a été très bien dit,
32:19des chiffres conséquents
32:22et importants après cette période
32:23du Covid,
32:24qu'il y a cette nostalgie
32:27du train,
32:28mais également cette prise
32:30de conscience écologique
32:31qui a été rappelée,
32:32qui fait que le train
32:34est le mode de transport
32:36le plus décarboné.
32:37Vous le prenez, vous,
32:38le train, pour venir ?
32:39Oui, alors pas à chaque fois
32:42que je viens de Nice,
32:43puisque je suis une des victimes
32:45de la grande vitesse
32:46qui, à l'époque,
32:47s'est arrêtée à Marseille
32:48et n'a pas continué jusqu'à Nice.
32:52Alors ce n'est pas
32:53de la responsabilité
32:54à l'époque de la SNCF,
32:55mais des politiques
32:56qui n'ont pas su se mettre d'accord
32:57sur le tracé.
32:58Donc on a une part
32:59de responsabilité
33:00de temps en temps
33:01et en l'espèce,
33:02c'est le cas.
33:03Par contre,
33:04je me suis très longtemps occupé
33:06des TER en région
33:07provençale Côte d'Azur
33:08et je sais qu'il y a
33:09un gros potentiel,
33:10qu'on attend beaucoup
33:11de l'ouverture à la concurrence,
33:12des travaux qui doivent
33:13se faire également
33:14d'infrastructures
33:15sur la ligne ouverte
33:16et que le train,
33:17bien coordonné
33:18avec d'autres modes de transport
33:20et non en concurrence
33:21mais en complémentarité,
33:22a de l'avenir
33:23dans notre pays.
33:24Intelligemment.
33:25Patricia Perrine ?
33:26Moi, je pense aussi
33:27qu'il faut investir dans le train.
33:28Je suis une énorme utilisatrice du train,
33:29TER, Intercity, TGV, train de nuit,
33:30voilà, je fais tous les types de trains,
33:32mais par contre,
33:33il ne faut pas mettre
33:34l'argent n'importe où.
33:35Première chose,
33:36et ça a été dit dans l'offre,
33:37il faut qu'il y ait plus de trains.
33:38Moi, j'habite à Bourges,
33:39il y a 4-5 trains par jour.
33:40En Allemagne,
33:41il y aurait un train par heure.
33:42Il faut plus de trains,
33:43des trains plus fréquents
33:45des lignes classiques,
33:46le Paris-Limoge,
33:47le Paris-Clairmont,
33:48mais vraiment les priorités.
33:49Plus de trains
33:50et de l'argent pour l'infrastructure classique
33:51et pas disperser dans d'autres programmes.
33:54François Delétraze ?
33:55Alors, la question faut-il,
33:57je ne suis pas sûr,
33:58c'est une obligation.
34:01Il n'y a pas d'autre solution
34:03que d'investir dans le train
34:04si on veut décarboner.
34:05Mais après ça,
34:06les politiques font ce qu'ils veulent.
34:07Ou ils veulent décarboner
34:08ou ils ne veulent pas.
34:09S'ils ne veulent pas décarboner,
34:10on reste comme ça.
34:11S'ils veulent décarboner,
34:12il n'y a pas d'autre solution
34:13que de prendre le train.
34:14Dominique Bussereau,
34:15pour conclure ce débat.
34:16On a beaucoup parlé des passagers
34:18parce qu'on a parlé
34:19de nos territoires,
34:20de nos villes.
34:21Pensez aussi aux frettes.
34:22Le fret actuel ferroviaire,
34:25il est faible en France
34:27et même dans des pays
34:28où il était fort
34:29comme l'Allemagne ou la Suisse,
34:30il est en train de diminuer.
34:31Donc c'est un problème
34:32au moment où sort le rapport Draghi
34:33d'investissement de tous les Européens
34:35sur aussi les infrastructures frettes
34:37avec de grands tunnels
34:38comme ont fait les Suisses,
34:39les Autrichiens
34:40pour passer les Alpes.
34:41On voit bien que nos Pyrénées,
34:42là, redeviennent depuis quelques jours
34:44une barrière.
34:45Donc il y a vraiment
34:46des investissements à faire.
34:47Moi, je garde juste une phrase en mémoire,
34:49celle de Louis Armand
34:50qui était un grand patron
34:51du ferroviaire en France,
34:52un grand économiste,
34:53un grand monsieur
34:54qui avait dit
34:55si le train passe le XXe siècle,
34:57il sera le mode d'avenir du XXIe siècle.
35:00Eh bien, nous y sommes.
35:01Nous y sommes.
35:02Et on s'arrêtera
35:03sur cette très jolie phrase.
35:04Merci.
35:05Merci à tous les quatre
35:06d'avoir participé à ce débat
35:07sur ce plateau.
35:08Merci à vous de l'avoir suivi
35:09comme chaque semaine.
35:10Documentaires et débats
35:11vous pouvez les trouver
35:12évidemment sur notre plateforme
35:13publicsena.fr
35:14À très vite sur Public Sénat.
35:15Merci.

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