Vous serez difficilement passé à côté de cette histoire. Gisèle Pélicot a été droguée pendant près de dix ans, de 2011 à 2020, par son mari qui la livrait ensuite à des dizaines d’autres hommes qu’il appâtait sur internet. La police a compté 92 viols, perpétrés par 72 hommes dont plus de vingt n’ont jamais été retrouvés. Et c’est sans compter les viols perpétrés par Dominique Pélicot lui-même, lorsqu’elle était inconsciente. La victime a voulu que ce procès soit public. Pour que son récit puisse éviter d’autres calvaires et pour que la honte change de camp. Sarah Sepulchre, Docteure en sciences sociales et Professeure à l’UCLouvain, nous explique pourquoi ce procès est important, et pourquoi c’est le procès d’une société.
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00:00Vous n'aurez pas pu passer à côté de cette histoire.
00:02Gisèle Pellicot a été droguée de 2011 à 2020 par son mari
00:06qui l'a livrée ensuite à des dizaines d'autres hommes qu'il appâtait sur internet.
00:10La police a compté 9 ans de viols perpétrés par 72 hommes
00:14dont plus de 20 n'ont jamais été retrouvés.
00:16Et c'est sans compter les viols commis par Dominique Pellicot lui-même
00:19lorsque la victime était inconsciente.
00:21Gisèle Pellicot a voulu que ce procès soit public
00:24pour éviter d'autres calvaires et pour que la honte change de camp.
00:27Sarah Sepulchre, docteure en sciences sociales et professeur à l'UCLouvain
00:31nous explique pourquoi ce procès est important
00:33et pourquoi c'est le procès d'une société.
00:36Gisèle Pellicot, en fait, elle est devenue probablement bien
00:39malgré elle un visage très important à une personne très importante.
00:42Elle a posé des actions extrêmement courageuses.
00:45On est dans un monde où le viol est encore considéré comme une honte
00:48et comme une honte sur la personne qui s'est faite violer
00:51et pas sur l'agresseur.
00:53En acceptant de parler face aux médias,
00:55de parler à visage découvert,
00:57avec son identité,
00:59en acceptant la publicité des débats,
01:01elle pose des actes qui sont importants.
01:03Et pourquoi c'est important ?
01:04Parce que justement, il faut qu'on puisse parler de ces éléments-là.
01:08Il faut qu'on puisse les mettre en lumière,
01:09qu'on puisse les débattre publiquement.
01:11Ce débat public, il a lieu parce qu'elle a accepté très courageusement
01:16d'être la porte-parole de ce débat dans l'espace public.
01:19Et on a besoin de cas très précis.
01:21C'est-à-dire que si on en parle de manière vague,
01:24on reste dans le vague ici.
01:26On est face à un cas particulier duquel on peut parler.
01:29C'est aussi un cas qui est très important et intéressant
01:31parce que ce n'est pas Harvey Weinstein.
01:33Ce ne sont pas des grands prédateurs, etc.,
01:36dont on peut se dire,
01:36oui, en fait, ce sont les gens d'Hollywood qui font ça.
01:39Là, ce sont des gens comme vous et moi.
01:41Ça pourrait être notre papa.
01:43Ça pourrait être notre voisin.
01:45Ça pourrait être notre frère.
01:46Ça pourrait être notre collègue de bureau.
01:48Ce sont des choses qui se passent dans les maisons,
01:50dans le banal, ordinaire et quotidien.
01:54On voit bien aussi que ce qui se trame derrière ce procès,
01:56c'est un homme qui considère que sa femme lui appartient.
02:00Et c'est très important de le répéter aujourd'hui
02:03que le fait de passer l'anneau au doigt de quelqu'un
02:06n'en fait pas notre propriété.
02:07Il y a quand même eu pendant de longues décennies
02:10cette impression que, effectivement,
02:11le mariage était un acte de possession d'une certaine manière.
02:15Donc, rediscuter de ces liens matrimoniaux,
02:18de ces liens conjugaux et de couple,
02:20rediscuter du consentement au sein du couple,
02:23ce sont des choses qui sont importantes.
02:25Le consentement, il n'est pas négociable.
02:27Le consentement, c'est chaque personne, à chaque situation,
02:30doit donner son consentement
02:31et peut le retirer à n'importe quel moment.
02:33Ces hommes, par définition, n'ont pas reçu le consentement
02:36de la part de Gisèle Pellicot.
02:38Ce procès, il est aussi intéressant
02:40parce qu'on parle beaucoup pour le moment des violences sexistes,
02:43des violences faites aux femmes.
02:44On a parfois l'impression que c'est des choses
02:46qui sont déconnectées les unes des autres
02:49et qu'on a d'un côté des procès ou des féminicides
02:53et que ce n'est pas lié au harcèlement en ligne
02:56et que ce n'est pas lié au fait d'être sifflé en rue
02:58et que ce n'est pas lié au problème qu'on peut avoir dans nos couples, par exemple.
03:02Ici, on a un problème de consentement,
03:04un problème de viol au sein du couple.
03:06En fait, ce procès, il est aussi important
03:07parce qu'il montre qu'il y a une continuité dans tout ça.
03:10L'air de rien, c'est un procès qui pose des questions
03:12qui sont très complexes.
03:13Et de nouveau, il me semble vraiment important
03:16qu'on puisse en débattre en société
03:18parce qu'aujourd'hui, on voit bien qu'il faut qu'on redéfinisse
03:22les éléments dont on parle.
03:23Il faut qu'on redéfinisse ce que c'est qu'un couple sain.
03:25Il faut qu'on redéfinisse et qu'on rappelle
03:27ce que c'est que le consentement.
03:29Il faut qu'on rappelle ce que c'est que la gestion du corps,
03:32de son propre corps et du corps d'autrui.
03:34On discute beaucoup des lois et des législations
03:36pro ou contre avortement,
03:39pro ou contre procréation pour autrui.
03:41Tout ça, c'est lié.
03:42En fait, tout ça, c'est lié.
03:43Donc, ce procès, il est essentiel pour ça.