• il y a 2 mois
Le procès des 51 hommes jugés pour avoir violée une femme, droguée par son mari, ne devrait pas se tenir à huis clos. Malgré l'atrocité des faits qu'elle a subis, Gisèle la victime, une septuagénaire, ne veut pas que "la honte change de camp".

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Transcription
00:00C'est aujourd'hui que s'ouvre à Avignon le procès de Dominique Pellicot qui est jugé devant les assises du Vaucluse pour avoir drogué sa femme et l'avoir ensuite livré à des violeurs recrutés sur internet.
00:08On vous en a parlé dans le journal, 51 hommes sont donc jugés avec lui. Merci d'être avec nous ce matin Leila Chawashi, bonjour.
00:15Bonjour.
00:15Vous êtes pharmacienne au Centre d'Addicto-Vigilance de Paris et vous êtes également experte nationale dans l'enquête soumission chimique menée par l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament.
00:26On a découvert à l'occasion de cette affaire cette notion de soumission chimique. Vous voulez bien nous dire ce qu'est exactement, juridiquement, médicalement, la soumission chimique ?
00:36Alors la soumission chimique c'est le fait de droguer une personne à son insu ou sous la menace, c'est-à-dire sans son consentement, pour commettre un crime ou un délit.
00:45C'est ça la définition, donc c'est droguer pour voler, pour violer, pour enlever, pour séquestrer, pour racketter, mais dans l'idée c'est toujours d'administrer la substance sans l'accord de la personne, soit par la force, soit par la ruse.
00:58Dans quelles circonstances en général l'administration de ces drogues a lieu ?
01:03Alors souvent on entend parler de l'espace festif, alors l'espace festif effectivement est très présent, mais ce qu'on retrouve essentiellement dans nos données ce sont les sphères privées.
01:13Et effectivement la violence intrafamiliale est très présente, aussi bien dans les cadres de violences conjugales que dans le cadre de violences vis-à-vis des enfants, et notamment des faits d'inceste et de maltraitance chimique.
01:22On appelle ça les enfants battus chimiquement.
01:25Ah oui, parce que c'est vrai que pour le grand public on pense tout de suite au GHB mis dans un verre en discothèque.
01:30Quelles sont les substances d'ailleurs administrées aux victimes ?
01:34Alors comme vous dites on parle tout de suite du GHB, on parle du drogue du violeur, c'est dans les années 90 qu'on a entendu parler de ce terme.
01:41Mais effectivement nous tous les ans ce qu'on retrouve ce sont des médicaments et des médicaments sédatifs, donc qui vont endormir, fatiguer, baisser la garde, faciliter le passage à l'acte.
01:49Mais depuis quelques années, notamment depuis 2021, les drogues également gagnent du terrain et on retrouve également des substances qui soient stimulantes pour désinhiber, euphoriser, altérer le comportement,
01:59comme la MDMA par exemple, qui rentre dans la composition des comprimés d'ecstasie, ou des dissociatifs, des hallucinogènes qui vont faire perdre la connexion avec la réalité.
02:08Dans tous les cas le but c'est de ne pas pouvoir se défendre.
02:10On a l'impression qu'avant l'affaire de Mazan, on a sous-estimé ce fléau, non ?
02:15Alors on ne l'a pas vraiment sous-estimé dans la mesure où en France il existe…
02:18On sait l'évaluer ?
02:19Alors non, c'est compliqué de l'évaluer, mais en revanche on n'a pas sous-estimé le fait qu'il s'agisse d'une question de santé publique majeure,
02:26puisqu'en France c'est un pays précurseur, tout de même la France, c'est important de le dire dans ce domaine,
02:30puisque ça fait 20 ans qu'il existe une enquête pharmaco-épidémiologique sur ce sujet mise en place par l'agence.
02:35En revanche, il est extrêmement compliqué de le quantifier, et pourquoi ?
02:39Parce qu'aujourd'hui l'accès aux analyses toxicologiques est conditionné par le dépôt de plainte.
02:43Vous le savez, moins de 10% des victimes déposent plainte.
02:46En plus, pour les violences sexuelles, vous avez tous les phénomènes d'emprise, etc.
02:51L'altération de la mémoire qui complexifie le recours au dépôt de plainte.
02:55Mais ce qui frappe dans l'affaire de Mazan, c'est que la victime a souffert pendant 10 ans de fatigue,
02:59de trous de mémoire, de douleurs gynécologiques inexpliquées.
03:03Elle a consulté des médecins qui n'ont rien trouvé.
03:05Est-ce qu'on n'est pas aussi dans un angle mort chez les soignants ?
03:08Tout à fait. C'est très important de comprendre qu'il y a un nécessaire besoin de formation massif
03:15des professionnels de santé sur l'usage criminel des drogues, mais de façon plus générale sur les violences.
03:20Puisque quand on parle de soumission chimique, on est en train de parler d'un mode opératoire dans les violences.
03:25Donc bien sûr, il y a ce besoin de formation.
03:27Ils auraient fallu qu'ils fassent quoi, en fait, les médecins et les analystes toxicologiques ?
03:31Parce qu'on se dit, oui, c'est un angle mort, mais pourquoi auraient-ils cherché ça, nous aussi ?
03:36Je me fais un truc à l'avocat du chèvre, mais voilà pourquoi auraient-ils cherché ça ?
03:41Pour savoir, il faut chercher. Et là, en l'occurrence, on ne cherche pas forcément.
03:43Alors, comme je vous l'ai dit, la difficulté, c'est que les analystes toxicologiques, pour la soumission chimique,
03:49c'est-à-dire une recherche large de l'ensemble des substances avec des techniques de compte,
03:52elle est conditionnée au dépôt de plainte.
03:54Elle ne pouvait pas porter plainte puisqu'elle ne savait pas qu'elle était victime de violences.
03:56Donc elle n'est pas forcément accessible à l'ensemble des professionnels.
03:58Dans l'espace hospitalier, c'est envisageable éventuellement,
04:02parce qu'il y a des experts qui peuvent répondre sur ces questions-là.
04:05Mais je veux dire, c'est extrêmement compliqué de le techniquer.
04:07Et tout l'objet de la mission gouvernementale qui était en train de se mettre en place,
04:10c'était de permettre cette facilité de poser ce « diagnostic », c'est-à-dire de repérer.
04:15Mais c'est important de dire que toutes les victimes ne s'ignorent pas.
04:18Donc c'est important de le dire.
04:20C'est une victime sur deux qui a des amnésies.
04:22Et quand elle a une amnésie, elle n'est pas toujours totale.
04:24Elle est partielle, avec des flashs, la plupart du temps.
04:26Sinon, aucune victime n'appellerait notre dispositif de téléconseil.
04:29Elles ont le doute.
04:30Ce qu'il faut leur dire, c'est « ayez confiance en vous, écoutez votre doute,
04:32prenez contact avec un dispositif de téléconseil pour vous orienter. »
04:36Et puis après, pour celles qui s'ignorent, effectivement,
04:38les professionnels ont un rôle majeur de repérage,
04:41puisque lorsqu'ils ont éliminé les autres situations possibles,
04:44ils doivent penser à la soumission chimique.
04:46– Voilà, tous ces signes, donc ils doivent aller.
04:47Merci d'être venu nous voir ce matin sur le plateau de première édition,
04:50au début du procès à Avignon, ce matin, à 9h.

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